31 juillet 2020
Eté 85 un film de François Ozon
Eté 85 raconte les six semaines d’une histoire d’amour incandescente entre deux garçons, Alex, 16 ans et David 18 ans. Cette romance se déroule au Tréport. Elle se terminera très mal, par la mort de David. Ce que nous savons dés le début du film, en revanche on en ignorera longtemps les circonstances.
Cette tragique histoire est raconté par Alex dans un texte que le garçon fait lire à son professeur de français, joué par Melvil Poupaud. Tout le long du film on entendra en voix off, Alex lisant son texte qui ne nous est pas donné de manière chronologique mais suivant le rythme des émotions d’Alex. Chaque paragraphe du récit déclenche une scène. Le spectateur doit donc assembler ce puzzle pour comprendre les tenants et les aboutissants de cette histoire.
Le fait que nous ne connaissions pas ce qui a provoqué la mort de David, nous amène pendant une grande partie du film à nous imaginer des choses dont par la suite on s’apercevra qu’elles sont erronées d’autant qu’Ozon nous entraine sciemment sur de fausses pistes.
Tout le film repose sur les épaules de Félix Lefebvre qui interprète Alex, presque un débutant que j’avais tout de même repéré dans « L’heure de la sortie ». Le jeune acteur est dans presque tout les plans et dans les rares où il ne figure pas c’est lui que l’on entend en voix off. Si dés les premières images Félix Lefebvre s’impose par ses qualités d’acteur. Le ton récitatif de la voix off dérange au début, puis on comprend qu’il lit douloureusement le texte qu’il a écrit pour expliquer ce qui entoure la mort de David. Ainsi le défaut présumé de la diction de l’acteur devient un guide pour reconstituer la passion qui a uni Alex à David.
Le réalisateur filme avec beaucoup de sensualité, tout en restant presque pudique le corps de son acteur principal qui possède une charge érotique dont je dois pas être le seul à l’ apercevoir. Ozon nous offre quelques plans de ses appétissantes fesses nues et, coté face, son jean moulant laisse deviner qu’il a été de ce coté là également gâté par la nature. Il y a d’ailleurs une allusion à la taille de son sexe dans le dialogue.
Dans « Eté 85 » François Ozon a fait des choix de mise en scène audacieux comme celui de tirer certains de ses personnages, essentiellement les personnages féminins en fait, vers la caricature comme il le faisait souvent dans ses premiers films. Ce qui n’est pas étonnant car le cinéaste voulait que cette histoire soit son premier long métrage. Eté 85 est en parti un retour au sources pour François Ozon. Les mères des deux garçons sont donc caricaturales, celle d’Alex, jouée par Isabelle Nanty en mère prolétaire dévouée et tremblante face à son mari (Laurent Fernandez) et celle de David interprétée par Valeria Bruni-Tedeschi en mère juive possessive. Je trouve que faire de David un juif n’ajoute rien au scénario et les mères possessives ne sont pas le monopole des juifs. Si le jeu outré des de ces deux actrices peut gêner, il met aussi en valeur celui tout en émotion de Félix Lefebvre et celui tout en ambiguïté de Melvil Poupaud qui en quatre courtes scènes impose la complexité de son personnage de professeur qui retient son propre désir. Encore plus décoiffant avoir choisi une actrice française pour interpréter Kate, la jeune anglaise au pair qui sera, à son insu, le déclencheur du drame. La jeune femme parle avec un accent anglais qui rappellera pour les cacochymes de mon espèces certains sketches de Jacques Baudouin, ou la version française de Laurel et Hardy. Ce choix curieux pourrait corroborer l’hypothèse que j’émet en fin de ce billet.
Benjamin Voisin assure bien en David, mais le personnage est un peu sacrifié au profit de celui de Félix. En définitive on ne saura pas grand chose des motivations profondes de David. Mais là encore ce manque sert le film puisque en David, Félix a mis la figure de l’ami idéal à la place du véritable David. Ainsi David gardera une grande partie de son mystère pour le spectateur.
François Ozon a éparpillé de nombreuses références à ses propres films dans Eté 85, en particulier de ses courts-métrages. On retrouve dans son dernier opus, le travestissement d’ « Une robe d’été », le jeu Action-Vérité de son court métrage éponyme mais aussi la relation trouble entre un élève et son professeur comme « Dans la maison », la mer potentiellement meurtrière comme « Sur le sable », la sépulture dans Frantz ou dans « Mes parents un jour d’été ».
Le film est l’adaptation du roman « La danse du coucou d’Aidan Chambers. Livre que le cinéaste a découvert à l’âge de ses deux jeunes héros. Ozon a parfaitement réussi la transposition d’Angleterre en France. L’action du livre se déroulait dans une station balnéaire ouvrière du sud est de l’Angleterre. Le report et Fécamp où est tourné le film sont des villes idéales pour montrer le milieu ouvrier auquel appartient Alex qui a un père docker et une petite bourgeoisie incarnée par la mère de David.
Le film est tourné en 16 mm qui donne du grain à l’image et privilégie les couleurs chaudes, un peu comme dans les photos d’alors issues de pellicules Kodacolor.
Le décor et les costumes ne cherchent pas ostensiblement à faire années 80 et c’est très bien comme cela. C’est surtout la musique avec Cure et les Smith qui ancre le film en 1985.
Eté 85 est un film beaucoup plus mystérieux qu’une vision superficielle pourrait le laisser penser. Il est plein de contradiction tant dans la forme que dans le fond. Ce film sombre a une fin optimiste et délivre un massage via une sentence: << Le plus important, c’est d’échapper à son histoire.>> qui offre bien des interprétations possibles; échapper aux contingences morales, à sa classe sociale, à son déterminisme sexuel… Dans l’impossibilité de communiquer verbalement, avec qui? Alex échappe à son histoire en écrivant ce qui lui est arrivé comme le narrateur de « La recherche ». L’épreuve de son amour brisé aura fait accoucher l’écrivain qui était en lui. Mais si tout ce que l’on avait vu était une fiction inventé par Alex pour se réaliser en tant qu’écrivain et homosexuel. Cela expliquerait les personnages féminins caricaturaux à la limite du vraisemblable et de la misogynie.