Mr Keynes et les extravagants, Tome 1 Les secrets de Bloomsbury de Jean-Marc Siroen
Alors que l’on voit des auteurs qui vous raconte la traversée d’une ville de banlieue en 300 pages où vous autopsie un fait divers en 900, Jean-Marc Siroen vous brosse le tableau des avant-gardes artistiques des trente premières années du XX ème siècle en 180. Pour réaliser cet exploit il utilise un style d’écriture ultra rapide avec que des phrases courtes et des chapitres divisés en paragraphes qui le plus souvent n’atteignent pas une page. Il a l’astucieuse idée de prendre comme angle d’attaque de cette histoire foisonnante le personnage de Keynes (1883-1946) qui est à la fois diplomate, économiste, mécène, collectionneur membre du groupe de Bloomsbury… et bisexuel. Ce grand intellectuel à quarante ans quand il tombe amoureux de Lydia Lopokova la danseuse vedette des ballets russes de Diaghilev qui est par ailleurs la maitresse de Stravinski. Keynes la ravira à son compositeur et finira par se marier avec elle renonçant à son petit ami. Bloomsbury plus les ballets russes deux mouvances qui ont des accointances avec toutes les avant-gardes européennes et au delà. De surcroit avec Keynes on côtoie les plus hautes sphères de la politique puisqu’il participe aux négociations du traité de Versailles. On passe sans coup férir dans un name dropping échevelé de Churchill à Picasso, de Picasso à Nijinski, de Nijinsky au Marx Brother, des Max Brother à Zinoviev, de Zinoview à Aldous Huxley, d’Aldous Huxley à Serge Lifar… L’auteur ayant pitié de ses lecteurs a eu la généreuse idée d’adjoindre à la fin de son récit un glossaire des principaux personnages qui le traverse. S’il y mentionne bien leur état, il oublie de noter leurs interactions en particulier sexuelles car on se mélange beaucoup dans cette histoire dont plusieurs acteurs sont très portés sur la chose et peu regardant du sexe de l’objet de leur désir. Une postface précise les choix de l'auteur. Je regrette que celui-ci prenne la posture de celui qui en sait plus que son lecteur.
Keynes
Siroen montre que ces grands intellectuels et artistes n’ignorent pas les petitesses et que les ragots et les mesquines jalousies y ont leurs places.
Si le livre est solidement ancré à Londres et même plus particulièrement dans quelques rues de la capitale anglaise, les deux protagonistes principaux du récit Keynes et Lydia entrainent le lecteur dans bien des endroits du monde: New-York, Paris, Saint-Petersbourg, l’Amérique du sud, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Grèce…
L’épithète de « keynésiennes » accolée à tort et à travers aux politiques économiques de relance a fini par occulter l’auteur de ces théories. Comme Parallèlement l’a fait la célébrité de Virginia Woolf qui pour beaucoup, particulièrement en France, figure le groupe de Bloomsbury à elle seule d’autant que Plusieurs films: The Hours, Vita et Virginia, ont popularisé sa figure. C’est toute la réussite de Jean-Marc Siroen de redonner toute la place à l’homme Keynes.