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Dans les diagonales du temps
9 mars 2020

Occupe-toi d'Arletty! de Jean-Pierre de Lucovich

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Le roman policier historique est devenu un genre en soit. Il connait ces dernières années une croissance que l'on peut, en exagérant à peine, qualifier d'exponentielle. Ce phénomène n'englobe pas seulement la France mais aussi la grande Bretagne les Etats-Unis et probablement d'autres contrées. Sauf erreur, c'est des Pays-Bas, via la Chine, que nous vient cette veine puisque l'on peut considérer que le père en est Van Gulik et son juge Ti dont les récits des enquêtes de ce dernier parurent dans les années 50. Trente ans plus tard Umberto et son « Nom de la rose » raviva une flamme qui ne semble plus devoir s'éteindre attisée avec talent par Philip Kerr et les exploits de son héros Bernar Gunter dans l'Allemagne nazie, malheureusement la plupart de leurs avatars n'éclairent pas bien loin... La plupart des romans de ce type sont édités par 10-18 dans la collection « Les grands détectives », collection qui semble un formidable appel d'air pour ce type de production. Ces ouvrages nous proposent des énigmes sous toutes les latitudes et toutes les époques. Si le niveau de ces romans est assez moyen, car ils pâtissent presque tous du même défaut, celui d'être des « romans d'antiquaires » dans lesquels leur auteur privilégie le décor et la peinture de l'époque à l'intrigue romanesque.

 

 

Occupe-toi d'Arletty! de Jean-Pierre de Lucovich

Comme pour tous les romans historiques la première difficulté que rencontre l'auteur est celle d'insérer sa fiction dans une trame historique, si possible assez connue, dans une époque qui suscite la curiosité de nos contemporains. Mieux vaut à mon humble avis pour le tirage du roman situer l'intrigue dans la France napoléonienne ou l'Allemagne nazie que dans la Neustrie mérovingienne...

Autre tâche ardue de taille pour l'auteur: bien choisir son enquêteur, le « je » de la plupart des romans de ce type; certains élisent un personnage célèbre comme Oscar Wilde par exemple. Ce choix me paraît peu judicieux, ce qui est confirmé par la lecture des écrivains ayant suivi cette curieuse voix. D'autres, à mon sens, font une autre erreur, celle de prendre pour héros un personnage peu trop atypique, c'est le seul reproche que je ferais aux excellentissimes ouvrages de John Lawton par exemple, ouvrages dont il faudrait bien que je vous entretienne...

Mais foin de généralités, venons en enfin au livre qui m'amène à disserter de manière oiseuse sur le roman historique. L'ouvrage en question est « Occupe toi d'Arletty » de Jean-Pierre Lucovitch.

 

Occupe-toi d'Arletty! de Jean-Pierre de Lucovich
vernissage d'Arno Breker

vernissage d'Arno Breker

 

L'auteur a eu la double bonne idée de situer son intrigue dans le Paris de l'occupation, exactement au printemps 1942 (nous assistons au vernissage de l'exposition Arno Breker qui eut lieu le 15 mai 1942) et de surcroit dans le monde du cinéma de l'époque même si c'est plus les lieux de plaisir, ce qui est plus convenu que les plateau que l'on va découvrir; nous assistons néanmoins à un défiler stars d'alors. L'autre grande trouvaille est surtout de prendre comme personnages des seconds rôles dont le nom est vaguement évocateur pour les aficionados du malheureusement caduque, pour certains, cinéma en noir et blanc du samedi soir mais dont personne ne connais plus la vie privée, du moins celle que révélait Ciné revue. Le romancier n'a pas pris de risque qu'en à son héros. Il a jeté son dévolu sur un détective privé, façon Nestor Burma: Jérôme Dracéna, pas tout à fait la trentaine, virtuose en boxe française, ancien de la P.J. Dont le père récemment retraité, fut un ponte; ce qui est pratique questions relations et ausweiss... Jérôme Dracéna est hostile aux vichystes, ce fils de policier est plutôt patriote, alors que Burma revendiquait l'esprit anar. Très utile pour sa présente enquête, c'est un fin cinéphile.

Comme souvent dans ce genre d'ouvrage l'intrigue est assez minimaliste tout du moins au début: Qui envoie des petits cercueils et des lettres de menace à Arletty (1898-1992). La star est amoureuse d’un officier allemand, Karl von Sperlich au passé sulfureux qu’elle ne connaît pas. C’est du moins l’hypothèse de l’auteur. Dans la réalité durant l’Occupation, Arletty a eu une liaison avec un officier allemand, Hans Jürgen Soehring (1) c'est sur cette base historique que l'auteur bâtit son histoire est fort habile, car elle nous permet de visiter le grand monde et le demi monde de la collaboration. Ce n'est pas la première fois que cette histoire nourrit une fiction, un  téléfilm Arletty, une passion coupable (2014) réalisé par Arnaud Sélignac, Hans Jürgen Soehring est interprété par Ken Duken.

La vraie bonne idée du livre est de mettre au premier plan des acteurs et des actrices de cinéma qui le plus souvent dans les films qu'ils ont tournés étaient surtout les faire-valoir des stars. Je m'avance pas beaucoup en subodorant que le merveilleux livre d'Olivier Barrot et Raymond Chirat (ayons une pensée pour ce dernier qui nous a récemment quitté) «  Noir & blanc, 250 acteurs du cinéma français 1930-1960 » est l'un des livre de chevet du romancier qui bien que ce soit son premier roman n'est pas un poulet de l'année. Il a été des années chroniqueur mondain. Lucovich en a gardé une bonne habitude celle de donner toutes les adresses...

Donc, revue de détail des passants du roman, ce qui m'évite de trop déflorer l'intrigue et me permet de répondre à la question que je me pose souvent à propos de demi-célébrité: Que sont-ils devenus? Débutons par ces messieurs dames de l'écran; Commençons par Dita Parlo, nom qui devrait tout de même dire quelque chose aux cinéphiles pure et durs puisqu'elle fut, Elsa, l'allemande qui recueille les évadés de « La grande illusion » de Jean Renoir en 1937. Pendant la guerre, comme dans notre roman, elle fricote avec la Gestapo, mais après un petit séjour à l'ombre, elle obtient un non lieu pour ses agissements pendant la guerre. Elle fait une pieuse fin en épousant un pasteur français et meurt à 63 en 1971 à Paris... Dans le roman elle est une pensionnaire éphémère du « One Two Two » claque célèbre et huppé. Mythe ou réalité cette courte carrière d'allongée?

 

 
Occupe-toi d'Arletty! de Jean-Pierre de Lucovich

Autre acteur, d'un peu moins d'importance dans le roman que la Dita, mais que ces mêmes cinéphiles n'auront pas oublié non plus: Roger Duchesne collabo au petit pied que le résistant Jean-Pierre Melville tira de l'oubli pour lui confier le premier rôle de Bob le flambeur. La vie du sieur Duchesne est un roman à elle toute seule: second rôle notoire jusqu'à une fin de carrière précipité pour cause de collaboration. Il se reconverti en tenancier de cabaret puis monte un casse de 800 000 francs et passe deux ans par la case prison. A sa sortie il se relance dans la littérature populaire, avant guerre il avait écrit quelques petits récits d'aventure pour Ferenczi, pour le compte de Roger Dermée, l'homme au multiple collections de polars violents, érotiques et surtout bon marché. Il rend 4 ou 5 roman dont « La morgue... Terminus! Puis disparaît de la circulation durant trois ans jusqu'à ce que Jean-Pierre Melville le retrouve. Après le coup d'éclat de « Bob le flambeur, il ne donne guère de nouvelles jusqu'à ce qu'il lâche la rampe le jour de Noël 1996 à l'âge respectable de 90 ans (il n'y avait que son âge qui était respectable chez ce coco) et quand on pense qu'il y a des auteurs qui se grattent la tête pour chercher des sujets. Le comble c'est que le monsieur n'a pas écrit ses mémoires, pourtant il en a côtoyé des célébrités... certes pas toujours dorées sur tranche.

Pour les besoin de son enquête Jérôme Dracéna s'entretient avec Henry Garat pour lequel on sent que l'auteur à une indéniable sympathie, mais peut être que vous ne vous souvenez plus qui est exactement l'interprète de l'inoubliable chanson « Avoir un bon copain ». Voilà quelques lignes qui devrait vous rafraîchir la mémoire: Après avoir connu quelques succès dans des opérettes, Il incarne un jeune premier idéal dans Soir de réveillon (1933) et Il est charmant, deux opérettes d'Albert Willemetz qui ont été filmées et qui passent à la télévision ou existent sur des supports commerciaux à la vente. En 1933, il tourne à Hollywood dans le film "Adorable", avec Janet Gaynor. Il interprète également un grand succès de la chanson, avec "Avoir un bon copain" et crée « Un mauvais garçon » dans le film homonyme avec Danielle Darrieux en 1936. En 1938, dans L'Accroche-cœur de Sacha Guitry, il joue aux côtés de Jacqueline Delubac qui chante le « tube » de l'année, écrit aussi par Albert Willemetz, qui contribuera à la promotion du film. Mais son train de vie extravagant (auto, yacht, avion, château), sa consommation de cocaïne, ses mariages et ses divorces achèvent de le ruiner notamment celui avec la sulfureuse comtesse Tchernycheff qui a un grand rôle, plus que ceux qu'elle a eu à l'écran, dans le roman. Contrairement à bien de ses collègue l'occupation n'est pas une période faste pour lui. Il ouvre un restaurant, un magasin de jouets, mais les chèques sans provision et les échecs de ses derniers films font qu'il sombre dans la dépression. En 1944, il part en Suisse pour suivre une longue cure de désintoxication. On le voit ensuite en Angleterre (où il rencontre un certain succès), aux États-Unis, ainsi que sur la Côte d'Azur. En août 1950, il écrit à Albert Willemetz afin que celui l'engage dans la nouvelle Revue de l'Empire au côté d'Arletty, mais la distribution a déjà été bouclée. Néanmoins, Willemetz, touché de la détresse de l'artiste, lui envoie 500 francs. En 1951, il est à Alger. En 1952, il est à Paris et tente en vain un come-back dans un cabaret des Champs-Élysées. Au début de 1953, il donne un ultime tour de chant au cabaret la Villa d'Este, puis quitte la capitale pour la Côte d'Azur où on lui rend un ultime hommage au Casino de Juan-les-Pins et où il retrouve, entre autres, Lilian Harvey, avant de suivre une tournée avec un cirque.Il meurt finalement à 57 ans, à Hyères en 1959, entouré de sa quatrième épouse et de son jeune fils.

A moins d'être un collectionneur acharné de « Ciné Mondial », on se demande au fil des chapitres si certains personnages ont réellement existé ou sont sortis entièrement de l'imagination de Jean-Pierre Lucovitch, comme ce photographe italien, copain du héros, Tony Locascio qui ressemble à un Tyrone power latin; celui là semble bien être une pure invention de l'auteur tout comme Florence Préville, l'amoureuse de notre détective qui pourtant arbore un C.V. Des plus crédible...

Outre Arletty bien sûr dont l'élégance gouailleuse et son aura nimbe tout l'ouvrage, Jérôme Dracéna s'entretient avec Carette mais je n'aurais l'outrecuidance de vous présenter ces vedettes...

Le roman ne se limite pas à un travelling sur le personnel du cinématographe durant l'occupation, on visite aussi la carlingue et ses tortionnaires et ses aventurières telle la comtesse Tchernycheff, si vous désirez plus d'informations sur cette dame et ses consoeurs lisez donc Les comtesse de la Gestapo de Cyril Eder (Grasset 2006); ce n'est pas un modèle de rigueur historique mais on sort de sa lecture néanmoins bien informé.

 

Tonton est la personne qui est derrière l'homme qui tient son chapeau, vous avez peut être reconnu Marcel Aymé, l'homme aux lunettes noires

Tonton est la personne qui est derrière l'homme qui tient son chapeau, vous avez peut être reconnu Marcel Aymé, l'homme aux lunettes noires

 

Plus original que la Gestapo française, déjà beaucoup visitée par la fiction, curieusement le romancier fait d'un de ses chefs Laffont, un personnage presque sympathique (à cette occasion on aperçoit son chauffeur, Eddy Pagnon, déjà côtoyé chez Modiano), c'est la nuit parisienne des années vert de gris que l'auteur nous fait découvrir, à telle enseigne que l'on a parfois l'impression de lire le parfait guide des nuits parisiennes de l'élève collaborateur. Comme vous pouvez le supposer c'est surtout les adresses « spéciales » que j'ai retenu et en particulier le dirigé par Gaston Baheux dit tonton. Lorsqu'en 1940 cet ancien héros de la Grande Guerre et folle perdue est démobilisé, il rachète à Bob Giguet le « Liberty's bar »,place BlancheAndré Dignimont le décore. Le Tout-Paris, et tout d'abord ceux qui l'ont connu en haut de la Butte, fréquente l'établissement. De Jean Cocteau à Édith Piaf en passant par Mistinguett ou Francis Carco et bien d'autres, l'endroit devient pour les habitués : « Chez Tonton ». Tonton assure l'animation, épaulé par son comparse Nono. Son grand ami Charpini est souvent à l'affiche. Jackie Rollin et Fernand Sardou s'y produisent pendant une dizaine d'années. Fernand crée des saynètes auxquelles participent les employés du lieu. En 17 ans d'existence (jusqu'à sa fermeture en 1957) le « Liberty's » de « Tonton », accueille de nombreux artistes fantaisistes tels Pauline CartonAndrel,Jacques MeyranSerge DavriRobert LamoureuxGinette GarcinPieralRoger Pierre et Jean-Marc ThibaultLine Dariel , Jean RichardOdette LaureClaude Véga ou Jacqueline Maillan... Une place est faite aussi à de jeunes artistes de la chanson débutants comme MouloudjiClaude NougaroGilbert BécaudMick MicheylMarcel Amont, ou François Deguelt … Gaston Baheux était aussi un amateur d'art réputé3, collectionneur de peintures et, là encore ami d'artistes, comme Henri Mahé, Yves BrayerAndré DerainRaoul DufyMaurice de VlaminckJean-Dominique Van CaulaertAndré DignimontJean Dufy ou Bernard Buffet. Son goût pour les arts plastiques l'a amené à créer le groupe « Rencontres » au début des années 1950. Tonton meurt à Paris en 1966 à l'âge 69 ans.

Les lecteurs de ce blog, qui contrairement à une éphémère ministre de la l'inculture sont des lecteurs de Modiano ne pourront ne pas penser aux romans du prix Nobel d'autant que l'on fréquente dans « Occupe toi d'Arletty » une silhouette que l'on a aperçu dans les opus de l'illustre écrivain, Lionel de Wiet, faux marquis et vrai truand, personnage modianesque par excellence. De Wiet tient aussi une bonne place dans un livre que Jean-Pierre Lucovitch a du potasser sérieusement: . On peut y lire sur ce personnage ces quelques lignes: << Quand arrive la guerre, Lionel de Wiet a déjà été neuf fois condamné pour trafics en tous genres, y compris pour usurpation de titre militaire ! Il a à l’évidence le goût des titres puisqu’il se fait passer pour marquis pendant la guerre. Peu avant, en 1938, il a créé une Société européenne de fournitures industrielles et commerciales (SEFIC) dont la si large dénomination traduit l’ampleur des ambitions. Il a d’ailleurs, sous un autre nom de société, traficoté avec l’Espagne républicaine — l’argent n’a pas d’odeur mais il laisse des traces dans les archives. Lorsque Wiet, avec l’aide de son ami Luchaire, entame des négociations avec les Allemands, ces derniers s’en souviennent et peuvent le menacer : c’est à leur demande qu’il relance la SEFIC ainsi associée aux très riches affaires lancées par les bureaux d’achat de l’occupant (…) Wiet un contrat important avec la Kriegsmarine à laquelle il livre 6000 tonnes de peinture grâce à Isabelle Heyer qui est alors la maîtresse d’un officier de la marine de guerre allemande. >>.

Comme vous pouvez le supputer, je serais fort curieux de connaître la documentation de notre romancier, pas toujours bien digéré mais que je n'ai pas pris en flagrant délit d'anachronisme. Outre les livre déjà cité on peut penser qu'il a jeté un oeil et peut être plus d'un sur « 1940-1945 année érotique » de l'inéfable Patrick Buisson. Il a peut être aussi ouvert l'assez peu ragoutant Eros en chemise brune de Michel Angebert...

On peut considérer qu'Occupe toi d'Arletty est dans la continuité de du roman de Gonzague Tosseri « Le bal des homme » qui gravite dix ans avant en ce qui concerne la chronologie de l'intrigue dans les mêmes eaux, avec un peu plus de folie et d'ambition que cet « Occupe toi d'Arletty » (vous pouvez lire le billet que j'ai consacré au livre de Gonzague Tosseri à l'adresse suivante: http://www.lesdiagonalesdutemps.com/2014/11/le-bal-des-hommes-de-gonzague-tosseri.html). 

La lecture très agréable de ce roman donne l'envie de revoir sur le même milieu et la même époque « Laisser-passer », le chef d'oeuvre de Bertrand Tavernier et de relire les romans de Modiano en particulier « Les boulevards de la ceinture » car Modiano, contrairement à Jean-Pierre Lucovitch qui parfois nous assène assez lourdement sa documentation, est un maître dans le maniement de l'estompe à documentation, c'est entre autres ce qui en fait un grand écrivain.

 

 

Nota

 

1- Hans Jürgen Soehring est  né le 23 juillet 1908 à Istamboul. Il est le fils d'un diplomate allemand envoyé dans l'Empire ottoman à Istanbul, il mène ses études à Berlin, Leipzig, Grenoble, Clermont, Paris et Londres. Parlant couramment l'anglais, l'espagnol et le français en plus de l'allemand, il étudie le droit et les sciences politiques entre 1932 et 1936 et se lance sans succès dans les affaires en Amérique du Sud.Avant la Seconde Guerre mondiale, membre du parti nazi, il intègre la magistrature où il exerce loyalement sans pour autant être fanatique3. Il s'engage dans la Wehrmacht en 1937 et devient conseiller juridique (Feldrichter) de la Légion Condor en Espagne. Lorsqu'éclate le conflit, il est nommé lieutenant-colonel de la Luftwaffe et affecté à Paris où il est l'homme de confiance de GoeringJosée de Chambrun, fille de Pierre Laval, lui présente Arletty en mars 1941, avec laquelle il entretient une relation jusqu'en 1943, année où il est rétrogradé sous-officier par ses supérieurs. En mai 1944, il est envoyé en Italie où il participe à la bataille du Monte Cassino en couverture aérienne de la  armée allemande, avant de retrouver ses galons d'officier et d'être affecté au tribunal militaire du Reich (Reichskriegsgericht). À la Libération, Arletty sera frappée d'une suspension de deux ans et interdite de séjour à Paris pendant trois ans. Cette histoire passionnelle sera lourde de conséquences pour sa carrière et son image auprès du grand public. Soehring ne sera pas inquiété. Après la guerre, il devient écrivain et, proche d'Hans Werner Richter, il fait partie d'un groupe littéraire appelé « Groupe 47 ». Il réside un temps en Argentine et traduit en allemand l'ouvrage autobiographique de Lindbergh The Spirit of St. Louis (Mein Flug über den Ozean, 1956). Entré au service du ministère des Affaires étrangères de la République fédérale d'Allemagne en janvier 1954, il est nommé consul à Luanda en Angola portugaisen 1957. En 1960, il est nommé ambassadeur de la République fédérale d'Allemagne dans la nouvelle République du Congo. Il meurt au cours d'un voyage en famille sur le fleuve Congo, dans des circonstances inexpliquées, alors qu'il se baigne en compagnie de son fils alors âgé de douze ans. Son corps n'a jamais été retrouvé.Jusqu'à sa mort il a conservé l'amitié d'Arletty qui a rendu visite à sa veuve et son fils à Bad Godesberg.

2- La couverture du livre a été réalisée à partir d'une photo d'André Zucca que pourtant on ne croise pas dans l'ouvrage, ce qui aurait été tout à fait plausible.


 

Hans Jürgen Soehring

Hans Jürgen Soehring

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9 mars 2020

Nicolas de Crécy, Kyoto

Nicolas de Crécy, Kyoto

 

9 mars 2020

pour se souvenir d'une soirée à la Philarmonie de Paris avec Daniel Barenboim et la Staatskapelle Berlin dans un programme Mozar

pour se souvenir d'une soirée à la Philarmonie de Paris avec Daniel Barenboim et la Staatskapelle Berlin dans un programme Mozart - Bruckner
pour se souvenir d'une soirée à la Philarmonie de Paris avec Daniel Barenboim et la Staatskapelle Berlin dans un programme Mozart - Bruckner
pour se souvenir d'une soirée à la Philarmonie de Paris avec Daniel Barenboim et la Staatskapelle Berlin dans un programme Mozart - Bruckner
pour se souvenir d'une soirée à la Philarmonie de Paris avec Daniel Barenboim et la Staatskapelle Berlin dans un programme Mozart - Bruckner

Plus que pour le programme en ce samedi 7 janvier 2017 j'étais à la philarmonie pour voir Daniel Baremboim diriger un orchestre de son piano. Ce que je n'avais jamais vu, je regrette bien d'avoir raté en son temps Bernstein dans cet exercice. Il reste que le concerto n° 22 pour piano de Mozart a mis du soleil dans l'eau froide. 

Dans la deuxième partie, la symphonie n°3 de Bruckner, très Wagnérienne m' fait m'envoler dans les cintres sans pourtant me donner l'envie d'envahir la Pologne...

Petite anecdote Baremboim qui s'épongeait beaucoup des les premières mesures de Bruckner nous a laissé en plan à la fin du premier mouvement durant cinq bonnes minute. Ensuite le maestro a dirigé avec autorité jusqu'à la fin l'impeccable Staatskapelle Berlin, mais toujours en s'épongeant fréquemment...

Lors de ma précédente visite à la belle salle de la philarmonie qui est décidément nichée dans un bâtiment bien moche, je vous avais fait part de ma gène lors d'un concerto pour piano et orchestre de constater que le piano était un peu submergé par l'orchestre. Je ne savais s'il fallait incriminer l'interprétation, ce que je ne pensais pas ou l'acoustique de la salle que j'avais pourtant trouvée parfaite dans un programme exclusivement orchestrale lors de ma première visite en ce lieu alors que je me trouvais approximativement à la même place c'est à dire au 5ème étage, au premier rang du grand balcon face à l'orchestre que vous pouvez voir sur mes photos. Il faut savoir que la Philarmonie propose ses places sur trois étages. le troisième, le quatrième et le cinquième. ne me demandez pas où sont passé les deux premiers, je n'en sais rien. Cette fois j'étais au quatrième étage en fond d'orchestre et le rendu du piano était parfait de même que sa balance avec l'orchestre. Lors de programmes dans lesquels le piano dialogue avec l'orchestre si vous le pouvez évitez donc le cinquième étage... Suite de mes impressions acoustique sur l'endroit en mai prochain, à suivre...   

 

 

pour se souvenir d'une soirée à la Philarmonie de Paris avec Daniel Barenboim et la Staatskapelle Berlin dans un programme Mozart - Bruckner

 

9 mars 2020

Thyrsis par James Harvard Thomas.

Thyrsis par James Harvard Thomas.
Thyrsis par James Harvard Thomas.

 

9 mars 2020

Ode aux shorts

Ode aux shorts

Très soucieux de l'état de manque dans lequel se trouve un de mes lecteurs régulier, en raison de la quasi disparition en nos rues, causé par un changement de mode dommageable, de l'élément du vestiaire masculin appelé short, anciennement désigné sous le nom de culotte courte, j'ai cherché dans mes archives quelques images de garçons court culotté dans le seul but de mettre du beaume au coeur de cet assidu visiteur qui me semblait au bord du désespoir. 

 

Ode aux shorts
Ode aux shorts
Ode aux shorts
Ode aux shorts
Ode aux shorts
Ode aux shorts
Ode aux shorts
Ode aux shorts
Ode aux shorts
Ode aux shorts
Ode aux shorts
Ode aux shorts
Ode aux shorts
Ode aux shorts
Ode aux shorts
Ode aux shorts
Ode aux shorts
Ode aux shorts
Ode aux shorts
Ode aux shorts
Ode aux shorts
Ode aux shorts
Ode aux shorts
Ode aux shorts
Ode aux shorts
Ode aux shorts
France, Italie, 1983,84,85

France, Italie, 1983,84,85

 

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9 mars 2020

Will McBride, Salem School

 Will McBride,  Salem School

 

    
 
   

 

9 mars 2020

On Your Mark, un clip réalisé par Miyazaki

 

On Your Mark-Speedpaint

9 mars 2020

Edge of seventen, un film de David Moreton

le visuel du superbe DVD édité jadis par mes soins

le visuel du superbe DVD édité jadis par mes soins

Edge of Seventeen, le film
 
Réalisation: David Moreton, scénario: Todd Stephens 
 
 
Avec: Chris Stafford, Tina Holmes, Lea DeLa

 

Résumé

Etats-Unis, Ohio, début des années 1980. Eric (Chris Stafford) a 17 ans et rêve de vivre de sa passion, la musique. C’est l’été et avec sa meilleure amie Maggie (Tina Holmes), ils vont travailler dans une chaîne de restaurant pour mettre un peu d’argent de côté avant la rentrée scolaire. Sous la direction de la charismatique Angie (Lea DeLaria), une équipe de jeunes serveurs, cuisiniers et plongeurs est formée. Parmi ses collègues, Eric remarque rapidement Rod (Andersen Gabrych), beau blond séduisant qui assume ouvertement son homosexualité. C’est un détail mais cela suffit à chambouler le petit monde d’Eric, de plus en plus conscient qu’il est gay mais peinant à faire son coming out (il cultive ainsi une relation ambiguë avec sa copine Maggie). Alors que le dernier jour de ce job saisonnier se profile, Rod invite Eric à sortir. Ils s’embrassent et Rod l’initie aux préliminaires entre garçons. Hélas, le blond coquin ne vit pas en Ohio et repart dans sa propre ville le lendemain. Amoureux, Eric a du mal a supporter la distance et ne comprend pas pourquoi son partenaire d’une nuit ne répond pas à ses nombreux appels. Entre deux changements de coiffure, il essaie petit à petit de s’affirmer, de préparer son coming out, va pour la première fois dans un club gay…

 

Edge of Seventeen 1

 

Dans les années 1990 sont arrivé, principalement aux Etats-Unis, une palanquée de films quelques longs métrages et surtout beaucoup de courts ayant pour thème le coming out adolescent.  Edge of seventee (qui peut se traduire au commencement de mes 17 ans) est peut être le meilleur. C'est dire si j'ai aimé ce film puisque je l'ai édité en DVD. Ce collector, une merveille comme tous les DVD que j'ai édités (foin de modestie aux abords de la tombe) doit pouvoir encore se trouver sur la magique toile. Ce qui m'a enchanté de prime abord dans ce film c'est l'énergie qui s'en dégage. Le réalisateur David Moreton et son scénariste Todd Stephens parviennent ici à capter en toute justesse et sensibilité, ce qui passe par la tête d’un ado qui se découvre gay. Certes Eric ne ressemble pas à tous les jeunes gays c'est un doux naif qui n'est pas trop torturé par des problèmes existentiels ou religieux, ces dernier hélas fréquents dans l'Amérique bondieusarde. Néanmoins ce long-métrage évite toute mièvrerie et joue justement de la candeur d'Eric pour le confronter parfois à la dure réalité. Ceci dit on échappe pas aux traditionnelles scènes de coming out avec la meilleure amie, forcément troublée car un peu amoureuse, on la comprend ni avec la maman qui a du mal au début, mais finit par accepter son enfant tel qu’il est.

Un atout du film est sa bande son du début des années 80 où l'on écoutait Boy George, Annie Lennox, les Communard. Un temps où l'androgynie était libératrice et était une façon de s'assumer. Et puis il est bien mignon Eric qui change plusieurs fois de coupe de cheveux. Au départ on le voit avec une coupe de garçon sage traduisant sa timidité et son désir de passer inaperçu. Puis il s’essaie à une coupe plus courte, lui permettant pour la première fois de s’affirmer un peu, de ne plus se cacher derrière une mèche, de s’adonner à la séduction. Plus tard, il osera la décoloration et un peu de maquillage, s’essaiera à un look plus queer, plus extravagant, un moyen d’afficher sa différence. Le poids du regard des autres est subtilement abordé lors d’une scène de fête où sans s’en rendre compte Eric attire tous les regards sur lui car il ne danse pas comme les autres garçons du lycée…

C'est avec beaucoup d'empathie que nous suivons le chemin libérateur de ce jeune ado; en dépit de l'optimisme qui jaillit du film tout ne sera pas rose. Le flirt romantique d’été se révèle être une cruelle déception, les garçons peuvent coucher très rapidement mais n’attendent pas forcément plus. Découvrant le milieu gay, ses lumières, sa musique, sa liberté mais aussi ses personnes pas toujours bien attentionnées, Eric trébuche, apprend et devient un jeune homme qui compose avec sa différence, qui comprend qu’elle est peut-être plus un cadeau, une ouverture, qu’une tare. Il pourra dans sa quête d’émancipation compter sur son ancienne patronne, Angie, se révélant être une figure de la nuit aussi haute en couleurs qu’attentionnée. Un très beau film qui fait du bien.

 

Edge of Seventeen, 3

 

Depuis Edge of seventeen, David Moreton a réalisé "Testosterone" en 2003 et "A good funeral" en 2009: tandis que Todd Stephens a réalisé "Gypsy 83" en 2001 ainsi qu'"Another gay movie" en 2006 et sa suite "Another gay sequel" en 2008. Quand à l'acteur principal, Chris Stafford, aux dernières nouvelles il est avocat...

 

Edge of Seventeen, 4

 

 

Edge of Seventeen, 6

 

 

Edge of seventen, un film de David Moreton
Edge of seventen, un film de David Moreton
Edge of seventen, un film de David Moreton

Pour l'édition de ce film en DVD, j'avais réalisé, par écrit, l'interview de son réalisateur. La voici ci-dessus. Elle est issue du bonus de ce DVD ou elle est sous forme d'un défilant.

 

Edge of seventen, un film de David Moreton
Edge of seventen, un film de David Moreton
Edge of seventen, un film de David Moreton
Edge of seventen, un film de David Moreton
Edge of seventen, un film de David Moreton
Edge of seventen, un film de David Moreton
Edge of seventen, un film de David Moreton
Edge of seventen, un film de David Moreton
Edge of seventen, un film de David Moreton
Edge of seventen, un film de David Moreton
Edge of seventen, un film de David Moreton
Edge of seventen, un film de David Moreton
9 mars 2020

Steven C. Corry

9 mars 2020

François Sentein à redécouvrir...

François Sentein à redécouvrir...

Il m'est venu à l'esprit que probablement peu de mes lecteurs avaient une idée de qui était ce François Sentein qui tient une grande place dans le petit essai de biographie que j'ai consacré à Karel Egermeier. (http://www.lesdiagonalesdutemps.com/2016/03/essais-biographique-sur-charles-egermeier.html). Comme je ne pouvais faire mieux que ce qu'a écrit sur ce personnage Laurent Dandrieu dans Valeurs Actuelles, je vous livre son texte tout cru. Il resta à espérer qu'un audacieux éditeur continue à éditer les mémoires de cet homme remarquable que fut Sentein. Chose amusante mais pas surprenante venant des pages de l'hebdomadaire pré-cité, dans l'article qui suit, il n'est pas question de l'homosexualité de Sentein et de son goût pour les jeunes hommes... 

L’un des plus impitoyables clichés des conversations littéraires, depuis quelques décennies, tient à la croyance quasi mythologique en l’existence de grands écrivains cachés, fourbissant leurs chefs-d’œuvre dans quelque mansarde, à l’insu du public, des éditeurs et des critiques. Depuis qu’on nous l’assaisonne à toutes les sauces pour nier l’évidence du déclin littéraire présent, nul n’a jamais pu produire le moindre manuscrit de ces génies supposés. On a quelque répugnance à fournir à ces monstres de mauvaise foi un parfait exemple à l’appui de leur démonstration, exception dont ils auront beau jeu de confirmer leur règle – mais l’honnêteté du critique a son prix.

Livrons-leur donc en pâture le nom de François Sentein, écrivain quasi débutant de quatre-vingts ans, dont les éditions le Promeneur, grâce à la curiosité précieuse de Patrick Mauriès, publient aujourd’hui les deux premiers volumes (couvrant les années 1938 à 1943) d’un journal dont l’écriture s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui. Le premier tome, Minutes d’un libertin, avait paru en 1977 aux éditions de la Table Ronde dans l’indifférence quasi générale, bien qu’Antoine Blondin saluât « un très bel itinéraire spirituel qui se parcourt comme le roman le plus charnu ». Dans les années 1990, il n’y aura que les jeunes têtes folles de la revue Réaction, aiguillonnées par la fidélité de son ami Jacques Laurent, pour se souvenir de l’existence de ce journal et en publier quelques bonnes feuilles. C’est au moment où on n’espérait plus d’autre publication que parurent l’an passé un essai inédit, l’Assassin et son bourreau, aux éditions de la Différence, puis cette année, au Promeneur, les Minutes et les Nouvelles Minutes d’un libertin. Révélation bien tardive pour un écrivain dont on devine dès les premières lignes la grande race et la profondeur.

« Il ne doit pas y avoir de langue littéraire : le but doit être que ce que l’on écrit puisse être parlé, que ce que l’on parle puisse être écrit ; “tel à la plume qu’à la bouche”, comme Léon Daudet nous le rappelle. » On pourrait croire, à le lire, que François Sentein est lui-même infidèle à cette exigence qu’il énonce, tant son style, à la fois dense et limpide, gracieux et naturel comme celui des écrivains du Grand Siècle, est éloigné du sabir qui se cause aujourd’hui. Mais s’il n’écrit certes pas comme on parle, il parle aussi merveilleusement qu’il écrit. C’est cette langue admirable, déjà parfaitement formée chez le tout jeune homme que nous révèle ce journal, qui captive d’abord dans ces Minutes. Puis viennent la profondeur et la liberté du propos, pas moins stupéfiantes chez un garçon aussi jeune. Croirait-on qu’il a dix-neuf ans, celui qui défend ainsi son étendard ? « Mon drapeau, d’abord on s’en drape – comme le porte-drapeau de Rembrandt ; on en joue en tête du défilé ; on l’emporte chez soi sur son épaule ; on s’y couche dedans, au lieu de le veiller comme un cadavre. Ce n’est pas un symbole abstrait, presque chimique, de trois couleurs, devant lesquelles on est prié de se monter le cou. On en a plaisir, car il est beau, comme l’était le drapeau blanc fleurdelysé. Le mien sera plutôt noir, semé de fleurs de lys d’or. Et puis, ce drapeau dans lequel on ne peut se draper appelle à ce qu’un jour on s’en torche. »

Au fil des pages, de portraits (« le rire était chez cet être attristé comme le rouage cassé d’une vieille pendule, qui sonne encore les heures et les demies, mais non plus les quarts ni le carillon ») en propos sur le style (le définissant comme « une liberté à l’intérieur d’un code », il dénonce le « grammaticalement correct » – en 1943 ! ), de rencontres en échappées qui sont autant d’essais ébauchés sur le langage, l’éducation, la religion ou le sport, monte la stupéfaction d’avoir dû attendre jusqu’à ce jour pour découvrir ce journal qui se place quelque part entre celui de Green, pour la façon dont il sait tout à coup rebondir sur l’anecdote pour arriver à l’essentiel par l’accident, et celui de Léautaud pour la beauté de la langue et le don de faire de la littérature à partir des ingrédients les plus minces.

Aventures d’un « berger de Paris »

Le nom de François Sentein n’est pourtant pas tout neuf dans les Lettres. Au début des années quarante, tant Cocteau que Montherlant lui prédisaient une brillante renommée, qui ne lui est encore aujourd’hui que promise. C’est à dix-sept ans, en octobre 1937, que François (de son nom de baptême Félix) Sentein monte à Paris. Né à Montpellier le 20 avril 1920, d’une lignée de médecins, cet enfant d’une grande précocité connaît une adolescence agitée : le départ du père laisse ce dernier de trois enfants libre de faire ses quatre volontés. Ce fils de légitimistes, grandi dans une maison où les portraits du comte de Chambord encombraient le moindre coin de mur, pousse l’extravagance jusqu’à adhérer à l’Action française à l’âge de treize ans ; ce qui lui vaudra d’être renvoyé par les jésuites en février 1936, quelques mois avant le bac. Contre toute attente, cet élève brillant mais distrait le réussit tout seul.

Entre-temps, il sera passé de l’AF à la Cagoule, organisation révolutionnaire censément clandestine dont il ne tardera pas à découvrir qu’elle n’était qu’une « farce » : lors d’un transfert d’armes agrémenté de quelques pauses spiritueuses, le jeune Sentein se trouvera ainsi, ivre mort et cigare à la bouche, juché à l’arrière d’un camion sur une caisse qui s’avérera contenir… des explosifs. Plus tard, avec Jacques Laurent qui a lui aussi frayé avec l’Organisation, il échangera des souvenirs amplifiés par l’ironie sur ces missions foireuses, mais c’est Laurent qui les exploitera dans son roman le Dormeur debout.

Débarquant dans la capitale pour y quérir une licence de lettres, il fait parallèlement ses premiers pas de journaliste. A peine installé au Quartier latin, il entre dans une brasserie d’où il téléphone à Thierry Maulnier pour lui proposer ses services : le successeur putatif de Maurras lui donne aussitôt rendez-vous chez Lipp ; Sentein arrête un garçon et lui demande où se trouve cet établissement : « Très drôle », lui répond-on froidement. Ce n’est qu’en revenant du Divan, la librairie d’en face, que le « Parisien d’un jour » comprend qu’il a posé la question… à un serveur de chez Lipp.

Il ne tardera guère cependant à être plus au fait des choses capitales. Le Paris d’alors était accueillant aux jeunes intelligences et, de par le privilège de la jeunesse de se retrouver impromptu au cœur des choses quand elle joint l’esprit d’aventure à l’esprit tout court, Sentein se trouve bientôt, malgré son apparence fluette qui le fait paraître plus jeune encore qu’il n’est, l’une des figures de ce milieu intellectuel qui se réunit autour des tables de chez Lipp, tout étonné de converser avec Léon-Paul Fargue, Ramon Fernandez ou Kléber Haedens. Récupéré par Pierre Boutang, il se lie avec les figures montantes de l’AF d’alors : Jacques Laurent, Philippe Ariès ou le futur fondateur de la Table Ronde, Roland Laudenbach. Il publie quelques articles à Combat ou dans des revues, mais échoue à faire accepter par l’Eclair de Montpellier le récit de sa visite au congrès hitlérien à la veille des accords de Munich ; ces aventures de "Sentein à Nüremberg", où sa méconnaissance de l’allemand l’avait propulsé dans la tribune diplomatique, à quelques mètres d’Hitler, ne seront pas perdues pour tout le monde, puisqu’on les retrouvera en ouverture des Minutes.

Mobilisable en juin 1940, Sentein échappe de peu à une guerre dont les mots d’ordre stupides le révoltent. Après quelques efforts infructueux pour devenir journaliste, il entre en octobre 1941 dans un des centres de jeunesse créés par Vichy pour donner aux jeunes une formation professionnelle, pour y enseigner la culture générale. Le “chef Sentein”, suivant la terminologie de l’époque, s’y fait vite remarquer par la qualité de ses cours et l’originalité de ses vues pédagogiques, dans un cursus où tout est à inventer. Nommé directeur pédagogique, c’est-à-dire, dit-il, payé à ne rien faire, il aura le temps de s’occuper de Jean Genet, alors inconnu, qui fait de fréquents séjours en prison pour vol de livres : accablé de récriminations par son protégé, comme le montrent les lettres que celui-ci lui adresse de prison, aujourd’hui éditées sous le titre de Lettres au petit Franz, il tente vainement de revendre “ses” livres, prépare des colis, corrige le manuscrit de Notre-Dame des Fleurs et lui trouve un éditeur, sollicite l’intervention en sa faveur de Cocteau, mais aussi de Darnand qu’il connaît depuis la Cagoule : tâches énormes pour un jeune provincial manquant d’entregent.

Il est vrai qu’entre-temps, sans avoir eu à faire la moindre démarche, il est devenu familier de Montherlant (connu après qu’il eut procuré à Sentein un des grands plaisirs de sa vie, le 29 mai 1940, en citant à la une de Marianne un article que celui-ci avait consacré, dans une revue confidentielle, au sport) et de Cocteau, qui l’utilise comme nègre pour un livre sur Eschyle qui ne paraîtra jamais, et tellement satisfait de sa besogne qu’il lui propose d’en partager le crédit.

Dans l’amitié des dieux de l’Olympe

Sentein n’en revient pas, n’en veut pas revenir de la facilité qu’offre Paris de rencontrer de manière impromptue les gens qu’on croyait les plus inatteignables (« Gaz et Cocteau à tous les étages »), de pouvoir deviser en toute amitié avec des écrivains dont les noms admirés, quand il n’était encore qu’un jeune «Montpelhérenc » (toujours ce « berger de Paris », ce « Tityre parisien » restera attaché à sa terre occitane), lui paraissaient ceux de dieux de l’Olympe (« Garçons de ces provinces, nous venons à Paris avec, roulée sous le bras, notre soutane d’enfants de chœur pour lesquels ce que l’on vénère ne saurait être touché ») ; non plus que d’entendre Paulhan, quand on le lui présente, lui reprocher amicalement de ne lui avoir rien soumis pour la NRF. Drieu lui fait le même accueil affable, malgré leurs différences : « Il se lève, m’écrase – m’écrase de la douceur de son accueil. M’est souvenu ce que tel ou tel m’a dit de sa vie, nonchalamment abandonnée au courage. Je sens qu’il y a comme un bar, comme une table de bridge entre nous, les amusements et les ennuis de jeunes grandes personnes, un tas de femmes de trente ans – et la rombière Histoire, dont il a la discrétion de ne pas dire un mot ici, mais dont on sait qu’elle est sa plus prenante liaison, qu’on la rencontrera en sortant dans l’escalier, venant le chercher, une fois seul, pour qu’ils rentrent ensemble. »

Pour tous, il est d’emblée de la famille, par sa culture, son style de haute tenue, la vivacité de son esprit : Cocteau l’appelle sa « musaraigne » et Max Jacob, qui esquisse son portrait en ouistiti, le surnomme Friquet, nom qui, comme il le découvre dans le Dictionnaire de l’Académie de 1696, désigne un « jeune garçon éveillé (…) vif, alerte ». Vivacité d’esprit qui le sauvera in extremis du STO, dans des circonstances qui nous valent un récit drolatique comme ce journal de haute volée en contient plusieurs. Pour que l’administration allemande le perde tout à fait, ce jeune pédagogue de vingt-trois ans, qui paraît promis à la plus brillante carrière, va s’enterrer dans des centres de jeunesse reculés où il n’aura pas à présenter ses papiers ni à user de tickets d’alimentation. C’est à La Ferté-sous-Jouarre que le trouve la Libération.

Celle-ci, fermant les centres de jeunesse, met notre éducateur au chômage, qui est d’autant moins tenté de solliciter l’Education nationale qu’il lui arrive fréquemment, de retour à Paris, d’abriter des proscrits en cavale. Commence alors une période instable, faite de piges intermittentes (souvent obtenues par l’entremise de Jacques Laurent) et de petits boulots : entre deux articles pour Vaillant (l’ancêtre de Pif-gadget dans la presse communiste) ou Arts (l’hebdo culturel acquis par Laurent) et quelques travaux de nègre (pour la comédienne Cécile Sorel notamment), il est représentant en vin de Bordeaux ou commis de librairie. Son emploi journalistique le plus stable ne dure qu’un an, lorsque de juin 1954 à juillet 1955 il est rédacteur en chef de la prestigieuse, sinon prospère, revue la Parisienne (fondée par l’inévitable Laurent), qu’il quitte quand elle est reprise par François Nourissier. Années « inquiètes, sans argent » qui n’empêchent pas ce velléitaire et ce paresseux de décrocher, pour le plaisir, un diplôme de japonais à l’Ecole des langues orientales ou de créer une éphémère collection consacrée aux prénoms, dont il écrira lui-même six titres en un an !

Pour sortir de cette misère matérielle et morale, il se résout, en 1960, à réintégrer l’Education nationale, comme simple maître-auxiliaire : de Romorantin à Font-Romeu, il enseignera les lettres ou la philosophie jusqu’en 1985 ; seconde carrière qui lui vaut aujourd’hui une demi-retraite lui permettant de subsister dans une mansarde de cette rue Jacob où il a passé l’essentiel du dernier demi-siècle, et où se sont accumulées, pendant toutes ces années, les milliers de pages de ces Minutes que son ami Roland Laudenbach a publiées, pour la première fois, seulement en 1977, un peu par hasard, après qu’une parution de quelques pages en revue eut suscité suffisamment de curiosité pour qu’on songe à en faire un volume.

C’est alors que fut retenu ce titre de Minutes d’un libertin, le terme de minutes désignant, nous indique Sentein, « l’écrit original d’après lequel se fera une copie au net », par lequel l’auteur signifie qu’il « n’a jamais prétendu qu’à l’ouvrage et au plaisir du journaliste (…) Il faut lire celles-ci comme des esquisses, essais ou brouillons de l’article que l’on pourrait faire si… et que, le lendemain ou un demi-siècle plus tard, on retrouverait fixées pendant la nuit au marbre de la composition : choses vues, gens entendus, aventures vécues ou rêvées dans les rues d’une vie qui est une promenade – qu’on avait oubliées et qu’on lit comme des nouvelles » – ces esquisses étant la seule forme où l’insatisfaction et le désir de perfection qui le taraudent ne viennent pas paralyser la création. Quant au libertin, il faut l’entendre non au sens que comprit un libraire de Saumur, chez qui on finit par dénicher l’ouvrage au rayon des livres coquins, mais à celui que donne le Grand Larousse encyclopédique : « un homme sans ambition, occupé de cultiver son esprit et de se connaître soi-même ».

Une pensée soumise à la grâce de la gratuité

En cette occupation, le plaisir ne joue pas un petit rôle. Car Sentein ne vit jamais en lui l’ennemi de la vérité, qui est le vrai but que l’homme de qualité impose à sa liberté, mais son plus parfait accomplissement. Et de citer Vauvenargues : « La plus grande perfection de l’âme est d’être capable de plaisir », et Bossuet prêchant devant Louis XIV : « Ce plaisir sublime de soulager les misérables (…) Ah, que ce plaisir est saint ! Ah, que c’est un plaisir vraiment royal ! Sire, Votre Majesté aime ce plaisir. » Et Sentein confesse que si Maurras l’a converti à la monarchie, ce n’est pas par le système abstrait en lequel on caricature trop souvent sa pensée, mais parce qu’elle était la seule, au contraire, à prendre en compte une chose aussi concrète que le plaisir, citant « la phrase, d’une simplicité évangélique, qui me décida pour lui : “Vous croyez que l’on fait des enfants, détrompez-vous : on embrasse sa femme”. »

De même la monarchie le convainc-t-elle non par sa supposée perfection, mais par la place qu’elle laisse au hasard et au péché originel (« Le péché originel pour tous, voilà mon égalité, voilà ma démocratie »), qui fait d’elle une sorte d’« anarchie cohérente » qui, n’étant pas fondée sur la raison ni sur un principe abstrait, est le régime qui demande le moins d’adhésion à l’individu, et donc le laisse dans la plus grande liberté possible. Liberté qui est aussi celle du souverain, au rebours de l’élu ligoté par ses intérêts : « Qu’est-ce qu’un fils de roi, sinon quelqu’un qui n’a rien fait pour être roi ? Le seul en qui puissent être couronnées un jour, par hasard et par bonheur, des qualités d’intelligence, d’imagination, de sensibilité, de noblesse, de désinvolture, qui lui ôteraient, autrement, l’envie et lui interdiraient l’espoir de la moindre carrière électorale, du moindre sous-secrétariat d’Etat… Et nous nous prosternons devant ce miracle. Notre pensée politique monarchiste, c’est l’intrusion de la grâce dans la société, qui est le domaine des droits, c’est-à-dire, en définitive, du droit du plus fort. »

Un témoignage vrai sur une époque mythifiée

Ainsi, au fil de notations éparses, Sentein dévoile-t-il une philosophie de l’existence qui doit tout au réel et rien aux nuées, et qui trouve dans la tradition l’espace le plus large où déployer sa liberté, comme l’appui qui donne toujours une longueur d’avance : « ma politique : la tradition libératrice ». De même, ce libertin qui s’est exilé d’une religion catholique qui condamnait ses mœurs (dont les Minutes ne cèlent rien, mais ne cédant pas davantage à l’impudeur qu’à l’hypocrisie) ne cache pas l’admiration qu’il garde pour une foi dont il continue de défendre la justesse et qui, loin d’étouffer la liberté, la stimule en lui donnant ses raisons – chantant ainsi les anciens cantiques « avec leur appel de mystère qui étonne la raison et rend intelligent ».

Mais ces Minutes n’oublient pas de porter témoignage sur leur époque. Et s’agissant d’un temps sur lequel se disent tant de bêtises et se pétrifie de plus en plus ce que Sentein appelle une « mythistoire », le témoignage d’un esprit si libre est chose précieuse. Attentiste déclaré, aussi critique vis-à-vis du pétainisme que du gaullisme, qu’il qualifie de « pétainisme adapté aux p.d.g. et aux loges », il ne veut pas reconnaître son maurrassisme dans le catéchisme boy-scout de Vichy, mais se refuse à ignorer ses initiatives heureuses, dont les centres de jeunesse, comme son inconséquence propre à bien des privautés. Parce que l’étoile jaune l’indigne, il ne se croit pas obligé pour autant de prétendre que la vue d’un uniforme allemand le révulse ; s’étonne que cette guerre entamée pour sauver la Pologne du totalitarisme pousse certains à sacrifier de gaieté de cœur la même Pologne à « l’Urssie » ; s’insurge contre le « tragédisme » de ceux qui font monter les catastrophes pour mieux y jouer un rôle et les modernes disciples d’Agamemnon, « Perrichon tragique, acceptant le crime afin de déchaîner les vents de la guerre et de se sentir pris dans leur tornade ». S’étonne enfin que son refus affiché d’un éventuel serment prêté à Vichy lui vaille un regard torve de ses collègues gaullistes (« J’étais un enfant. Comme devaient l’enseigner la morale et la magistrature issues de la “Résistance”, il ne s’agissait pas de refuser un serment que l’on réprouvait ; il fallait prendre note de ceux qui le prêtaient sincèrement, afin de les dénoncer plus tard comme traîtres »), tout en admirant, malgré la rigueur des anathèmes, « cette ironie parisienne qui convoque au même cocktail – sans cocktails – ceux qui devraient s’assassiner », et cette souplesse de la vie qui fait que, lorsqu’on cherche un conseil pour échapper au STO, on va le demander d’abord à un collaborateur notoire.

Comme tout journal digne de ce nom, ces Minutes brossent le portrait d’une âme, délicate, modeste et malicieuse, enthousiaste mais n’acceptant rien sans en avoir éprouvé les raisons, d’une inquiétude gaie ou d’une gaieté inquiète, ouverte à tous les bonheurs sans jamais les rechercher comme tels. Ne pouvant atténuer la dureté de l’heure, Sentein décide de retenir de ce temps d’exception où les règles usuelles s’effacent le surplus de liberté qui s’en trouve miraculeusement alloué : « Années précieuses où tout prend du prix », note-t-il. Pour cet esprit doué pour l’émerveillement et décidé à faire miel de tout (« Toute porte ouverte, surtout si c’était inopinément, se sera pour moi ouverte à la joie… »), « ces belles années de Paris (…) moment privilégié du sentiment et du plaisir », sont l’occasion de mille petits bonheurs – « Plus de taxi, plus d’autobus, plus d’auto : la merveille pullule » – qui sont autant d’incarnations d’un nouveau rapport aux choses où les éléments et les êtres retrouvent leur vrai poids, du danger encouru (« Merveilleuse insécurité de ce temps. Chacun en est plus vrai ») ou de la privation : « Mille liens nous attachent désormais au soleil, à la pluie, à la grêle, aux gelées. Le rythme des saisons endort ou secoue l’habitant des villes, qui retrouve l’usage de sens à peu près perdus. Des antennes nous repoussent, longtemps atrophiées (…). Si ces jours et ces nuits noires nous ramenaient aux certitudes élémentaires ; s’ils nous faisaient redécouvrir le monde ; si ces nuits de Paris nous rendaient la nuit ; si le besoin nous rendait le désir ; si le risque de les perdre nous rendait plus juste possesseur de nos biens ; si nous découvrions les travaux dans les jours, et les tributs de l’année chacun comme une grâce, nous ne pourrions pas parler de temps perdu. »

Et si, à nous qui parcourons sans joie des temps doucereux, rassasiés de confort et assoupis de routine, la lecture des Minutes de François Sentein savait rendre un tel regard et faire en sorte qu’à nouveau « les “grâces” l’emportent sur le bénédicité », nous ne parlerions certes pas de temps perdu. 

 

Laurent Dandrieu

 

De François Sentein : Minutes d’un libertin, 1938-1941, 280 pages, et Nouvelles Minutes d’un libertin, 1942-1943,
470 pages, Le Promeneur.
Lettres au petit Franz, de Jean Genet, Le Promeneur, 120 pages.

 
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