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Dans les diagonales du temps
9 mars 2020

Alfred Lenoir

le joueur de bille (photo Ismau, photo prise au parc Monceau)

le joueur de bille (photo Ismau, photo prise au parc Monceau)

J.M. m'a fait parvenir cette image due au photographe Hervé Champollion prise en 2000 qui montre qu'alors la statue n'était pas mutilée

J.M. m'a fait parvenir cette image due au photographe Hervé Champollion prise en 2000 qui montre qu'alors la statue n'était pas mutilée 

Alfred Lenoir est le fils de l'architecte et archéologue Albert Lenoir (1801-1891), fondateur du musée de Cluny, secrétaire général des Beaux-Arts. Il est également le petit-fils de Adélaïde Binart, peintre, et de l'archéologue Alexandre Lenoir (1761-1839), fondateur du musée des monuments français, administrateur des monuments royaux de Saint-Denis.

Alfred Lenoir fréquente l'École impériale et spéciale des beaux-arts de Paris, dont il sort diplômé en 1869 et couronné du prix d'expression (concours de la tête d'expression en sculpture). L'un des frères Goncourt rapporte les circonstances de son entrée à l'École :

Il me racontait qu'à l'âge de 14 ans, ayant une fièvre cérébrale, ses études avaient été interrompues et qu'il passait sa journée à vaguer dans l'école des beaux-arts, dont son père venait d'être nommé le Directeur. Et dans ce vagabondage, en cette maison d'art, il avait été du désir d'en faire autant, que les jeunes sculpteurs qu'il voyait travailler. Or il avait obtenu de se faire inscrire parmi les concurrents pour l'admission à l'École, et à quinze ans, il était admis le premier, sur l'éloge que Carpeaux faisait de son morceau de sculpture. C'était une petite académie d'après un modèle affectionné par Regnault, un modèle à l'anatomie nerveuse, à la tête de mulâtre, et dont le corps artistique lui donnait une espèce d'enfièvrement dans le travail, un enfièvrement tel, me disait-il, qu'il sortait tout en sueur de ces séances du soir, pendant lesquelles avaient lieu le concours.

Il y est l'élève de Jules Cavelier et d'Eugène Guillaume, dont il se démarque finement :

Dégageant des principes de Guillaume ce qu'ils avaient de bon, distinguant sagement entre les idées du vieux professeur et ses méthodes, Alfred Lenoir avait gardé d'une éducation toute classique un goût certain de l'étude attentive. C'était là le thème de son enseignement. Il ne laissait pas de désavouer hautement les vieilles “ficelles” d'atelier, le travail exécuté d'après les moulages de basses époques et les animaux empaillés et les pantins en fil de fer, car c'était là l'arsenal de tout atelier pédagogique avant la réforme à laquelle Alfred Lenoir collabora.

On sait par les Goncourt qu'il obtint le second prix de Rome, et que, découragé, il alla passer néanmoins huit mois en Italie à ses frais.

Alfred Lenoir expose au Salon à partir de 1874. Il obtient une médaille de deuxième classe à l'Exposition universelle de 1878. En 1889 et 1900, On lui décerne des médailles d'or à l'Exposition universelle de 1889 et à celle de 1900 à Paris.

Favori des commandes publiques, il réalise plusieurs statues allégoriques de la République, des statues pour le palais de justice du Havre et pour l'hôtel de ville de Paris (dont celle de son aïeul Alexandre Lenoir), le Monument à Berlioz, puis celui dePaul Bert, du maréchal Canrobert (Saint-Céré), de Victor Duruy (Villeneuve-Saint-Georges), ainsi qu'une France de Charlemagne pour le pont Alexandre-III.

La statue en pied du Monument à Berlioz (1886), en bronze, qui ornait le centre du square Hector-Berlioz (anciennement square Vintimille ou square Sainte-Hélène) fut envoyée à la fonte sous le régime de Vichy. Le journal L'univers illustréraconte sa genèse :

Le comité qui prit l’initiative d’élever un monument à l’auteur des Troyens s’était constitué [en 1881]. […] Une souscription fut ouverte […]. Puis l’État donnant le bronze et la Ville ayant accordé l’emplacement à côté de la maison où Hector Berlioz mourut, la commande de la statue fut faite au sculpteur Alfred Lenoir. Celui-ci n’avait pas connu Berlioz ; mais, aidé de plusieurs photographies de Pierre Petit et d’un portrait peint par Courbet, il se mit au travail et eut bientôt produit une œuvre qui, de l’aveu de tous les amis du maître, unit la ressemblance la plus parfaite à une grande puissance d’expression. L’artiste a voulu nous montrer Hector Berlioz sous le double aspect de compositeur et de chef d’orchestre. Le front appuyé sur sa main, le coude reposant sur un pupitre, Berlioz est bien à la fois l’homme qui conçoit et l’homme qui exécute, le musicien qui écrivait la Symphonie fantastique et le chef d’orchestre qui dirigeait dans la salle de l’Exposition de l’industrie un festival de onze cents exécutants, la plus formidable armée musicale qu’on eût jamais vue. Le piédestal sur lequel a été placée la statue est haut de deux mètres. L’une des faces porte l’inscription suivante : À / Hector Berlioz / Né à la Côte-Saint-André (Isère) / Le 11 décembre 1803 / Mort à Paris / Le 9 mars 1869. Sur les autres faces ont été inscrits les noms des œuvres musicales et littéraires d’Hector Berlioz7.

En 1908, Alfred Lenoir est nommé inspecteur général de l'enseignement du dessin : « Bouclant ce sac de curé de campagne qui constituait son bagage, il s'en alla par la France, semant les bons conseils dans les écoles, indulgent aux tentatives intéressantes, pèlerin de l'art, missionnaire qui croyait à son apostolat… »

En 1910, Alfred Lenoir fait paraître un ouvrage intitulé Anthologie d'art, sculpture, peinture : Orient, Grèce, Rome, Moyen Âge, Renaissance, xviie et xviiie siècles, époque contemporaine.

Membre de la Société nationale des beaux-arts, de la Société des amis des monuments parisiens, ainsi que de la Société scientifique, historique et archéologique de la Corrèze, Alfred Lenoir était officier de l'ordre de la Légion d'honneur.

Il repose à Paris au cimetière du Montparnasse, dans la 2e division, aux côtés d'Alexandre Lenoir et de son fils, André Lenoir (1880-1939), qu'il a eu de son union avec Jenny Desrues.

Le peintre Albert Besnard, son ami d'enfance, en fit le portrait, ainsi que celui de son épouse avec ses deux filles

 

saint Jean-Baptiste enfant

saint Jean-Baptiste enfant

 

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9 mars 2020

Blank Placard Dance autour du Centre Pompidou

 Blank Placard Dance autour du Centre Pompidou
 Blank Placard Dance autour du Centre Pompidou

Réédition sous la houlette de la chorégraphe Anne Collod, autour du Centre Pompidou, de la performance qui eut leu à San Francisco 1967 de la chorégraphe américaine Anna Halpin, aujourd'hui âgée de 95 ans.

Comme à San Francisco, il y a 49 ans  la Blank Placard Dance sera un défilé de vrais/faux manifestants portant des pancartes blanche. Anne Collod pense que l'on peut rapprocher le contexte californien de 1967, manifestations contre la guerre du Vietnam, émeutes raciales avec celui du Paris de 2016.

 

 Blank Placard Dance autour du Centre Pompidou
 Blank Placard Dance autour du Centre Pompidou
 Blank Placard Dance autour du Centre Pompidou
 Blank Placard Dance autour du Centre Pompidou
Paris, avril 2016

Paris, avril 2016

 

9 mars 2020

Claude Nori

Claude Nori

©  Claude Nori,  Portofino, 1983

Claude Nori, Amore Mio 1,983

©  Claude Nori,  Amore Mio, 1983

©  Claude Nori,  Ali Terme, Sicile 1983
© Claude Nori,  Portofino, 1983
© Claude Nori,  Rimini 1983
© Claude Nori,  Biarritz 1995
© Claude Nori,  Biarritz 1995

 

© Claude Nori
© Claude Nori
© Claude Nori
© Claude Nori
© Claude Nori
© Claude Nori
© Claude Nori

 

9 mars 2020

The grand Budapest hôtel, un film de Wes Anderson

The-Grand-Budapest-Hotel-Poster

  

  

Voilà enfin une bonne adaptation de Tintin, bien meilleure que celle de Spielberg. Tintin ne s'appelle pas Tintin car Wes Anderson n'a pas voulu cracher au bassinet de la sourcilleuse compagnie Moulinsard c'est donc Zéro. Nous sommes dans un palace d'Europe centrale, The Grand Budapest Hôtel (pourquoi Grand Hôtel Budapest alors qu'il est situé en pleine montagne mystère!), probablement à la fin des années trente. Zéro se fait engager comme groom dans le palace (Tonnerre de Brest ce n'est pas Tintin mais Spirou). Il est sous la coupe de Monsieur Gustave, l'homme aux clés d'or de l'hôtel, joué par Ralph Fiennes, acteur aussi excellent que caméléonesque à un tel point que je ne le reconnaitrais pas si je le croisais dans un ascenseur. Pour qu'il n'y ait pas de soupçon de relations contre nature entre Zéro et son mentor (comme de mauvaises langues l'insinuent à propos de Tintin et du capitaine Haddock), Wes Anderson a choisi un acteur, Tony Revolory très moche et pakistanais (enfin je crois car il ressemble aux vendeurs de maochos que je vois l'hiver sur les trottoirs de Paris); ceux qui crient au pléonasme sont de vilains racistes, mais n'auront pas à passer par la case Lissac. Monsieur Charles est la perle de sa profession et un éducateur prévenant pour Zéro d'où malgré le laideron qu'est le garçon de forts soupçons de relations autres que professionnelles entre eux... D'autant que les manières de Monsieur Gustave font penser qu'il ne fait pas de mal aux dames. Erreur il leur fait du bien! Enfin uniquement aux riches clientes cacochymes de l'hôtel. On a même droit à une image subliminale de monsieur Charles se faisant faire une fellation entre deux portes par sa « cliente préférée » la comtesse Céline Villeneuve Desgoffe und Taxis dit Madame D (Tilda Swinton).Donc contre toute attente Monsieur Gustave aime les vieilles dames (un peu comme la capitaine Haddock avec la Castaphiore) enfin on peut penser que c'est surtout par conscience professionnelle et un peu par intérêt. Monsieur Gustave leur offre un doux ramonage à moins que ce ne soit qu'une douceur pour leur glotte en guise de service d'étage, en un mot il est in peu gigolpince comme le disait le regretté Alphonse. Tout allait pour le mieux dans ce palace Syldave (j'ai tout de suite reconnue les uniformes des policiers typique de Syldavie, même si j'ai envisagé un instant que nous pourrions être au Bonhalla) malgré les bruits de bottes venant de la Bordurie voisine (à moins que ce soit le Bretzelbourg car je n'ai pas vu de moustaches en plexiglas! Mais de la pilosité à la Lubitsch), jusqu'au jour où la cliente préférée de Monsieur Gustave, Madame D., qui est en outre la propriétaire du Budapest Hôtel, avale son râtelier. Elle a la généreuse idée de léguer à Monsieur Charles, le joyaux de sa fortune, un tableau, « Le garçon à la pomme » qui aurait pu être peint par Ricco Wassmer. La famille est offusquée par ce lègue en particulier le fils de la dame, Dmitri Desgoffe und Taxis auquel le trop rare, à mon goût, Brody prête ses traits. A travers l'identité ronflante du personnagej'ai immédiatement reconnu Zantafio. L'héritier spolié fera bien des misères à Monsieur Gustave que Zéro n'hésitera pas à spontanément aider. Il le fera même jeté en prison car entre temps Dmitri s'est révélé être un des chefs des bordures. Ces derniers envahissent la Syldavie. Zantafio, car c'est bien lui, la preuve, ses hommes de mains portent sur la manche de leur uniforme le sinistre double Z (comme Zantafio pour ceux qui n'auraient pas compris), fait du Grand Budapest Hôtel son quartier général. A ce moment du film, alors que je m'étonnais de n'avoir toujours pas vu ni Milou, ni Spip pas plus que le Marsupilami, voilà que rapplique Chéribibi qui aide Monsieur Gustave à s'évader de son ergastule. Il retrouve Zéro et les deux compères partent rechercher le fameux tableau. Ils sont poursuivi par un tueur psychotique (Willem Dafoe) que l'on croirait sorti d'un film des frères Cohen...

 

Mais en fait les trépidantes péripéties ne sont qu'annexes, les véritables vedettes du film en sont les décors et en particulier celui de l'hôtel filmé avec un grand sens de la symétrie qui donne la très curieuse impression deux fois la même image mais inversée.

Tout cela est raconté par Monsieur Charles devenu vieux. Bizarrement il ne ressemble pas du tout à ce qu'il était jeune. Notre laideron de pakos s'est transformé en un grand juif américain dont le nez bulbeux fait subodorer qu'il n'a pas du que sucer de la glace. Il raconte toute son histoire à un écrivain (Jude Law)qui serait un avatar de Stefan Zweig, je ne l'avais pas reconnu, mais j'ai lu le dossier de presse..., dans le grand hôtel Budapest une quarantaine d'années plus tard. L'hôtel a entre temps connu une transformation due à un fameux designer communiste qui avait une prédilection pour l'orange...

Les nostalgiques des truquages par transparence vont être ravis. On n'avait plus vu cela depuis sir Alfred. Il y a aussi une maquette surannée d'un téléphérique dans le passage de la poursuite extravagante dans la neige à ce propos cette séquence m'a fait penser non à un roman de Zweig mais à « L'oiseau bariolé ».

On passe un très agréable moment ne serait-ce qu'a repérer les apparitions de comédiens célèbre, F. Murray Abraham, Mathieu Amalric, Jeff Goldblum,Harvey Keitel, Bill Murray, Owen Wilson, Léa Seydoux, apparitions tout aussi fugitives pour la plupart que la pipe que j'ai mentionné au début du billet, mais je crains que ce « Grand Budapest Hôtel » s'oublie assez vite.

  

Capture-d-ecran-2014-03-06-a-08.37.46.jpg

  

Epilogue: Un ami à qui je tenais à peu près les mêmes propos sur le film que ceux que vous venez de lire me répondit que j'étais une buse et que je n'avais rien compris au film. Il m'assena que sous un aspect léger « The grand Budapest hôtel » était à la fois une dénonciation du communisme, du fascisme et même de l'ultra libéralisme (Vous avez sans doute remarqué que depuis quelques saisons le libéralisme ne se porte plus qu'ultra.). Sans oublier que le film dénonçait combien les domestiques étaient avilis par les nantis. Et qu'il y avait probablement une discrète allusion à un scandale récent qui avait vu un libidineux haut fonctionnaire international sauter avec la dernière des brutalités sur une jeune femme de chambre, noire de surcroit... Mon ami est un intellectuel qui voit de profondes intentions que le béotien que je suis est incapable d'apercevoir...

 

BIFF (2014) - The Grand Budapest Hotel Trailer - Wes Anderson Movie HD

  

 

9 mars 2020

Thomas Gainsborough, Elizabeth et Thomas Linley , 1768

Thomas Gainsborough, Elizabeth et Thomas Linley , 1768
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9 mars 2020

Biographie et contre biographie de Georges Pérec

Biographie et contre biographie de Georges Pérec

 

Les biographes n'ont pas de chance. L'auto-fiction rend leur discipline en partie caduque. En fait ils doivent surtout aujourd'hui traquer les mensonges que leur sujet d'étude a cultivé sur son existence. Les champions toutes catégories en la matière sont Céline et Malraux; Montherlant se défend pas mal non plus dans l'exercice. Mais qui consciemment ou inconsciemment qui n'arrange pas sa propre vie. Pourquoi en serait-il autrement de Pérec? Ce que curieusement ne cesse de fustiger Bellos dans la biographie qu'il consacre à l'auteur de « La vie mode d'emploi ». La traque du mensonge de son objet sur son existence est l'obsession de notre biographe.

Je l'ai déjà écrit, mais en l'occasion, il ne me semble pas inutile de le répéter, il est indispensable que le biographe d'un écrivain soit un admirateur au moins de l'oeuvre de son sujet et, si possible, dans une certaine mesure de sa personne dont il fouille la vie. C'est presque toujours cette admiration qui déclenche le désir d'écrire une biographie. Mais comme nous le verrons plus loin admiration ne rime pas toujours avec compréhension. Mais l'admiration pour l'oeuvre, si elle est nécessaire ne me paraît pas suffisante. Il faut également que le biographe entre en empathie avec l'homme dont il a fait son objet d'étude; ce n'est visiblement pas le cas avec Bellos. Pour ce dernier, il s'est sans doute passé la chose suivante, admirateur des romans de Pérec, et en particulier de « La vie mode d'emploi » sur lequel néanmoins il se trompe, il est l'un de ses traducteurs en anglais, Bellos au cours de ses recherches, qui paraissent presque exhaustives, a fait la connaissance avec l'homme Pérec (les deux hommes ne se sont jamais physiquement rencontrés), et l'homme a probablement déçu son biographe; dans ces conditions était il raisonnable pour Bellos de persister dans l'écriture de sa biographie? Un exemple de ce que parfois on ressent comme une répugnance, l'insistance de Bellos sur la laideur de Pérec et son aspect négligé. Certes l'auteur de « Je me souviens » n'était pas l'apollon du Belvédère (quand est il de monsieur Bellos?) mais jeune il était loin d'être affreux comme en témoigne le cahier photos au milieu du volume. Il faut cependant rentre hommage à Bellos d'avoir parler du physique de son sujet, ce qui est curieusement rare dans les biographies. Ainsi une fois refermé des pavés de 800 pages sur une personne, parfois on ne sait toujours rien de ses mensurations ni de son aspect physique, éléments qui ne sont pourtant pas sans conséquence dans la destiné d'un homme. 

Cette défiance envers son sujet a choqué un certain nombre des proches de Pérec qui se sont fendus d'un livre, « Antibiotiques » pour rectifier celui de Bellos. Ce qui est peut-être un cas unique dans l'Histoire littéraire. Mais cet « Antibiotique » dont la lecture est fort utile, plus pour compléter l'étude de Bellos que pour véritablement la rectifier, est-il tout à fait sans arrières pensées un peu moins noble que celle de réhabiliter leur ami? Ce n'est pas sûr. Cet ouvrage apporte parfois un autre éclairage sur la vie de Pérec et surtout précise souvent plus qu'il ne contredit les affirmations de Bellos. Surtout il met en lumière la difficulté du travail de biographe et pose implicitement cette question: le biographe a-t-il le droit de faire des suppositions pour remplir les blancs d'une vie. Il me semble qu'une des erreurs de Bellos a été de faire passer ses hypothèses pour des affirmations. Certaines contributions à Antibiotiques sont singulièrement acrimonieuses en particulier celle de Bianca Lamblin, cousine de Pérec. Les remarques de cette dernière sont souvent très représentatives de l'image de courage sinon de résistance que veulent donner les juifs d'eux même et en particulier de leurs agissements durant la période de l'occupation; à contrario Bellos subliminalement reproche aux juifs leur « passivité », point de vue typiquement anglo-saxon, de « l'extérieur » forcément de l'extérieur car chance pour eux ni l'Angleterre, ni les Etats-Unis ont connu l'occupation nazi. Les juifs de ces contrées peuvent ainsi s'imaginer, à peu de frais, plus courageux que leurs coreligionnaires européens. Il y a un autre point de friction entre Bellos et Bianca Lamblin sur le vécu de la judéité autant le premier est sioniste, ce qui transparait dans tout le livre, alors que la seconde est clairement assimiliationniste comme l'était Pérec. En outre Bianca Lamblin reproche à Bellos de faire des hypothèses, mais sans hypothèses, il n'y a quasiment pas de biographie possible. Ce qui est amusant c'est que Bianca Lamblin ne se prive pas d'en faire et si elles ne sont pas inintéressantes , elles sont moins en contradiction avec celles du biographe qu'elle ne le dit.

L'importance de l'influence de la judéité de Pérec sur son oeuvre me semble très surévaluée dans le travail de Bellos. Lorsque j'ai lu par exemple « Les choses » ou « La vie mode d'emploie », pour la première fois, j'ignorais que leur auteur était juif et rien dans ma lecture me l'avait laissé deviner pas plus pour « Je me souviens ». Bien sûr ce n'est pas exact pour tous les écrits de Pérec, mais il est évident que pour ceux que l'on reconnaît comme les plus importants aujourd'hui, la judéité de leur auteur n'est pas évidente et ne me paraît pas une grille de lecture judicieuse. 

Il reste que Bellos a fait un travail très sérieux et n'a pas ménagé sa peine. Ecrivant son livre peu après la mort de Pérec, il a interrogé toutes ses connaissances. Il prend soin à la fin de chaque chapitre de noter ses sources néanmoins dans le cours du chapitre, on ne connait pas la personne précise qui lui a fourni les informations. On comprend mal alors certaines erreurs grossières comme celle de se tromper d'un mois sur la date de la rafle du Vel d'hiv. L'ouvrage n'a malheureusement pas été relu (ou mal) avant d'être publié. Le sérieux du travail de recherche est aussi en partie gâché par le désir de faire entrer le moindre fait et geste de Pérec dans deux aprioris du biographe d'abord celui que Pérec a sciemment menti sur certains faits de sa vie et en particulier sur son enfance (Bellos est victime d'une paranoïa fréquente chez le biographe, celle que son sujet à brouillé les pistes exprès pour l'embêter!) et surtout sur le sentiment de culpabilité. Pérec se serait senti coupable de la mort prématurée de ses parents; son père est mort en combattant en 1940 et sa mère dans un camp d'extermination. Ces deux obsessions de Bellos, indiscernables dans l'oeuvre de Pérec, gauchit gravement son travail. 

Il est très intéressant que Bellos ne soit pas français et qu'en même temps il connaisse bien la société française contemporaine ce qui ne va pas néanmoins sans quelques erreurs et approximations sur la dite société. Cette extériorité lui donne une ouverture d'esprit que n'aurait sans doute pas eu un biographe français. Par exemple à propos de l'exfiltration de Pérec, âgé de 5 ans, du Paris occupé vers les Alpes; sans doute que le lecteur français de ce début du XXI ème siècle, tout enduit de moraline et de bien « pensance » sera dérangé lorsqu'il lira sous la plume du biographe que << la transition fut brutale entre la crasse de Belleville et un Vercors si vert et blanc.>>. Et pourtant cela ne reflète que la réalité de ce qu'était le Belleville d'avant la rénovation, un endroit, certes si pittoresque sur les photos de Willy Ronis, mais parfaitement insalubre. D'ailleurs la maison dans laquelle Georges Pérec passa ses premières années fut détruite pour cette raison. On peut penser qu'une certaine franchise de Bellos est une des raisons de l'animosité à son égard d'une partie de la critique ainsi que d'une fraction des personnes de l'entourage de Pérec. Quand Bellos suggère qu'en France les familles juives aisées ont eu moins à déplorer de pertes dans les camps d'extermination que leurs homologues moins fortunées de Belleville, on comprend bien qu'une telle interrogation, pourtant intéressante, soit gênante. De même quand il envisage que le jeune Pérec, du fait de sa judéité, bénéficiait d'une ouverture sur le monde en raison de la dispersion de sa famille en plusieurs endroits du globe, ce que n'avait pas ses camarades de classe; ceci est pourtant une évidence qui explique pour beaucoup encore aujourd'hui l'avantage qu'on de nombreux jeunes juifs du fait de cette particularité par rapport aux autres jeunes de leur classe d'âge mais il est fort à parier que cette réalité ne soit pas encore très bonne à dire... Il me semble que beaucoup de critiques de Bellos aient confondu naïveté et absence de tabous. En revanche ils ne l'épinglèrent peut être pas assez sur quelques affirmations qui sentent leurs préjugés de classe et d'époque comme dans cette phrase: << Comment se forger une identité sans avoir recours aux images de la littérature. >>. Il est a craindre que si ce qu'écrit benoitement Bellos était vrai beaucoup de jeunes français aient aujourd'hui aucune identité... Mais après tout c'est peut être le cas. 

Le fait que Bellos soit anglais, à ce propos j'étais persuadé qu'il était américain, avant de lire tardivement le quatrième de couverture, tant certains défauts de cette biographie sont typiquement américains en particulier le traitement de la sexualité de Pérec qui est vu par le prisme d'un puritanisme propre à quelques universitaires d'outre Atlantique. Cet excessive pudeur sur les questions du sexe, fait que l'on apprend, presque en contrebande, que Pérec s'est séparé de sa femme. On ne saura rien non plus des raisons pour lesquelles il doit quitter le moulin d'Andé, la thébaïde qui lui servait de refuge pour son travail littéraire. Le puritanisme de l'auteur s'étend à la bouteille. Bellos ne manque jamais une occasion de fustiger Pérec à chaque fois qu'il boit un coup de trop; pourtant l'auteur de « La vie mode d'emploi » est loin d'être un pochard, qu'aurait écrit notre abstinent s'il avait du rédiger la biographie d'un Hemingway, d'un Faulkner ou d'un Verlaine... Le puritanisme chez notre auteur psycho rigide s'étend aux rapports à l'argent, incapable d'ambivalence, il ne comprend pas l'attitude de Pérec qui avait un certain mépris de l'argent et dans le même temps avait envie d'objets de luxe. Les jugement tout d'un bloc de Bellos fait qu'il ne comprend pas du tout les rapports de Pérec avec son tuteur qu'il aimait tout en s'opposant à lui, notamment durant son adolescence, ce qui est pourtant d'une grande banalité. 

En général les biographes des écrivains nous disent que ces derniers furent de grands lecteurs mais généralement omettent de lister les livres qu'ils ont lus et ceci à quelle date et dans quelles condition. Bellos fait (très partiellement) exception à la règle et c'est une très bonne chose, mais pour avoir plus de précision sur ce sujet, il est très utile de lire la correspondance de Pérec avec son ami Ledérer. Ainsi mon narcissisme est comblé quand je m'aperçois que j'avais des lectures communes avec le jeune Pérec: « Mystère magazine », « Galaxy », « Hitchcock magazine », « Le cristal qui songe »... Le biographe est un bon connaisseur de la littérature française de l'après guerre, ainsi il situe bien l'oeuvre de Pérec dans l'ensemble de la production romanesque de l'époque; ce qui n'exclut pas quelques bizarreries, comme de nous parler à propos des hussards d'un certain Weber, inconnu au bataillon. Si Bellos ne semble pas toujours éprouver une grande sympathie pour son modèle en revanche il paraît être totalement sur la même longueur d'ondes que Pérec en ce qui concerne le roman français du XX ème siècle.

La proximité chronologique d'une biographie par rapport au modèle est grandement bénéfique pour l'étude de la vie privée de celui-ci (Bellos a rencontré tous les proches de l'écrivain car beaucoup de ceux qui l'avaient connu étaient encore vivant au moment de l'écriture de cette biographie) en revanche, elle peut être contre productive en ce qui concerne l'analyse de l'oeuvre. Pour « Les choses » par exemple Bellos insiste beaucoup sur l'influence de Flaubert sur le roman et aussi sur son aspect critique de la société de consommation, certes, mais aujourd'hui « Les choses » nous apparaît comme le livre emblématique des trente glorieuses, inséparables des couvertures bordées d'orange de « l'Express » de J.J.S.S. L'aspect critique s'est dilué dans la nostalgie pour cette époque qui paraît d'autant plus belle aujourd'hui à beaucoup qu'il ne l'ont pas connue. Je vois une curieuse parenté « des choses » avec « Les mandarins » de Simone de Beauvoir, cousinage qui semble avoir été relevé par personne... Comme tout biographe, Bellos s'ingénie à relever dans les oeuvres de son modèle toutes les traces autobiographiques. Pourquoi tous les biographes veulent-ils absolument nous persuader que le moindre écrit de leur sujet ne peut être qu'une transposition à peine maquillée du vécu ou à l'extrême rigueur de celui d'un proche? Cette quête obsessionnelle amène le biographe, par la force des choses, à faire une lecture naturaliste des romans de l'auteur dont il ausculte l'oeuvre et la vie. Ainsi Bellos s'étonne que le soir, les habitants de l'immeuble de la « Vie mode d'emploi » ne soient pas devant leur télévision; c'est confondre la date de parution du roman, 1975, avec celle des actions qui s'y déploient. Nous sommes dans le roman de Pérec, plus dans une France vaguement intemporelle, un peu celle de Marcel Aymé, que l'on pourrait situer, disons au début des années trente, que dans la France de Giscard. 

Autre défaut des biographes et en cela Bellos est exemplaire, le désir de trouver une explication rationnelle à tout et surtout de rendre la vie de leur modèle la plus linéaire possible, ce qui est toujours absurde et plus particulièrement avec Pérec, vie dans laquelle le hasard et les contingences extérieures furent cruciales pour sa destiné...

Pour en rester aux généralités en matière de biographies, il est regrettable que messieurs les biographes étendent rarement leur curiosité au delà du sujet de leur étude, au mieux ils s'intéressent à l'Histoire, ce qui paraît être un minimum, mais pour le reste... Ainsi notre anglais de Bellos n'ayant peu de lumières en matière de courses cyclistes, confond Liège-Bastogne-Liège avec Paris-Roubaix! Pas plus éclairé dans le domaine musical il n'hésite pas à parler de pop musique en... 1954! On est parfois un peu éberlué par le péremptoire des affirmations et jugement du biographe comme: << Les romans joliment ironiques d'André Gide>>. Bellos hésite rarement a asséner des phrases aussi définitives que dénuées de fondement telle celle-ci:<<Georges Pérec devint écrivain pour lui même par choix et pour les autres par ténacité.>>. Ce genre d'affirmation assez gratuite est vertement épinglée dans « Antibiotique ».

Si vous vous intéressez à Pérec la lecture des deux ouvrages est indispensable mais il est conseillé pendant l'exercice de ne pas oublier son esprit critique.

 

Georges Perec "La vie mode d'emploi" | Archive INA

9 mars 2020

Jonathan Reid Sévigny

9 mars 2020

Kuniyoshi, le démon de l'estampe au Petit Palais (2)

Kuniyoshi, le démon de l'estampe au Petit Palais (2)
Kuniyoshi, le démon de l'estampe au Petit Palais (2)
Kuniyoshi, le démon de l'estampe au Petit Palais (2)
Kuniyoshi, le démon de l'estampe au Petit Palais (2)
Kuniyoshi, le démon de l'estampe au Petit Palais (2)
Kuniyoshi, le démon de l'estampe au Petit Palais (2)
Kuniyoshi, le démon de l'estampe au Petit Palais (2)
Kuniyoshi, le démon de l'estampe au Petit Palais (2)
Kuniyoshi, le démon de l'estampe au Petit Palais (2)
Kuniyoshi, le démon de l'estampe au Petit Palais (2)
Kuniyoshi, le démon de l'estampe au Petit Palais (2)
Kuniyoshi, le démon de l'estampe au Petit Palais (2)
Kuniyoshi, le démon de l'estampe au Petit Palais (2)
Kuniyoshi, le démon de l'estampe au Petit Palais (2)
Kuniyoshi, le démon de l'estampe au Petit Palais (2)
Kuniyoshi, le démon de l'estampe au Petit Palais (2)
Kuniyoshi, le démon de l'estampe au Petit Palais (2)
Kuniyoshi, le démon de l'estampe au Petit Palais (2)
Kuniyoshi, le démon de l'estampe au Petit Palais (2)
Kuniyoshi, le démon de l'estampe au Petit Palais (2)
Kuniyoshi, le démon de l'estampe au Petit Palais (2)
Kuniyoshi, le démon de l'estampe au Petit Palais (2)
Paris, octobre 2015

Paris, octobre 2015

 

9 mars 2020

L'Iliade par Cuvelier

 

L'Iliade par Cuvelier
L'Iliade par Cuvelier

Dans les années 50, dans les pages du journal Tintin, Cuvelier résumait en l'iliade en quatre pages de bandes dessinées!

9 mars 2020

promenade à Héraklion

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promenade à Héraklion
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promenade à Héraklion
promenade à Héraklion
promenade à Héraklion
promenade à Héraklion
promenade à Héraklion
promenade à Héraklion
promenade à Héraklion
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Héraklion, mai 2016

Héraklion, mai 2016

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