Wim van der Kant
Wim van der Kant est un sculpteur néerlandais né en 1949 . Il a étudié la sculpture à l'Académie des arts visuels d'Amersfoort, à Utrecht, et a produit de nombreuses pièces fascinantes depuis la fin des années 1980. Depuis les années 1990, il a exposé ses œuvres dans de nombreuses galeries et expositions, à Utrecht, Amsterdam, Rosmalen, La Haye et Gand...
Pour ne pas oublier
Angels in america de Tony Kushner à la Comédie Française
A la fois plusieurs raisons me faisaient douter que c'était une bonne idée d'aller voir cette pièce et à l'inverse beaucoup d'autres m'y poussaient. Ce qui me faisait penser que je risquais de passer une mauvaise soirée c'est d'abord l'argument de la pièce: En 1985, à New-York deux hommes d'une trentaine d'années s'aiment et vivent ensemble. L'un des deux Prior Walter (Clément Hervieu-Léger) annonce à son ami, Louis Ironson (Jérémy Lopez) qu'il a le SIDA. Louis ne peut le supporter et quitte Prior. Voilà ramené à l'os « Angel in America » et c'est cette voie principale que l'adaptation d'Arnaud Desplechin aurait du privilégier. D'autres intrigues annexes vont rejoindre la principale. Tout d'abord le désir qu'a le célèbre et sulfureux avocat Roy Cohn pour un jeune juriste ambitieux, Joe Pitt (Christophe Montenez). Ce dernier est un gay dans le placard marié à Harper une femme psychotique (Jennifer Decker) qui voit des anges... Ce qui amène excroissance dans l'arborescence de cette pièce, centrée sur le dysfonctionnement du couple des Pitt. Joe va finir par se séparer d'Harper et se mettre avec Louis, mais le SIDA rode occasionnant des visions d'ange...
Ma crainte principale était qu' « Angels in america » réveille des souvenirs douloureux car j'ai vécu une histoire proche de celle de Prior et Louis. J'ai vu les affres d'un jeune homme se sachant condamner et comment alors il lui semblait que le monde entier complotait pour qu'il disparaisse. La seconde appréhension que j'avais n'était plus d'ordre personnelle mais artistique. J'avais beaucoup aimé l'adaptation en une mini-série télévisée qu'en avait Mike Nichols et je l'ai encore suffisamment en mémoire pour qu'elle fasse écran pour que j'apprécie pleinement cette adaptation de Desplechin.
L'histoire ou plutôt les histoires que nous raconte Kushner est sont en réalité beaucoup plus touffues que le pitch que j'ai esquissée en début de billet. Ce qui est normale puisque la version complète, scindée ou non en deux époques dure six heures alors que l'adaptation de Desplechin environ deux heures trente. Comme il l'indique dans le programme Desplechin a gardé la structure de la pièce en essayant de tout garder et en coupant à l'intérieur des scènes. Il en résulte une multitude de vignettes très courtes, occasionnant de constant changements de décor. Ainsi les personnages ont du mal à s'installer et l'intrigue principale est diluée.
Mais le découpage n'est pas le seul responsable du manque d'empathie que l'on ressent pour le triangle amoureux composé de Louis, Prior et Joe. Sans être mauvais Jeremy Lopez et Clément Hervieu-Léger manque du charisme nécessaire qu'il faudrait pour supporter de tels rôles. Surtout si l'on se rappelle leurs homologues de la version télévisée réalisée par Mike Nichols. Ce qui n'est pas le cas de Michel Vuillermoz prodigieux en Roy Cohn. Vuillermoz campe un salaud d'anthologie. Excellent également Gael Kamilindi en infirmier drag-queen. Ces deux acteurs, eux se font entendre. Ce qui n'est pas toujours le cas de leurs camarades car il faut souvent tendre l'oreille et pour peu que vous ne soyez pas au parterre dans les premiers rangs se sont des pans entier du dialogue qui vous échappent.
Et puis si on a la malchance d'être assez vieux pour être passé à New-York ces années là, on se souvient de la surprise de la découverte des corps des gays de ces années là qu'illustraient bien ceux du groupe « Village people », des corps américains à la fois déliés et musclés. On ne peut pas dire que les corps de Clément Hervieu-léger et de Jeremy Lopez ressemblent à cela. On va encore me rétorquer que le théâtre n'est qu'artifices, certes, mais le spectateur fournit un effort pour croire que ce qu'il voit est réel, le théâtre est affaire de foi en ce que l'on voit et en ce que l'on entend. Cette croyance demande un effort, le rôle d'un bon metteur en scène est de faire que cet effort soit le plus réduit possible et cela passe en premier lieu par un casting crédible, ce qui n'est pas tout à fait le cas dans cette représentation.
Les décors sont individuellement tous réussis mais la brièveté de leur apparition nous empêche de les apprécier à leur juste valeur. C'est toute la machinerie du plateau qui est utilisée avec des trappes par lesquelles les acteur apparaissent, c'est aussi avec des décors coulissants, sans oublié des nombreuse projection de paysages new-yorkais très bien intégrés à l'ensemble.
vu le 10 février 2020
TABOU (GOHATTO), un film d'Oshima
Japon, 1999, 95 mn
Réalisation: Oshima, musique: Ryuichi Sakamato
avec: Takeshi Kitano, Ryuhei Matsuda, Shinji Takeda, Tadanobu Asano, Koji Matoba, Masa Tommies, Masatô Ibu, Uno Kanda, Kazuko Yoshiyuki, Tomorowo Taguchi, Yoichi Sai, Jiro Sakagami, Zakoba Katsura, Kei Sato, Chikako Aoyama, Yoshiaki Fujiwara, Daisuke Iijima, Yoichi Iijima, Yoshiaki Inagaki, Yôzaburô Itô, Iwawo, Toujirô Kinoshita, Seiji Kurasaki, Emiko Michii, Kumotarô Mukai, Takuya Muramatsu, Mami Nakamura, Hirofumi Nakase, Yô Obara, Takashi Odashima, Kazuhiko Okuno, Yoshiyuki Omori, Usaburô Ôshima, Tôru Ôtomo, Kasumi Sawanoi, Shun Sugata, Shougo Tajika, Sanji Takei, Yoji Tanaka, Susumu Terajima, Sayami Toda, Makoto Togashi, Yoshiaki Umegaki, Kenichi Urata, Masanosuke Yamaguchi, Yukiharu Yamaguchi, Shûji Yamazaki
Résumé
Gohatto(qui veut dire tabou en japonais) décrit les sentiments homosexuels qui se développent au sein d’un clan de samouraïs, le shinsen-gumi, vers la fin du shogunat en 1865, juste avant l’ouverture du Japon à l’occident. Composé de jeunes guerriers d’élite, soumis à une discipline très dure, les samouraïs du shinsen-gumi étaient chargés de saper la résistance au shogun Togugawa et de semer la terreur chez les partisans de l’opposition au régime. la célèbre milice « Shinsengumi » a recours à des recrutements pour gonfler ses effectifs. Seuls deux protagonistes réussissent le concours d'entrée, qui consiste à défier le lieutenant Soji Okita, alias Shinji Takeda, qui aura une importance particulière à la fin, et décrochent le précieux Sésame : Hyozo Tashiro ( Tadanobu Asano, que l'on retrouve dans Takeshis et Zatoïchi) et Sozaburo Kano ( Ryuhei Matsuda, jouant dans le film « Nana » notamment). Tashiro s'éprend soudainement de la beauté androgyne de Kano, et ils deviennent amants par la suite. L’arrivée au sein de cette milice d’une jeune recrue de 18 ans à la beauté troublante (Shinji Takeda), va créer des tensions et libérer les passions, culminant dans un ballet de désir et de mort. ”Gohatto” est une nouvelle variation sur le thème de la transgression et du désir destructeur.
L'avis critique
A l’intérieur de la caste des samouraïs l’homosexualité était une preuve de virilité. L’amour pour un garçon était valorisé tandis que l’amour pour une femme risquait de les amollir. Quand le jeune garçon devenait adulte, qu’il coupait la boucle, marque d’adolescence, la relation amoureuse avec le samouraï d’âge mûr cessait pour se transformer en complicité affectueuse qui se prolongeait tout au long de la vie. L’homosexualité touchait au Japon d’autres castes comme les prêtres et les comédiens.
Un grand écrivain japonais, Saikoku Ebara (1641-1693) a dépeint cette société des samouraïs et leur homosexualité si particulière les titres de certaines de ses oeuvres parlent d’elles mêmes: Tous les amants meurent par hara-kiri, Il mourut pour sauver son amant, Un samouraï devient mendiant par amour, Amour tragique entre deux ennemis, Histoire glorieuse de la pédérastie...
Le désordre naît de la trompeuse soumission du joli novice à la violence de l’ordre. D’emblée l’action est posée. Comme chez Racine, le troublant novice n’entre dans ce clan que par amour pour le superbe bretteur, lequel n’est pas touché par ce « penchant ». L’autre novice tombe amoureux de son camarade et devient son amant mais sans son amour, comme le montre la fin du film. Comme dans le Tabou de Murnau, le monde de Gohatto est dominé par les incessantes variations d’une atmosphère lunaire. Tout est apparence, glissements superposés des désirs, incapacité à finir ou définir, brumes illusoires qui se dissipent dès qu’on croit les saisir. Ainsi ressentons-nous, spectateurs, la longue dernière scène qui se déroule sous la lune, au bord d’un étang bordé de joncs, dans les vapeurs aquatiques aux éclairages et actions perpétuellement mouvants.
Ce n’est évidemment pas un hasard si Oshima a confié des rôles importants à deux illustres metteurs en scène japonais : Sai Yoichi joue le commandant, et l’illustre Kitano (Beat) Takeshi le personnage clé du lieutenant, pour qui aucun rituel, règlement, agissement de l’ordre des samouraïs n’a de secret. Sauf un, qu’il découvre avec nous au cours du film : le mystère du comportement de l’homme dans un univers aussi fermé.
Dans Tabou, Oshima, par son gout de l'abstraction et son usage des intertitres se réclame directement à la tradition du muet. Il faut rappeler que le cinéma parlant est arrivé au Japon bien plus tard que dans les autres grandes cinématographies. Mais peut être encore plus significatif est la bande originale du film composée par Ryuchi Sakamoto, très belle et une des plus ambitieuse et réussie que l'on puisse entendre. Elle nous plonge, par sa seule écoute dans un univers à la fois très ancien et futuriste. Elle renvoie à un peuple d'ombres et de silence.
Oshima a commencé à écrire ”Gohatto en 1993. Il s’apprêtait à tourner le film en 1996 lorsqu’il a été frappé par la maladie qui la contraint à diriger ”Gohatto” dans une chaise roulante.