Le 28 août 1957 (Tintin Belgique n° 35) et le 10 octobre de la même année (Tintin France n° 468), un nouveau héros est annoncé en couverture de l’hebdomadaire des éditions du Lombard : Jari Lorrain, jeune espoir du tennis et orphelin, croise la route de Jimmy Torrent, chirurgien et champion de tennis. lorsque le jeune garçon est frappé violemment par une balle qui risque de lui faire perdre la vue. Le sympathique chirurgien-tennisman prend sous son aile le garçon qui se révèle être un surdoué de la raquette, jusqu’à en faire un joueur de premier plan. Soutenus par le richissime Monsieur Berthault, les deux nouveaux amis vivent des aventures passionnantes, à la fois sportives et policières. Ils seront les héros de 10 longs épisodes de 30, 62 et 46 planches et de courts récits notamment proposés par Tintin Sélection.
A l'ére du richissime et très talentueux Féderer la lecture des aventures de Jari qui nous entraîne dans les coulisses du tennis, sans pour autant négliger l’action et le suspense. fait renaitre, un peu en contrebande, le tennis des années 50 et 60. Un sport d'amateurs et de gentlemen où il était inconvenant de parler d'argent ,tout comme dans la bonne société, celle d'avant le bling bling et des révélations hebdomadaires sur les pratiques sexuelles de nos hommes politiques. Vous avez compris que je suis un nostalgique de ce temps là où à Roland Garros on pouvait laisser sa veste sur le central, qui ne s'appelait pas encore Chatrier, pour marquer sa place et aller follâtrer sur les courts anexes.
Raymond Reding (1920/1999) était un passionné de sport. En 1957 il imagine ce duo efficace dans la foulée de son confrère Jean Graton qui vient de lancer « Michel Vaillant ».
Ce sont d’ailleurs les premiers héros de l’hebdomadaire à évoluer dans des compétitions sportives, un cadre jusqu’à lors très peu utilisé par la bande dessinée franco-belge (a l’exception de quelques récits dus à René Pellos ou à Mat), contrairement aux USA où sports et bandes quotidiennes furent étroitement associés dès l’origine du média. Amusant alors de constater que les auteurs respectifs de ces deux séries, aux styles réalistes quand même assez proches, feront rencontrer leurs héros dans « Jari dans la tourmente » pour ce qui est de Raymond Reding et dans « Le Pilote sans visage » en ce qui concerne Jean Graton (lequel sera aussi caricaturé par Reding dans « Jari et le plan Z »), le temps d’une même séquence avec des points de vue différents.
La bande dessinée sportive devient un cheval de bataille du journal Tintin. C’est après avoir signé de nombreux récits basés sur des faits vrais dans Tintin, un peu similaires aux belles histoires de l'oncle Paul chez Spirou, le grand concurrent de Tintin que Raymond Reding obtient le feu vert de la rédaction pour créer une série récurrente. Hélas, contrairement à « Michel Vaillant », et bien que caracolant à la tête des référendums (il sera même premier), « Jari » ne connaît pas le même succès en librairie, victime d’une politique d’albums déplorable. Jusqu’à ce jour, il n’existait pas de collections permettant de suivre de manière cohérente les aventures de Jari et de son mentor Jimmy Torrent.
Jari connaitra pourtant dix grandes aventures de 30 puis 62 ou 44 planches, avec la note nécessaire d’humour apportée par le personnage du richissime mécène et mentor Monsieur Berthault, Malgré le succès rencontré (le premier album édité par le Lombard en 1960 fit l’objet d’une adaptation radiophonique et la carrière du jeune tennisman sera même couronnée par une première place au référendum du journal), « Jari » ne réapparaîtra alors que dans trois récits complets dans Tintin (« Le Petit bruit de Monsieur Berthaut » en 1970, « Le Singe noir » en 1971 et « Cet as de Caro » en 1977), dans cinq autres courtes histoires dans Tintin Sélection « Le pneu magique » en 1969, « Jari et l’Invincible Gérard » en 1970, « Une Machine appelée machin » et « Le Knack » en 1971, puis « Souricière grand format » en 1972), et comme personnage secondaire pour d’autres créations de Reding (dans « Vincent Larcher », notamment).
Déçu, Reding abandonne ses personnages en 1978 pour se consacrer à d’autres séries, situées elles aussi dans le monde du sport : « Vincent Larcher », « Section R », « Fondation King »… et surtout « Éric Castel », le footballeur de Barcelone flanqué de son ami le jeune Pablito.
L’édition complète de la série est donc désormais disponible chez BDMust dans une collection de douze albums à la présentation soignée : couleurs retravaillées, un ex-libris numéroté dans chaque volume et un tirage limité à 1 000 exemplaires imprimés sur un excellent papier d’art Munken.
L’ensemble est présenté accompagné d’un dossier érudit de seize pages reprenant les couvertures de Tintin, des documents inédits et un texte passionnant de Gilles Ratier.
Le même éditeur a déjà publié les intégrales de « Barelli », de « Pom et Teddy », du « Chevalier blanc », de « Cori le moussaillon ». La qualité de ces albums est indéniable, en général leur prix est correct environ 20 euros l’exemplaire. Le problème c'est que pour la série Jari, il n’est pas possible de se procurer les albums indépendamment, mais que le tout est proposé à 199 euros jusqu’au 31 décembre (239 euros à partir du premier janvier 2015) ; voir www.bdmust.be.
Il y a quelques années les éditions du Lombard ont proposé de redécouvrir les trois premiers épisodes de cette saga sportive et policière (« Jari et le champion », « Jari dans la tourmente » et « Le Secret de Jimmy Torrent»), compilées dans un bel album de 168 pages reliées à l’ancienne et agrémentées d’un trop court dossier sur la série et l’auteur. C'est album qui doit toujours être assez facilement trouvable. Malheureusement les meilleurs épisodes sont certainement ceux qui, chronologiquement, viennent ensuite : « Jari et le plan Z », « La Dernière chance de Larry Parker », «Le Troisième goal », « Jari au Pays Basque », « Jari et le diable rouge », « Guitare et dynamite », «Le Justicier de Malagne »
Il faut préciser, qu’en 1967, Raymond Reding est malheureusement victime d’un très grave accident de la route et failli être perdu pour le sport et la bande dessinée. A force de courage et après des mois de rééducation, il retrouve pourtant, peu à peu, le chemin de sa planche à dessin et des courts de tennis… Seulement quatre albums des péripéties sportives de « Jari » ont été édités par Le Lombard, de 1960 à 1964, et il faudra attendre les années 1978-1979 pour que la petite structure qu’était Bédescope propose huit nouveaux albums en noir et blanc (puis en couleurs, pour certains titres, sous le label Récréabull). En 1997, les éditions Lefrancq tenteront elles aussi de rééditer deux épisodes, sans grand succès, malgré des couvertures redessinées et des illustrations inédites. Pourtant, ces passionnantes aventures, où notre héros exemplaire était plus souvent confronté à des problèmes moraux qu’à ses adversaires de compétition, étaient souvent en avance sur le temps, dénonçant déjà les fléaux que sont encore aujourd’hui les drogues et le dopage.
Français de naissance alors que son père avait la nationalité Belge, le Normand Raymond Reding (1920-1999) était lui-même un athlète accompli, ayant pratiqué de nombreux sports comme la natation et le tennis, et la plupart de ses séries se déroulent dans ce milieu. Comme ses parents, installés en Belgique depuis 1931, n’avaient plus les moyens de lui permettre de continuer ses études, il multiplie les petits boulots : marchand de journaux, pianiste de jazz, enseignant d’anglais, comédien…, et écrivain le temps de quelques pièces de théâtre, romans et contes pour enfants. C’est ce qui l’amène à se présenter, en 1944, à la rédaction du journal belge Bravo ! dont la rédaction accepte de publier quelques-uns de ses contes et où le directeur artistique (Jean Dratz), ayant remarqué une certaine patte dans les croquis que le jeune Reding lui avait aussi présentés, lui propose d’illustrer par lui-même.
Tout en réalisant des travaux publicitaires (particulièrement pourL’Aiglon en 1949), il fait ses premières incursions dans la bande dessinée avec le strip « Monsieur Crô » destiné au quotidien La Dernière Heure (1947)
Raymond Reding renouera avec sa passion pour le tennis grâce au «Grand chelem » (les aventures de « Chris Larzac ») publié en 1990 dans Hello Bédé : sa dernière grande bande dessinée après la «Fondation King » qui intervient de façon caritative dans tous les domaines touchant au sport moderne (avec un album aux éditions Dargaud en 1977), le footballeur « Éric Castel » ‘après le sitehttp://lambiek.net, les lecteurs allemands connaissaient déjà « Éric Castel » (« Ronnie Hansen » pour les Hollandais) depuis 1974, sous le nom de « Max Falk » dans Wham ; il fut rebaptisé « Kai Falke », lors de sa reparution dans le magazine Zack, point de départ de l’éphémère aventure Super As.]] en 1979 (dans Super As), le chien «Pytha » qui évolue lui aussi dans une ambiance tennistique (un seul album chez Novédi en 1987)… ; des créations où l’apport de sa fidèle collaboratrice François Hugues, qui assumait aussi bien les décors, l’encrage, le lettrage que les couleurs (depuis le début des années 1970), est indéniable.
Certes, Raymond Reding ne figurera peut-être pas au panthéon du 9ème art franco-belge, mais il fit quand même partie de cette deuxième génération de dessinateurs apparue dans les années cinquante (avec Jean Graton, François Craenhals, Tibet, Albert Weinberg, Dino Attanasio, Berck, Mittéï, Édouard Aidans et quelques autres) qui renouvela le vénérable journal Tintin enfermé dans une ligne claire un peu trop sage. Et rien que pour cela, il mérite honneurs et respect, d’autant plus que son style réaliste et dynamique, sa parfaite connaissance des sujets exploités et son efficacité imaginative à mêler habilement sentiments et intrigues, a su toucher bien des lecteurs et susciter nombre de vocations sportives.