Patrick Procktor, le secret de David Hockney
Il serait injuste de désespérer de l’édition française, en témoigne cette inattendue découverte lors d’une de mes musarderies dans une librairie parisienne où j’ai eu la surprise de tomber sur un livre sur le peintre Patrick Procktor. Artiste de grand talent mais quasiment inconnu (sauf pour les visiteurs de ce blog) de ce coté ci de la Manche. Le livre se veut une biographie du peintre doublée d’un essais gonzo (entendez par là que l’essayiste, Fabrice Gaignault, se met en scène dans son ouvrage) tentant de démontrer que Procktor aurait grandement influencé les débuts de son ami David Hockney.
Patrick Procktor
1967, Nicholas and Keith
Le livre aurait du être illustré par des reproductions de tableaux des deux artistes pour corroborer cette intuition, pour démontrer la proximité du style et de l’inspiration des deux peintres. Mais un avant propos nous révèle qu’au dernier moment les ayants-droits de David Hockney et de Patrick Procktor ont retiré leurs autorisations de reproductions des oeuvres. Ce dont se plaint amèrement l’éditeur dans cette préface. Editeur assez benêt à cette occasion, car il aurait bien du se douter qu’une thèse rabaissant l’originalité de l’oeuvre de David Hockney ne pouvait pas plaire à son marchand pas plus qu’aux acquéreurs privés ou public de la dite oeuvre. Elle ne pouvait pas non plus être apprécier par la galerie de toujours de Procktor, qui gère toujours les oeuvres de l’artiste, quand le livre rend responsable la dite galerie de la relative obscurité dans laquelle se trouve aujourd’hui le travail de Procktor. Or donc nous avons entre les mains un ouvrage sur un peintre dans lequel on ne voit aucune de ses peintures. Les seules illustrations consistent en quelques photos de Procktor à différents stades de sa vie. Certes les oeuvres de Procktor sont facilement visibles sur la toile mais c’est tout de même dommage. Je pense qu’avec un peu d’habileté l’éditeur aurait pu s’éviter le camouflet des ayants-droit, ce qui ampute le livre qu’il édite.
Patrick Procktor, Still Life with Cat, 1989
Par ailleurs, Fabrice Gaignault a bien travaillé et à force de rencontre documente bien ce que fut le monde de la peinture anglaise dans la deuxième moitié du XX ème siècle. La thèse comme quoi Procktor aurait aidé Hockney à accoucher de son oeuvre est défendable même si elle n’est pas évidente. Il reste que ce livre est salutaire pour la mise en lumière de Procktor, artiste qui n’est pas actuellement à sa juste place dans l’histoire de l’art. Le livre est écrit d’une plume élégante même si je reproche le ton souvent trop péremptoire des propos et si je ne suivrais pas Gaignault dans son mépris pour Stephen Tennant.
1968
Procktor Gervase VII
Procktor Ronnie Cohen (1967)
Hockney and Procktor Playing Chess (1967) photographiés par John Kasmin
David hockney et patrick procktor en 1969 à st tropez
La chartreuse de Pavie, l'intérieur de l'église
Petit préambule à ce billet pour vous informer que toutes les photos à l'intérieur de la Chartreuse sont interdites. J'ai donc pris ces images clandestinement. Ce n'est pas trop difficile dans l'église mais avec une contrainte supplémentaire est que toutes les magnifiques fresques se trouvent non dans la nef mais dans les chapelles latérales. Chaque chapelle étant fermée par des grilles il faut passer le téléphone appareil photo entre les barreaux pour pouvoir faire des images; ce qui explique certains angles de prises de vues bizarres. J'ajoute que les nefs ne sont pas éclairées. Si bien que toutes les images que vous voyez ont été rétouchées à l'aide d'un logicielle, ce qui fait que j'ai découvert beaucoup de ces beautés seulement en améliorant mes photos.
La visite ne peut se faire qu'en groupe. Le groupe est piloté par un moine qui est très vigilant pour que l'on ne prenne pas de photos. Il faut donc faire des photos avant d'être pris en main par ce cerbère ensoutané.
L'église est dotée d'une nef et de deux bas-côtés, ouverts sur quatorze chapelles latérales, entièrement peintes à fresque.
Pavie, mai 2022
Watchmen un film de Zack Snyder
Avec “Watchmen”, au bout de son troisième film adapté d’une bande dessinée, après Sin city et 300, Zack Snyder a enfin réussi à animer les images de son film qui n’est plus comme c’était le cas dans les deux précédents une sorte de diaporama, une suite de cases de bande-dessinée. Dans “Watchmen”, on bouge beaucoup dans le cadre qui reste néanmoins bien construit. Autre grand avantage par rapport aux deux autres films est son scénario ébouriffant, une uchronie barge. Nous sommes en 1985, Richard Nixon a été élu une troisième fois à la présidence des Etats-Unis. Son pays a gagné la guerre du Viêt-nam grâce à l’aide des supers-héros en particulier du Docteur Manhattan, un savant physicien qui a été irradié dans un accident ce qui l’a transformé en une sorte de dieu invincible. La fugitive image, tout à fait croquignolesque, des faces de citron vietmins prosternées devant le super-héros d’un beau bleu musculeux la bite au vent me parait être le fantasme type du pédé fasciste. Les mêmes super- héros ont liquidé les journalistes Woodward et Bernstein du Washington Post d’où l’absence dans cet univers parallèle d’affaire Watergate. Sous la pression populaire, l’administration américaine a fait une loi interdisant dorénavant les supers-héros de se mêler des affaires publiques. Et c’est bien le problème auquel doit faire face Nixon au début du film, toute l’histoire antérieure nous est narrée au moyen d’habiles flash-backs, est que les soviétiques menacent les Etats -Unis d’une guerre nucléaire, à cause du conflit afghan. Les américains ne peuvent éviter la guerre sans l’aide des super-héros qui dans le même moment se font décimer par un tueur mystérieux.
Voilà de quoi ne pas s’ embêter, les rebondissements sont permanents. Mais le plus intéressant de “watchmen” se trouve dans les interstices des péripéties du scénario, comme de faire du méchant (enfin ce n’est pas si simple que cela) un pédé maniéré qui s’est fait la tête du Bowie peint par Pellaert. On peut aussi se réjouir de l’image de New-York qui est la toile de fond de toute cette histoire abracabrantesque, avec les deux tours jumelles et les putains mammaires de la 42 ème rue.
Je ne vais pas vous dire que “Watchmen” va vous plonger dans des abîmes de réflexion mais c’est un véritable plaisir pour les yeux... et puis je me serais bien vu vivre dans cet occident alternatif.
La B.O. du film est tout a fait passionnante par sa qualité et aussi par le choix inattendu des morceaux qui la compose qui n’est pas vraiment au diapason de la morale que l’on pourrait tirer de Watchmen puisque l’on y retrouve Léonard Cohen, Simon and Garfunkel, Bob Dylan...
Pour se souvenir Madame Butterfly à l'Opéra Bastille
Hier soir à l'Opéra Bastille le bonheur d'une mise en scène de Bob Wilson en parfait accord avec le livret de Madame Butterfly. Le zen des décors, l'économie des gestes mettent en relief le drame et la lâcheté de Pinkerton, officier de la marine américaine qui n'a épousé la jeune geisha que pour se divertir lors de son séjour à Nagasaki, alors que la jeune fille de 15 ans se donne à lui de tout son corps et de toute son âme allant jusqu'à renier ses dieux et ses ancêtres pour se vouer au dieu américain.
Débarrassé de toute la quincaillerie kitch qui souvent encombre l'opéra de Puccini, Bob wilson met à nu le sordide de cette histoire tout paradoxalement en le nichant dans un écrin aussi sobre qu'élégant. Les chanteurs glissent plus qu'ils ne marchent sur la scène qui, du premier balcon où je me trouvais, ressemblait à un tableau géant de Soulage sur lequel on aurait posé un immense étendard de planches. Ce traitement amène Madame Butterfly à devenir presque un opéra de chambre. La symbiose est telle, entre la musique et la mise en scène qu'on a le sentiment que c'est la gestuelle mesurée des chanteurs qui dirige l'orchestre en particulier lorsque l'enfant apparait, petit rat cambré d'une dizaine d'années, presque nu, dont les gestes mystérieux m'ont fasciné tout le dernier acte. Il est dommage que la distribution n'ait pas été complètement à l'unisson de cette perfection. L'ensemble des chanteurs est beaucoup plus comme souvent pour leur silhouette que pour leur voix. Si le consul, Sharpless, Michael Drulett, domine l'interprétation par sa belle prestance, je n'en dirais pas autant de Massimillano Pisapia dont le physique est loin d'être à la hauteur de son ramage. On comprend alors mal comment la belle Butterfly peut se mourir d'amour pour se nabot bedonnant. Il n'en reste pas moins, que grâce à la mise en scène de Bob Wison, Madame Butterfly est un spectacle à ne pas manquer.
Eden Dambrine l'acteur vedette de Close
Close film du Belge Lukas Dhont, en lice pour la Palme d'Or, suit Léo (Eden Dambrine) et Rémi (Gustav de Waele), deux garçons de treize ans, amis à la vie à la mort.
L'insouciance de leur enfance dans la campagne belge, rythmée par les récoltes de fleurs dans les champs à perte de vue qui entourent leurs maisons, va être percutée par l'entrée au collège.
Tout à coup, le regard de leurs congénères sur cette amitié trop fusionnelle, trop physique à leurs yeux, va s'immiscer: si Rémi ne change rien à son comportement, Léo va peu à peu s'éloigner, désireux de faire plus "garçon" pour mieux coller à la norme masculine dominante: hockey sur glace et burgers, plutôt que promenades champêtres et inventions d'histoires.
"Amis depuis toujours, Léo et Rémi sont trop +close+ (proches, ndlr) aux yeux des autres, ils vont beaucoup se faire juger, surtout quand Léo va vouloir être dans le groupe des garçons cool", résume Eden Dambrine.
Le réalisateur et ses deux jeunes acteurs