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Dans les diagonales du temps
8 août 2020

Une saison à Hydra d’Elizabeth Jane Howard

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Naxos, juillet 2020

 

 

Ce n’est pas dénigrer le beau roman d’Elizabeth Jane Howard, paru en Angleterre en 1959, que d’écrire qu’il a été écrit sous l’influence de Virginia Woolf et que par là même il constitue un idéal tremplin pour aborder l’oeuvre de cette dernière. Le roman se déroule du printemps à la fin de l’été. Nous sommes au milieu des années 50. Nous y visiterons plusieurs lieux successifs d’abord Londres, puis New-York, puis Athènes, puis Hydra, c’est dans cette ile grecques que se dénouera l’action et enfin retour à Athènes. Ces changements de décors  et les transitions, voyages en avion ou en bateau qui les accompagnent sont intrinsèquement liés à la narration. 

Il y a quatre protagonistes dans cette histoire, deux hommes et deux femmes. Leur histoire est racontée tour à tour du point de vue de chacun. C’est le même procédé, mais avec plus de maitrise que Elizabeth Jane Howard utilisera quelques années plus tard pour sa saga des Cazalet. L’un des plaisir de ce roman et ils sont nombreux est que l’ On en vient à attendre telle ou telle voix dans une nouvelle situation, dans tel ou tel contexte, on se demande ce que l'un ou l'autre a pu comprendre de ce qu'éprouvent les autres et quelle est sa réaction. 

Il y a Emmanuel Joyce, un auteur dramatique à succès d’une petite soixantaine d’années. Son talent, le mot génie est employé par l’entourage et le public en fait un homme public. Il est d’une origine très modeste, mi juive mi irlandaise. Il est marié depuis une vingtaine d’années avec l’élégante Lillian issue de la meilleure société anglaise de vingt années sa cadette, mais de santé fragile. Ils ont eu une fille qui est morte à l’âge de deux ans d’une méningite. Emmanuel en garde une tristesse récurrente quant à Lillian elle n’a jamais accepté cette perte Elle entretient sa douleur. Emmanuel ne peut se passer de Jimmy, jeune homme de trente ans qui a connu une enfance difficile. Il est son homme à tout faire, à la fois factotum, manager, disciple et souvent metteur en scène de ses pièces. Jimmy vit avec les Joyce, même s’ils n’ont pas de foyer mais vivent dans des grands hôtels ou dans des appartement qu’ils louent pour des courtes périodes ou encore résident dans des maisons que leur prêtent des amis. Ce curieux trio vagabond fonctionne depuis des années et forme une famille, lorsque survient, Alberta, 19 ans, la nouvelle secrétaire d’Emmanuel, une ingénue campagnarde, fille de pasteur. Elle m’a paru, tout de même un peu trop oie blanche, même en 1955 pour être tout à fait crédible.

L’arrivée de la jeune fille va bouleverser la vie des trois autres qui vont eux même faire que la vie d’Alberta prendra un tour qu’elle n’aurait jamais cru possible.

A ce sujet le titre orignal The sea change, est beaucoup plus explicite que le titre français, un brin mensonger. Mais il est vrai que île est centrale dans le texte, c’est qu’il s’agit du lieu où tout va se jouer, comme sur une scène de théâtre. Là-bas, les masques vont tomber et les protagonistes, qui jouaient tous un rôle, vont petit à petit l’abandonner. « The sea change » repris à La Tempête de Shakespeare – Sybille Bedford nous explique tout dans une passionnante introduction – renvoie à de profondes transformations. La vie change, comme la mer, selon certains courants, intérieurs ou extérieurs. Ce roman explore la notion de changement de cap dans une vie, ces moments où soudain tout s’ouvre, le possible comme le pire.

Les portraits de chacun se dessinent progressivement, ni tout à fait blancs ni tout à fait noirs. Chacun a ses blessures secrètes, ses égoïsmes, ses routines, ses espérances aussi. Un besoin de l'autre, et aussi une incapacité à le voir autrement que pas ses yeux et par le besoin qu'il a de lui. Le point de vue alterné de chacun de ces personnages permet au lecteur d'accéder à leurs états d'âme. Par ailleurs, l'évocation de leur passé dont il est question régulièrement éclaire leur comportement présent et leurs choix quant à l'avenir. 

On verra chaque personnage à force d’introspection évoluer et même effectuer des changement dans leur personnalité que l’on aurait pas envisagé au début du roman. C’est le cas en particulier d’Emmanuel qui n’est pas présenté au début sous un jour favorable. En même temps que les personnages le ton du roman au début dans la première scène, un suicide raté on est dans un humour noir cynique à la Mitford puis progressivement la gravité s’installe et le ton rappelle celui des grands romans de Graham Greene.

Une saison à Hydra n’est pas un roman à clés même si en tant qu’épouse de Kingsley Amis, Elizabeth Jane Howard a fréquenté les milieux intellectuels aussi bien en Angleterre qu’aux Etats-Unis. L’aura d’Emmanuel de son vivant fait penser à celui qu’en France à eu en France Sacha Guitry, au Etats-Unis Tennessee William et en Grande Bretagne Noel Coward et un peu plus tard Harold Pinter. Mis un des manques de roman est que l’on a pas véritablement idée de la teneur des pièces qu’écrit Emmanuel Joyce. Il est d’ailleurs peu question du travail de l'écriture, de la mise en scène ou de ce qui fait l'intérêt d'un comédien. Mais avec les entrée ssuccessives de chacun des personnages et les dialogues brillants, on a parfois l’impression d’être dans une pièce de théâtre.  On peut regretter aussi que les personnages secondaires ne soient pas assez développés. J’aurais aimé en savoir un peu plus sur le couple émouvant des Friedman et surtout sur Julius, l’enfant sur-doué d’Hydra.

Elizabeth Jane Howard est une extraordinaire paysagiste. Chose peu fréquente pour un lecteur j’ai pu de visu le vérifier puisque j’ai lu ce roman dans une ile grecque avec devant les yeux des paysages assez semblables à ceux d’Hydra 

La force de la romancière c’est de faire parler et réfléchir d’une manière convaincante des personnes d’âges et de conditions différentes. 

Tout cela est mené de main de maitre, chaque détail, chaque scène, chaque description est utile au développement de l’intrigue et l’on éprouve beaucoup d’émotion en quittant le quatuor.

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