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Dans les diagonales du temps
10 octobre 2023

L'anarchisme de droite de Pascal Ory

9782246319511-T

 

Je ne pouvais que m’intéresser à un essai ayant pour titre l’anarchisme de droite. Puisque J’ai été affublé jadis de l'étiquette, parmi beaucoup d’autres, d'anarchiste de droite. Mais une fois n’est pas coutume, c’était dit sans malveillance et pas par n’importe qui, puisque le premier à me qualifier ainsi fut Jean Raspail, il y a bien longtemps. 

Dans l’essai de Pascal Ory, c’est un anarchiste de droite vu de gauche et même gauchi. Le regard qu’il porte sur cette espèce date de 1985 d’où le vieillissement des références mais ce qui pourrait paraitre à certain comme une obsolescence, au contraire donne aujourd’hui à ce livre un charme supplémentaire. Le texte exhume des figures et des oeuvres qui pour certaines sont déjà bien oubliées.

Par facilité on embrigade volontiers sous l'étendard de l'anarchisme de droite tous ceux qui ne se couchent pas le conformisme de la pensée unique et de l'idéologie dominante qui s'affiche aussi bien à gauche que dans la droite honteuse depuis le triomphe des “Lumières”. Mais la classification d'Ory est à la fois plus subtile et plus dérangeante. Il me semble que c'est Jacques Laurent qui en une phrase définit bien la posture de l'anarchiste de droite: << le pouvoir est méprisable, non parce qu'il est bas en lui-même mais parce qu'il est bas de le vénérer.>>.

La définition que donne Pascal Ory des anarchistes de droite me convient assez bien: << L’anar de droite est un féodal égaré dans la démocratie, un féodal sans les moyens de sa féodalité (…) un individualiste radical sans illusion sur une supposée nature humaine.>> Si je me reconnais un peu dans ce portrait au vinaigre que fait Pascal Ory de l’anarchisme de droite en féodal égaré. Mais on peut voir aussi l’anarchiste de droite comme un nostalgique d'un monde d'avant la politique, sans conflits, sans partis d’une sorte de monarchie idéale. Je crois que l’auteur a bien cerné les lectures pernicieuses ou précieuses, tout dépend où on se place, qui conduit un être à rejoindre cette mouvance: << L’anarchisme de droite est issu de la lecture des Pieds nickelés à dix ans, d’Arsène Lupin à treize et de Céline à 17.>>. Et voilà comment j’en suis arrivé là.

Ce qui me gène un peu dans la classification d’anarchisme de droite de Pascal Ory c’est que pour lui l’anarchiste de droite parle obligatoirement avec une gouaille populo et porte ostensiblement une casquette à carreaux. Heureusement il cite aussi comme membre de la famille Arsène Lupin, même si c’est un peu passé de mode comme couvre chef je préfère le huit reflets du gentleman cambrioleur à la gapette…  

Le corpus des oeuvres littéraire qu’estampille Ory comme appartenant à l’anarchisme de droite est réjouissant et occupe une bonne partie de ma bibliothèque avec en maitre Céline qui surveille du coin de l’oeil A.D.G., Simonin, Marcel Aymé, Paraz, Jean Anouilh et même le prince Eric dénoncé par l’auteur comme traité en douceur de paternalisme. 

Dans ce livre Ory est plus polémiste qu’historien mais un polémiste sans les rancoeurs qui souvent caractérisent cet état.

Sous cet étendard sur lequel le blanc se dispute le noir Ory enrôle un bataillon fourni dont le chef incontesté serait Céline dans ces rangs serrés on reconnait dans cette troupe hétéroclite les écrivains Antoine Blondin, Henri de Montherland, Léon Bloy, Édouard Drumont, Barbey d'Aurevilly, Paul Léautaud, Louis Pauwels, Lucien Rebatet, Jacques Perret, Roger Nimier, Marcel Aymé, José Giovanni, Jean Laborde alias Ralf Vallet, Bastiani, Maurice Leblanc, Anouilh, A.D.G, Simonin… les cinéastes Michel Audiard, Claude Autant-Lara, Jean Yanne, Melville, Verneuil, Lautner, l’acteur Jean Gabin (dans les acteurs Ory a oublié Philippe Léotard qui pourtant se proclamait anarchiste de droite), les dessinateurs Forton Lauzier… Pour ma part j’aurais bien ajouté les noms de Matzneff, Brigneau, Gripari, Willy de Spens, Vandromme, Dominique de Roux et Pierre Desproges à cette liste.

J'irais même jusqu'à annexer le grand Georges, comme apparenté, à cette tribu. N'a-t-il pas chanté:  « Sans le latin, sans le latin, la messe elle nous emmerde… » et surtout: << C'était l'oncle Martin, c'était l'oncle Gaston L'un aimait les Tommies, l'autre aimait les Teutons Chacun, pour ses amis, tous les deux ils sont morts Moi, qui n'aimais personne, eh bien ! je vis encore.>>. Ory n'a pas osé à toucher à cette vache sacrée des vétérants de la gauche.

Ces grands messieurs et d'autres ont engendré des créature de papier ou de pellicule qui font avec panache flotter le drapeau noir sur lequel s'égare souvent une fleur de lys blanche, je citerais: le capitaine Fracasse, Arsène Lupin, les Pieds nickelés, Fantômas, Achille Talon, l'inspecteur Harry, le capitaine Haddock...

On peut raisonnablement penser que si Pascal Ory avait revu son texte pour l’actualiser il aurait ajouté à cette cohorte les noms de Houellebecq, Philippe Muray, Michel-Georges Micberth et Marc-Édouard Nabe entre autres.

On peut trouver discutable la labelisation d’anarchiste de gauche pour Alphonse Boudard ou Jean-Pierre Mocky.

Dans certains défauts de cette tribu que dénoncent Ory, j’y verrais pour ma part plutôt des qualités comme celle de leur éloge de l’autodidacte.

L’auteur se lance parfois dans l’uchronie littéraire assez osée: << Dix ans de plus, et Nimier dirigeait " Je suis partout ", dix ans de moins, et Brasillach était élu en 1977 à l'Académie française. >> Ce qui avec le recul ne manque pas de sel puisque aujourd’hui Pascal Ory est à l’Académie française. Dans un monde parallèle il aurait pu prononcer l’éloge de Robert Brasillach…

Je reprocherais à Pascal Ory, mais en bon social démocrate pouvait-il le faire? de ne pas dire que l'anarchisme de droite trouve sa source dans le constat navré qu'il fait du rôle cynique et brutal de la bourgeoisie en 1789, lorsqu’elle régla ses comptes avec la noblesse sur le dos du peuple:« On n'a jamais fait tant fortune que du jour où on s'est mis à s'occuper du peuple » Anouilh 

Avec Pascal Ory, je ne connais que George Steiner pour avoir une pensée aussi virevoltante qui d’autre à part eux pourrait poser la question de l’importance de Karl May dans l’idéologie hitlérienne et les illustrations historiques de Job dans celle de de Gaulle…

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Commentaires
A
François Brigneau de son vrai nom Emmanuel Allo ancien milicien, Pierre Gripari le nazi et Matzneffle pédocriminel, bravo quelle références ça ne m'étonne pas de vous !!! Anarchistes de droite ça ne veut rien dire se ne sont que des poujadistes , grandes gueules avec de l'argent et qui l'ouvrent quand ils ne risquent rien !!!
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B
Merci pour cette recension et belle analyse. Une minuscule remarque, uniquement pour prouver que je vous lis avec intérêt et attention : "Montherlant" et non pas "land", voyons :-)<br /> <br /> Merci pour vos billets
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