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Dans les diagonales du temps
8 août 2020

LA CONJURATION DE BAAL DE CHRISTOPHE SIMON ET MICHEL LAFON

 

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couverture de l'album de luxe

 

 

Alix et Enak sont en villégiature à Pompéi, reçus par l'édile de la ville, lorsque une nuit un un homme est poignardé à mort à la porte de la villa. L'infortuné a juste le temps de prévenir le garçon que César est en danger et de prononcer le sinistre mot de Baal. Nos héros rejoignent Rome pour constater que des sectateurs de Moloch y font régner la terreur et qu'ils sont à la solde du grand Pompée.

 

 

 

Capture d’écran 2020-08-07 à 13

 

 

Michel Lafon*, le scénariste de cette aventure, située entièrement en Italie, elle commence et se termine à Pompéi. Dater "La conjuration de Baal" est simple, puisqu'on y voit un évènement historique connu : la fuite de Pompée, qui part de Rome pour échapper à César, après que ce dernier ait franchi le Rubicon ( 12 janvier -49 ) : nous sommes donc au premier trimestre -49 Michel Lafon, l'a située immédiatement après celle du « Dieu sauvage, la neuvième dessinée par Jacques Martin. Pour cela Lafon ressuscite la secte des molochistes que l'on avait cru éradiquée depuis « Le tombeau étrusque ». Ce retour s'il fait que le lecteur fidèle des aventures d'Alix se retrouve immédiatement en pays connu, manque d'originalité, même si cette fois les adorateurs du dieu dévoreur d'enfants sont aussi des affidés de Pompée, ce qui est une pure invention historique, Pompée n'ayant à ma connaissance aucune accointance avec des adorateurs de Baal.

 

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Bientôt Enak est enlevé par les conjurés et après une exposition bavarde de la situation politique à Rome, la suite de l'album se résume presque à la tentative d'Alix pour sauver son ami.

C'est un peu mince comme ressort scénaristique et le moins que l'on puisse dire c'est que cela ne renouvelle pas la saga d'Alix et Enak. D'après la postface que donne Michel Lafon à l'album le renouvellement n'était pas son but, il a voulu clore la geste des cinq premiers albums des aventures d'Alix, Alix l'intrépide, Le sphinx d'or, L'ile maudite, La tiare d'Oribal et la griffe noire que le scénariste considère comme une seule et même histoire qui forme le socle sur lequel se développera toute la geste alixienne, tout en se réclamant, avec la résurgence des molochistes, du Tombeau étrusque. Si on ne peut être que d'accord avec cette analyse on ne voit pas bien ce qu'apporte « La conjuration de Baal » malgré le talent de Christophe Simon à ce piédestal. On a parfois à la lecture de ce trentième opus alixéen, d'être devant une compilation des passages obligés des aventures du jeune gaulois romanisé, rien ne manque l'insaisissable Arbaces, Enak en appât, le félon que l'habitué du jeune gaulois aura vite démasqué, les jeux politiques compliqués de César, l'avidité de pouvoir du grand Pompée...

 

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J'approuve pleinement Michel Lafon lorsqu'il écrit: << Il faut donner à toutes nouvelles aventure d'Alix et d'Enak la chance de remonter à ces sources inspirées et de partager un peu de leur puissance mythique.>> mais plus qu'un approfondissement des thèmes de Jacques Martin, on a un peu l'impression d'être dans cette conjuration de Baal face à un trop sage hommage.

Les meurtres par le feu d'enfants sont récurrents dans l'oeuvre martinienne. Dans Alix, bien sûr, mais aussi dans Jhen : Gilles de Rais est lui aussi adonné aux crimes rituels, aux meurtres d'enfants. Etrange fascination de Jacques Martin, mais sans ces monstres pervers... pas d'aventures pour les héros justiciers.

 

 

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Il y a quelques fautes historiques comme par exemple à propos du Vésuve. Le Vésuve était inactif depuis des siècles, et les Romains ignoraient que c'était un volcan. Donc, oublions ce cratère béant et bouillonnant de magma : historiquement, c'est une faute.

D'autre part, comme proconsul des Gaules César ne pouvait se trouver à Rome (en même temps que Pompée !) sans se mettre hors-la-loi. Ce qu'il fera en janvier 49, à la tête de la XIIIe légion : le passage du Rubicon ! Michel Lafon a démonté les faits pour les inverser.
Que des sénateurs romains s'acoquinent avec ces adorateur de Baal, quel que soit leur avidité de pouvoir, est impensable. La haine du Carthaginois était trop forte. Les chiffres du recensement des citoyens avant et après le passage d'Hannibal : il a diminué de près de la moitié. Il existait suffisamment de bandes armées pour faire le sale travail de milices privées : celle de Clodius, celle de Milon sont connues. Mais avec leur accoutrement folklorique, les Molochistes adonnés aux crimes rituels relèvent davantage de la littérature populaire (Cela me rappelle un "Harry Dickson"...).

 

 

 

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Dans cet album, on retrouve donc ces souterrains étouffants gardés par les sinistres molochistes, mais aussi les verdoyants paysages d'Italie, et aussi ces cavalcades furieuses d'une ville à l'autre. Par moment, les personnages arpentent d'interminables voies romaines.

 

 

Capture d’écran 2020-08-07 à 13

 

 

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Le dessin de Christophe Simon est presque sans reproche. On peut juste lui reprocher un encrage parfois un peu lourd qui enlève un peu du dynamisme naturel que possède son crayonné. Plus à l'aise dans les anatomies que dans les décors Simon privilégie les gros plans de ses héros. La mise en couleur, très soignée, est dominée par les bruns et les rouges sombres. Elle est pensée par doubles pages qui offrent ainsi de beaux camaïeux au lecteur.

La conjuration de Baal est un trop classique démarquage des premiers albums de Jacques Martin que Christophe Simon magnifie par son dessin bien maitrisé. 

 

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* Michel Lafon est décédé en octobre 2014. Grand ami de Benoit Peeters, Michel Lafon était professeur de littérature argentine à l'université Stendhal de Grenoble. Il a publié un premier roman chez Gallimard en 2008," Une vie de Pierre Ménard", qui a obtenu le prix Valery Larbaud 2009. Puis, Michel Lafon a publié de nombreux ouvrages consacrés à la littérature argentine ou à des questions de théorie littéraire, comme Nous est un autre – Enquête sur les duos d'écrivains, un essai sur l'écriture en collaboration paru chez Flammarion en 2006, écrit en collaboration avec Benoît Peeters. Il a aussi édité l'ensemble des romans d'Adolfo Bioy Casares dans un volume de la collection "Bouquins", chez Robert Laffont dont il était un grand spécialiste Bioy Casares, ainsi que  Borges.

 

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