Cité de la nuit de John Rechy
Fils d'un Écossais et d'une Mexicaine, John Rechy est né à El Paso (Texas) en 1934. Inconnu pendant de nombreuses années en dehors de la sphère anglo-saxonne, sa célébrité relative y compris auprès de la recherche universitaire est du à la reconnaissance encore récente, de la littérature à thème gay. L'intérêt persistant de certains pour les marges a fini par faire de Rechy autre chose qu'un auteur culte. Bien qu'il ait publié quatorze livres à ce jour (le dernier étant un volume d'essais, "Sous la peau" de 2004), ce sont ses premiers romans qui retiennent le plus l'attention. Des romans où fiction et autobiographie se mêlent ouvertement. Le plus célèbre est "Cité de la nuit" qui date de 1963. Cité de la nuit navigue entre une veine autobiographique réaliste et par ailleurs celle d'un certain lyrisme qui cherche à donner plus de dimension à ce qui est raconté. "La cité de la nuit" est le récit des aventures d'un truqueur (Rechy lui-même) qui, quittant El Paso, décide d'entrer dans le monde de l'homosexualité et de la prostitution masculine dans diverses grandes villes des États-Unis, de New York à la Nouvelle-Orléans, en passant par Los Angeles et Chicago. Un monde sordide de promiscuité et de désespoir dans lequel le protagoniste cherche sa vérité en fait sa propre homosexualité qu'il rejete dans son for intérieur. Il faut bien avoir en tête la date à laquelle le livre a été écrit avant Stonewall et les Gay Pride. L'homosexualité alors aux Etats-Unis n'était que tolérée mais pas ouvertement légale et les descentes de police dans les bars et parcs fréquentés par des clients, des arnaqueurs et des travestis ou des fétaient fréquentes. Tout cela est visible non seulement dans l'histoire elle-même mais dans son ton. Souvent, une ombre de culpabilité traverse les scènes et le regard porté sur les marges. Les monologues de certains personnages sont parmi les meilleurs passages du livre. Si le livre était écrit aujourd'hui, il pourait être presque aussi sombres , mais il n'aurait pas ce ton de culpabilité. Le roman de Rechy était très audacieux pour 1963. Aujourd'hui on est plus attiré par son fond réflexif que par ses images sordides ou orgiaques qui culminent par l'explosif "Mardi Gras" à la Nouvelle-Orléans, lorsque le narrateur, parlant avec un client, lui dit qu' au fond de lui, il cherche à remédier à la solitude et à un amour, que souvent il n'ose pas. Le roman vaut également par des personnages secondaires attachant comme ce professeur de New York qui se laisse emporter par les "anges", les arnaqueurs devant lesquels il donne des conférences ; ou Sylvia, la propriétaire d'un bar gay à la Nouvelle-Orléans, qui ne peut se pardonner l'incompréhension qu'elle a eu pour l'homosexualité de son propre fils dessinée. Mais c'est un roman triste, car l'auteur n'arrive pas à s'élever au dessus de ce qui était encore un monde souterrain. Bien sûr Gene, Baldwin ou Burroughs pour ne citer que trois auteurs précédents étaient allés plus loin en tout. Mais Rechy était ambitieux, et il cherchait non seulement un thème mais aussi un style. Une grande partie de la littérature homosexuelle d'aujourd'hui - en particulier nord-américaine - ne peut pas en dire autant. Écrit, ce qui n'est pas surprenant avec beaucoup d'argot, c'est peut-être la plus grande difficulté pour le traducteur, qui a fait un travail appréciable. Bien que certains termes paraissent aujourd'hui vieillots .