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Dans les diagonales du temps
13 novembre 2023

Quand tu es vieux PAR WILLIAM BUTLER YEATS

 

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WILLIAM BUTLER YEATS 

 


Quand tu seras vieux, gris et plein de sommeil, 
Et que tu hocheras la tête près du feu, prends ce livre, 
Et lis lentement, et rêve du doux regard 
qu'avaient autrefois Tes yeux, et de leurs ombres profondes ;

 
 Combien ont aimé tes moments de grâce joyeuse, 
Et ont aimé ta beauté d'un amour faux ou vrai, 
Mais un seul homme a aimé l'âme pèlerine en toi, 
Et a aimé les douleurs de ton visage changeant ;


Et se penchant près des barres lumineuses, 
Murmure, un peu tristement, comment l'Amour s'est enfui 
Et arpentait les montagnes au-dessus de lui 
Et a caché son visage au milieu d'une foule d'étoiles.

 

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8 novembre 2023

En lisant Chronique du règne de Charles IX de Mérimée.

 

 

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Chronique du règne de Charles IX, qui parait en 1829, est un des tout premier roman historique français, seul le Cinq-Mars de Vigny, paru en 1826 l’a précédé (il y avait eu tout de même auparavant « La princesse de Montpensier » (1662) de Madame de La Fayette, se déroulant également sous le règne de Charles IX et écrit environ un siècle après les péripéties du  texte, mais il est vrai que c’est une nouvelle). Mais avant d’aller plus loin peut faut il définir par ce que l’on entend par roman historique. Le roman historique est un roman dont l’action se déroule dans un temps plus ancien que celui de la personne qui l’écrit. Mais plus ancien de combien d’années? Voilà la première interrogation que l’on peut se poser pour délimiter les frontières du roman historique. Ensuite on peut discerner plusieurs types de romans historiques ceux qui, comme dans « Chronique » qui mêlent personnages historiques et personnages imaginés par l’auteur, dans le cas de Chronique » ce sont ces dernier que Mérimée place au premier rang, ceux dans lesquels se meuvent quasiment que des personnages historiques comme Cinq-Mars, ceux qui solidement ancrés dans l’époque dans laquelle sont campés des personnages qui sont néanmoins fictifs comme dans quatre-vingt-treize de Victor Hugo ou dans les romans de Walter Scott et enfin ceux dans lesquels des personnage fictifs agissent dans une époque qui est une sorte de paysage sur lequel se déroulent les péripéties du roman, c’est le cas par exemple des « Habits noirs » de Paul Féval.

Au XIX ème siècle et tout autant au XX ème siècle le roman historique relève plus de la littérature populaire que de la littérature dite noble mais ce n’est pas le cas dans les premières années du genre qui voient paraitre « Chronique ». La méfiance et même parfois l’opprobre de la critique et de l’université vis à vis du roman historique viendra à partir des années 1830 avec la parution de ce genre romanesque en feuilleton dans les quotidiens.

Si le roman historique a généralement mauvaise presse auprès du public cultivé, c’est aussi, tout comme les écrits autobiographiques qu’il est peu propice à l’invention de formes littéraires nouvelles. Si l’on considère « La route des Flandres » de Claude Simon comme un roman historique (c’est aussi un écrit méta-autobiographique), il est l’exception qui confirme la règle. 

On peut considérer que le roman historique connait son apogée au XIX ème siècle en terme de lectorat aux alentour de 1850 avec le succès des romans d’Alexandre Dumas et de Paul Féval paraissant en feuilleton dans la presse quotidienne. Même si ensuite il se maintient avec des auteurs comme Erckman-Chatrian, Zevaco… Il est concurrencé dans le roman populaire par le roman sentimental, par le roman de victime comme « Les deux orphelines » puis par le héros de surhomme, des super-héros avant l’heure comme ceux mettant en scène Fantômas ou Chéribibi…

Le roman historique français est une importation anglaise c’est suite au succès des traductions françaises des romans de Walter Scott au début des années 1820 qu’il nait à l’imitation de ces dernier.

L’argument de « Chronique » est simple nous sommes au temps des guerres de religion deux frères se battent dans les camps opposé, l’ainé Georges chez les catholiques, Bernard le cadet lui est du coté des protestants. Le roman commence  lorsque Bernard de Mergy, gentilhomme huguenot qui se rend à Paris au moment où Henri de Navarre s'apprête à épouser Marguerite de Valois, la soeur du roi, assurant ainsi la paix entre protestants et catholiques. À Paris, Bernard retrouve son frère Georges qui, après sa conversion au catholicisme, est devenu capitaine des chevaux-légers du roi. Bernard ne tarde pas à tomber amoureux de la belle comtesse catholique Diane de Turgis et à s'attirer un duel avec l'amant de celle-ci, le redoutable Comminges…

Chronique du règne de Charles IX parait en pleine vague du romantisme si l’on peut le rattacher à ce mouvement ce n’est qu’à sa marge. Les héros de Mérimée ne sont pas des héros romantiques types. Il ne sont loin d’être sans peur ni reproches. Autre différence avec les oeuvres littéraires du corpus romantiques, la nature et ses descriptions sont presque absentes de « Chronique ». 

On peut aussi rattacher le roman, même s’il ne l’est que d’une manière périphérique au genre du roman de formation comme le sont par exemple « Les trois mousquetaires » ou « Le capitaine Fracasse ». Formation pas seulement pour le naif Bernard mais formation aussi, ou plutôt évolution, pour d’autres personnages comme pour le capitaine Dietrich qui nous est présenté d’abord comme un reitre obtus et malhonnête alors qu’à la fin, après plusieurs mutation on le verra comme un coeur miséricordieux. De même nous découvrons le père Lubin en fat abbé de cour mais quelques pages plus loin nous le retrouvons en homme courageux capable de sauver un adversaire, en se mettant en danger.  

Le style de Chronique de Charles IX est étonnamment moderne et rapide pour un ouvrage écrit en 1828. Lorsque l’auteur entreprend l’écriture de son livre il a 25 ans l’âge de son héros, Bernard de Mergy ce qui peut expliquer en partie l’allégresse de ton du livre.  Le Roman de Mérimée fait penser au Stendhal, les deux hommes étaient amis, de La chartreuse de Parme (livre écrit 10 ans plus tard en 1838). Petite incise: Peut on classer le roman de Stendhal dans la section des romans historique? Son action tourne autour de l’année 1815 soit 23 ans avant la rédaction du livre. Considérions nous un roman écrit aujourd’hui dont l’action se déroulerait en 2000 comme un roman historique? Le héros de Mérimée  Bernard de Mergy fait songer à Fabrice Del Dongo. Il a la même innocence et comme Fabrice à Waterloo, alors qu’il est coeur du massacre de la Saint Barthélémy n’en entend que la rumeur. Mérimée est constamment de l’évitement de la scène à faire. Au grand panoramique sanglant il préfère l’anecdote significative. Ainsi le roman se présente comme une suite de nouvelles, genre de prédilection de l’auteur. 

Mérimée en dépit du modernisme de son écriture fait tout de même allégeance à la manière de son époque lorsqu’il s’autorise à des apartés disant  qu’en ce temps là, l’époque des guerres de religion, les choses n’étaient pas comme aujourd’hui, entendons par aujourd’hui, les dernières années de la Restauration. Un chapitre entier est même une adresse aux lecteurs. Au chapitre VIII  dans une construction que l’on pourrait qualifier de post-moderne si l’on ne craint pas les anachronismes critiques c’est le lecteur qui interpelle l’auteur en le sommant de faire le portrait de la cours de Marie de Médicis. Mais Mérimée s’esquive et évite d’écrire la scène attendue.  Autant de procédés qui indiquent que le présent de la narration n’est pas celui de l’action du roman, ce qui a pour résultat de sortir le lecteur des péripéties du récit et de son actualité que  jusqu’alors il faisait sienne. Ce surplomb de l’auteur sur l’action de ses personnages est en revanche, lui, pas du tout moderne.  C’est ce que se garde bien de faire Alexandre Dumas et bien sur Flaubert. Il reste que dans la très grande majorité du livre le narrateur se veut contemporain de l’action à la différence d’un Walter Scott qui voit toujours l’action dans ses roman avec le recul d’un observateur du début du XIX ème siècle. Mais si l’ on compare « La chronique » avec les trois romans de Dumas se déroulant à la même époque soit La reine Margot (écrit en 1845) qui se déroule sous le règne de Charles IX exactement dans le même temps que « Chronique », « La dame de Monsoreau » (écrit en 1846),et « Les quarante cinq » (écrit en 1847) qui lui se déroule une dizaine d’années plus tard sous le règne de Henri III, la chronique est infiniment mieux écrit, mais il est vrai que Dumas utilisait des nègres et qu’il était soumis à la contrainte du roman feuilleton. Ses romans paraissaient dans la presse par épisodes (les premier feuilletons dans la presse datent de 1836); ce qui n’est pas le cas de Mérimée. Mais plus au volume de Dumas pré-cités c’est de ce même Dumas, aux Trois mousquetaires (écrit en 1844) et la suite que la « Chronique » fait immédiatement penser. Dans les deux romans on trouve des duels et des scènes de fraternité entre soldats dans les cabarets. On peut penser que Dumas et compagnie avaient bien sur lu « La chronique » avant de nous distraire avec d’Artagnan et consort. Il y a des similitudes troublantes entre des scènes de ces deux livres,  en particulier celles du chapitre III.

Mérimée utilise un procédé stylistique qui me parait nouveau dans ce livre celui d’intégrer dans son texte des phrases entières ou plus souvent des groupes de mots d’autres auteurs. C’est ce que fera 150 ans plus tard, à beaucoup plus grande échelle Perec dans « La vie mode d’emploi » qui lui, fera des collages textuels tout azimut, indécelables en regard de la multiplicité et la diversité de ses sources (Jules Verne, Sartre, Loti, Queneau, Flaubert, Leblanc…). Mérimée emprunte en particulier à d’Aubigné et à Brantôme deux auteurs auxquels il fait aussi souvent référence. 

Dans son style Mérimée évite deux des écueils sur lesquels sombrent la plupart des romans historiques le premier est celui de s’étendre sur des descriptions pour faire époque (c’est l’équivalent au cinéma de ce que l’on appelle un film de décorateur) l’un des pires auteurs du genre est Jean Lombard dont Montherlant dit qu’il écrit un galimatias, il a bien raison. Lombard écrit vers 1900 et peut consacrer 10 pages à la description d’un lustre comme dans son « Byzance » ce qui rend aujourd’hui la lecture de tels ouvrages difficile, mais le souci de brosser des décors avec un grand luxe de détail que cela fini par être envoutant. C’est en quelque sorte du pré Raymond Roussel. Le deuxième écueil qu’évite Mérimée est celui d’employer des mots du vieux françois toujours pour faire époque, procédé qui, à force, peut rendre un livre sinon illisible du moins pénible à lire c’est la maladie qui atteint de nombreux romans historiques tel la série « Fortune de France » de Robert Merle (écrite dans les années 1970) qui se passe en partie à la même époque que « Chronique ».

En tête de chaque chapitre Mérimée place une citation, souvent d’un auteur célèbre Molière, Shakespeare, Rabelais, lord Byron… qui renseigne sur le contenu du chapitre qui se révèle une sorte de miroir de la citation mis en ouverture. 

Autre aspect novateur, la fin du livre est ouverte. Si l’auteur propose des possibles pour le devenir de ses créatures, il les accompagne de point d’interrogation. Si la modernité nous a habitué à ces fins ouvertes, peut être plus au cinéma qu’en littérature, qui demande participation et invention de la part du lecteur, une telle fin à du paraitre bien déceptive à l’époque de la parution du livre. 

L’auteur n’évite pas quelques anachronismes de détail par exemple au sujets des armes qu’utilisent les différents protagonistes. Plus gênant est ceux qui ont trait à la manière de penser des personnages comme dans le chapitre IV ayant pour titre Un converti dans lequel George de Mergy, le frère du héros,  renvoie dos à dos protestants et catholiques en professant une totale incroyance, un solide athéisme. Pour résumer il dit à son frères que s’il est devenu catholique, alors que Bernard est demeuré protestant, c’est en raison de l’ingratitude d’un chef protestant à son égard et aussi parce qu’il a trouvé une meilleure situation chez les catholiques et qu’enfin il trouve la musique jouée dans les messes plus belle que celle qui entoure le prêche du pasteur… Il me semble que c’est un discours, même si c’est un discours en privé, entre deux frères, qui ne pouvait être tenu au XVI ème siècle. Pour moi ces propos ne peuvent être que post révolutionnaires, post Lumières. Les premiers discours athées rendus publics sont apparus avec les libertins sous la régence (il y est certain que l’on peut  trouver des pamphlets prônant l’athéisme, plus anciens mais c’étaient des épiphénomènes). Cette diatribe contre la bigoterie et le fanatisme religieux est fidèle au voltairisme de l’auteur.

Autre anachronisme, au chapitre VII, lorsque George, encore lui, se lance dans une tirade égalitariste à propos de l’amiral Coligny dans laquelle il dit que sa naissance a fait beaucoup pour sa renommé plus que ses talents militaires sur les champs de batailles où il a toujours été battu. Dans George à la fois septique et tolérant on peut plus reconnaitre Mérimée qu’en Bernard.

Le lecteur à son tour doit se garder de faire une lecture anachronique car « Chronique du règne de Charles IX a été beaucoup copié et ce qui peut paraitre comme cliché, duel, femme mystérieuse et masquée, rendez-vous secret, pratiques occultes sont des presque inventions littéraires à la parution du livre.

Il ne faudrait pas réduire « Chronique » à un roman de cape et d’épée façon « Le bossu » car tout le livre est innervé par une grande question: Comment peut on en arriver à un tel massacre, la saint Barthélémy, à une telle apocalypse. La question reste toujours pendante aujourd’hui…

Plus généralement le livre n’est guère favorable à l’ancien régime dont les pratiques sont dénoncées en particulier celle du duel. Mérimée trace un portrait guère élogieux de Charles IX dans « la chronique » il parait comme un homme faible, hypocrite et velléitaire sous l’influence de sa mère et de son entourage. Si Charles IX règne, il ne gouverne pas vraiment. Mérimée était un libéral et il n’est pas difficile que le portrait qu’il dresse de Charles IX est aussi celui de Charles X qui est roi de France pendant qu’il écrit son roman 

Cette attitude critique envers la monarchie peut surprendre même si l’on sait qu’ii est fils des lumières et admirateur de Voltaire et de Diderot, chez un homme devenu encore jeune un notable sous la monarchie de juillet puis très proche de l’impératrice Eugénie sous le second empire.

 

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Charles IX

2 novembre 2023

Jacques Guérin, un grand proustien

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« Non seulement un collectionneur mais un sauveur de tout ce qui est proustien », Jacques Guérin (1902 - 2000) est peut-être l'homme à l'origine de la création de la mythologie autour de Marcel Proust. L'homosexualité de Proust l'entourait comme un mur invisible et infranchissable avec sa famille qui, après sa mort, entreprit de détruire les papiers de Marcel et de donner ses biens à quiconque, sans se rendre compte de leur valeur, dans le but de sauver l'honneur de leur famille. Marthe Proust (belle-sœur) avait l'intention de brûler tous les papiers de Marcel afin de détruire toute preuve de son homosexualité. Elle ne se souciait pas que son frère [beau-frère] soit un génie. Jacque Guérin aimait se définir (bien qu'il possède l'une des plus grandes collections de livres au monde) non pas comme un collectionneur, mais comme un sauveur. Il disait que sa passion était de sauver les livres rares, les manuscrits et les photos de la destruction et de la négligence. Guérin était également un industriel français, qui a dirigé pendant de nombreuses années l'entreprise extrêmement lucrative de Parfumerie D'Orsay après en avoir hérité en 1936 de sa mère. Sa naissance était considérée comme « illégitime » à cette époque de l’histoire et Jacques Guérin était extrêmement sensible aux stigmates qui accompagnaient l’illégitimité que la société lui avait imposée et développa à cause de cela une haine envers son père. Guérin deviendra sans aucun doute le grand collectionneur de livres et manuscrits français du XXème siècle et pour une fin heureuse,… pendant près de cinquante ans Jacques Guérin vécut avec son compagnon, le modiste parisien Jean Boy (1907-1980).

27 octobre 2023

Federico García Lorca

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26 octobre 2023

La mort de Peter Pan

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Le 19 mai 1921, Michael Llewelyn Davies est décédé un mois avant son 21e anniversaire dans une noyade suspecte… lui et son amant Rupert Buxton ont été retrouvés morts, serrés dans les bras l'un de l'autre. Michael, ainsi que ses quatre autres frères, ont été la véritable source d'inspiration de JM Barries, « Peter Pan ». Dans une famille qui semblait vouée à la tragédie, les quatre frères ont été confiés aux soins de l'auteur JM Barrie à la mort de leur mère et de leur père. Nico, le seul frère survivant de Michael, l'a décrit comme "le plus intelligent d'entre nous, le plus original, le génie potentiel" et le favori de Barrie, a écrit un an après la mort de Michael "était en quelque sorte la fin de moi". En tant que jeune adulte, Michael a brièvement étudié l'art à Paris et à son retour à Oxford, il a rencontré Rupert Buxton, les deux sont devenus des amis inséparables, passant du temps à la fois à l'université et en vacances ensemble. Buxton était également poète et s'intéressait au théâtre. La proximité de Davies et Buxton, combiné aux circonstances incertaines de leur mort, a conduit à spéculer que le couple était mort dans un pacte de suicide, des amis étant au courant de la relation sexuelle entre les deux. Les courants dangereux à Sandford Lasher avaient rendu la piscine notoire comme un risque de noyade. Un témoin à l'enquête du coroner a rapporté qu'un homme nageait pour rejoindre l'autre, qui était assis sur une pierre sur le barrage, mais il a éprouvé des « difficultés » et l'autre a plongé pour l'atteindre. il vit leurs têtes ensemble dans l'eau, ils ne semblaient pas se débattre. On ne sait pas si Buxton est mort en essayant de sauver Davies et/ou s'il l'a impulsivement rejoint lors de sa faillite, ou s'ils sont en fait morts à la suite d'un pacte de suicide. La vie de Michael s'est terminée dans des circonstances tragiques et pourtant son impact perdure aujourd'hui en tant que garçon qui ne vieillira jamais, « Peter Pan ».

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19 octobre 2023

Agent secret de Philippe Sollers

 

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Agent secret vous invite, à pousser la porte d’une maison de famille, sise Près de marais salant qui sommeillent, un soir d’automne pour y retrouver, au coin de l’âtre , Philippe Joyaux, un monsieur qui sent qu’il n’en a plus pour très longtemps, s’est fait apporter un gros album de photo, et a demander de lui servir un verre de Saint-Emilion et de ne pas vous oublier, n’étant pas un grand amateur de vin rouge, j’ai opté pour un blanc, un château-Yquem, puis, il vous a invité à vous placer à coté de lui. Il a ouvert son gros album à la première page, les photos sont classées par ordre chronologique, et il a commencé à commenter les images. Sa voix est douce, un peu fêlée même s’il esquisse un sourire et que les propos sont distanciés on pressent que les larmes ne sont pas loin. Il vous parle d’un temps d’avant les barbares, un temps où le savoir vivre avait résisté même à l’écroulement d’un pays. Cette nostalgie d’une civilisation disparue, lui fait du bien parce qu’elle le console de son prochain départ sans retour. De suite il y a l’enfant qu’il était, la maison d’enfance, la mère mais très vite, Philippe Joyaux s’échappe et son double Philippe Sollers prend la parole, une parole moins triste. Philippe Joyaux s’est mué en Philippe Sollers car n’ayant pas 21 ans lorsqu’il fait paraitre son premier livre ses parents s’opposent à ce qu’il utilise le nom de Joyaux pour signer le contrat d'édition, Il est alors obligé de prendre un pseudonyme. Le narrateur conseille la volonté de joie pour faire pièce au malheur, sa joie à Philippe Sollers c’est la littérature, arrive Holderlin, Claude Simon, Pierre Guyotat… Et voila Joyeux qui revient, il nous parle à nouveau de sa mère il se répète un peu, je n’ose pas dire qu’il radote, les souvenirs balbutient; mais peut être que je suis moins attentif, le château-Yquem sans doute… Soudain une lettre s’échappe de l’épais volume, une lettre de Dominique Rollin adressée à Philippe qui commence par << Mon merveilleux amoureux>>.

 

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Philippe Sollers et sa mère à l'ile de Ré

 

Je croyais que les photos allaient être classées par ordre chronologique comme dans un album de la Pléiade, mais en fait pas du tout; après une image de la première maitresse du jeune Joyaux lorsqu’il avait 14 ans, voilà la trombine de Mao, autre maitresse plus tardive moins éphémère que sa première puisque cette étonnante liaison durera environ cinq ans… Sur son engouement maoïste, Sollers glisse avec élégance. Il préfère parler de la calligraphie chinoise… Pour en savoir plus sur cette fascination pour le potentat asiate, il faut lire le savoureux « Carnet du voyage en Chine » de Roland Barthes, son ami et compagnon de voyage du coté de la grande muraille. Suit une belle image d’un des grands amours de Sollers, Venise. Puis arrive la couverture numéro 1 d’une des revues qu’il a crée: L’infini, sur laquelle je saisi le titre d’un article signé Pierre Guyotat: A la sueur de mon sexe… Ce doit être ces mots à moins que ce soit les vapeurs du Saint-Emilion qui nous conduisent à Bataille et par le chemin imprévisible des phrases de cet ouvrage à Althusser que Sollers dote d’une laconique oraison funèbre qui appelle la réflexion, surtout pour les candidats à l’agrégation de philosophie: << Ce n’est pas rien un philosophe qui étrangle sa femme.>>.

Plus on avance dans le livre, dans la nuit, plus c’est le soliloque d’un vaniteux touchant qui oublie sa vanité de grand écrivain pour nous parler de son fils malade, son joyaux, de ses maisons qu’il a apprivoisées, de Guy Debord…  

Au final messieurs Joyaux et Sollers, qui s’aiment beaucoup, sont heureux de leur vie. On est content pour eux. Ils partent satisfait d’autant qu’ils pressentent que les temps qui viennent ne seront pas pour eux. 

Philippe Sollers pourrait reprendre le mot de Céline, un auteur qu’il aime beaucoup,  qui répondit << Au revoir et merci.>> lorsque Louis Pauwels, dans un entretien, demanda à l’auteur du « Voyage au bout de la nuit » qu’elle serait sa dernière pensée avant de mourir.

« Agent secret », c’est une leçon de dandysme de bon aloi mais d’un dandy qui aurait du coeur et rêverait d’une révolution permanente. C’est aussi un testament d’un temps enchanté dont le conseil vital à retenir est celui que profère Sollers à la page   170: << Il nous faut nous désactualiser d’urgence.>>

 

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la maison de Philippe Sollers à l'ile de Ré

10 octobre 2023

L'anarchisme de droite de Pascal Ory

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Je ne pouvais que m’intéresser à un essai ayant pour titre l’anarchisme de droite. Puisque J’ai été affublé jadis de l'étiquette, parmi beaucoup d’autres, d'anarchiste de droite. Mais une fois n’est pas coutume, c’était dit sans malveillance et pas par n’importe qui, puisque le premier à me qualifier ainsi fut Jean Raspail, il y a bien longtemps. 

Dans l’essai de Pascal Ory, c’est un anarchiste de droite vu de gauche et même gauchi. Le regard qu’il porte sur cette espèce date de 1985 d’où le vieillissement des références mais ce qui pourrait paraitre à certain comme une obsolescence, au contraire donne aujourd’hui à ce livre un charme supplémentaire. Le texte exhume des figures et des oeuvres qui pour certaines sont déjà bien oubliées.

Par facilité on embrigade volontiers sous l'étendard de l'anarchisme de droite tous ceux qui ne se couchent pas le conformisme de la pensée unique et de l'idéologie dominante qui s'affiche aussi bien à gauche que dans la droite honteuse depuis le triomphe des “Lumières”. Mais la classification d'Ory est à la fois plus subtile et plus dérangeante. Il me semble que c'est Jacques Laurent qui en une phrase définit bien la posture de l'anarchiste de droite: << le pouvoir est méprisable, non parce qu'il est bas en lui-même mais parce qu'il est bas de le vénérer.>>.

La définition que donne Pascal Ory des anarchistes de droite me convient assez bien: << L’anar de droite est un féodal égaré dans la démocratie, un féodal sans les moyens de sa féodalité (…) un individualiste radical sans illusion sur une supposée nature humaine.>> Si je me reconnais un peu dans ce portrait au vinaigre que fait Pascal Ory de l’anarchisme de droite en féodal égaré. Mais on peut voir aussi l’anarchiste de droite comme un nostalgique d'un monde d'avant la politique, sans conflits, sans partis d’une sorte de monarchie idéale. Je crois que l’auteur a bien cerné les lectures pernicieuses ou précieuses, tout dépend où on se place, qui conduit un être à rejoindre cette mouvance: << L’anarchisme de droite est issu de la lecture des Pieds nickelés à dix ans, d’Arsène Lupin à treize et de Céline à 17.>>. Et voilà comment j’en suis arrivé là.

Ce qui me gène un peu dans la classification d’anarchisme de droite de Pascal Ory c’est que pour lui l’anarchiste de droite parle obligatoirement avec une gouaille populo et porte ostensiblement une casquette à carreaux. Heureusement il cite aussi comme membre de la famille Arsène Lupin, même si c’est un peu passé de mode comme couvre chef je préfère le huit reflets du gentleman cambrioleur à la gapette…  

Le corpus des oeuvres littéraire qu’estampille Ory comme appartenant à l’anarchisme de droite est réjouissant et occupe une bonne partie de ma bibliothèque avec en maitre Céline qui surveille du coin de l’oeil A.D.G., Simonin, Marcel Aymé, Paraz, Jean Anouilh et même le prince Eric dénoncé par l’auteur comme traité en douceur de paternalisme. 

Dans ce livre Ory est plus polémiste qu’historien mais un polémiste sans les rancoeurs qui souvent caractérisent cet état.

Sous cet étendard sur lequel le blanc se dispute le noir Ory enrôle un bataillon fourni dont le chef incontesté serait Céline dans ces rangs serrés on reconnait dans cette troupe hétéroclite les écrivains Antoine Blondin, Henri de Montherland, Léon Bloy, Édouard Drumont, Barbey d'Aurevilly, Paul Léautaud, Louis Pauwels, Lucien Rebatet, Jacques Perret, Roger Nimier, Marcel Aymé, José Giovanni, Jean Laborde alias Ralf Vallet, Bastiani, Maurice Leblanc, Anouilh, A.D.G, Simonin… les cinéastes Michel Audiard, Claude Autant-Lara, Jean Yanne, Melville, Verneuil, Lautner, l’acteur Jean Gabin (dans les acteurs Ory a oublié Philippe Léotard qui pourtant se proclamait anarchiste de droite), les dessinateurs Forton Lauzier… Pour ma part j’aurais bien ajouté les noms de Matzneff, Brigneau, Gripari, Willy de Spens, Vandromme, Dominique de Roux et Pierre Desproges à cette liste.

J'irais même jusqu'à annexer le grand Georges, comme apparenté, à cette tribu. N'a-t-il pas chanté:  « Sans le latin, sans le latin, la messe elle nous emmerde… » et surtout: << C'était l'oncle Martin, c'était l'oncle Gaston L'un aimait les Tommies, l'autre aimait les Teutons Chacun, pour ses amis, tous les deux ils sont morts Moi, qui n'aimais personne, eh bien ! je vis encore.>>. Ory n'a pas osé à toucher à cette vache sacrée des vétérants de la gauche.

Ces grands messieurs et d'autres ont engendré des créature de papier ou de pellicule qui font avec panache flotter le drapeau noir sur lequel s'égare souvent une fleur de lys blanche, je citerais: le capitaine Fracasse, Arsène Lupin, les Pieds nickelés, Fantômas, Achille Talon, l'inspecteur Harry, le capitaine Haddock...

On peut raisonnablement penser que si Pascal Ory avait revu son texte pour l’actualiser il aurait ajouté à cette cohorte les noms de Houellebecq, Philippe Muray, Michel-Georges Micberth et Marc-Édouard Nabe entre autres.

On peut trouver discutable la labelisation d’anarchiste de gauche pour Alphonse Boudard ou Jean-Pierre Mocky.

Dans certains défauts de cette tribu que dénoncent Ory, j’y verrais pour ma part plutôt des qualités comme celle de leur éloge de l’autodidacte.

L’auteur se lance parfois dans l’uchronie littéraire assez osée: << Dix ans de plus, et Nimier dirigeait " Je suis partout ", dix ans de moins, et Brasillach était élu en 1977 à l'Académie française. >> Ce qui avec le recul ne manque pas de sel puisque aujourd’hui Pascal Ory est à l’Académie française. Dans un monde parallèle il aurait pu prononcer l’éloge de Robert Brasillach…

Je reprocherais à Pascal Ory, mais en bon social démocrate pouvait-il le faire? de ne pas dire que l'anarchisme de droite trouve sa source dans le constat navré qu'il fait du rôle cynique et brutal de la bourgeoisie en 1789, lorsqu’elle régla ses comptes avec la noblesse sur le dos du peuple:« On n'a jamais fait tant fortune que du jour où on s'est mis à s'occuper du peuple » Anouilh 

Avec Pascal Ory, je ne connais que George Steiner pour avoir une pensée aussi virevoltante qui d’autre à part eux pourrait poser la question de l’importance de Karl May dans l’idéologie hitlérienne et les illustrations historiques de Job dans celle de de Gaulle…

14 septembre 2023

Une autre Histoire du théâtre de Pascale Goetschel

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Voilà un livre qui sans les hasards de la vie je n’aurais eu ni l’envie de lire et encore moins d’acquérir mais comme je me suis trouvé en sa présence, ma curiosité naturelle m’a conduit à l’ouvrir et ensuite à ne pas le lâcher jusqu’à sa dernière page. Non que cet essais ne soit pas rempli de défauts mais il a le grand mérite d’ausculter l’activité théâtrale sous un angle peu pratiqué, celui de l’économie, cette originalité est son grand mérite mais c’est à peu près le seul.

Pascale Goetschel met son essai sous les auspices bienveillants de Jean Villar qui déclara, à la fin des années 1960: << Tant que le théâtre est en crise, il se porte bien.>>.

Déjà, le titre une autre histoire du théâtre est quelque peu pompeux. De cette « autre » Histoire, il ressort deux idées fortes. Premièrement que le théâtre dès ses débuts et encore plus à partir de la deuxième moitié du XIX ème siècle a été concurrencé par d’autres « loisirs » et qu’il l’est plus que jamais aujourd’hui. Les dits loisirs, au sens le plus large du terme n’ayant jamais été plus nombreux et divers qu’au XXI ème siècle. Deuxièmement que le théâtre a toujours reflété les crises politiques, sociales et même philosophiques et religieuses de son époque. Bon on n’avait pas attendu madame Goetschel pour s’en apercevoir. Mais le fait de prendre comme angle d’attaque pour sa somme les crises de cet art, mais pour l’auteur le mot crise ne s’entend qu’au sens économique de celui-ci, ce qui est un peu court, lui permet de dérouler son histoire du théâtre sur 380 pages ce qui demande un bel effort de synthèse. Malheureusement elle s’est un peu perdu en route  et si son titre était un peu abusif, une partie de son sous-titre du XVIII ème au XXI ème siècle l’est encore plus. Car si l’auteur s’étend beaucoup sur la deuxième moitié du XIX ème et les quarante premières années du XX ème, elle est beaucoup plus discrète sur les autres périodes. Il est vrai que pour une docte universitaire il est toujours périlleux de traiter des années de l’occupation et peut être encore plus de la période actuelle. Et puis d’autres mments de la vie théâtrale irait à l’encontre de son idée de départ: soit que le théâtre a toujours été en crise. Aux causes politiques, sociologiques et contingentes de cette crise récurrente elle ose mezzo voce y ajouter une cause littéraire, en écrivant à mon sens très justement, que les chefs de troupes, les directeurs de théâtre, on parlait guère alors de metteur en scènes et encore moins de scénographes, les Jouvet, Dullin, Baty, Pittoef… ont surtout manqué de grands textes et de grands auteurs et que cette carence a été une cause au moins aussi importante des difficultés du théâtre dans les années 30 que la crise économique. Si le théâtre dans les années 40 et 50 a retrouvé tout son lustre, alors que la concurrence des autres loisirs n’avait pas diminué, bien au contraire, sauf peut-être sous l’occupation et encore, c’est tout simplement que les grands textes y ont afflué, ils étaient signée Beckett, Ionesco, Adamov, Claudel, Montherlant, Anouilh, Sartre, Camus, Genet et dans un registre plus léger Roussin, Obaldia et quelques autres. On peut y ajouter des auteurs venus d’ailleurs comme Arthur Miller, Tennessee Williams… Avec cette liste tout est dit, pas besoin d’épiloguer… Mais voilà qui cadrait mal avec la thèse de l’auteur d’où son quasi silence sur cette période. C’est le défaut inhérent des auteurs qui construisent leur démonstration sur une idées de départ dont il ne veulent pas déroger, ne serait-ce que pour une exception à leur doxa qui, a l’usage ne se révèlent pas aussi pérennes que leur auteur l’imaginait au commencement de son labeur. A propos des noms cités plus avant, Pascale Goetschel, commet ce tour de force alors qu’elle parle de théâtre ne presque jamais citer de noms d’auteurs et bien sûr jamais ceux de Montherlant et d’Anouilh, absence qui donne une idée de la couleur politique sous-jacente de cet essais qui en revanche s’étend obligeamment sur la période du Front Populaire…

Un peu également en contrebande de sa démonstration l’auteur suggère quelques idées fort intéressantes que malheureusement elle ne développe pas, comme celle de l’opposition entre un théâtre à texte, un théâtre intellectuel pour les intellectuels qui induirait une mise en scène sobre, un théâtre qui serait fréquenté par l’élite culturelle et un théâtre spectacle à la lourde machinerie on dirait aujourd’hui aux effets spéciaux destiné à la distraction des classes dites laborieuses. Autre suggestion du livre est que les pouvoirs publics se soucie grandement du théâtre plus que des autres arts parce que ses spectateurs appartiennent très majoritairement à l’élite économique et culturelle et que même en démocratie, ce sont eux les faiseurs de roi.

Avec cette « Autre histoire du théâtre » nous avons à faire à un livre d’Histoire culturelle dans la lignée de ceux de Pascal Ory, le maitre en la matière que Pascale Goetschel cite à plusieurs reprises, hélas elle n’a ni la clarté d’expression ni l’élégance de style de son maitre. 

Il demeure que l’ apprend beaucoup de choses sur le théâtre même pour quelqu’un qui les a beaucoup fréquenté mais l’approche de Goetschel n’est ni artistique, ni littéraire, un peu sociologique, moyennement historique, elle est surtout économique. Et encore Pascale Goetschel s’intéresse presque exclusivement à l’action de l’état dans les finances des théâtre et ignore assez largement les initiatives du secteur privé dans ce domaine.

La morale de mon billet est que dans le domaine de la lecture la curiosité est toujours récompensée.

 

5 septembre 2023

Edmund White dans son bureau

25 août 2023

la maison du bon docteur Céline, dans son état actuel, en travaux

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photo Bruno, aout 2023

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