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Dans les diagonales du temps
11 mai 2021

LES EQUILIBRISTES un film de Nico Papatakis

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France, 1h 45, 1991

 

Réalisation: Nico Papatakis, scénario: Nico Papatakis, image : William Lubtchansky, Musique : Bruno Coulais, Montage : Delphine Desfons, Décors : Gisèle Cavali, Sylvie Deldon, Nicos Meletopoulos, Son : Laurent Lafran, production: Humbert Balsan

 

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avec: Lilah Dadi, Michel Piccoli, Polly Walker, Doris kunstmann , Patrick Mille, Jacky Nercessian, Juliette Degenne, Laurent Hennequin, Olivier Pajot, Bernard Farcy, Guy Louret, Emiliano Suarez, Michel Palmer, Michel Novak, Nathalie Sevilla, Jacques Labarriere, Luc kienzel, Jourand-Briquet, Mathias Jung, Jean-Gilles Barbier, Yannick Becquelin, Pascal Ricuor, Philippe Cal,

 

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Résumé

 

Paris, au début des années soixante, pendant la guerre d'Algérie, l'écrivain Marcel Spadice (Michel Piccoli), homme de lettres célèbre et homosexuel notoire a été déstabilisé par une biographie qui a révélé ses cotés les plus sombres. Il est fasciné par le jeune et beau valet de piste du cirque parisien Imira, ÇFranz-Ali (Dadi Lilah). Sa mère est allemande et alcoolique, son père, un arabe, est mort pendant la seconde guerre mondiale. Spadice provoque une rencontre par l'intermédiaire d’Hélène Lagache à la fois son égérie et son entremetteuse sexuelle. Le grand homme tombe immédiatement amoureux de Franz-Ali en qui il voit le plus bel équilibriste du monde. Il promet au jeune homme, qu’il le fétichise sous la forme d’un phallus géant, de l'aider à réaliser son rêve : devenir un talentueux funambule. L'écrivain décide de se charger de son entraînement. Le garçon se soumet aux exigences du maître, au péril de sa vie. Malheureusement le jeune funambule tombe de son fil et se blesse grièvement. Il ne sera jamais le plus grand équilibriste. Dès ce moment, Spadice, pygmalion déçu, abandonne le garçon pour jeter son dévolu sur un nouveau jeune homme, Fredy, un passionné de course automobile. Franz-A li, désormais ne vivant que pour se survivre, trop blessé physiquement et moralement, se suicide.

 

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L’avis du critique

 

Les équilibristes qui s'inspire d'un épisode amoureux de la vie de Jean Genet, est la peinture de la violence de la domination totale exercée par le maître sur sa créature. Néanmoins le film ne relève jamais d’une reconstitution de la vie de l’écrivain. Peu de création sont autant en inéquation avec son auteur. En effet Papatakos hétérosexuel flamboyant et grand ami de Jean Genet parait bien mal placé pour raconter cette histoire sordide où le grand écrivain, mu par un désir sexuel pour un jeune homme paumé, se met dans la tête d’en faire une vedette du cirque. Mais lorsque le mentor s’aperçoit que l’objet de son fantasme n’atteindra pas les sowmmet il le jette, pauvre pantin brisé, maintenant indigne de distraire le maître. Ce tragique épisode de la vie de Genet est “certifié” par son biographe, Edmund White: <<Il poussa son amant Abdallah, funambule de profession, à tenter des numéros toujours plus périlleux, jusqu’à ce qu’il chute, non pas une, mais deux fois; estropié il finit par se suicider, avec le Nembutal de Genet.>>. Des rapports et leur triste conclusion qui rappellent ceux qu’entretenait Bacon avec George Dyer, sujet de Love is the devil , film de John Maybury plus réussi que celui-ci. Cette variation étrange sur le mythe de Pygmalion, tragédie d’une relations fondées sur la hantise de la mort et le désir d’éternité, n’a pas la force que son scénario était en mesure de lui insufflé car se privant du nom de Genet Papatakis prive son film de tout le hors champs que celui-ci lui aurait apporté. Toutes considérations relevant du droit mis à part, qui sont très importantes dans ce genre de projet, changer le nom d’un protagoniste historique, que le spectateur pourtant ne peu que reconnaître, est presque toujours un aveu de faiblesse artistique. C’est une facilité qui par exemple évite le souci de ressemblance physique entre l’acteur et son personnage. Le film est d’autant plus dérangeant pour les mânes de Genet qu’il nous amène à penser que son souci de la cause arabe est surtout dictée par le cul; ce qui tout de même il serait temps de dire simplement d’un homme dont la conscience politique n’a pas été toujours exacerbée. Il exulta lorsque les troupe allemandes entrèrent dans Paris...

 

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Ceci dit il n’est pas le premier et sera encore moins le dernier a avoir été sensibilisé à une cause par l’intermédiaire du sexe, ce qui n’est peut être pas la plus mauvaise manière d’accéder à la conscience politique. Les chemins d’un Gide ou d’un Montherlant vers l’anticolonialisme passent par cette même voie. Il est d’autant plus incompréhensible que Papatakis ait évacué la relation intime entre les deux amants. Il ne montre pas le désir physique entre Spadice et Franz-Ali, alors qu’il est le centre de toute l’histoire. Ne doit on pas voir en parti dans Les équilibristes le règlement de compte envers Genet d’un ami dépité, Papatakis même si le portrait qu’il dessine de l’écrivain n’est pas en contradiction avec les témoignage littéraires que l’on connaît par exemple dans le Journal (éditions Gallimard) de Jean Cocteau ou dans les Nouvelles minutes d’un libertin (éditions Le promeneur) de François Sentein, ni avec la biographie quelque peu laudative d’Edmund White; mais il aurait pu aussi bien pu choisir d’autres épisode de la vie du graqnd écrivain, qui su aussi, se montrer généreux et fidèle en amitié avec d’autres de ses anciens amant. Mais peut être faut il voir dans le film un hommage à l’autre vrais protagoniste de cette tragédie, Abdallah, le cinéaste en 1964 a assisté à son enterrement et n’a jamais oublié...

 

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Les équilibristes n’est pas seulement l’histoire que Genet eut avec Abdallah c’est plus une compilation de plusieurs aventures amoureuses vécues par l’écrivain qui, à la fin de sa vie, fut amoureux d’un autre artiste de cirque, Alexandre Bouglione qui n’était pas cette fois fil de feriste, mais dompteur de lions . Quelques années auparavant il avait été l’amant d’un jeune coureur automobile comme Freddy (Patrick Mille) par ailleurs ce garçon était le beau-fils de l’acteur d’ Un champ d’amour. Genet en fera son exécuteur testamentaire. La réalisation est fade. Chaque plan est attendu. Sauf ädans la scène de funanbulisme où le kitch assumé concourt à l’émotion. Alors qu’il aurait fallu érotiser les corps masculins le réalisateur n’y parvient jamais, pourtant il y avait de quoi faire avec celui magnifique de Lilah Dadi. Ses essais dans ce domaine sont assez pitoyables notamment au début la rêverie érotique de Spadice lors de la parade du cirque. L’image majoritairement dans les bruns et les rouges est assez laide et manque de précision. Les scènes de cirque ont été réalisées dans celui d’Amiens où furent déjà tourné Les Clowns de Fellini et Roselyne et les lions de Beinex. Le suicide du jeune homme lors d’une cérémonie funèbre rappelle Les enfants terribles de Cocteau. On peut aussi repérer dans le déroulement du film d’autres éléments issus de la vie et de l’oeuvre et de Genet. Le livre qui dissèque les comportement de l’écrivain est dans la réalité Saint Genet, comédien et martyÌr de Sartre. Michel Piccoli est remarquable comme à son habitude dans ce personnage d’intellectuel démiurge pervers et calculateur, tenant toujours le spectateur à distance. On peut le voir également dans des rôles d’homosexuel dans Le bal des casse pieds d’Yves Robert et dans La confusion des sentiments d’Etienne Perier d’après Stefan Zweig et aussi dans Rien sur Robert de Pascal Bonitzer. Quant à Lilah Dadi qui ne démérite en rien face à Piccoli, on peut le voir épisodiquement sur le petit écran. Il fut notamment Mourad Béckaoui, personnage récurrent de la série P.J. La reconstitution habile et soignée de l’atmosphère du Paris des années 60 s’accomode bien au jeu daté et distancié des seconds rôles souvent caricaturaux. Pourtant du tout émane un envoûtement dans des scènes qui pourraient être signées Fassbinder. La vie de Nico Papatakis ferait un film formidable que l’on en juge un peu: Né en 1918 à Addis Abeba en Éthiopie, le jeune Papatakis s'oppose au régime de Mussolini lors de l’invasion de l’Ethiopie par ce dernier qu’il combat en se ralliant à l'empereur Hailé Sélassié Ier. Mais il est contraint de s'exiler et se réfugie d'abord au Liban puis en Grèce. En 1939, il part pour la France et s'installe à Paris. Papatakis fréquente l'intelligentsia parisienne de l'époque dont Jean-Paul Sartre, André Breton, Jacques Prévert, Robert Desnos, Jean Vilar. C’est alors qu’ Il se lie d'amitié avec Jean Genet. En 1947, il créé le cabaret de La Rose Rouge qu’il va diriger, jusqu'au milieu des années 1950, cette scène qui va être un formidable tremplin pour de nombreux artistes parmi lesquels Les Frères Jacques et Juliette Gréco (il est à l’origine de la fameuse robe noire de la chanteuse). Entre temps, Papatakis a épousé l'actrice Anouk Aimée dont il a eu une fille Manuela en 1951. En 1950, il produit et finance le film de son ami Jean Genet, Un chant d'amour. Mais l'unique oeuvre cinématographique du sulfureux écrivain est censurée et ne sortira qu'en 1975. En 1957, pour des raisons politiques, il qúuitte la France pour les États-Unis et se fixe à New York. Il se lie avec le mannequin allemand Christa Päffgen. Elle lui emprunte son vrai prénom et devient ainsi la légendaire Nico, égérie d'Andy Warhol et du Velvet Underground. En 1959, Papatakis rencontre le réalisateur John Cassavetes qui a des difficultés financières pour terminer son premier long métrage Shadows. Il lui trouve les fonds nécessaires et devient coproducteur du film. Papatakis revient à Paris au début des années soixante. En 1962, il réalise son premier film, Les Abysses, d'après la pièce de Genet, Les Bonnes, inspirée elle-même de l'histoire vraie des sœurs Papin. Le film est présenté au festival de Cannes de la même année. Sa violence et son exaltation forcenées font que certains critiques verront cette oeuvre comme un plagiat provocateur et déclencheront un irrépressible scandale malgré le soutien du fidèle cénacle intellectuel (Sartre, „Beauvoir, Genet). En 1967, il tourne son second long métrage dans la clandestinité car Les Pâtres du désordre dénoncent le régime des colonels grecs. Mais le film sort au moment des événements de Mai 1968 et c'est un échec. Papatakis, alors époux de l'actrice grecque Olga Karlatos, se tourne vers la politique en s'opposant à la dictature des colonels en Grèce. En 1975, il écrit et réalise Gloria Mundi avec son épouse en vedette. Son film est sélectionné pour l'ouverture du premier Festival du Film de Paris mais, à cause de son évocation de la torture en Algérie, il ne sortira qu'en 2005. Il faudra attendre plus de dix ans avant que Papatakis revienne au cinéma. C'est donc en 1986 qu'il écrit et tourne La Photo qui est sélectionné dans La Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes 1987. En 1991, il écrit et réalise Les Équilibristes. On peut noter que l’on retrouve dans Les équilibristes des thèmes que le cinéaste a déjà exploré, le conflit maître - esclave dans Les abysses, les rapports de force dans Les pâtres du désordre, la révolte de l’humilié dans La photo. Il a écrit en 2003 son autobiographie, Tous les désespoirs sont permis, parue aux éditions Fayard. L’image est signée William Lubtchansky un des chefs opérateurs du cinéma d’auteur français et surtout partenaire habituel de Rivette. On lui doit la photo du trop méconnu Secret défense. Bruno coulais l’auteur de la musique du film a été rendu célèbre par celle des Choristes qu’il a également signée. Une version théâtrale de ceu drame existe. Il a été représenté il y a quelques années à Paris au théâtre du vingtième; c’est Jean Menaud (Vie et mort de Pier Paolo Pasolini) qui jouait Jean Genet. La pièce se résumait à un long monologue le jeune arabe n’étant qu’une présence muette. Les équilibristes est un beau mélodrame fassbinderien à qui il manque un peu de sensualité pour complètement convaincre. Le film est aussi intéressant pour l’histoire de la littérature que pour celle du cinéma. Cette évocation de Genet est a mettre à coté de celle plus franche de Jean Sénac, cet autre grand amoureux des jeunes arabes, dans Le soleil assassiné.

 

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