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Dans les diagonales du temps
13 janvier 2023

Cité de la nuit de John Rechy

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Fils d'un Écossais et d'une Mexicaine, John Rechy est né à El Paso (Texas) en 1934. Inconnu pendant de nombreuses années en dehors de la sphère anglo-saxonne, sa célébrité relative y compris auprès de la recherche universitaire est du à la reconnaissance encore récente, de la littérature à thème gay. L'intérêt persistant de certains pour les marges a fini par faire de Rechy autre chose qu'un auteur culte. Bien qu'il ait publié quatorze livres à ce jour (le dernier étant un volume d'essais, "Sous la peau" de 2004), ce sont ses premiers romans qui retiennent le plus l'attention. Des romans où fiction et autobiographie se mêlent ouvertement. Le plus célèbre est  "Cité de la nuit" qui date de 1963. Cité de la nuit navigue entre une veine autobiographique réaliste et par ailleurs celle d'un certain lyrisme qui cherche à donner plus de dimension à ce qui est raconté. "La cité de la nuit" est le récit des aventures d'un truqueur (Rechy lui-même) qui, quittant El Paso, décide d'entrer dans le monde de l'homosexualité et de la prostitution masculine dans diverses grandes villes des États-Unis, de New York à la Nouvelle-Orléans, en passant par Los Angeles et Chicago. Un monde sordide de promiscuité et de désespoir dans lequel le protagoniste cherche sa vérité en fait sa propre homosexualité qu'il rejete dans son for intérieur. Il faut bien avoir en tête la date à laquelle le livre a été écrit avant Stonewall et les Gay Pride. L'homosexualité alors aux Etats-Unis n'était que tolérée mais pas ouvertement légale et les descentes de police dans les bars et parcs fréquentés par des clients, des arnaqueurs et des travestis ou des fétaient fréquentes. Tout cela est visible non seulement dans l'histoire elle-même mais dans son ton. Souvent, une ombre de culpabilité traverse les scènes et le regard porté sur les marges. Les monologues de certains personnages sont parmi les meilleurs passages du livre. Si le livre était écrit aujourd'hui, il pourait être presque aussi sombres , mais il n'aurait pas ce ton de culpabilité. Le roman de Rechy était très audacieux pour 1963.  Aujourd'hui on est plus attiré par son fond réflexif que par ses images sordides ou orgiaques qui culminent par l'explosif "Mardi Gras" à la Nouvelle-Orléans, lorsque le narrateur, parlant avec un client, lui dit qu' au fond de lui, il cherche à remédier à la solitude et à un amour, que souvent il n'ose pas. Le roman vaut également par des personnages secondaires attachant comme ce professeur de New York qui se laisse emporter par les "anges", les arnaqueurs devant lesquels il donne des conférences ; ou Sylvia, la propriétaire d'un bar gay à la Nouvelle-Orléans, qui ne peut se pardonner  l'incompréhension qu'elle a eu pour l'homosexualité de son propre fils dessinée. Mais c'est un roman triste, car l'auteur n'arrive pas à s'élever au dessus de ce qui était encore un monde souterrain. Bien sûr Gene, Baldwin ou Burroughs pour ne citer que trois auteurs précédents étaient allés plus loin en tout. Mais Rechy était ambitieux, et il cherchait non seulement un thème mais aussi un style. Une grande partie de la littérature homosexuelle d'aujourd'hui - en particulier nord-américaine - ne peut pas en dire autant. Écrit, ce qui n'est pas surprenant avec beaucoup d'argot, c'est peut-être la plus grande difficulté pour le traducteur, qui a fait un travail appréciable. Bien que certains termes paraissent aujourd'hui vieillots .

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6 janvier 2023

Villa triste de Patrick Modiano

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Villa triste date de 1975. Comme dans plusieurs de ses livres, Modiano nous place avec son style élégant mais peu sophistiqué, ne pensons pas à Proust, devant des scènes et des époques disparues, pleines de splendeurs décadentes, que le protagoniste tente de humer.  Nous voici, avec en fonds la guerre d'Algérie, dans une station thermale de Haute Savoie, en compagnie d'un jeune rêveur, héros typiquement modianesque, qui veut éviter d'être envoyé comme soldat en Afrique du nord. Ce garçon (qui quinze ans plus tard tentera de retrouver sa splendeur, petite splendeur, perdue) se fait appeler comte Victor Chmara, peut-être est-il mi-russe ou mi-égyptien? De l'Egypte perdue du roi Farouk qui porte un monocle, et se retrouve, bien seul... Victor fréquente deux êtres aussi singuliers et insaisissables que lui. Une fille délicate et jolie (très paresseuse aussi) qui veut être actrice et remporte un petit concours local de beauté et d'élégance, et le docteur René Meinthe, un homosexuel  un peu fou, fils d'un célèbre héros de la Résistance, qui vit dans une villa qu'il a lui-même appelé "Villa Triste". Il avait un amant belge, un vrai aristocrate et grâce à lui, il connait sur le bout des doigt l'arbre généalogique de la famille royale de Belgique, et il peut ainsi s'identifier à la malheureuse reine Astrid... Mai pourquoi René fait-il des escapades à Genève, pour lesquelles il abandonne souvent ses chers amis lors cet été doré ? Est-il un agent des tenants de l' Algérie française ou un "porteur de valises" pour leurs adversaires? Au final, il se suicide dans cette villa à moitié vide et on ne sait pas pourquoi... Chmara est partie et Yvonne aussi. Seront-ils quelque chose ou ne seront-ils jamais rien, plus que l'incognito et l'absence ? Tous, d'ailleurs, avaient, comme il arrive souvent, beaucoup de vrai dans leurss mensonge. Modiano narre bien et maintient le suspense. On l'aime avec l'arôme langoureux de ce qui se perd, mais il se tait autant sinon plus qu'il ne dit. On sait pas mal de choses sur les protagonistes, mais on en ignore encore plus et il ne nous reste plus que des effluves et des questions. aussi, d'autre part. Seront-ils quelque chose ou ne seront-ils jamais rien, plus que l'incognito et l'absence ? Tous, d'ailleurs, avaient, comme il arrive souvent, beaucoup de vrai dans leur mensonge. Et c'est que tel est le style de Modiano, son timbre même ou son air : Il narre bien et maintient le suspense. On l'aime avec l'arôme langoureux de ce qui se perd, mais il se tait autant sinon plus qu'il ne dit. On sait des choses sur les protagonistes, pas mal, mais on en ignore plus et il ne nous reste plus que des effluves et des questions. effluves et des questions...

 

Pour retrouver Modiano sur le blog

 

20 décembre 2022

La fin d’une ère, V ème et dernier tome de la saga des Cazalet d’Elizabeth Jane Howard

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C’est fini. On ne connaitra jamais la suite. La suite de la vie de Louise, Rachel, Rupert, Polly et les autres. La suite de leur Histoire. Le lecteur est un peu comme le mourant lorsque sur son lit de mort, je ne parle pas d’expérience, même si ce ne serait tarder, le mourant se désespère surtout de ne jamais pouvoir connaitre la suite de l’Histoire de ceux qu’il aime et qu’il est contraint d’abandonner au milieu ou au début d’un chemin.

Nous avons fait connaissance avec les Cazalet à l’été 1937 et nous les quittons une vingtaine d’années plus tard. Soit après avoir lu environ 2500 pages.

La fin d’une ère est écrit dix-huit ans après les quatre autres volumes de la saga. Elizabeth Jane Howard était alors âgée de quatre-vingt-dix ans mais son style avait gardé la même fraicheur et la même acuité que dans les quatre premiers tomes. Ces quatre premiers volumes ont paru entre 1990 et 1995, le dernier, réclamé par les fans de Howard, en 2013, quelques mois avant son décès.

Est-ce pour se remémorer la vie de ses multiples personnages que les cent premières pages de « La fin d’un règne », par le biais habile des songes de quelques figures de la saga, nous récapitulent les évènements qui ont marqué cette famille et leurs proches? Ensuite Elizabeth Jane Howard opte pour des courts chapitres classés par temporalité afin que le lecteur ai un aperçu global et individuel de l'évolution de chaque membre de la famille en fonction des autres, et aussi de l'époque.

Neuf ans ont passé depuis la fin de "Nouveau Départ", neuf années au cours desquelles la famille a connu bien des bouleversements, au moins autant que la société qui les a vus naître… Ce dernier opus commence en juin 1956 et s'achève en décembre 1958.

Comme à mon habitude j’éviterais de vous « spolier » cette addictive lecture mais au delà des vies particulières que nous expose la saga des Cazalet on se souviendra ou on apprendra, selon l’âge des lecteurs bien des choses sur la sur la vie quotidienne en Angleterre durant les vingt années durant lesquelles nous suivons les Cazalet, par exemple que le chauffage central n’était pas, loin de la répandu dans toutes les demeures, que l'usage des antibiotiques ne s'est développé vraiment qu'au lendemain de la seconde guerre mondiale…

Dans cette saga on s’aperçoit que la société anglaise dans leur après guerre de la seconde guerre mondiale connait les transformations que la société française a subit dans la précédente après guerre. Avant la guerre la bonne bourgeoisie s'entourait de domestiques en tous genres. Les femmes de la classe supérieure s’adonnaient à  des travaux d'aiguille sophistiqués. Elles passaient une bonne partie de leur temps à fabriquer des vêtements, jouaient sérieusement du piano ou encore soignaient les roses de leur vaste jardin, mais s'avéraient totalement incapables de cuisiner ou d'entretenir leur maison. Après la guerre la domesticité va tout simplement disparaître et la vie bourgeoise en sera profondément bouleversée.

Mais le bouleversement que connait le lecteur est d’arriver à la dernière page de cette magistrale série.

 

Pour retrouver Elizabeth Jane Howard sur le blog:

 

21 novembre 2022

Le petit chéri de Marcel

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Marcel Proust a offert à son bien-aimé Lucien Daudet un exemplaire de « Du coté de chez Swann » avec cette touchante dédicace de Proust à son « petit chéri ». « Vous n'êtes pas dans ce livre. Tu es trop dans mon cœur pour que je ne puisse jamais te dépeindre objectivement. Vous ne serez jamais (un simple) "personnage", car vous êtes la meilleure moitié de son auteur". 

En 1897, Proust se bat en duel avec l'écrivain Jean Lorrain, qui s'interroge publiquement sur la nature des relations de Proust avec son « petit chéri » Lucien… (Heureusement pour les lettres française les deux duellistes ont survécu).

15 novembre 2022

VOYAGE AU JAPON,TOKYO DE RÉMI MAYNÈGRE ET SANDRINE GARCIA

 

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Rémi Maynègre aux pinceaux et Sandrine Garcia à la plume ont décidé de faire un livre de leur voyage de noces au Japon. Il nous donne leurs impressions de voyageurs aussi néophytes qu'enthousiastes sur ce pays qui les passionne. Le premier album (il devrait y en avoir d'autres, espérons que nous ne les attendrons pas trop longtemps) est consacré uniquement à Tokyo. L'album se compose des note de Sandrine Garcia à la naiveté rafraichissante (il y en a aussi de Rémi Maynègre) et des superbes aquarelles de Rémi Maynègre dont la dextérité me rappelle celles des peintres, comme Yves Brayer, qui illustraient les reportages de voyageurs dans le célèbre hebdomadaire l'Illustration. Les images de Rémi Maynègre dont j'ai pu admirer le talent lors du dernier Festival de la bande-dessinée d'Angoulême, encore merci pour la somptueuse dédicace du lvre, elles même se divisent en deux espèces, celle réalisées sur le motif et celles peinte au retour de mémoire, l'artiste est servi par à la fois un sens de l'observation remarquable et une mémoire visuelle exceptionnelle. Leur court séjour ne leur permet pas de nous donner une image exhaustive de Tokyo mais outre les passages obligés dans les quartiers de Shinjuku, Akihabara et Asakusa, le couple a eu la bonne idée de s'installer à Yanaka, un quartier de Tokyo au nord du parc Ueno qui a beaucoup de charme mais qui est assez peu parcouru par les visiteurs de la capitale japonaise. Un des plus de ce beau livre est que Rémi Maynègre n'a pas croqué que les lieux touristiques de la ville mais aussi des coins de rue commun tout en étant typique de la ville et même des vues un peu triviales, mais précieuses pour le souvenir, comme cette image d'une station de métro ou une vue d'une gondole d'un konbini. Des cartes aident le lecteur à se situer dans la ville et surtout à y incorporer les aquarelles peintes par Rémi Maynègre. Parfois sur une aquarelle la mise en page superposent des billets de transport ou des factures. Si le livre ne se veut pas un guide, il est néanmoins pratique pour la précision de la situation, et le moyen de s'y rendre, de certains points d'intérêt de la ville.

Un très beau livre (à mettre à coté de celui de Florent Chavouet, Tokyo sampo), à la fois précieux et modeste qui j'espère donnera lieu à de nombreuses expositions et dont on attend les suites avec impatience (un album devrait être consacré à Kyoto et un autre à Koya-san). 

 

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1 novembre 2022

IL A ÉTÉ DÉCRÉTÉ QUE MONTHERLANT N’ÉTAIT PLUS AUDIBLE.

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Photo d'Egermeier illustrant Le paysage des Olympique de Montherlant

 

Comme je suis aussi fainéant que peu talentueux lorsque je trouve aux hasards de la toile un texte qui exprime mieux que je saurais l'écrire mes sentiments ou mes opinions je ne me prive pas de le mettre sur mon blog et si en plus cela fait connaitre un peu mieux le site d'où il vient, cela est parfait ainsi ce texte sur le triste effacement de Montherlant sur Feu sur le quartier général!

Certains en visitant ce site je que je recommande chaudement, devrait s'apercevoir qu'il n'est pas de la même obédience que celui-ci, bien que je cherche toujours la mienne, il sont nombre à l'avoir trouvé pour moi, c'est justement pourquoi j'aime aller y voir...

Le cinquantenaire de la mort de Montherlant a été totalement ignoré!

 

Il a été décrété que Montherlant n’était plus audible. Il faut savoir que, pour les écrivains du passé, il y a des amnésies collectives qui sont parfois subtilement organisées. Il ne s’agit pas de paranoïa, il suffit de constater que, dans une nation aussi littéraire que la France, les commémorations d’écrivain font l’objet de listes annuelles officielles publiées par le ministère de la Culture et deviennent un enjeu important dans la construction de ce que l’on pourrait appeler notre roman national, qui se doit d’être le plus politiquement correct possible.
L’habituelle confusion entre l’art et la morale lui a fait tort

On se souvient de la polémique, en l’an dernier, autour du cinquantenaire de la mort de Louis-Ferdinand Céline et du rétropédalage de Frédéric Mitterrand devant le choeur des vierges effarouchées qui avaient décidé que l’antisémitisme était incompatible avec le génie, dans cette habituelle confusion entre l’art et la morale qui rend si tristement conformiste notre époque se croyant pourtant tellement libérée. 

12 octobre 2022

Mr Keynes et les extravagants, tome 2, Cambridge la rouge

 

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Le tome 2 des aventures de Mr Keynes et de son entourage a les mêmes qualités que le tome 1*, celui de l’élégance du style et la virtuosité de pouvoir mêler la grande Histoire avec l’intime. Il a aussi le même défaut que le tome 1, celui de nous faire parcourir à un rythme échevelé 70 ans des aventures du monde et même un peu plus, du début des années 30 à presque aujourd’hui, avec un certain monsieur Poutine. Le lecteur peine à suivre cette cavalcade.

Alors que « Les secrets de Bloomsbury" mettait au premier plan le cercle d’intellectuels qui gravitait autour de Gordon square, cercle dont Keynes était un des piliers et dont l'entre-soi était perturbé par l’arrivée inopinée de la femme de Keynes, la ballerine Lydia Lopokova, que l’on pouvait voir comme le personnage central du tome 1. Cette fois le centre géographique du livre n’est plus Bloomsbury mais Cambridge, avec ses fameux espions « les quatre de Cambridge » qui comme les mousquetaires étaient un de plus et même sans doute beaucoup plus. Pourtant « Cambridge la rouge » n’est pas qu’un livre de plus sur ce fameux quatuor, encore beaucoup plus célèbre que celui d’Alexandrie, n’en déplaise à Durell, car tout le talent de Jean-Marc Siroen est de contextualiser la trahison de ces grands bourgeois intoxiqués par le marxisme et surtout de montrer les conséquences, parfois insoupçonnables, qu’on eut leur action. Conséquences qui atteindra aussi par ricochet, le cercle de Bloomsbury et ne seronts pas complètement étrangères au suicide de Virginia Woolf.

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Julian Bell peint par Duncan Grant

 

Si l’on pouvait voir Lydia comme le pivot du récit développé dans le premier tome, dans le deuxième le personnage central, ce qui n'est pas immédiatement perceptible, est le jeune Julian Bell, le neveu adoré de Virginia Woolf et que Keynes considérait comme son fils. Jean-Marc Siroen ne se contente pas de nous faire parcourir le siècle à pas de géant, il nous propose aussi de sérieuses et audacieuses hypothèses comme celle que Julian Bell, le petit prince de Bloomsbury, engagé chez dans les rangs des républicains durant la guerre d’Espagne n’aurait pas été tué par les nationalistes mais assassiné par des membres du NKVD commandés par le sinistre Orlov sous le regard complaisant du non moins sinistre André Marty. Le français dirigeait alors les Brigades Internationales. Il était surnommé le  boucher d'Albacete. Hemingway en fait un portrait acerbe dans "Pour qui sonne le glas", où il apparaît sous le nom d'André Massart. Dans ses souvenirs de la guerre d'Espagne, le brigadiste polonais Sygmunt Stein, qui a connu Marty à Albacete, le présente sous le jour d'un stalinien sanguinaire qui inspirait la terreur à ses camarades de combat. Il voulait liquider Malraux… L’auteur avance que la raison de l’engagement assez surprenant de Julian Bell dans la guerre d’Espagne est qu’il voulait s’éloigner de l’Angleterre du fait qu’il aurait été contacté par ses amis de Cambridge, pour espionner en faveur de l’URSS ce qu’il aurait refusé. 

Durant la guerre on voit que les espions de Staline, couvés et éclos à Cambridge sont partout aussi bien à Londres qu’à Washington. Il serait même possible que le banquier milliardaire Victor Rothschild par ailleurs à la fin de sa vie conseiller financier de Margareth Thatcher, aurait pu être l'un d'eux!

 

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Ce qui est très troublant c’est qu’il semble patent que des personnalités de premier plan ou qui le deviendront, pas soupçonnables de penchants communistes, savaient ou avait de fortes présomptions, que certains de leurs amis où connaissances, les Philby, Maclean, Burgess ou Blunt espionnaient pour le compte de l’Union-soviétique. Ces personnalités se sont tus. Keynes est de ceux-là auquel on peut ajouter pour en rester dans le domaine littéraire, Graham Green et Somerset Maugham. Pour ce dernier Philip Kerr dans son roman « Les pièges de l’exil » soulève la question de son silence. Peut être voulaient-ils respecter l’adage émis par Jean-Jacques Rousseau: << On peut être complice d’une trahison, sans oser démasquer les traitres.>>.

 

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Anthony Blunt avec la reine en 1959, la reine mère aurait suspecté Blunt d'être un espion mais ne dit rien en public...

 

Il reste que le personnage le plus fascinant de cet extraordinaire roman d’espionnage dans lequel tout est vrai ou du moins plausible, est Antony Blunt qui a réussi à sauvé sa peau et sa réputation du moins jusqu'en 1979, date à laquelle Margareth Thatcher par acrimonie et déraison d’état le dénonça à la Chambre des communes. 

 

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Anthony Blunt adolescent 

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Mr Keynes et les extravagants, Tome 1 Les secrets de Bloomsbury de Jean-Marc <b>Siroen</b>

 

10 octobre 2022

Legacy of Lovecraft

 

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Depuis qu'un mangaka a eu l'idée de transformer certaines histoires de Lovecraft en manga, avec talent d'ailleurs, le maitre de Providence a acquis une grande popularité chez les nippons. Ce qui a aujourd'hui pour conséquence la création, la-bas de joujous. Ainsi vous pouvez désormais décorer les rayons de votre bibliothèque avec la bobine du maitre de Providence ou avec celles de ses créatures pourtant réputées indiscibles. Pourquoi pas puisqu'il y a quelques années j'avais découvert dans une boutique de jouets géante une figurine de Goebels et une autre de Freud (pas ensemble). Voila un nouvel ajouts à la montagne croissante d'éphémères figurines en plastique générés par la culture au 21e siècle. Il y a plus de cinquante ans quand je frissonnais avec délectation aux histoires de Lovecraft, je n'aurais pu imaginer de tels avatars. Legacy of Lovecraft est un ensemble de six figurines articulées liées à Lovecraft fabriquées par 52Toys au Japon, qui incluent une figurine de Lovecraft lui-même. Il fut un temps où cela seul aurait été surprenant, mais 20 ans se sont maintenant écoulés depuis que l'idée d' une figurine Sigmund Freud est passée d'une blague improbable à quelque chose que vous pourriez réellement acheter. Aujourd'hui, nous sommes plus susceptibles d'être surpris si quelque chose avec une empreinte culturelle importante n'a pas généré de retombées commerciales.

 

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La gamme comprend Cthulhu, a Deep One, Dagon et The King in Yellow. Ce dernier n'est pas une création de Lovecraft, bien sûr, mais les histoires de Robert Chambers font partie intégrante de la mythologie lovcraftienne.  Toutes les figurines sont accompagnées de petits objets complémentaires : Lovecraft a le livre interdit, le fameux nécromicon, Cthulhu un petit vaisseau à tourmenter dans une tempête, l'«enquêteur» sans nom est livré avec deux objets, une lampe et une statue de Cthulhu.). C'est très laid, mais je ne voudrais pas vous en dégouter.

 

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7 octobre 2022

L’amour est aveugle de William Boyd

 

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Les grands lecteurs, j’en suis presque un, sont des calamités pour les romanciers ainsi que pour eux-mêmes. D’abord pour les auteurs car ils peuvent voir très vite la mécanique du roman qu’ils lisent, si celle-ci est trop apparente et il ne tardent pas également à déceler des similitudes entre l’ouvrage qu’ils ont entre leurs mains et d’autres déflorés lors de plus anciennes lectures. Ensuite pour eux-mêmes, car ces découvertes nuisent à leurs plaisirs de lecture. C’est ce qui s’est produit pour moi avec « L’amour est aveugle » de William Boyd car contrairement à l’amour dont il est question, je ne le suis pas, aveugle. La construction du roman est soignée et même maline, puisque le prologue nous annonce une fin qui en fait différente de celle que l’on peut en déduire du dit prologue. Mais à part cette surprise le déroulement du roman est assez prévisibles et contrairement à ce qu’annonce le bandeau les rebondissement ne s’enchainent pas vraiment. Ils rebondissent d’autant moins haut que la géographie de « L’amour est aveugle » fait beaucoup penser à celle d’un des chefs-d’oeuvre de Vargas Llosa: « Tours et détours de la vilaine fille ». Comme dans cet excellent roman, William Boyd nous entraine à travers le monde à la suite de son amoureux envouté par la belle Lika qui hélas n’a pas l’abattage de la vilaine fille de Vargas Llosa.

On peut ranger ce récit dans le rayon roman picaresque, un peu dans la lignée de ceux du XVIII ème siècle. Mais ici nous ne sommes pas dans le siècle de la révolution industrielle anglaise ni dans la deuxième moitié du XX ème siècle comme chez le prix Nobel mais à son aube. Pendant près de 500 pages nous suivons les errances de Brodie Moncur. Nous le croisons en 1894 à Edimbourg où ce jeune accordeur surdoué, il a l’oreille absolue, exerce sont art. Bientôt pour son malheur il s’installe à Paris où il rencontrera la mystérieuse Lika, soprano de son état et  surtout la maitresse du pianiste virtuose qui l’emploie. Brodie tombe raide dingue de la chanteuse, on ne comprend pas vraiment pourquoi, d’autant qu’un lecteur un peu perspicace évente assez vite le mystère qui entoure la belle. Cette passion conduira Brodie de Paris à Moscou, de Moscou à Vienne, Nice, Biarritz, Genève …jusqu’aux iles Andaman dont je dois avouer qu’avant la lecture de ce roman, j’ignorais jusqu’à leur existence. Elles sont situées au nord de l’océan Indien. Si elle appartiennent aujourd’hui à l’Inde, elle sont plus prés de la Birmanie que de l’Inde. Le sens des dialogues, un certain détachement et un grand métier de romancier évitent de justesse que l’on est pas l’impression d’être coincé entre les pages d’un guide de voyages: << Nice était particulièrement animée pendant les mois d'hiver de la "saison", d'octobre à mars, et il y avait toujours des choses intéressantes à voir sur la promenade: des hommes vieux avec des femmes jeunes, des femmes vieilles avec des hommes jeunes, d'antiques créatures à peine vivantes en fauteuil roulant poussées par des serviteurs exotiques portant turban, tarbouche ou fez, des marins de plaisance déambulant avec leur casquette et leur blazer en quête de distractions charnelles, des dames peinturlurées en quête de marins de plaisance.>>.

Si la lecture est moins addictive que ce que promet le bandeau rouge qui barre la couverture, même les livres de poche sont maintenant affublé de cette chose (voila des économies de papier facile à réaliser), la promenade dans l’Europe 1900 est agréable, même si Boyle n’évite pas toujours les clichés. L’écriture de l’auteur est fluide. Mais ce qui retient surtout l’attention c’est la peinture de ce milieu de musiciens et la rigoureuse et très intéressante description du métier d’accordeur. Je me suis renseigner auprès d’une de mes connaissances qui fait ce métier tout ce qui est écrit dans le roman sur la pratique des accordeur est juste. Intéressant également la plongée dans la famille de Brodie pour laquelle l’auteur a convoqué les mânes de Jane Austen et des soeur Bronte, avec ce père pasteur qui se fait payer grassement pour ses prêches enflammés, une sorte de précurseur des actuels télé-évangélistes. Au final on a un être faible qui remplace la tyrannie de son père par celle d’une salope.  

Ce n’est pas le meilleur livre de William Boyd mais cela se laisse lire en écoutant par exemple la Sonate pourpiano et violoncelle en si mineur  de Borodine.

 

Pour retrouver William Boyd sur le blog:

 

5 octobre 2022

J’étais le collabo Sadorski de Romain Slocombe

 

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Ce livre est l’histoire d’un sadique, écrit par un sadique. Une fois cet axiome posé, on ouvre le roman ou non. Même si ce volume peut se lire séparément, il est douteux que celui qui l’a entre les mains ignore de quoi il retourne. En effet « J’étais le collabo Sadorski » est le sixième volume (et même le septième si on y ajoute « La débâcle ») de l’odyssée d’un pourri dans la deuxième guerre mondiale. Ce pourri est l’inspecteur Léon Sadorski qui durant les quatre années de l’occupation a arrêté avec enthousiasme les juifs pour les livrer aux allemands. Il a commis bien d’autres turpitudes, mais passons. Dans le volume précédent on avait laissé ce brave Léon lynché par la foule fraichement résistante. On le croyait mort, mais les mânes de l’édition en ont décidé autrement. Or donc, on retrouve Sadorski fin aout 1944 à l’hôpital, salement amoché, mais vivant et ayant réussi à se faire passer pour un résistant. Cela ne va pas durer, il sera démasqué et amené à l’institut dentaire George Eastman dans le XIII ème arrondissement, lieu qui sert dans cette fin d’un bel été de lieu de concentration des collabos et assimilés, en fait surtout un lieu d’exécution. Le bâtiment est tenu par des FTP (émanation du Parti communiste, souvent des résistants de la dernière heure (baptisé ironiquement FFS pour « Forces françaises de septembre », avec à leur tête le capitaine Bernard (René Sentuc) nommé par le colonel Fabien, le tout chapeauté par le nain rouge sanglant Jacques Duclos. A propos de ce sinistre personnage je me permet une incise, pour démontrer combien le Maréchal, qui avait les mains tout autant goûtantes de sang que celles du nain bolchévique, avait raison quand il disait que les français avaient la mémoire courte puisque l’on a été jusqu’à donner le nom du nain rouge à une station de métro (sur la ligne 9)! Je rappelle que ce brave homme s’est présenté aux élections présidentielles en 1969; dans laquelle il y recueillit 4,8 millions de voix, soit 21,3 % des suffrages exprimés (le passé du monsieur rend ridicule les vétilles que l’on a pu reprocher aux candidats plus récents). Or donc le bâtiment sert officiellement, lors de l'Épuration, de centre de répression contre les collaborateurs, mais devient officieusement un centre clandestin de séquestration et d'exécution, où plus de deux cents personnes sont incarcérées dont notre Léon, et torturées, souvent sur simple dénonciation, entre le 20 août et le 15 septembre 1944. Trente-huit personnes détenues dans l'institut sont exécutées sur les bords de la Seine et leurs cadavres sont par la suite repêchés. Léon réussi à s’évader et ainsi échappe de peu à cette ultime baignade. Suit une cavale échevelée. Je ne vous en dirais pas plus, sinon que notre insubmersible Léon ne meurt pas à la fin. Suite au prochain numéro? 

 

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l’institut dentaire George Eastman à l'époque du récit

 

 

 

Romain Slocombe s’appesantit toujours avec délectation sur les descriptions des corps blessés et martyrisés. « J’étais le collabo Sadorski » est surtout intéressant par la mise en lumière, très documentée, des crimes commis par les communistes au mois de septembre 1944 (y compris sur certain de ses membres qui s’étaient éloignés de la ligne stalinienne). Le PCF qui aimera se faire appeler le parti des fusillés est alors surtout le parti des fusilleurs. Même si tout les communistes de 1944 ne se sont pas mués en bêtes sauvage d’ailleurs l’auteur fait un discret hommage à l’humanité de Charles Tillon un des dirigeants du Parti qui en sera ensuite exclu. 

On regrette qu’un tel livre ne soit pas paru dans les années 60; mais peut être qu’alors l’auteur aurait chu malencontreusement juste avant l’arrivée d’un métro, peut être à la station Croix de Chaveau qui ne s’appelait pas encore Jacques Duclos…

Comme d’habitude le bandeau qui orne la couverture est mensonger, car dans ce roman, nous ne sommes pas en présence d’une histoire sur fond de toute l’épuration mais sur des faits qui se déroulent uniquement durant le mois de septembre 1944 qui vit une épuration sauvage sous l’égide du Parti communiste avant que ses « milices populaires » soient désarmées, suite à l’accord de Yalta et sans doute aussi grâce à un gentleman agreement entre le petit père des peuples et la grande Zoah. Ce geste d’apaisement du maitre du Kremlin eut peut être une contrepartie plus tard; ce qui expliquerait la présence lors du règne du général, dans son entourage immédiat, de taupes à peine enfouies comme d’Astier de Lavigerie par exemple… On voit que dés l’automne 1944, il y a déjà comme un parfum de guerre froide.

La lecture de ce dernier roman (pour l’instant) de la geste d’un pourri est d’autant plus éprouvante pour le lecteur que l’on ne quitte pas le regrettable Léon contrairement aux autres volumes dans lesquels les femmes de l’inspecteur (sa régulière, Yvette, et sa très jeune maitresse) apportaient un peu d’air au lecteur entre les exactions de leur homme. On a cette fois bien un peu de nouvelles d’Yvette seulement à travers une lettre, procédé littéraire assez grossier.

Si la partie documentaire est toujours aussi sérieuse que dans les autres tomes de la saga Sadorski, les aventures du « Caïd du rayon juif de la préfecture » deviennent dans ce volume un peu trop rocambolesques. Sadorski résiste à tout. Slocombe le transforme progressivement de tome en tome en super anti-héros un peu dans la lignée des méchants qui s’opposent à Batman. Pour faire perdurer sa saga Philippe Kerr avait fait de même avec cet autre inspecteur qu’était Bernie Gunther mais ce dernier gardait toujours un fond d’humanité et le lecteur se réjouissait de le voir sortir sinon indemne, du moins vivant de ses aventures. Mais il n’en est pas de même avec Léon à l’âme définitivement noire dont on ne regretterait pas le trépas.

 

 

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