Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Dans les diagonales du temps
10 mars 2020

25 novembre 1970, le jour où Mishima choisit son destin un film de Koji Wakamatsu

  

  

Mishima est le dernier film de l'infortuné Wakamatsu qui a eu la très mauvaise idée de se faire écraser par un taxi dans une rue de Tokyo avant la sortie de son film, triste et banale fin pour un homme à la vie bien aventureuse. Réalisateur, Marqué fortement à gauche son dernier opus, paradoxalement fait l'apologie (si on ne tient pas compte des cinq minutes finales) de l'action politique durant les dernières années de la vie de Mishima qui a eu pour épilogue son suicide retentissant. Ce film clot une trilogie dans laquelle le cinéaste a autopsié les démons politiques du Japon: Le Soldat-Dieu(2010) et United Red Army(2007), réflexion et retour sur le militarisme nippon pour le premier titre et les dérives sanglantes de l'extrême gauche radicale dans les années 1970 pour le second.

Mishima le 25 novembre 1970, accompagné de quatre hommes de sa milice privée (le Tatenokaï) a pris en otage un général pour contraire les responsables militaires à rassembler leurs hommes pour qu'ils écoutent le discours de l'écrivain. Celui-ci espérait qu'ils se révolteraient, en l'entendant, pour rétablir l'honneur du Japon en s'opposant à la fois aux communistes et aux américains, vus toujours comme des occupants. Devant son échec, il se fait seppuku (suicide par éventrement à l'arme blanche). Le coup de grâce, décapitation au sabre, lui sera porté par un de ses disciples, membre du groupuscule para-militaire que Mishima avait créé. Cet acte hautement médiatique eut à la fois un retentissement international et un effet nul sur la politique du Japon.

Pour m'en débarrasser je vais traiter d'emblée l'aspect purement cinématographique du film (celui-ci me paraissant moins intéressant que les symptômes présent dans la société japonaise qu'il révèle (mais aussi plus généralement de l'air du temps). Le film est hiératique brossant la vie de Mishima uniquement d'un point de vue politique, en une suite de scènes très dialoguées, le plus souvent à l'intérieur du local de la milice privée ou chez l'écrivain qui habite une belle villa de style occidental. Cette construction fait penser à l'adaptation d'une pièce de théâtre, j'ai parfois eu l'impression d'être devant une version nipponne et modernisée des « Possédés » de Camus. Pourtant les quelques aérations de l'action sont assez réussies, belles vues du mont Fuji. L'interprétation est remarquable de justesse. Arata est parfait dans le rôle de l'écrivain.

Mais abandodons la forme pour en venir au fond: Wakamatsu voit dans le geste d'un jeune homme, Yamaguchi Otoya qui poignarda à mort en 1960 le leader des socialistes japonais, Oyuki Dantai (le meurtrier se suicidera en prison), le point de départ de l'action politique de Mishima. Néanmoins, le véritable modèle de l'écrivain de son semblant de coup d'état est l'assassinat en 1936 du premier ministre japonais par quelques jeunes officiers bellicistes. Indirectement leur acte conduira à un renforcement de la militarisation du pays. Plus polémique, le réalisateur fait le parallèle entre les actions de l'extrême droite et celles de l'extrême gauche qui pareillement s'auto-détruisirent dans le sang au début des années 70.

  

 

Comme les militants d’extrême gauche, Mishima voulait transformer le Japon pour le sauver. Mais, avec le recul, chacun peut constater que les bases de la société japonaise n’ont pas fondamentalement changé depuis Mishima.

Le cinéaste évacue tout psychologisme pour expliquer l'acte de Mishima. Ne sont pas prise en compte des explications, qui si elles ne sont pas évidentes, sont néanmoins plausibles et ont pu entrer dans le processus de décision de l'écrivain, comme l'homosexualité, (les relations entre Mishima et son disciple préféré, Masakatsu Morita, qui dédia sa vie, et sa mort, à Mishima, et qui lui donnera le coup de grâce, sont montrées comme celles qu'entretenaient les personnages interprétés par James Dean et Sal Mineo dans « La fureur de vivre ») ou l'hypothèse d'un geste purement artistique ou enfin celle de la stérilité littéraire frappant le romancier dont l'engagement politique aurait été alors une sorte de palliatif à son impuissance littéraire. Je vois alors un parallèle à établir entre Mishima et Drieu la Rochelle par exemple... On peut aussi penser que le fait que pressenti pour le Prix Nobel, les jurés de Stockholm lui aient préféré Kawabata qui devient ainsi en 1968, le premier japonais a obtenir le Prix Nobel de littérature, a pu influer sur son jusqu'au boutisme politique. Je ne suis pas loin de penser que le « petit chose » de « Confession d'un masque » ait voulu devenir un samouraï, d'où son culte du corps et en particulier de son corps, et mourir comme tel.

Le malaise devant ce film nait de l'empathie que semble avoir le cinéaste pour la posture de Mishima et de son groupuscule, sans prendre partie sur le bien fondé de son action, alors qu'elle paraît pour le spectateur relever d'une méconnaissance totale de la politique et de la chose militaire, d'une faiblesse idéologique criante, Mishima ne s'appuie sur aucun corpus philosophique, il prône l'action avant la réflexion, ce qui est tout de même curieux pour un intellectuel. Car sur l'écran on ne voit qu'une secte totalement coupée de leur environnement et du contexte historique. Ce dernier nous est rappelé par des bandes d'actualités de l'époque, malheureusement d'une piètre qualité technique, (artifice probablement utilisé par Wakamatsu pour pallier aux limites de son très petit budget) qui montrent les affrontements d'une extrême violence entre les gauchistes japonais et la police dans le quartier de Shibuya. La grève des étudiants à Tokyo a durée en 1969, cinq mois. Je crois que la plupart des français ont oublié la violence politique qui régna au Japon de la moitié des années 60 jusqu'au début de la décennie suivante. Ce film nous la remet en mémoire. Il y avait toute une tradition de violence dans la société japonaise moderne (ce n'est guère différent dans la société française ou américaine par exemple) des attentats anarchistes du début du XX ème siècle (à ce sujet on peut se plonger dans ce chef d'oeuvre du manga qu'est « Botchan » de Taniguchi) aux massacres des coréens pris comme boucs émissaires du tremblement de terre du Kanto de 1923 (sur ces évènements il faut lire le livre somme et terrifiant d'Akira Yoshimura, Le Grand Tremblement de terre du Kanto, éditions Acte sud.).

Une scène devrait nous interpeler et pour les férus d'Histoire rappeler un épisode de l'Histoire de France. On y voit Mishima devant une assemblée d'étudiants gauchistes leur disant que leur combat ne diffère pas du sien et qu'il est prêt à les rejoindre. Si l'union capote c'est qu'elle achoppe uniquement sur la divinité de l'empereur, qui est pour Mishima un des fondement de la culture japonaise ce que les gauchistes réfutent. Ce renoncement pour ce qui peut paraître un point de détail (mais essentiel pour Mishima) n'est pas différent de ce qui se passa en France en 1871, lorsque le prétendant au trône ne fut pas roi car il ne voulait pas abandonner le drapeau blanc! Ces mouvements violents de droite de gauche ou d'ailleurs (on peut penser aux sectes) n'ont pas réussi à entrainer la société nippone qui venait depuis peu de sortir de la misère de l'après guerre, elle était en pleine ascension économique, connaissait le plein emploi et avait surtout l'envie de consommer. Mais qu'en serait-il aujourd'hui si de telles alliances apparemment contre nature réussissaient dans une société en plein délitement; vous avez compris que je ne pense pas cette fois au Japon...

Ma surprise fut grande, quand cherchant à voir ce film, je me suis aperçu qu'il n'était diffusé à Paris, et je crois en France, que dans une seule petite salle. Il me semble pourtant que cette histoire peut intéresser un large public même si son traitement est un peu trop hiératique. Surtout que le Japon fascine de nombreux jeunes amenés à ce pays, entre autre par le biais des mangas (ce fut mon cas après avoir été conquis par son cinéma). Est-ce que le nom de Mishima ne dit plus rien? Est-ce Qu'on ne lit plus ses livres ou qu'on ne lit peut être plus de livres?

La dernière séquence se passe cinq ans après la mort de l'écrivain; dans un petit bar de Tokyo, sa femme, demande au garçon qui a achevé son mari, ce qu'il a laissé derrière lui lorsqu'il a abandonné le corps de Mishima. Le garçon se tait et ouvre les mains, les paumes tournées vers le ciel. Sur cette image défilent les titres des romans de Mishima...  

  

  

  

 

 

11.25 Le Jour Où Mishima A Choisi Son Destin - Bande-annonce (VOST-HD)

 

Publicité
Publicité
10 mars 2020

The wise kids, un film de Stephen Cone

The wise kids, un film de Stephen Cone
Les enfants sages, le film

 

Réalisation: Stephen Cone,

 

 
Avec: Tyler Ross, Stephen Cone, Molly Kuntz, Allison Torem, Stephen Cone 

 

Les enfants sages, 6

 

Résumé:

 

Etats-Unis. Au cœur d’une communauté baptiste, trois adolescents s’apprêtent à finir leurs années lycée et s’interrogent sur ce qui les attend une fois qu’ils quitteront le foyer familial. Brea (Molly Kuntz) la jolie jeune fille du pasteur local, traverse une période de doutes. Ayant baignée dans la religion toute sa vie, elle commence à se poser des questions, n’est plus certaine de croire en Dieu. Son meilleur ami, Tim (Tyler Ross), a lui aussi un problème de taille à gérer : bien qu’il se consacre pleinement aux activités de la paroisse, il se devine homosexuel. Lorsqu’il en parle à Brea et à leur amie commune, Laura (Allison Torem), il trouve du soutien chez la première et un mélange de compassion et d’horreur de la part de la seconde. Laura est sans doute la plus fragile des trois et la plus attachée aux textes sacrés. Alors que ses deux amis s’émancipent, changent, elle reste bloquée sur les valeurs qu’on lui a inculqué dès le plus jeune âge et ne compte absolument pas faire le moindre faux pas… Le temps de plusieurs mois, nous allons suivre ces trois ados ainsi que les adultes qui gravitent autour d’eux… et qui eux aussi sont loin d’être stables.

 

Les enfants sages, 2

 

The wise kids que l'on peut traduire par les enfants sages nous montre une Amérique qui n'est pas si souvent filmée et qui pourtant est peut être encore majoritaire. Celle des communauté provinciale où la religion est au centre du quotidien; où tous les événements sont prétexte à prier, le spectacle d’école de fin d’année fait référence à des textes sacrés… Sous le regard bienveillant de chacun, se cache un potentiel mal de vivre, une difficulté certaine à exister selon les exigences des valeurs transmises. Ainsi Brea, adolescente somme toute ordinaire, vit comme un drame le fait de douter de sa foi. Son père est prêtre, son voisinage l’adore : elle risque de les décevoir. Dans cette période de doute, elle se rapproche de plus en plus de Tim qui pour sa part lutte contre ses penchants homosexuels. Ils se sentent tous les deux différents, aspirent à vivre à New York pour s’ouvrir davantage au monde.

Sur une histoire classique et simple la mise en scène classique illustre proprement un scénario intelligent et plein de délicatesse. Le réalisateur Stephen Cone (qui interprète aussi l’un des rôles adultes, celui de Austin, professeur du lycée en pleine crise identitaire) déjoue habilement tous les clichés et livre une œuvre pleine de nuances et d’humanité. 

La religion a ici plusieurs visages. Elle est un cocon, une source d’espoir, de bonheur, qui permet de se sentir plus fort pour affronter les épreuves de la vie. Elle est le ciment de la communauté. Elle constitue aussi une éducation qui peut finir par entraver l’épanouissement personnel de certains, qui se retrouvent à se juger eux-mêmes trop durement. La vie est dure pour Tim, croyant pratiquant et homosexuel. Il va peu à peu ne plus refouler son homosexualité. Alors qu’il s’assume, et qu’il trouve un soutien très fort de la part de son père, il fait tout de même attention à ne pas trop s’épancher, à ne pas faire de scandale… et continue de pratiquer sa foi. Brea préfère aussi taire son désir de s’éloigner du chemin de Dieu. Si la morale est omniprésente, chacun s’accoutume des « écarts » de ses proches et préfère opter pour une tentative de compréhension que le rejet.

Si le cheminement des adolescents, qui grandissent et prennent leur distance tout en ne choquant jamais personne, a quelque chose de doux et de libérateur, les adultes semblent davantage prisonniers. C’est le cas d’Austin, professeur et pilier de la communauté, homosexuel refoulé qui se prend en pleine face le fait de s’être trompé dans ce qu’il voulait dans sa vie. Marié depuis des années à une adorable femme avec laquelle il ne fait plus du tout l’amour, il se retrouve bloqué. Leur relation est très touchante : on sent que ces deux-là s’aiment mais qu’ils ne peuvent « consommer » leur amour. Et même si la frustration les ronge jusqu’à un point insupportable, la tendresse reste là.

Comme presque toujours dans les films américains l'interprétation est convaincante. Tyler Ross est bien mignon. On peut le voir aussi dans Nate & Margaret (2013), et dans Zombieland (2013). 

Alors que The wise kids aurait pu être un film très antireligieux il montre une communauté plus ouverte qu'on aurait pu le penser. Le film me fait songer au "Loup et le chien, la fable de La Fontaine, faut il mieux être libre et avoir faim ou attaché, bien au chaud à la maison mangeant à sa faim? Ici le collier c'est la religion.

 

Les enfants sages, 3

 

 

Les enfants sages 7

 

 

Les enfants sages 1
 

 

Les enfants sages, 4

 

 

 

Les enfants sages 5

THE WISE KIDS Trailer

 

10 mars 2020

Arthur Grunenberg, Knieender, 1927

Arthur Grunenberg, Knieender, 1927
10 mars 2020

Le héros discret de Vargas Llosa

Le héros discret de Vargas Llosa

 

Vargas Llosa est un des très rares écrivains, à avoir le désir et les moyens de changer de genre et de style à chaque nouveau roman qu'il écrit. En cela je ne vois que Ian McEwan qui puisse lui être comparé.

Dans « Le héros discret » pas d'écriture au scalpel comme dans « Les chiots » ou de construction en suite de nouvelles comme pour « La vilaine fille » mais une double narration à l'écriture fluide et moelleuse (traduction d'Albert Bensoussan et d'Anne-Marie Casès). Vargas Llosa nous raconte deux histoires parallèles (à moins qu'elles soient en miroir?); on subodore qu'elles finiront bien par se rencontrer même si elles se passent à 900 km de distance. Il n'y a que dans les romans que les parallèles se rejoignent...

La première se déroule à Piura dans l'extrême nord du Pérou, près de la frontière avec l'Equateur. Elle a pour héros Felicito Yanaqué la cinquantaine passé patron d'une entreprise de transport qu'il a édifiée à la force du poignet. Son travail est sa raison de vivre. Il s'est marié très jeune pour régulariser une situation comme on dit. Au fil des ans sa femme est devenu une sorte de meuble pratique auquel il voue une tendresse distraite. Il n'a que des rapports cordiaux mais distants avec ses deux fils qui travaillent dans la firme paternel. La seule distraction de Felicito est sa jeune maitresse Mabel qu'il a installée dans une petite maison dans les faubourgs de la ville. Felicito était satisfait de sa vie jusqu'au jour où il reçoit une lettre de racket signée d'une petite araignée. Cette missive va changer sa vie. Se rappelant du conseil de son père sur son lit de mort: Ne jamais se faire marcher dessus, Felicito ne cèdera pas au chantage...

Dans la seconde nous sommes à Lima et nous suivons Rigoberto bras droit et ami d'Ismael patron d'une société d'assurance. Rigoberto a décidé de prendre sa retraite. Ce passionné d'art et de littérature considère qu'il est grand temps de se consacrer à sa vaste bibliothèque et de voyager en Europe avec sa seconde épouse. Avant son départ en retraite Ismael demande un grand service à son ami. Celui d'être le témoin de son mariage. Ce service que Rigoberto ne peut refuser, le stupéfie néanmoins, d'autant qu'Ismael passait à ses yeux pour un veuf inconsolable et qu'il lui apprend qu'il va se marier avec sa bonne qui a la moitié de son âge, et ceci essentiellement pour déshérité ses deux truands de fils. Mais voilà que ceux-ci rendent responsable de leur déchéance ce pauvre Rigoberto qui risque d'avoir bien des ennuis. Il n'avait vraiment pas besoin de cela car en plus son fils de 15 ans, Fonfon, lui explique qu'il converse régulièrement avec un certain Torres, un homme d'âge mûr, qui pourrait être le malin, ce dernier prenant l'apparence d'un suborneur de jeunes garçons...

Je ne vous en dirais pas plus pour ne pas vous priver du plaisir de la lecture de ce diabolique roman que l'on ne peut lâcher jusqu'à sa dernière page. Vargas Llosa est un maitre du suspense chaque fin de chapitre laisse le lecteur sur une interrogation comme dans les bons feuilletons. La construction du roman est à la fois classique, soignée et efficace. Les deux fils du récit se partagent équitablement et alternativement les pages de ce gros volume de près de 500 pages. Avec beaucoup d'adresse et de douceur l'auteur mélange les genres, thriller, roman philosophique, fable, fantastique, policier, critique sociale (c'est aussi un portrait corrosif de la société péruvienne contemporaine avec sa corruption, ses arrivistes, son racisme larvé...)... sans jamais perdre de vue son intrigue. Dans le roman se conjuguent les voix de plusieurs personnages. L'auteur n’hésite pas à jouer avec la chronologie du récit permettant, de manière très ingénieuse, au lecteur de voir plusieurs scènes à la fois.On oscille sans cesse entre mélodrame et vaudeville. Le tout est raconté souvent d'un ton goguenard, parfois distancié, celui d'un homme qui a beaucoup vu et qui ne se fait guère d'illusions sur ses semblables, sans pourtant pouvoir s'empêcher de les aimer. Ce qui fait que le lecteur, encore plus celui qui comme le romancier et ses deux héros discret, tombe immédiatement en sympathie avec Felicito et Rigoberto.

Le point commun entre les deux histoires, qui n'apparait qu'en filigrane, est la relation père-fils.

L'auteur s'est amusé à reprendre des personnages que l'on avait déjà croisés dans son oeuvre comme le capitaine Silva, bon vivant et amateur de croupes féminines ondulantes, et le sergent Lituma, tous deux déjà croisés dans Qui a tué Palomino Molero ? (1987). On avait déjà fait connaissance avec Rigoberto dans Cahiers de don Rigoberto (1998). Rigoberto, c'est un peu semblable au héros de « la vilaine fille », si celui-ci, à l'instar de l'auteur, n'avait pas choisi de quitter le Pérou. L'exil volontaire, le désir ou la crainte de partir, la perception de l'ailleurs, thèmes qui traversent toute l'oeuvre de Vargas Liosa, est à travers Rigoberto, très présents dans « Le héros discret ». 

Il y a bien d'autres personnages que ces deux héros discrets car si le titre vise Felicito, il me semble que Rigoberto en est un autre et que le pluriel du titre aurait été mieux adapté au livre. Le grand talent littéraire de Vargas Llossa à contrario de ses grands collègues littérateurs sud-américains, dont l'archétype est Gabriel Garcia Marquez, est de ne pas mettre au centre de ses romans des figures trop hautes en couleurs, mais de laisser celles-ci en périphérie, ici le couple de policier par exemple, d'en faire le paysage sur lequel se meuvent ses héros sans doute plus ternes que leurs truculents faire-valoir, mais tellement plus humains.

Tout en étant en rien autobiographique, Vargas Llossa a mis beaucoup de lui-même dans les personnages du « Héros discret », en particulier dans Rigoberto et Ismael. Comme ce dernier à près de quatre vingt ans, il vient d'épouser une jeunesse et a du, sans pour autant avoir de fils à déshériter, se poser les questions qui pèsent sur Ismael. En outre lui qui a quitté, jeune son pays, on peut penser que l'existence de Rigoberto est une vie possible qu'aurait menée Vargas Llossa s'il n'avait pas fait le choix de l'exil et puis nul doute qu'il aurait aimé être cet héros discret qu'est Felicito.

10 mars 2020

Faites une bonne action chaque jour

Faites une bonne action chaque jour
Publicité
Publicité
10 mars 2020

Rachmaninoff à la Philarmonie de Paris par Alexandre Tharaud et l'orchestre du Royal Liverpool Philarmonic Orchestra

Paris, novembre 2016

Un petit billet pour se souvenir de la soirée Rachmaninoff à la Philarmonie proposé par Alexandre Tharaud qui a produit une très belle interprétation du concerto n° 2 de Rachmaninoff*. La prestation d'Alexandre Tharaud a été justement ovationnée par toute la salle. Le pianiste n'est pas tombé dans le travers de trop d'interprètes de Rachmaninoff qui ont tendance à jouer trop vite les concertos. Il reste qu'à la place, où je me trouvais, presque tout en haut et en face de l'orchestre, ce dernier prenait trop de place par rapport au piano. Est-ce à dire que cette superbe salle est plus faite pour la musique symphonique que pour un autre type du musique? J'aimerais que d'autres habitués de la Philarmonie me donnent leur avis sur ce point. Pour ma part je devrais compléter mon impression auditive de l'endroit dans quelques semaines devant retourner dans ce beau lieu (tout du moins pour l'intérieur car je suis beaucoup moins enthousiaste sur l'extérieur du bâtiment) pour le concert Lang Lang.

J'ajouterais que l'écoute de la deuxième partie du concert, les danses symphoniques interprété par l'orchestre du Royal Liverpool Philarmonic Orchestra dirigé par Vasaly Petrenko, était parfaite. En ce qui me concerne l'ouverture du concert, "Le rocher" a été une révélation.

* On peut prolonger le plaisir du concert puisque Alexandre Tharaud a enregistré le concerto n° 2 de Rachmaninoff, avec le même orchestre et le même chef.   

 

Alexandre Tharaud saluant après son interprétation

Alexandre Tharaud saluant après son interprétation

 

10 mars 2020

Martial Thabard

Martial Thabard
Martial Thabard
Martial Thabard
Martial Thabard
Martial Thabard
Martial Thabard
Martial Thabard
Martial Thabard
Martial Thabard
Martial Thabard
Martial Thabard
Martial Thabard
Martial Thabard
Martial Thabard
Martial Thabard
Martial Thabard
Martial Thabard
Martial Thabard

Dans un récent bulletin les toujours excellentes éditions Quintes-feuilles reviennent sur l'origine de la sculpture de Thabard "Le vainqueur". 

Martial Thabard (réédition complétée)
Martial Thabard (réédition complétée)
Martial Thabard (réédition complétée)
Martial Thabard (réédition complétée)
Emile-Louis Truffot, le berger Jupille luttant avec un chien enragé

Emile-Louis Truffot, le berger Jupille luttant avec un chien enragé

Martial Thabard (réédition complétée)
Martial Thabard (réédition complétée)
Martial Thabard (réédition complétée)
P.L. un généreux lecteur m'a envoyé les trois photos ci-dessus. Il précise: à la mairie de limoges où l'oeuvre est installée et a survécu aux municipalités successives;pl

P.L. un généreux lecteur m'a envoyé les trois photos ci-dessus. Il précise: à la mairie de limoges où l'oeuvre est installée et a survécu aux municipalités successives.

 

 

Commentaires lors de la première parution du billet:

 

ismau15/09/2016 17:38

Le texte des éditions Quintes feuilles ( que j’avais reconnu à sa présentation et à son érudition ) a bien raison de nous mettre en garde contre les anachronismes . Mais je me demande si la confusion entre la mythologie et le fait divers - représenté de manière ''idéalisée''- confusion tellement fréquente et inextricable à l’époque de cette sculpture ... permet de donner une réponse simple . D’accord Ganymède ne doit pas étrangler Zeus, ce n’est pas envisageable dans l’esprit de l’époque, mais rien ne dit non plus qu’il n’y ait aucune allusion au mythe .
J’ai pensé à une jolie petite sculpture de Frémiet : ''Amour fustigeant un paon'' qui a de nombreuses parentés avec celle-ci, si ce n’est qu’elle se prétend uniquement mythologique et pourtant … La voici : http://catalogue.drouot.com/ref-drouot/lot-ventes-aux-encheres-drouot.jsp?id=359277
...et là, exposée - on voit sa petite taille - mais j’en ai de meilleures photos en gros plan, que je peux vous envoyer .
http://leconsortium.fr/wp-content/gallery/expo-ouverture-2011/fremietpompon.jpg

 

lesdiagonalesdutemps15/09/2016 18:31

Merci pour votre commentaire et vos judicieuses impressions. Vos photos de la sculpture de Frémiet seront les bienvenues.

 
 

ismau12/09/2016 14:47

La première image me suggérait une 3ème version de la même interprétation ... toujours avec Zeus et Ganymède, mais attention ! Le texte très joliment ambiguë, nous dit qu’il s’agit ''d’un horrible contresens à éviter absolument'' ! Le sculpteur Thabard ''a représenté tout simplement un fait divers'', et on se demande ( tout simplement ) pourquoi cette nudité et cette ''posture propre à mettre en valeur de belles formes qui ne sont que rarement ainsi montrées au public'' …
Avant dernière photo, j’ai reconnu ‘Le Charmeur de serpent’, au Palais Royal .

 

lesdiagonalesdutemps12/09/2016 15:08

On peut penser tout simplement que le sieur Thabard n'était pas insensible à la beauté des garçons ce que ne contredit pas sa biographie.
Le texte vient de l'excellent site des éditions Quintes feuilles qui publient quelques raretés.

 
 

ludovic11/09/2016 14:30

C'est aussi mon interprétation: Ganymède a culbuté Zeus et s’apprête à "l'honorer" de la façon dont le père des dieux envisageait de le faire subir à ce joli garçon.

 
 

xristophe10/09/2016 13:02

Zeus aurait pu aimer ce pugilat pour rire avec le jeune garçon...

10 mars 2020

Vitraux de la cathédrale de Chartres

Vitraux de la cathédrale de Chartres
Vitraux de la cathédrale de Chartres
Vitraux de la cathédrale de Chartres
Vitraux de la cathédrale de Chartres
Vitraux de la cathédrale de Chartres
Vitraux de la cathédrale de Chartres
Vitraux de la cathédrale de Chartres
Vitraux de la cathédrale de Chartres
Vitraux de la cathédrale de Chartres
Vitraux de la cathédrale de Chartres
Vitraux de la cathédrale de Chartres
Chartres, mars 2016

Chartres, mars 2016

10 mars 2020

Essais biographique sur Karel Egermeier

Essais biographique sur Karel Egermeier

immédiatement ci-dessus peut être la plus ancienne photographie d'Egermeier

Egermeier au début des années trente

troupeavecegermeier.jpg

Egermeier est l'adulte au dernier rang de sa troupe

 

Depuis plusieurs années les blogs succéssifs "Des diagonales" s'efforcent de promouvoir l'oeuvre de Karel Egermeier, un photographe important du XX ème siècle qui n'a pas, aujourd'hui, la place qu'il mérite dans l'Histoire de la photographie. Son oeuvre va bien au delà des images que j'ai présentées dans les différents billets que je lui ai consacrés. Il me semble qu'il est temps, avant d'aller plus loin dans l'exploration de son travail, de tenter de connaitre l'homme qui nous a donné autant de clichés admirables.

 
Essais biographique sur Karel Egermeier

 

L'arrivée en France

 

Karel Egermeier qui signera ses photos souvent Aiglon, animal qui était son totem scouts lorsqu'il était adolescent, est né le 26 janvier 1903 à Teplice-Sanov en Tchécoslovaquie (aujourd'hui en République Tchèque. Teplice est situé dans le nord de la Bohème, près de la frontière avec l'Allemagne). Il est donc natif de la région des Sudètes. Enfant il va à l'école allemande. Ce qui fait qu'il maitrisera toujours mieux l'allemand que le tchèque, par ailleurs ensuite il parlera aussi couramment l'anglais et le français. Karel Egermeier est issu d'une famille modeste. Son père est cordonnier-bottier. Il perd sa mère très jeune. Il a deux frères et deux soeurs. Est ce déjà la bougeotte qui le caractérisera toute sa vie, ou l'attrait de ce Paris qui alors faisait rêver le monde entier, il décide de partir pour la ville lumière. Il arrive en France à la fin des années 20 où pour vivre, il fait différents métiers dont celui de garçon de café. Une fois installé, il fait venir ses deux soeurs, mais une seule restera en France où elle fera souche. A son arrivée, il francisera son prénom de Karel en Charles (néanmoins au dos de ses photos outre aiglon on trouve plus souvent Karel que Charles; c'est donc le prénom de Karel que j'ai retenu dans cet article).

Il ne commença à photographier qu'à l'âge de 28 ans. En février 1931, il doit partir en Suisse pour quelques mois.  Il  achète un Voigtländer 6 x 9 doté d'un objectif Skopar 4,5.
Il commence par se rendre au château de Versailles où il  prend quatre rouleaux à la suite. Hélas, les 32 photos sont ratées! Aiglon a tout simplement oublié de tirer sur le soufflet. Il part en Suisse. Les pics neigeux l'émerveillent. Ce n'est pas moins de 24 bobines de 8 photos chacune qu'il utilise pour y fixer les sommets enneigés. Lorsqu'il revient à Paris, il court chez le photographe... Sur les 192 images, trois seulement sont  "potables", et aucune n'est  "bonne".

 

Essais biographique sur Karel Egermeier
Essais biographique sur Karel Egermeier
Essais biographique sur Karel Egermeier
Karel Egermeier a réalisé de nombreuses photos pour les couverture de la revue des Eclaireurs de France. A noter que les deux dernières datent de 1947 soit 2 ans après "les ennuis" du photographe.

Karel Egermeier a réalisé de nombreuses photos pour les couverture de la revue des Eclaireurs de France. A noter que les deux dernières datent de 1947 soit 2 ans après "les ennuis" du photographe.

 

Les années "Eclaireurs"

 

Bien plus tard, lors d'une interview pour un journal scout, il confiera que les plus belles photos de ce voyage en Suisse sont celles qu'il n'a jamais prises, mais qui restent à tout jamais gravées dans sa mémoire. Au retour de ce voyage il se décide à acheter un posomètre.  A partir de ce jour, il ne sous exposera  ni ne surexposera plus aucune de ses photos.

 

 

une plongée dans les archives d'Egermeier (2)

 

 

troupeavecegerlouveteaux.jpg

 

Dès 1931 Karel Egermeier s'occupe activement d'une troupe d'éclaireurs (immédiatement ci-dessus Egermeier et ses scouts). En 1944 dans la revue des Eclaireurs de France dont il est le photographe attitré, il déclarait: << Ainsi, je connais chaque mouvement d'âme des garçons, qui se reflète surtout dans leurs yeux...>>.
En cette même année 1931, il continue à prendre des photos à Grasse, au  soleil du midi, puis au rover-moot de Kandersteg en Suisse. Mais alors il ne tire jamais lui-même ses épreuves sur papier. En 1932, sur les conseils d'un ami, professeur de chimie, il s'y décide. C'est alors la révélation.  Il se rend compte qu'il peut traduire le "beau" en noir et blanc, en passant par toutes les gammes de gris.  Il abandonne résolument la  "photo familiale" pour se consacrer à l'art. On peut penser, qu'assez rapidement, au milieu des années 30, il peut vivre de sa photographie.
En 1936, il publie dans le premier numéro de l'Eclaireur De France, nouvelle formule, une image d'un garçon avec un petit oiseau sur l'épaule (photo d'entrée du billet). La revue en fera le symbole du nouvel envol du journal!

 

 

une plongée dans les archives d'Egermeier (3)

 qu 641

 

Lors de la venue en France, en décembre 1936, de lord Robert Baden-Powell à l'occasion du vingt-cinquième anniversaire de la création des mouvements EUF et EDF, Karel Egerméier couvre l'évènement et à cette occasion fait de nombreuses photos du fondateur du scoutisme.  

En 1937, Egermeier fournit toutes les photos (à l'exception de deux) pour le calendrier annuel des éclaireurs de France. Il contribuera à plusieurs autres de ces calendriers. En cette même année le photographe collabore aux éditions Horizons de France pour leur série de fascicules intitulé "Le Visage de l'Enfance", publiés en 1937. Ces ouvrages se présentent aussi sous la forme de deux gros volumes reliés cuir. Les douze photographies de Karel Egermeier sont excellemment reproduites en héliogravure. Elles figurent toutes dans le tome II, illustrant le chapitre "L'enfant en plein air". Parmi les autres contributeurs à cette réalisation on relève les noms de Brassai, Feher, Kollar, René Zuber, Pierre Boucher... Ces photos et quelques autres font parties aujourd'hui des collections du Musée National de l'Education. 

Toujours en cette année 1937, apparemment une année faste pour le photographe, il fait la connaissance de Roger Peyrefitte, juste de retour d'Athènes. Celui qui n'est pas encore l'auteur des "Amitiés particulières" ne tarde pas à le présenter à Henry de Montherlant.

Dans ces années d'avant guerre, notre photographe réside au 5 rue Perronet dans le VII ème arrondissement de Paris. Puis pendant la guerre et immédiatement après il habite 107 boulevard de Grenelle. 

  

photographies de Karel Egermeier se trouvant dans Le Visage de l'Enfance

photographies de Karel Egermeier se trouvant dans Le Visage de l'Enfance

 

5 rue Perronet aujourd'hui

5 rue Perronet aujourd'hui

 

En regardant les photos de scouts de l'aiglon on suit les périgrinations de sa troupe d'éclaireurs qu'il fixe sur la pellicule souvent dans des paysages montagneux dans les alentours d'Annecy, les pourtours du lac, le col de la Forclaz, les parages du lac du Bourget... plus rarement au bord de la mer, cependant sur des photos, on reconnait le Grau d'Agde et sur d'autres la plage de Berck (mais pour ces dernières, elles, dateraient de la fin des années 60), mais aussi dans les rue de Paris et dans les environs de la capitale; on reconnait le parc du château de Versaille, des sites de la forêt de Fontainebleau. Certains de ces clichés, en dehors de leur beauté plastique, ont une valeur, historique, sociologique tels ceux de l'immédiate après guerre, où l'on voit par exemple qu'alors on se baignait encore dans le fleuve près du pont d'Iéna...

Il y a de nombreuses voitures sur les photos d'Egermeier, ce qui est souvent bien utile pour les dater. Pourtant il ne possédait pas le permis de conduire. Ces automobiles ne sont donc pas les siennes, néanmoins le photographe se déplaçait beaucoup à Paris et dans sa région, à vélo ou à mobylette, cela essentiellement pour faire des photos. 

Les voyages de Karel Egermeier ne s'effectuaient pas toujours avec les scouts. Souvent, il partait seul pour son plaisir personnel notamment en Italie, son pays de prédilection dans lequel il s'est rendu plusieurs fois mais aussi en Tunisie, au Maroc, en Autriche... 

 

 

une plongée dans le fond Egermeier (5)

 (OL 2975) Paris au pont d'Iéna vers 1953

 

PICT6942.JPG

photo prise au zoo de Vincennes en 1951 avec un appareil 24x36

 

 

Dans les années 40, Egermeier utilisait un Super-Voigtländer avec un objectif Héliar 3.5,  format  réflex 6 x 6. Il n'a que relativement peu utilisé les appareils "petit format". Il faut attendre le début des années 50 pour qu'il utilise conjointement le 24x36 et le moyen format qu'il n'abandonera jamais. Un exemple de ses prises de vues en 24x36 sont celles qu'il réalise au zoo de Vincennes en 1951. Je connais également quelques diapositives couleurs de la même époque.

 

Capture_d__cran_2020_03_10___07

 

 

Capture_d__cran_2020_03_10___07

 

Capture d’écran 2020-03-10 à 07

 

 

 

photos illustrant le livre d'Henry de Montherlant. Les deux photographies ci-dessus ont très probablement été prises au stade Roland Garros vers 1939. En effet on y reconnait, pour ceux qui ont connu le stade de la porte d'Auteuil avant les années 80, ses célèbres croix de saint André.

 

La rencontre de Peyrefitte et de Montherlant

 

En 1938, Roger Peyreffite rencontre Montherlant. Peu de temps après il lui présente Egermeier dont peyrefitte collectionnait les photos. << Montherlant est enthousiasmé par les photographies d'adolescents en culottes courtes, aux torse musclés, et les deux compères imaginent ensemble l'édition illustrée de "Paysages des Olympiques". >> (Antoine Delery - "Roger Peyrefitte, le sulfureux") 

 

 

herisson-0010.jpg

Roger Peyreffite avec Roro

 

 

Montherlant est donc rapidement conquis par le talent de l'aiglon. L'écrivain en 1939, lui confie l'illustration du "Paysage des Olympiques". Le livre compte 87 clichés d'Egermeier. Montherlant dans un article intitulé "Sport et Art, paru dans le journal "Marianne" le 29 mai 1940 cite Egermeier et... François Sentein. 

Montherlant semble avoir eu une grande confiance dans le photographe puisqu'il lui demande de photographier, à son domicile, ses deux petits amis du moment, les fameux Doudou et Roro qui tiennent une si grande place dans la correspondance Montherlant / Peyrefitte. Toujours photographié par Egermeier  On retrouve Roro et Doudou dans "Paysage des Olympiques".

 

 

1939-chez-Henry-de-Montherlant--25-Quai-Voltaire-.-copie-1.jpg

Sur cette photo, Doudou joue avec le masque avec lequel Montherlant sera photographié quelques temps plus tard par Mangeot, le photographe de Paris-Match. Montherlant avait songé à être recouvert de ce masque après sa mort. (page 183 de l'album de la Pleiade Montherlant).

 

1939-Doudou-chez-Montherlant.jpg

Doudou chez Henry de Montherlant, été 39 ? C'est dans ce fauteuil que le 21 septembre 1972 Henry de Montherlant se suicida

 

Six ans après avoir pris les photos ci-dessus, Le photographe aura quelque problème avec Doudou. François Sentein s'en fait l'écho dans "Minute d'une autre année" (page 168): << 19 décembre (1945) - On a volé à Karel Egermeier quatre appareils photographiques. Les soupçons se portent sur Fils de personne (probablement Doudou). Qu'il soit dépensier devient une charge, comme les procès d'Assises. On lui reproche de prodiguer son argent quand il en a, comme si ce n'était pas le cas de tous ceux qui sont tout le temps à en chercher! St dépose qu'il lui extorqua 500 francs pour acheter du beurre à sa mère. N'était-ce pas signifier à ST que coucher avec lui, ça méritait bien 500 grammes de beurre pour sa mère? L'enquête se poursuit dans l'étroit milieu , la vie d'Aiglon ne lui permettant pas de porter plainte. Mais il est allé porter l'affaire devant Montherlant! Démarche impardonnable quand on sait que le Maître et ami - qui n'a jamais laissé à entendre à aucun d'entre nous qu'il connaisse Fils de personne - Considère déjà comme une indiscrétion incivile qu'on fasse état dans la conversation d'un ami commun dont il n'aurait pas d'abord parlé.>>. Ce passage est révélateur d'une part de la dissimulation chez Montherlant érigée en principe de vie. Il révèle que d'autre part Sentein ignorait la vieille complicité qui liait le photographe à Montherlant au sujet de Doudou... Cela signifie aussi qu'à cette époque Egermeier n'était pas vraiment démuni pour pouvoir se faire voler 4 appareils photo et cela à la sortie de la guerre...   

Le nom d'Egermeier apparait à plusieurs reprises dans la correspondance Montherlant-Peyrefitte (présentée par Pierre Sipriot et commentée par ce dernier et Roger Peyrefitte lui-même). Pierre Sipriot le mentionne également dans sa biographie de Montherlant (voir immédiatement ci-dessous).

 

page 443 de l'édition de poche de la biographie de Montherlant par Sipriot

page 443 de l'édition de poche de la biographie de Montherlant par Sipriot

 

Il n'est pas invraisemblable d'imaginer qu'Egermeier ait fait partie de "La chevalerie pédérastique", "L'ordre", sorte de société secrète directement inspirée de "La famille" que Montherlant avait connue adolescent à Sainte Croix de Neuilly. Les règles de cet ordre se trouvent dans un livre publié par Jean Vigneau à Marseille en 1942. Et dont les membres d'honneur, si je puis dire sont Montherlant et Peyrefitte. 

Sous le gouvernement de Vichy, Egermeier illustre un manuel d'enseignement de la natation, de plongeons, du sauvetage et de jeux aquatiques intitulé "Eaux vives".

En 1944, il déclarait avoir pris 16 000, dont 10 000 depuis sa démobilisation en 1940 (5), de photos de scouts? Egermeier fournissait avant et pendant la guerre des clichés à la F.F.E., aux S.D.F., aux G.D.F.,  plus rarement aux E.U.  

 

Une affaire Egermeier?

 

Un peu après la libération le photographe à quelques ennuis selon Patrick Buisson dans son contesté et contestable "1940-1945 années érotiques" (page 429): << L'interpellation de Karel Egermeier est de celle qui agite le microcosme pédérastique. Ce réfugié d'origine tchèque exerce la profession de photographe d'art, activité dans laquelle, il s'est taillé une flatteuse réputation depuis que Montherlant l'a choisi pour illustrer "Paysages des Olympiques. Karel avait eu la révélation de son homosexualité lors de son passage dans une troupe scoute, se souvient l'un de ses proches. Sa sexualité dévorante lui faisait commettre mille imprudences. A cause de cela, il avait eu, pendant la guerre, de nombreux démêlés avec la police. Nous le tirions de ces mauvais pas grâce à des amis bien placés (1). Lorsqu'il a été arrêté en 1945 nous n'avons rien pu faire pour lui. Outre sa pédérastie militante, il professait des opinions farouchement anticommunistes. Dans le contexte de l'époque, ça ne pouvait qu'aggraver son cas.>>. Il est donc également envisageable qu'Egermeier ait eu quelques soucis pour des raisons politiques. François Sentein, dans "Minutes d'une autre année (1945)", page 91, situe cette arrestation au mois d'avril 1945, <<capturé au bois de Vincenne>>. Dans le même volume, on peut lire page 115, à la date du 25 juin: << Jean Boullet me fait avertir qu'il succède à Aiglon à la Santé et pour les mêmes raisons.>>. On peut donc en déduire que Karel Egermeier a été incarcéré pour une affaire de moeurs et aurait été élargi environ deux mois après son arrestation...

Mais soyons prudent avec les allégations de Patrick Buisson qui, suivant sa fâcheuse habitude, ne cite pas ses sources en ce qui concerne Egermeier, car des documents en possession du neveu du photographe racontent une toute autre histoire. Ils nous apprennent qu'assez rapidement Egermeier s'est engagé dans la résistance. Son action se divisait en deux parties; premièrement sous couvert de camps scouts il faisait passer des jeunes gens en suisse, de jeunes juifs et ensuite des réfractaires au S.T.O. Deuxièmement en raison de sa parfaite connaissance de la langue allemande on lui avait demandé d'approcher des allemands pour en tirer des informations. Cette fréquentation le fera accuser à la Libération par des résistants communistes avec lesquels il était rentré en conflit durant la guerre, d'accointances avec l'occupant. Karel Egermeier sera blanchi par un des chefs de la Résistance qui au contraire affirmera qu'il était des leurs, et de surcroit un précieux agent d'information pour la Résistance. Cet épisode n'a fait que renforcer l'anticommuniste du photographe qui était déjà virulent. 

A la libération sa connaissance de l'allemand fait qu'il est envoyé dans les camps de prisonniers allemands créés par les alliés pour aider à y débusquer les nazis les plus fanatiques.

 

 
Minute d'un libertin (couverture Jean Moral), Nouvelles minutes d'un libertin (couverture Raymond Voinquel), Minutes d'un libéré (couverture Egermeier), Minutes d'une autre année (couverture Egermeier)

Minute d'un libertin (couverture Jean Moral), Nouvelles minutes d'un libertin (couverture Raymond Voinquel), Minutes d'un libéré (couverture Egermeier), Minutes d'une autre année (couverture Egermeier)

 

Les années cinquante et suivantes

 

Il est fort possible que l'ami intime dont parle Buisson ne soit autre que François Sentein, l'auteur des "Minutes d'un libertin" qui a choisi pour illustrer la couverture deux des quatre tomes de ses mémoires, une photographie d'Egermeier (2). Sentein comme Peyrefitte était un grand collectionneur des photos d'Aiglon. Il était surtout un grand ami du photographe à telle enseigne qu'en 1950, Karel Egermeier héberge plusieurs semaines Sentein qu'il a photographié à plusieurs reprise, d'abord vers la fin de la guerre (ces clichés porte les numéros R-5624 et R-5625) puis au début des années 60 (photo Y 3753). Leur amitié semble s'être éfilochée ensuite sans raison véritable.

Un autre amateur des clichés de garçon de Karel Egermeier était Robert Levesque, correspondant et ami de Gide. Il écrit à ce dernier le 20 octobre 1939: << ... Le jeune diplomate qui collectionne des photos doit m'en montrer 30 nouvelles, toujours extraordinaires... (L'auteur de ces photos, un tchèque, est toujours à Paris.>> (page 307, Correspondance 1926-1950 Gide-Robert Levesque, P.U.L). Le jeune diplomate n'est autre que Roger Peyrefitte et le photographe tchèque bien sur notre ami Karel. On sait grâce à cette lettre qu'il est encore à Paris fin octobre 1939 en pleine "drôle de guerre".

Les problèmes judiciaires de Karel Egermeier ne semblent pas avoir duré très longtemps car on peut dater, grâce aux automobiles qui y figurent, de 1946 une image sur laquelle on voit un scout. D'autre part, on le découvre dès 1948 en Tunisie, toujours photographiant de jeunes personnes et en mai de cette même année fixant pour l'éternité de beaux garçons à Paris devant des affiches, ce qui datent précisément cette image (voir la photo immédiatement ci-dessous).

 

 

une plongée dans les archives d'Egermeier

0L 1618 à Paris en mai 1948

 

 

Dans les années 50, notre artiste gagne sa vie en faisant des reportages photos. A une époque où il n'y avait qu'une petite minorité de personnes qui possèdait un appareil photo, de plus appareil dont le maniement etait délicat, on faisait souvent appel à un professionnel. Karel Egermeier est aussi bien amené à photographier des fêtes familliales, baptèmes, anniversaires, mariages que des photos "industrielles" comme celles d'un élevage modèle de poulets ou le travail à la chaine d'emballeuses ou encore la remontée des mineurs de fond quand ce n'est pas une entreprise de transport... Ces photos que l'on peut considérer comme alimentaires, sans pour cela que leur qualité ne repondent pas aux critères exigeants de professionnelisme que s'imposait Egermeier sont repérées seulement par un nombre, semble-t-il toujours au delà de 10000. Dans cette même période,  Il semble aussi photographier du beau monde. On le voit ainsi couvrir des manifestations mondaines comme un vernissage de Jean Boullet ou une séance de dédicaces de Roger Peyrefitte à l'occasion de la sortie de "Mort d'une mère".

 

Capture_d__cran_2020_03_10___08

 

 

Capture d’écran 2020-03-10 à 08

 

 

Roger Peyrefitte photographié par Egermeier en 1950 lors de la parution de "Mort d'une mère".

 

amitiesurbarr2.jpg

Naples

 

Après guerre Egermeier a également visité plusieurs fois l'Italie. Sur des négatifs on reconnait Venise, Naples, Siennes ... Il n'a jamais heureusement dans ces voyages oublié son appareil photo... Il fréquente également l'Afrique du nord, le Maroc, la Tunisie. A la fin des années 60 il se rend en Tchécoslovaquie pour renouer avec une partie de sa famille restée dans son pays natal. A l'occasion de ce voyage estival il fait de très nombreuses photos.

Dans les années 40, Karel Egermeier habite au 103 rue de Vaugirard puis dans les années qui suivent on le retrouve successivement au début des années 50 au 26 bis rue de Constantine (VIIe) puis rue Perronet et ensuite rue de Grenelle. 

 

103 avenue de Vaugirard, un des domiciles du photographe.

103 avenue de Vaugirard, un des domiciles du photographe.

 

Des photos de jeunes hommes signées Egermeier ont été publiées dans la revue  suisse de Zurich "Der Kreis" (Le cercle en français), revue  active de 1932 à 1967. La revue publie "L'HOMME SUJET DE L'ART PHOTOGRAPHIQUE  en 4 tomes  qui sortent succéssivement. Ces ouvrages sont illustrés de photos ayant parues dans la revue de 1942 à 1954. Les clichés de Karel Egermeier sous la signature KAREL PARIS se trouve dans le tome 2 "BAND" paru en 1954. Elles sont aux pages 5;33;88;95;99. Cette publication nous permet de découvrir un pan peu connu de l'oeuvre du photographe, ses le nus masculins (sujet de de 4 des 5 photos publiées dans ce volume).Il s'agit de nus masculins souvent vus de dos.

On a des traces de l'activité photographique d'Egermeier jusqu'à la fin des années 60.

A la fin de sa vie, le photographe habite un modeste appartement au 59 rue Castagnary. Diminué il est sous la tutelle affectueuse de ses deux neveux qui gérent sa petite retraite; l'un d'eux habitant le même quartier veille quotidiennement sur lui.

Karel Egermeier meurt à Paris le 30 juin 1991.

 

Un photographe méticuleux

 

 

Egermeier prenait grand soin de ses archives photographiques (malheureusement moins à la fin de sa vie). Il travaillait principalement au format 6x6. Pour les photos les plus anciennes on trouve également du 4,5x6. Il disposait chaque négatif dans une pochette en cellophane. Chacun était repéré par une lettre ou deux: A (sur l'une des pochettes A, on peut lire avril 1937); AB; E; FA; FF (semble-t-il uniquement pour des photos d'"éclaireuses"); L; OL (3); K; N; qu; R (pour reportage?); Y. Cette lettre est suivi d'un nombre par exemple :Y 54, OL 112, E 276... Ce code figurait sur le négatif, répété sur la pochette qui le protégeait et lorsque le photographe en faisait un tirage, sur le dos de celui-ci. Lorsque j'ai interrogé le photographe sur la signification de ces codes, il m'a répondu qu'il l'avait oublié. Je n'ai jamais été très convaincu de sa réponse mais je crois que ce genre de réponse était une manière commode d'évacuer les questions qui l'ennuyaient... Or donc, en dépit de mes recherches je n'ai malheureusement pas trouvé les clés de cette numérotation. Clé qui aurait été précieuse pour pouvoir situer dans le temps et dans l'espace chaque image parmi l'énorme quantité de clichés qu'a produit Egermeier durant une carrière qui s'étale sur plus de quarante ans. J'ai envisagé plusieurs hypothèses: que les lettres indiquaient une année, un lieu, ou encore un type de photos mais en observant minutieusement un grand nombre de négatifs, aucune de ces hypothèses fonctionnent. Je suis tout de même parvenu à quelques certitudes: Celle évidente que dans un groupe de clichés, répertorié par une lettre (deux parfois) les chiffres indiquent la chronologie; le numéro 1257 est plus ancien que le numéro 1258 et ainsi de suite. En ce qui concerne les lettres mes seules certitudes sont que le E signale les photos ayant pour sujet "les éclaireurs", mais on trouve des images d'éclaireurs sous d'autres lettes. Autre quasi certitude celle que toutes les photos E ont été réalisées avant guerre. L et Y semblent également des lettres dévolues en partie aux photos de scouts, probablement pour d'autres groupes que les éclaireurs. Elles sembles pour certaine avoir été prises aux mêmes périodes que celles répertoriées E. Autres points avérés: les négatifs repérés AB sont les plus anciens et sont presque uniquement des photos de scouts. Les négatifs repérés F.A. sont des photos de famille, mais il y a d'autres photos de famille sous d'autres indicatifs comme le P et M qui sont les premières lettres des prénom de ses neveux. 

Les clichés marqués OL sont les plus nombreux et tous postérieurs à 1940. Mais ils ont été pris sur une longue période, plus de vingt ans et en des lieux très différents, en France, dans de multiples endroits, en Italie, en Tunisie... Je propose au sujet de la série OL, l'hypothèse suivante: Le repérage OL viendrait de Olympiques en souvenir de la série qui fut la plus marquante pour la notoriété du photographe, celle qui illustre " Paysages des Olympiques". Il recouvrirait des photos de jeunes plus ou liées aux activités de plein air et de sport.

 

Y 3662

Y 3662


La rubrique Y est très représentative, par son hétérogénéité, des groupes, même si cet échantillon n'est pas exhaustif des sujets qu'a traités Egermeier, dans lesquels on peut ranger ses photos: photos de scouts, photos de famille, photos d'amis, photos de jeunes hommes... Ces dernières néanmoins m'interpellent car contrairement à leurs homologues dans d'autres séries, prises en extérieur, ici, ce sont des photos de "studio" (semble-il très artisanale ce "studio") et surtout, elles me semblent plus lascives que la plupart des autres clichés de ce type pris en plein air par le photographe. Le physique et l'attitude de ces garçons et une annotation sous une photo retrouvée dans un classeur de 24x36 daté de 1951, "gigolo" me fait avancer cette hypothèse: Karel Egermeier fréquentait les gigolos et les photographiait, disons pour le souvenir... En ce qui concerne la datation de la série Y, la seule indication que nous possédons est le portrait de Sentein qui date du début des années 60 et porte le numéro Y3753.    

 

IMG-20130531-00535.jpg

Le E signifie que cette photo appartient à la série des Eclaireurs de France

pochette transparente dans laquelle Egermeier rangeait ses négatif souvent un par un mais ici exceptionnellement il en avait mis 3

pochette transparente dans laquelle Egermeier rangeait ses négatif souvent un par un mais ici exceptionnellement il en avait mis 3

Capture_d__cran_2020_03_10___08

  

Capture_d__cran_2020_03_10___08

 

Capture d’écran 2020-03-10 à 08

 

 

Le personnage à gauche n'est autre que Karel Egermeier. Les deux hommes regarde un des albums dans lesquels Egermeier collait certaines de ses photographies.

Le personnage à gauche n'est autre que Karel Egermeier. Les deux hommes regarde un des albums dans lesquels Egermeier collait certaines de ses photographies. 

 

Il collait aussi certaines de ses images dans le type d'album que l'on voit sur les photos au-dessus de celle sur laquelle le photographe compulse un de ces albums. J'ai pu dater celui présenté ci-dessus, des années 1937-1938. Mais il me reste à découvrir encore bien des choses, par exemple où ces clichés ont été pris.

 

Dernière plongée dans les archives d'Egermeier

à Paris au début des années 50

 

Il serait injuste de limiter l'art d'Egermeier à la photographie des garçons. Il a photographié bien d'autres choses en particulier des paysages et ce que l'on pourrait appeler des scènes de genre. Il s'est aussi intéressé constamment  à la statuaire. Il s'est même adonné à l'autoportrait. Si Egermeier ne se prenait ni pour un adonis ni pour un Joubert, il avait néanmoins, lorsque je l'ai connu, alors qu'il était fort décati, une assez haute idée de son physique.

 

 
Essais biographique sur Karel Egermeier
Les deux photos immédiatement ci-dessus montrent dans quel type de classeur Karel Egermeier rangeait ses négatifs 24x36

Les deux photos immédiatement ci-dessus montrent dans quel type de classeur Karel Egermeier rangeait ses négatifs 24x36

Essais biographique sur Karel Egermeier
Essais biographique sur Karel Egermeier
photographie de Karel Egermeier se trouvant dans The Boy: A Photographic Essay. Il est amusant de noter qu'à chaque fois que je rencontrais le photographe, sans que je lui ai posé la question, il tenait à me dire et à me répéter qu'il n'avait jamais photographié de garçons nus. Je ne l'ai jamais cru d'autan que je possédais l'album avant de le connaitre!

photographie de Karel Egermeier se trouvant dans The Boy: A Photographic Essay. Il est amusant de noter qu'à chaque fois que je rencontrais le photographe, sans que je lui ai posé la question, il tenait à me dire et à me répéter qu'il n'avait jamais photographié de garçons nus. Je ne l'ai jamais cru d'autan que je possédais l'album avant de le connaitre! 

 

photographie de Karel Egermeier se trouvant dans The Boy: A Photographic Essay

photographie de Karel Egermeier se trouvant dans The Boy: A Photographic Essay

Essais biographique sur Karel Egermeier

  

Durant sa carrière Charles Egermeier a illustré plusieurs livres: "Le courtinaire" (1950), "Mort ou est ta victoire" et "La misère et nous", tous trois de Daniel-Rops, Du Vésuve à l'Etna (1952) de Peyrefitte (c'est donc vraissemblablement vers 1950-51 que l'on peut dater le voyage en Italie au cours duquel il photographiera Capri). Les images figurant dans ces ouvrages sont essentiellement des paysages. Seize de ses photographies de garçons sont apparues en 1964 dans un album américain The Boy: A Photographic Essay (1964). Ce livre, désormais mythique et fort recherché, est une compilation de plus de 400 photos de garçons signées de différents photographe (4). Elles ont été rassemblées par Georges St. Martin et Ronald C. Nelson.

 

59 rue Castagnary, le dernier domicile du photographe

59 rue Castagnary, le dernier domicile du photographe

 

 

Ma découverte de Karel Egermeier

 

C'est en 1984 que j'ai fait la connaissance d'Egermeier. Compulsant ma précieuse collection de photos anciennes d'adolescents (collection aujourd'hui disparue), par une après-midi de désoeuvrement me vint l'idée de vérifier si les auteurs de ces images étaient toujours de ce monde. Mais il faut, avant d'aller plus loin, expliquer comment j'avais acquis ces images: Il existait, jusqu'au milieu des années 80, une librairie, cise, rue Saint Sulpice, intitulée "La librairie du Signe de Piste". Elle vendait, outre les romans de cette collection pour adolescents bien pensants, des ouvrages de dévotion et des manuels d'Histoire glorifiant la geste chouane, et surtout des images qui ne sont pieuses que pour certains. En demandant, discrètement, à voir "la boite de photos" à la tenancière du lieu, type dame patronesse, cette dernière vous apportait prestement une sorte de boite à chaussures dans laquelle se trouvait une palanquée de belle images de chérubins à peine pubères. Le rouge au joue, sous le regard inquisiteur de la dame, vous les compulsiez et le choix fait assez rapidement, car on subodorait qu'il ne fallait pas trop s'attarder en béates admirations, pour quelques francs vous repartiez avec ce qui désormais était votre trésor. Rentré dans votre antre vous vous aperceviez qu'au dos de chaque tirage se trouvait le tampon de son auteur, avec le plus souvent son adresse et son numéro de téléphone. C'est ainsi que j'ai connu le nom de Karel Egermeier, avec ceux de Manson, Simonet, Simonot, Dach et quelques autres.

Lors de cette après-midi oisive je découvris un Egermeier dans l'annuaire du téléphone. Je tentais ma chance. Après de laborieuses explications, je parvins à me faire fixer un rendez-vous pour le lendemain après midi. Le photographe habitait un modeste immeuble de briques, rue Castagnary, une rue calme du XIV ème arrondissement, un décor de banlieue à la Doisneau ou à la Tardi. Un ascenseur de bois au grognement inquiètant me hissa jusqu'au quatrième et dernier étage de l'immeuble, devant une porte grisâtre sur laquelle était peint de travers "Egermeier". Je frappais fort et braillais mon identité comme il me l'avait demandé. Après un chuintement de charentaises et un raclement de gorge, la porte s'ouvrit sur un personnage chauve dont la calvitie était cernée  par une couronne de cheveux jaunâtre, dans une tenue fort négligée, qui s'appuyait sur une canne. Il y avait loin de l'image que j'avais découvert dans ma collection, du chef, à la fois tendre et protecteur, enlaçant deux de ses scouts. Sous un aspect assez rude l'homme se révéla fort sympathique. Si l'âge avait abimé sont esprit, il ne l'avait pas tout à fait disparaitre. On comprenait très vite que l'on était face à une forte personnalité qui avait du être brillante et dont la vieillesse, si elle l'avait ternie, en avait encore épargné quelques feux.  Je suis retourné plusieurs fois dans l'antre du vieux photographe, petite pièce à la fenêtre toujours ouverte été comme hiver. J'y ai toujours vu la radio et la télévision fonctionner en même temps. Le sol était jonché de photos. Sur trois des quatre murs couraient des étagères de bois blanc encombrées de grandes boites de carton en équilibre instable. Ouvrir une de ces boites s'était entrer dans un monde noir et blanc peuplé uniquement de beaux adolescents, acteurs d'un éternel grand jeu scout. Ces photos révélaient la beauté des garçons et surtout l'immense talent de leur auteur. J'aurais aimé que le vieux photographe me révèle le secret de son art, mais, s'il était très loquace sur quelques sujets, l'âge semblait avoir atteint sérieusement sa mémoire. Il devisait en un français fleuri, tout en n'ayant pas perdu son accent d'Europe centrale. Il parlait volontier de technique de prise de vues et accusait son collègue Robert Manson de lui avoir volé ses trucs de photographe comme celui de photographier les garçons en contre-plongée, dans de violent contre-jour pour n'en conserver que des silhouettes sur le ciels. Il n'était pas non plus avare d'allusions sur son activité sexuelle passée, tout en précisant bien qu'il n'avait jamais mélangé celle-ci avec celle de photographe. Puis soudain quand je lui posais une question précise, il me disait que cela faisait si longtemps qu'il ne s'en rappelait plus... Je le soupçonnais en raison de ses oublis sélectifs de jouer de sa relative amnésie. Petite incise sur ce que je suppose des goûts sexuels de notre photographe, considérations étayées à la fois sur ses confidences, par exemple, il me répétait à chaque visite que je lui faisait qu'il était un chaud partisan de la circoncision, ceci tant par hygiène que par esthétisme, et de ce que je connais de ses archives photographiques. Je le crois volontier quand il affirme n'avoir jamais mélanger bagatelle et scoutisme tout simplement parce que rien indique qu'il ait été attiré par les enfants, ni même les jeunes adolescents ce qui émoustillait très probablement notre photographe c'était le jeune homme dans la vingtaine bien musclé et plutôt de type méditérranéen...

J'ai exposé quelques photos d'Egermeier, dont celle immédiatement ci-dessous au Grand Palais, en 1990, dans le cadre du Salon d'Automnes l'une d'elle est reproduite dans le catalogue. J'ai fait également paraitre de ses photo dans plusieurs numéros de ma revue Beach Boy jusqu'au dernier numéro en juin 1990.

 

 

Capture d’écran 2020-03-10 à 10

 

Nota

 

1- Le commissaire Tanguy (1884-1964), Directeur de la police judiciaire en juillet 1941 puis directeur général de 1942 à 1944, ou Maurice Toesca (1904-1998), l'écrivain travaillait durant l'occupation à la préfecture de police, ou encore le préfet de police de Paris (de mai 42 à aout 44) Amédée Bussière par exemple. Autant de personnages qui ont aidé dans les années 40, Montherlant et Peyrefitte à se sortir de situations délicates...

2- Le nom d'Egermeier apparait par exemple page 12 des "Minutes d'un libéré", année 44, (aux éditions Le promeneur).

3- pour la série OL, je commence à avoir une idée de la datation des clichés, du moins partielle 0L 1600: 1948; OL 1900: 1949; OL 2200: 1950; OL 2500: 1951; OL 2800: 1952

4- Outre Egermeier, qui y apparait doté du prénom Charles, les autres photographes qui ont participé à cet ouvrage sont: Keith Joinville, Robert Manson, Jos Le Doaré, Ermete Marzoni, C. Thornton, Henry Grant, Putsee Vannuci, Hajo Ortil, Paul E. Glines, Raymond Barnes, Dachs, Simonet, Don Wright, Carl Mansfield, A.J. Lowe, Jacques Simonot, Denis Hallinan, Hazel Garvin, Ken Heyman, Gene Bane, Roger Webster, Grant Kingman, Victor Bogachoff, Terence Vickerson, Paul Popper... 

Le livre a été édité par Georges St-Martin et Ronald C.Nelson.THE BOY.A PHOTOGRAPHIC ESSAY.New York,Book Horizon Inc, septembre 1964, 232 p  (400 photos  environ noir et blanc et couleur) (premier tirage et première impression). Ce volume va connaître plusieurs impressions: la seconde en 1966; la troisième en 1967; la quatrième en 1969. En 1972 parait la seconde édition et 5e impression. Aujourd'hui ce volume selon les éditions et les impression vaut de 834$ à 117$. Karel (sous le nom de Charles Egermeier,France) à publié 16 photos dans ce volume. Les photos de Karel dans ce livre ont surtout pour des éclaireurs, des jeunes garçons ( habillés ou en maillots de bain), certains faisant du sport, et deux nus vus de dos (pp.79 et 172). C'est l'éditeur américain qui a contacté le photographe. Karel Egermeier ne voyant pas arriver le règlement de ses photo à chargé son neveu qui passait par New-York de récupéré l'argent. Pierre L se rappelle que l'éditeur avait ses bureaux dans un immeuble sordide et qu'il paya d'assez mauvaise grâce, une somme pourtant peu importante.

5- Egermeier a été inclus dans "l'armée" Tchèque qui a été levée en France. 

Par ordre d’entrée en scène sur le champ de la Bataille à l’ouest, les premiers combattants aux côtés des Français sont Tchèques. Ce n’était pas les plus nombreux, beaucoup sont aviateurs, ce ne seront pas les moins valeureux, l’armée tchécoslovaque a été dissoute et dépecée en mars 1939 lorsque son gouvernement lui a ordonné de ne pas résisterà Hitler. Une partie de ses 34 divisions forme la nouvelle armée slovaquequi s’associera à la Wermarcht pour le pire plutôt que pour le meilleur.

Le reste est démobilisé et le matériel saisi ou prélevé sur les chaînes de montage sert à équiper trois divisions blindées et une bonne dizaine de divisions d’infanteries nazies. Un certain nombre de Tchèques dont beaucoup d’officiers et de sous-officiers d’active ont fuit le pays par la Pologne ou par la Hongrie et gagné la France et l’Angleterre pour se battre dans les rangs alliés.

Engagés à la Légion Etrangère avant la guerre, les volontaires Tchèques formeront ensuite au camp d’Agde une division légère qui ne sera jamais complètement formée ni engagée,seul le 1er et le 2ème Régiment d’infanterie tchèque seront engagés pour le 1 er, dans le secteur de Coulomniers et pour le second à la Ferté sous Jouarre en juin 1940.

 

 

 

une plongée dans les archives d'Egermeier

 

une plongée dans les archives d'Egermeier

(OL 2828) au bord de la Marne à Gournay, vers 1952

 

Egermeier et un jeune ami

Egermeier avec son neveu au bord de la Marne à Gournay, vers 1952

 

une plongée dans les archives d'Egermeier

0L 2798 Le neveu d'Egermeier et un de ses amis en judoka  à Sanois vers 1952

 

Je réitère mon appel. Si vous avez des informations sur Karel Egermeier soyez assez aimable pour me les communiquer. Si vous avez une idée sur les lieux et la datation éventuelle des photos ci-dessus n'hésitez pas à m'en faire part. Si vous avez des tirages du photographe ayez la gentillesse de m'en envoyer un scan, celui-ci accompagné du numéro de la photo s'il figure sur le dit tirage.

 

Je tient a remercier tous ceux qui ont contribué à ce que cet article, fort incomplet, le soit le moins possible. En premier lieu le neveu de Karel Egermeir, monsieur Pierre L. qui m'a fourni de précieux renseignements, ainsi que Bruno qui a scanné de nombreux négatifs du photographe, sans oublier ceux, qui, par leur attention aux moindres détails sur les clichés, ont réussi à en situer plusieurs dans le temps et l'espace. J'ai une reconnaissance particulière pour J.P. de C. qui m'a fait découvrir les photos inédites d'Egermeier de Roger Peyrefitte et de Doudou et Roro et qui m'a permis de les publier sur mon blog. Je n'oublie pas non plus Yves B qui m'a donné des informations sur Karel Egermeier. 

 

Une plongée Dans les archives d'Egermeier

(OL 7500) cette photo, prise à la fin des années 60, Appartient une courte série de photos couleurs, une des seules (et rares) que je connaisse d'Egermeier.

 

une plongée dans les archives d'Egermeier

25713, sur cette photo on voit en arrière plan une 4L Renault, modéle qui fut mis en vente en France en 1962, cette image est donc postérieure à cette date.

 

une plongée dans les archives d'Egermeier

photo prise au jardin du Luxembourg

 

une plongée dans les archives d'Egermeier (3)

Y 2031

 

10 mars 2020

Thermæ Romæ, un film d'Hideki Takeuchi

  

  

  

Japon, 2012, 108 mn

  

Réalisation: Hideki Takeuchi, scenario d'après le manga éponyme de Mari Yamazak : Shōgo Mutō

  

Avec: Aya Ueto, Kai Shishido, Masachika Ichimura et Kazuki Kitamura, Matsuo Satoru, Morishita Yoshiyuki, Sasano Takashi, Kimura Midorik

  

Lucius Modestus est un architecte romain alors qu'Hadrien est empereur. Il se retrouve projeté dans le futur par le biais d'une source thermale. Avec l'aide de Mami, une apprentie mangaka (dont le rôle est confié à Aya Ueto), Lucius découvre les technologies contemporaines et voyage entre les époques pour rapporter à l'empereur les améliorations de l'art du bain. C'est « Les visiteurs » entre garum et saké!

Thermae-Romae-3

 

 

Il s'agit d'une adaptation du manga signé Mari Yamazaki (on peut aller voir le billet que je lui ai consacré. C’est donc un film en costume, avec la toge et tout et très bizarrement, dans la Rome Antique on parlait japonais. Le manga jouait sur l'étrangeté d'un romain projeté au Japon, mais comme le dit romain est joué par un acteur japonais ainsi que tous les autres y compris l'empereur Hadrien, c'est Antinous qui aurait été surpris, l'effet de décalage entre Lucius et les japonais qu'il rencontre est inexistant, vous me direz avec raison qu'il y a d'autres décalage dans ce film. De ses voyages dans le temps et dans l'espace (il lui suffit de plonger dans une piscine et il se retrouve au Japon, j'ai essayé mais cela n'a pas fonctionné mais je ne me décourage pas, voilà bientôt un an que j'essaye et toujours sans résultat!) ramène des inventions géniales comme la visière de bain qui permet de se laver les cheveux sans s’en mettre plein les yeux (en bas à droite de l'affiche du film, Il y avait cette sorte d'auréole en plastique dans la salle de bain de ma chambre d'hôtel et n'étant pas très intelligent je me suis bien demandé à quoi ce truc pouvait servir. En lisant le manga j'ai eu enfin la réponse.), des pommes de douche, les fresques dans les bains ou une sorte d’aquarium avec des méduses… ainsi que les bains à remous (avec des esclaves qui soufflent dans des tubes) mais uniquement pour l’empereur !!!

  

Thermae Romae

 

La découverte du papier toilette par notre citoyen romain

 

Le film, même au Japon, est une comédie; pour un occidental possédant quelques connaissances sur l'antiquité romaine hilarité garantie. Le plus extravaguant est que la réalisation a été soucieuce d'exactitudes historiques. Le film a été tournée dans les décors de la série Rome. Le seul gros hiatus est que tous les romains sont joués et pas avec légèreté par des japonais. Ne vous privez pas de ce plaisir coupable. Le film au Japon est sorti en salle en 2012 et a été un énorme succès (la suite sort au japon en avril 2014!). Il y a aussi une série télévisée animée qui suit à la page le manga.

  

une adresse pour télécharger le film: http://www.asia-choc.biz/thermae-romae-ddl-vostfr-film-japonais/

 

THERMAE ROMAE Trailer | Festival 2012

 

Publicité
Publicité
Dans les diagonales du temps
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Publicité