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Dans les diagonales du temps
27 avril 2021

ROYAL SPACE FORCE DE WARREN ELLIS ET CHRIS WESTON

 

 

Et si ?

     Été 1945, les Américains tentent de faire main basse sur les scientifiques travaillant sur le site secret de Peenemünde. La fine fleur de la recherche nazie sur les fusées. Une surprise de taille les attend sur place : les lieux ont été vidé de leurs occupants et du fruit de leurs recherches. Prélude à un tapis de bombes, made in England.

 

 

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2001. L'Empire britannique s'étend dans les étoiles. Grâce à l'action conjointe de Wernher Von Braun et de l'aviateur anglais John Dashwood, tous deux soutenus par Winston Churchill, du moins au début, le Royaume-Uni est devenu la première puissance spatiale de la Terre. L'espace terrestre proche, la Lune, Mars et bientôt les confins du système solaire, rien ne semble s'opposer à la domination d'Albion. Rules Britannia, rules...

     Alors que les États-Unis s'apprêtent à lancer leur premier vol spatial, le secret du financement du ministère de l'espace resurgit, obscurcissant la vieillesse auréolée de gloire de Sir Dashwood.

 

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Astronefs multicolores, esprit pionnier, sense of wonder, il flotte comme un parfum de nostalgie sur cette uchronie. Un sentiment renforcé par une esthétique décalée, pour ne pas dire rétro-futuriste.

Hommage avoué à Dan DareRoyal Space Force ne manquera pas de réjouir les amateurs chenus de space opera. Pour les autres, même si l'histoire paraît un peu légère – on devine très rapidement l'origine du financement du ministère de l'espace –, au moins a-t-elle le mérite de ressusciter le goût de l'aventure, du dépassement et de l'exploration spatiale.

 

 

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Avec ce comics, Warren Ellis donne libre cours à un fantasme. Il condamne les calculs politiques et économiques d'une humanité enferrée dans sa bulle d'hyperconsommation. Il renoue avec une certaine SF, celle qui donnait à voir et à rêver, provoquant accessoirement quelques vocations.

     Sans abonder complètement dans le sens de Warren Ellis, il faut reconnaître que Royal Space Forceest une œuvre bien distrayante. Pas totalement utopique puisqu'elle rappelle aussi que le rêve a un prix.

 

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Royal Space Force de Chris Weston & Warren Ellis – Delcourt, collection Contrebande, format comics, mars 2011

 

j'ai ce même livre dans ma bibliothèque sous le titre de "Le ministère de l'espace" aux éditions "Semic books". Le dessin de Chris Weston est dans la droite ligne de la série Dan Dare et n'est pas sans rappeler celui d' Oliver Frey, alias Zack 

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14 avril 2021

une case en exergue: Yuji Terajima, Furuya Satoru from the manga Ace of Diamond

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13 avril 2021

TOXIC DE CHARLES BURNS

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Vous pensez bien que je ne comprend pas tout ce que je vois ou lis. Cela ne me dérange pas plus que ça. Car alors je peux me faire ma petite histoire à moi.
Cela a été le cas pour le dernier album de Charles Burns, non que je n'ai pas compris l'histoire mais je suppute que ma version n'est pas forcément celle des autres lecteurs du livre. Donc voici ci-dessous la mienne qui fait fi des ellipses qui caractérisent les narrations de Charles Burns.
 
 
 

Image 5 Burns Toxic

 

 

Un garçon, sorte de clone post moderne de tintin, se réveille d'un long coma? Il émerge difficilement d'un songe et ne reconnait pas la chambre où il est. D'un coté du crâne ses cheveux ont été rasés. Et sur cette surface dénudée il arbore un pansement en croix. On peut penser qu'il a été trépané il y a quelques temps. Il se lève et suit son chat noir  (alter-ego en négatif de Milou, le chien blanc de Tintin), Inky, pourtant mort depuis des années. Il se laisse entraîner de l’autre côté du miroir... Faut-il voir dans ce début une allusion à Alice au pays des merveilles? Au fur à mesure du récit on peut reconstituer ce qui lui est arrivé. On apprend après 19 planches qu'il se prénomme Doug. Doug est étudiant en art. Il se fait appeler Nit Nit (Tintin à l'envers) lorsqu'il fait des performances poétiques! Il sortait avec une fille, Colleen, et l'a entrainé, un peu malgré elle dans un squat où il y a une soirée. Avant le groupe de musiciens qui sera le clou de la soirée, le garçon, affublé d'un masque tintinesque, doit faire une performance poétique inspirée de Burroughs. Ce n'est pas un franc succès, l'assemblée a hâte de retrouver de la musique. Pour oublier ses déboires artistiques le garçon décide de se saouler. En même temps il s'aperçoit qu'il en a un peu assez de sa copine et qu'il préfèrerait être avec une autre fille, Sarah, membre du club de photo de son lycée. Cette dernière a déjà fait une exposition de ses clichés, des autoportraits la montrant peu vêtue dans des scènes de bondage. Bien qu'il soit timide le garçon n'a pas de mal à se mettre en relation avec la photographe car il est copain avec une autre fille, Nicky qui s'occupe du club de photo du lycée. Les deux filles et Doug quittent la soirée et vont dans l'appartement de Nicky, fan de Patti Smith et qui a comme animal de compagnie un chat noir, où l'ancien petit ami de Sarah vient faire un bruyant scandale au pied de l'immeuble dans lequel le petit groupe finit la soirée. La police embarque le grand énervé qui à sa sortie de prison, apprenant que Doug sort avec Sarah aurait frappé violemment le garçon... Certes cela est hors champ. Mais expliquerait l'état de Doug lorsque l'on fait sa connaissance dans la première case qui est le présent du livre.
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Le garçon alterne les moments de torpeur et de relative lucidité dans lesquelles il fait une surconsommation médicamenteuse qui le fait replonger dans des états semi comateux dans lesquels des cauchemars l'assaillent. Dans un de ceux-ci, il est projeté dans un monde que l'on pourrait situer au moyen orient ou en Afrique du nord ( le Tanger de Burroughs?, celui du Festin Nu ) dans lequel on décèle de fortes réminiscences à la fois de certains albums des aventures de Tintin, comme "le crabe aux pinces d'or" et "l'or noir" et des déserts campés par Moebius. Mais c'est un Tanger où sous une chaleur accablante des lézards font la loi, où des nains en slip se proposent de l'aider et où des larves le fixent en pleurant quand Doug va pour les manger.  Dans un autre cauchemard, il se souvient de son père, que je présume mort dans le présent de l'histoire, Il le revoit une première fois au début de sa maladie (un cancer?) regardant la télévision. Une image vue sur le téléviseur a marqué l'adolescent, un chien dérivant sur un esquif sur un fleuve en crue. L'image se retrouvera dans un des rêves du blessé. Le fleuve est il le styx? Lorsque Doug compulse un album de photos, sur l'une d'elle on voit le père couché dans un lit (son lit de mort?). Il est appareillé d'une aide respiratoire. Il revoit également son chat, un chat noir, mort lui aussi.
 

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Tout au long du livre on retrouve un des fantasmes récurrents de l'oeuvre de Burns, celui de la métamorphose des corps, avec leurs excroissances monstrueuses et leurs nécroses galopantes. Il n'est pas anodin que Doug lors de la fatale soirée cite Lucas Samaras photographe travaillant à partir de Polaroïds (comme Doug) et lui aussi fort préoccupé par la transformation des corps.
Dans ces songes on croise de curieuses créatures, défigurées, hybrides, ou extra-terrestres?
 
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Je situerais le présent de Toxic au tout début des années 80. Quand au lieu, de résidence de Doug, je pense à une banlieue de ces villes industrielles américaines en déshérences comme l'est Detroit aujourd'hui; mais comme nous sommes à la fin des années soixante dix ou au début des années quatre vingt... Peut être sommes nous comme dans "Black hole" dans la banlieue de Seattle.

 Le lecteur est un peu frustré par la minceur de l'album. La narration de cette histoire s'arrête sur une vue très moébussienne, d'une manière qui parait tout à fait arbitraire. Toxic serait le premier volet d'un triptyque. 



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Pour en revenir aux référence si celle de Tintin est la plus évidente, les oeufs qui apparaissent dans l'un des rêves ressemblent aux champignons de "L'étoile mystérieuse". La première séquence rappelle celle où Tintin est prisonnier dans les caves du château de Moulinsart au milieu de l'album "Les 7 boules de cristal". Une autre, est directement inspirée de 'L'ile noire". Du coté du cinéma Toxic comme tous les autres albums de Burns par ses obsessions a une nette parenté avec la filmographie de Cronenberg, autre grand admirateur de Burroughs. Pour quelques créatures que croise Doug, on peut penser que Charles Burns a regardé attentivement "Star wars". Une case m'a aussi fait songer à"Dinatopia"
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Dans quelques interviews et confidences Burns a un petit peu levé le voile sur les mystères de cet intrigant album: "  Dans ToXic, je joue avec ces deux esthétiques opposées: la ligne claire contraste avec le noir et blanc intense et le trait au pinceau. Cela crée un genre intermédiaire. Je suis aussi attiré par la technique de cut up de William Burroughs – auquel j’ai aussi emprunté le concept de l’ »interzone », une ville indéfinie qui pourrait aussi bien être New York que Tanger, ou Mexico. Cela donne une apparence de collage, mais chez moi rien n’est laissé au hasard: je suis un " control freak " (obsédé du contrôle) ! "
 


 
J'ai vu l'exposition de certains originaux de "Toxic" avant d'avoir lu l'album. En l'ouvrant ma surprise a été grande en découvrant qu'il n'était pas dans le noir et blanc très contrasté des planches originales qui sont d'ailleurs impeccables, presque sans repentirs et corrections. Mais en couleurs qui sont presque toutes pastels. Ce qui change la narration et y apporte une inquiétude autre. Les dites couleurs sont des hommages directs à celles des premières éditions en couleur des albums de Tintin, ceux des années cinquante. Le livre en tant qu'objet est superbe, avec son dos toilé rouge qui rappelle les albums du Lombard de la grande époque.

 La galerie Martel à Paris a exposé des originaux des oeuvres de Charles Burns suite à la sortie de  Toxic aux éditions Cornélius
Jusqu'au 12 mars 2012 des originaux de Charles Burns, dont ceux de "Hole" sont exposé au musée de Louvain (M – Museum Leuven Belgique) .
 
 
(c) Charles Burns-Galerie Martel-Cornélius
On peut trouver à la Galerie Martel une version très spéciale de Toxic, éditée par Le Dernier Cri. Charles Burns s'est en effet amusé à créer une version dans l'esprit des pirates asiatiques remaniant ses cadrages, ses formats, ses dialogues. Ce qui donne une toute autre histoire sur laquelle je reviendrai... 
Pour retrouver Charles Burns sur le blog:
2 avril 2021

Tomino la maudite de Suehiro Maruo

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Un soir d’hiver, les jumeaux Shoyu et Miso, à peine âgés d’un an, sont abandonnés par leur mère. Maltraités par les adultes, martyrisés par les enfants, c’est lorsqu’ils sont vendus à une baraque de monstres de foire que les orphelins trouvent, pour la première fois, un foyer chaleureux dans l’effervescence du Tokyo des années 1930. Mais c'est un foyer hors normes composée d’estropiés, de nains, d’un bébé poilu comme un singe, d’une jeune fille à huit membres et de faux monstres. Les deux enfants connaissent un temps la chaleur d’une vie protégée. Mais c’est sans compter sur l’avidité de Wang, leur patron...

 

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Suehiro Maruo est à la fois le dessinateur et le scénariste.  Son scénario est archétypale des feuilletons populaire du XIX ème siècle. Et si je ne sais pas à quelle littérature japonaise il se réfère, mais avec ces histoires d'enfants maltraités, vendu par des hommes sans aucun scrupule et contraint de faire des tâche dégradantes que la morale réprouve, j'ai pensé par exemple, entre autres à "Sans famille" et au David Coperfield de Dikens et bien sûr pour le cinéma à "Freaks" de Tod Browning (1932). qui l’a inspiré cette fois-ci. On retrouve, dans les deux œuvres, les mêmes types de monstres exhibés dans un spectacle au voyeurisme dérangeant. Semblables aux orphelins Baudelaire de Lemony Snicket, toujours mis face à de nouvelles catastrophes, ils doivent affronter la cruauté du monde. Mais on s'étonne qu'ils soient aussi passifs face aux calamités qui les accablent. Il reste que l'on veut connaitre la suite page après page des malheurs de ces deux enfants. Suehiro Maruo multiplie les personnages, autour de deux ou trois grosses intrigues. Il s’agit d’explorer autant de destinées liées à la condition de monstre, et à la façon dont ils sont déshumanisés et utilisés par des êtres qui sont bien plus monstrueux que leurs proies.

 

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Le récit brosse aussi de beaux portraits de marginaux mis en scène dans des situations universelles. Le mouvement ero guro auquel appartient l’auteur est d’ailleurs caractérisé par ce mélange particulier entre érotisme, éléments macabres et grotesques. Il apparaît dans les années 1930 et revient aujourd’hui en force avec cette nouvelle œuvre de Suehiro Maruo. Ce mélange peut être assez dérangeant, les enfants étant soumis à des traitements d'une cruauté difficilement imaginable. Nous avons à faire à un manga sadique. C'est d'autant plus perturbant que si l'histoire dans son outrance est assez peu crédible, les décors sont eux très réalistes et par exemple on reconnait très bien l'allée qui mène au temple d'Akasusa à Tokyo.

 

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Suehiro Maruo n’aborde pas son travail de mangaka comme ses contemporains : il travaille seul, sans assistants ni ordinateur, passant environ deux jours par planche. Le résultat est précis, détaillé et regorgeant de références.

 

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Mais c'est surtout par son dessin que ce manga est remarquable. Le trait de Maruo est d'une finesse stupéfiante. A son propos on évoquera le Tanigushi du "Temps de Botchan" ou le Moebius de ses récit fantastique en noir et blanc. Il alterne les petites case dépouillée dans lequels il prouve son grand talent de portraitiste avec de pleines pages aux détails fouillés qu'il faut prendre le temps d'admirer. Son découpage est très original, s'il montre parfois l'horreur il le suggère beaucoup. Son récit est volontier elliptique. Les séquences de son histoire se juxtaposes plus qu'elles se suivent. Tout cela avec un minimum de mots. C'est le dessin qui dit tout.

 

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Tomino la maudite a été publié au Japon entre 2014 et 2018 en quatre tomes. Ce sera en deux volumes très épais pour l'édition française, Tomino la maudite est donc le dernier titre en date de Suehiro Maruo, l’un des maîtres de l’ero-guro dont l’essentiel des œuvres a été édité chez nous par le Lézard Noir et Casterman. En bonus de ce premier volume, on trouve une interview de Suehiro Maruo par Atsushi Kaneko datant de 2013 et publiée dans la défunte revue Kaboom. 

 

© by MARUO Suehiro / Enterbrain

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la page de garde de l'album

 

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30 mars 2021

case en exergue: Jean Giraud Moebius (1938-2012)

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28 mars 2021

case en exergue: Caza

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25 mars 2021

case en exergue: Douillet

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23 mars 2021

case en exergue: Félix Molinari

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22 mars 2021

case en exergue: Astrid Cornet

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22 mars 2021

Tunnels de Rutu Modan

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Il ne faudrait pas que le fait que cette histoire se passe en Israel, même si le contexte géographique  et politique est important, obnubile le lecteur car cela serait réduire le propos de l’auteure car, au fond elle pourrait se passer n’importe où, les obsessions et les passions faisant écran à la réalité et à la morale n’est pas le propre d’un lieu ni d’une activité.

Fille d’un archéologue israélien qui mit au jour des trésors antiques avant de sombrer dans le grand âge et la démence, Nilli rêve de voir le travail de son père reconnu et célébré. Car c’est un de ses collègues chercheurs qui s'est attribué toute la gloire des découvertes du père de Nilli. Un jour, à la faveur de la cession d’objets rares par un collectionneur véreux, Nilli a une idée : relancer les fouilles entamées par son père pour trouver enfin la fameuse Arche d’Alliance ! 

Nous sommes donc de nos jours en Israel où plusieurs archéologues sont prêt à tout pour découvrir l’Arche d’alliance. Pour cela ils pensent qu’il faut creuser un tunnel mais d’après leurs déductions la fameuse arche serait en Territoire palestinien de l’autre coté du mur qui sépare les deux communautés. Lors de leurs travaux clandestins, les archéologues israéliens  tombent sur une autre équipe de creuseurs mais palestinienne cette fois qui creuse dans le sens inverse pour faire de la contrebande! Les deux tunnels étant creusés en toute illégalité…

 

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Autre difficulté de l’entreprise seul les descendants des prêtres du Temple peuvent toucher l’arche d'alliance. Nos zigotos vont en trouver un. Mais peut être que vous poserez la question mais qu’est-ce q’un prêtre dans la religion juive puisque l’on nous parle toujours que de rabbins. Et bien, Il n’y en a plus dans la religion juive; parce que les « prêtres » officiaient tant qu’il y avait le Temple de Jérusalem (détruit 2 fois). Maintenant les synagogues sont des « maisons de prière » et le rituel a tout à fait changé. Il ne requiert plus de prêtres, ceux-ci étaient dévolus aux sacrements et aux sacrifices qui ne sont plus pratiqués. Aujourd’hui le rabbin dirige la prière, anime la communauté, c’est tout. Il n’a aucun rôle « sacré ». Il n’a pas reçu « l’onction » sacramentelle, comme on le faisait aussi pour les rois à Reims par exemple. Au Temple on sacrifiait des  animaux, on faisait des offrandes en nature (pains, vin etc… dont on retrouve les traces dans les liturgies catholique et orthodoxe (pour simplifier). Il y avait des rites très symboliques, les prêtres portaient des costumes particuliers avec pierres précieuses en pectoral; ils subissaient des initiations secrètes etc… Le chandelier à 7 branches (menorah) brûlait. Lui aussi a disparu.  A présent il n’est plus utilisé que comme objet de souvenir. Ce qu’il reste c’est un chandelier à 8 branches (on en trouve parfois une neuvième qui sert à allumer les 8 autres bougies) pour la fête de Hanouka qui se situe à peu près vers Noël. On l’appelle Hanoukia.Il faut comprendre que ce qu’on considère chez la plupart des Chrétiens comme « sacré » (générant des sacrements) ne se retrouve ni chez les Juifs, ni chez les Musulmans, et non plus tout à fait chez les Protestants. Le rite chrétien a beaucoup repris symboliquement le rituel du Temple de l’Antiquité.

 

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Après cette petite incise rabbinique je reviens à notre album.Tous les protagonistes de cette histoire qui est d’abord hilarante, émettent tous, sauf le collectionneur d’art qui veut récupérer l’Arche d’Alliance pour sa collection et qui est candidement cynique, de grands principes moraux et politiques alors qu’en fait leurs buts sont tout sauf nobles. Ce sont tous plus ou moins des crapules, que le talent de Rutu Modan parvient à rendre presque tous sympathiques, ou quand ils sont honnêtes ce sont de parfaits et dangereux illuminés. Mon personnage préféré est le collectionneur qui déclare, sans sourciller, que dans le commerce des antiquités on ne peut faire confiance qu’à Daesh! Le jeune archéologue auquel il s’adresse est surpris et lui rétorque qu’il croyait que Daesh détruisait toutes les antiquités; l’autre lui répond que ça, c’est pour la galerie, le gros des pillages il le vende pour acheter des armes… Les nazis ne faisaient pas autrement avec les oeuvres considérées par eux comme dégénérées...  

 

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Tunnels est surtout une galerie de portraits de ces zozos haut en couleurs, d’ailleurs dans tout les sens de ce terme car ces personnalités souvent encombrantes sont représentées en de vives couleurs.

L’auteure sait en quelques cases camper une situation et par le décor en dire beaucoup sur un personnage; par exemple l’héroïne principale, Nilli, archéologue, soeur d’archéologue et fille d’archéologue, est aussi une mère célibataire; deux ou trois cases montrent le désordre de l’appartement où elle vit avec son fils. On comprend ainsi qu’elle n’est pas une ménagère exemplaire… L’album a aussi le grand avantage de mettre en scène, non un petit chérubin idéal, mais un enfant, le fils de Nilli, qui est une véritable tête à claque. Ce qui n’empêche pas sa mère et son oncle d’être en extase devant ce petit mâle. On peut y voir une pique contre les célèbres mères juives… L’un des protagonistes de l’histoire découvrant cet affreux Jojo à une expression que je retient: << Cette fois le fruit est tombé loin de l’arbre.>>

 

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Dans le même genre d’idée on voit le père de Nilli atteint de la maladie d’Alzheimer d’emblée on le plaint et puis à la fin du livre, on s’aperçoit qu’il n’était pas meilleur que les autres et qu’il exploitait son adjoint qui maintenant cherche à se venger. 

« Le tunnel » est le troisième album de Rutu Modan. Si l’on peut toujours ranger la dessinatrice israélienne parmi les adeptes de la ligne claire, toutefois le dessin du « Tunnel » est différent de celui de ses deux précédents albums. Le trait de la dessinatrice est curieusement devenu plus maladroit, plus caricatural, moins réaliste qu’auparavant. Il est plus proche des dessinateurs flamands de la ligne claire tel que Jos Swarte ou Willy Vandersteen que du trait d’Hergé par exemple (ce qui n'empêche pas que l'on trouve dans "Tunnels" quelques clins d'oeil aux "Cigares du pharaon".). Rutu Modan a peut être voulu ainsi mettre plus de distance par la forme avec ce que le scénario raconte qui sous des dehors comiques met en évidence le fanatisme, l’avidité, l’orgueil et la bêtise des hommes.

 

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Rutu Modan a un processus de fabrication de ses bandes dessinées tout à fait original. Une fois son scénario élaboré, ici après de longues recherches sur le milieu de l’archéologie, elle effectue sa mise en page, son découpage puis dans chaque case elle silhouette grossièrement les protagonistes ce qui équivaut au nemu des mandakas. Ensuite elle fait un casting pour chaque personnage comme si elle allait tourner un film. Une fois qu’elle a trouvé les acteurs qui lui conviennent (A la fin de l’album on peut lire, les noms de chaque acteur en face du nom du personnage qu’il a incarné. C’est identique à un générique de film). Case par case elle fait mettre les acteurs qui s’y trouvent dans la position qu’elle a silhouettée puis elle prend la photo et enfin elle dessinera chaque case d’après les photo prises. Le résultat est à la fois vivant et figé et a une parenté avec le dessin de Jacobs qui lui se servait d’un miroir devant lequel il prenait la pose du personnage qu’il allait dessiner. Avec le Tunnel nous sommes bien dans la continuité de l’Histoire de la ligne claire. Pour une plus grande lisibilité Ratu Modan joue avec la netteté des gros plans et le flou de l’arrière-plan. Le gaufrier est assez sage, le plus souvent la page est découpée en trois bandes qui chacune sont découpée en deux cases.

Bel exploit de Rutu Modan de nous faire rire avec des sujets aussi sérieux dans un aussi joli et pimpant album.

 

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