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Dans les diagonales du temps
17 novembre 2020

Alix Senator 11 L'esclave de Khorsabad de V; Mangin et T. Demarez

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Le début de l'intrigue reprend le récit de Jacques Martin sur la bataille de Carrhes, qui se déroule juste avant l'aventure d'Alix l'intrépide. On y voit mourir le père d'Alix et Valérie Mangin se permet d'ajouter quelques détails à la version des événements qui se trouve dans "C'était à Khorsabad". Alix retourne sur les pas de sa jeunesse à Khorsabad. Alix, comme par le passé, est fait prisonnier. C’est un seigneur local, Barzapharnès, qui commandite l’enlèvement du sénateur afin de provoquer une nouvelle guerre avec Rome et de retrouver le trésor mythique de la cité... Je ne dévoilerai pas trop cette intrigue qui raconte le complot d'un inquiétant seigneur parthe contre son souverain. Alix est pris au piège mais il s'enfuit vers Khorsabad où se dérouleront de dramatiques événements. L'ambiance est à nouveau assez pesante mais Alix contrairement à ce qui se passait dans les histoires précédentes dans lesquelles il était plus spectateur qu'acteur retrouve ici sa stature de véritable héros.

 

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Les images de khorsabad sont hivernales et eneigées ce qui m'a surpris. La ville incendiée par Arbacès (dans "C'était à Khorsabad") n'a pas été rebâtie mais la forteresse reste presque intacte. La plupart du récit se déroule dans une lumière glauque et nocturne. Les couleur très subtiles sont bien en adéquation avec ce très dramatique scénario. Thierry Demarez très à l'aise dans le dessin d'architecture s'en donne à coeur joie dans le domaine. Malheureusement le dessinateur n'a toujours pas progressé dans la représentation des personnages dont l'exactitude anatomique est parfois douteuse et il y a toujours un manque total de sensualité dans le rendu des corps.

Si la scénariste est peu près raccord avec l'intrigue du début d'"Alix l'intrépide" en revanche elle est infidèle à ce que raconte Alix dans "C'était à Khorsabad", le 25 ème tome de la saga d'Alix. Elle s'en tire astucieusement en faisant dire à Alix que jusque là, il avait menti sur ce qu'il lui était arrivé dans cette ville. En revanche elle reprend l'idée de l'incendie de la ville par Arbaces à la fin de "C'était Khorsabad" mais elle appelle Arbaces: Antinous! quelle bourde. Le dit Arbaces dans "C'était à Khorsabad" se fait appeler Andrinous! Il aurait été judicieux de relire les textes des bulles avant d'imprimer l'album.

 

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Si Alix tombe dans un piège (le lecteur aussi) c'est qu'il est victime de son amour passé pour Enak, sentiment qui semble le hanter... 

 

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Il reste que le scénario est très malin mais il m'est difficile de dévoiler l'astuce sans divulgacher l'histoire qui m'a fait croire à une éventualité ébourriffante durant les trois quart de l'album mais qui s'est avérer une fausse piste balayée par un formidable coup de théâtre qui devrait surprendre bien des lecteurs. L'effet aurait été encore plus fort si la pagination, comme toujours trop réduite, avait pu éviter quelques ellipses. 

 

 

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11 novembre 2020

THERMAE ROMAE DE MARI YAMAZAKI

 

THERMAE ROMAE © 2009 Mari Yamazaki / ENTERBRAIN, Inc.

 

 

 

Lucius Modestus est un architecte dans la Rome de l'empereur Hadrien dont les affaires sont au plus bas. Tous ses plans sont refusés. Il songe à se recycler dans la vente de brochettes, ce qui, même dans la Rome impériale pouvait difficilement pour un architecte passer pour une promotion sociale lorsqu'il croise un de ses amis qui lui propose, pour se détendre, d'aller au bain. Là pour fuir le bruit et un épilateur entreprenant, il s'immerge complètement et se retrouve presque immédiatement dans un bain public du Japon d'aujourd'hui. C'est donc à la page 14 que je me suis précipiter dans ma salle de bain pour me faire couler un bain. Car s'il pouvait suffire d'un bain pour réaliser un rêve de plus de cinquante ans, faire un petit tour dans la Rome impériale ou même à Tokyo en m'évitant le couteux billet d'avion et les onze à treize heures éreintantes du voyage cela valais la peine d'essayer. Je me suis entièrement immergé... Bon, ça n'a pas marché mais je vous conseille de tenter votre chance. J'ai donc repris le volume pour retrouver notre Vitruve à la manque ébahi devant les inventions techniques des faces plates, c'est ainsi qu'il appelle les japonais. Un des grands ressorts comiques de « Thermae Romae » réside dans les interprétations fantaisistes que fait notre romain, qui n'est pas malin malin, de ce qu'il voit lorsqu'il est envoyé dans le futur, mais en même temps ses déductions sont plausibles pour une personne de l'antiquité projetée dans le monde moderne, par exemple il prend La représentation du mont Fuji pour celle du Vésuve...

 

 

Un peu d'histoire, si je vais prendre comme une évidence que tout lecteur occidental connait l'importance et la sophistication des bains chez les romains, je conçois qu'il puisse ne pas en être de même pour le rôle et l'histoire du bain dans la société japonaise. Un texte chinois de 297 rapporte que les japonais pratiquaient un rituel lié au bain, sans doute rapporté de Chine, en rapport avec la religion. Le bain aurait été un moyen de se purifier lorsque l'on avait été en contact avec la mort. Dans les textes historiques ultérieurs, ainsi que dans les fouilles archéologiques il existe de nombreuses références aux bains. Les deux types de bain les plus anciens répertoriés dans l'archipel sont l'iwaburo, bain en pierre et le kamaburo, une sorte de chaudron, ils ressemblaient plus à des bains de vapeur qu'aux bains que l'on connait aujourd'hui. Les ancêtres des bains publics actuels apparaissent au XI ème siècle et le terme sentô, toujours en vigueur en 1400. C'est en 1591 que fut construit le premier sentôt à Edo. On y trouvait des cabines de bain dans lesquelles il y avait des baignoires dont l'eau était chauffée par le sol. Pour garder la chaleur ces espaces n'étaient pas muni d'une porte coulissante ni de fenêtre. Il y faisait complètement noir. On devait y entrer par une sorte de « chatière » pour humain! Ce n'est qu'au XIX ème siècle que ce système fut abandonné au profit de bâtiments mieux éclairés donnant naissance au sentôt tel que nous le connaissons aujourd'hui. Il est constitué de trois zones distinctes, la salle de déshabillage, la salle où l'on se lave (jamais se laver dans le bain proprement dit, faute devant entrainé un sepuku, même pour un gaijin) et enfin le bain proprement dit.

Ce bain est une expérience inoubliable pour un occidental amateur de crustacés, il comprend enfin ce que ressent le crabe que l'on plonge dans un court bouillon. Contrairement à la langouste qu'il faut laisser tomber dans une marmite suffisamment haute pour que le malheureux animal soit immergé entier d'un coup pour abréger ses souffrances, je vous conseille de faire l'inverse de rentrer dans votre mijotation petit à petit après avoir pris une douche très chaude. Dans les riokans on vous propose de prendre votre bain avant ou après le diner. Toujours le prendre avant sinon votre digestion risque d'être gravement mise en péril et puis cela vous permettra de faire votre petit effet en entrant dans la salle a manger commune. Les japonais seront stupéfaits de la couleur que vous aurez prise, le rouge écarlate étant assez rare chez eux pour la carnation de la peau. Je me souvient d'un jeune nippon, de huit ans environ, qui est resté médusé, me fixant de ses yeux si écarquillés qu'ils n'étaient plus bridés du tout, longtemps après mon apparition. Pour sortir du bain faites le avec lenteur, comme vous le faites lorsque vous vous levez du fauteuil où on vous a fait une prise de sang, sinon évanouissement possible.

Bien après ses quelques conseils nourris de mon expérience personnelle retournons à notre manga: Toute la saveur de Thermae Romae tient dans la confrontation entre deux univers et deux époques, à ce sujet Lucius Modestus au bout des deux premiers volumes ne semble pas complètement comprendre qu'il fait un bond dans le temps. L'auteure tire habilement parti du moindre anachronisme, pour en faire ressortir le burlesque des situations. Le comique de situation est encore renforcé par le fait du traitement graphique très réaliste. L'histoire n'est qu'une suite de malentendus et de quiproquos.

 

 

Question dessin, sans dire du mal, Mari Yamazaki n'est pas Jacques Martin et encore moins Chaillet (ce qui est amusant est que Thermae Romae est édité par Casterman, l'éditeur historique d'Alix) mais ce n'est pas mal tout de même. Elle connait bien l'histoire et les moeurs de la Rome antique. Les habitués de la bande dessinée franco-belge ne seront pas trop dépaysé formellement, car chaque planche est découpée en un sage gaufrier. Néanmoins les codes du manga sont bien présents.

 

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Il y a une certaine rupture de ton entre le premier tome, franchement burlesque et la suite beaucoup plus grâve quand la femme de Modestus le quitte, le soupçonnant d'être l'amant d'Hadrien. Dans le manga on croise de nombreux personnages ayant existés Appolodore l'architecte de Trajan, Hadrien, bien sûr, Lucius Ceionius et le futur Marc-Aurèle.

 

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Le plus gros défaut de Thermae Romae est la façon dont notre rénovateur des bains romain accède aux portes spatio-temporelles mieux vaut ne pas trop appesantir sur la question. Une fois s'est en découvrant la limonade que Lucius grâce à l'extase de ses papilles réintègre l'empire romain. Je me dis que si le brave japonais avait offert à ce gaijin en perdition non de la limonade mais un saké blanc pétillant, Lucius aurait été projeté sur le dos d'un dinosaure.

 

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Chaque chapitre est séparé par une double page dans laquelle Mari Yamazaki s'épanche avec beaucoup d'érudition et de drôlerie (peut être pas toujours volontaires) sur ses deux amours Rome et les bains. Ce qui est très intéressant c'est de lire un point de vue très original sur l'histoire romaine de la part d'une véritable amoureuse de l'antiquité. Outre la ferveur qu'éprouve la mangaka pour l'empereur Hadrien surpassant en cela Marguerite Yourcenar, ce qui nous vaut des pages très gay friendly, on est parfois confronté à des considérations assez curieuses sur l'histoire comme cette notion des cinq bons empereurs dont Hadrien serait l'avant dernier. J'ignorais tout de ce concept, pour ma part je dénombre bien plus de cinq bons empereurs dans l'histoire romaine, est-il japonais? Si un de mes lecteurs a des lumière sur ce point qu'il est l'obligeance de nous les faire partager. Mais comme Mari Yamazaki est Mariée à un historien italien, on peut supposer qu’elle est bien informée sur l'histoire et les moeurs des Romains, et sur leur hygiène, toute aussi “codifiée” que celle des Japonais.

 

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La partie qui traite des bains japonais dans ces textes est symptomatique d'un sentiment de nostalgie de plus en plus fort ces dernière années au Japon pour le pays d'avant la société de consommation dans lequel les valeurs morales passaient avant celles de l'argent, « La colline aux coquelicots » en est un bon exemple. Mari Yamazaki regrette le temps où les bains publics créaient un fort lien social entre les japonais. Pour s'en rendre compte il suffit de lire « Chroniques japonaises » de Nicolas Bouvier.

Thermae Romae a connu un succès phénoménale au Japon. Une version animé a été réalisé très fidèle tout du moins pour le premier tome car je n'ai pas vu la suite et  un film live a été tourné avec de vrais acteurs*. La mangaka a obtenu le grand prix du 漫画大賞 (Manga Taisho). Ce grand prix, créé en 2008, est principalement orienté vers les libraires, qui constituent d’ailleurs le jury. Depuis Yamazaki est la co-auteure d'un manga beaucoup plus sérieux sur l'histoire romaine: Pline.

Je ne suis pas peu fier d'avoir repéré ce manga en avril 2011 lors d'une promenade dans l'une des boutiques mandarake (voir photo ci-dessous).

 

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Les voyages dans le temps réussissent bien aux mangas. Thermae Romae ne parvient pas au sommet de « Jin » ou de « Zipang » ou encore du "Chef de Nobunaga" mais il procure un intelligent divertissement.

 

 

* J'ai consacré un billet à ce film:

 

4 novembre 2020

Cocteau, L’enfant terrible de François Rivière et Laureline Mattiussi

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L’album Cocteau de Rivière et Mattiussi est un curieux objet difficile à classer aussi bien dans la bande-dessinée que dans le genre biographique. Son aspect est le premier clin d’oeil qu’adresse le duo d’auteurs à son lecteur puisqu’il rappelle le fameux livre blanc de Cocteau mais ce présent livre blanc est beaucoup moins érotique que son prédécesseur, il ne l’est même pas du tout. Le volet érotique de l’oeuvre de Cocteau est complètement évacué alors qu’il n’est pas négligeable et est peut être celui qui aujourd’hui est le plus mis en avant.

 

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Dés que j’ai lu ou plutôt regarder quelques pages (il y a assez peu de texte), je me suis demandé ce que pouvais bien comprendre à la vie de Cocteau en lisant ce livre quelqu’un qui ne le connaitrait pas du tout, à mon avis pas grand chose, mais peut être me trompe je? Ayant une pratique assez grande de l’oeuvre de Cocteau et connaissant assez bien sa vie en particulier grâce à la biographie qu’a écrite Claude Arnaud. Je donne un exemple page 59 Cocteau devise avec plusieurs personne dont l’une qu’il appelle guillaume à la tête bandée. On peut penser que sans être docteur en littérature le lecteur moyen identifiera Guillaume Apolinaire un autre personnage à la table n’est pas nommé, il est chauve et porte une lavallière. J’ai reconnu Max Jacob mais même si l’on connait l’oeuvre de ce poète on est pas forcé de savoir à quoi il ressemblait. Plus loin, page 151, lors de l’inauguration de l’exposition Arno Breker un personnage lunette lâche la trop célèbre plaisanterie sur l’éventuelle érection des mâles statues du sculpteur préféré d’Hitler mais si on ne la connait pas on de saura pas que celui qui la profère est Sacha Guitry reconnaissable à ses seules lunettes, on pourrait le confondre avec Marcel Achard… Mais je ne me fait aucune illusion je n’ai pas su nommer d’autres personnage de ce volume.

 

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Si parfois dans certaine bande dessinée on regrette l’abondance du récitatif et l’encombrement de la page par l’abondance de phylactères dont les contenus sont parfois redondants par rapport au dessin le moins que l’on puisse dire c’est que ce n’est pas le cas ici. Mais je suis moyennement étonné de cette forme, François Rivière étant un auteur que l’on peut qualifier entre autres d’allusif. En arrivant à la fin du volume nous avons le plaisir et l’avantage de trouver deux pages nomenclaturant les références des bribes de textes citées puis quelques pages contenant chacune le portrait d’un des acteurs de l’album décrit d’une façon cursive et spirituelle par François Rivière, on voit par là combien il connait son Cocteau sur le bout des doigts, chacun est dessiné par Laureline Mattiussi.

 

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C’est en discutant avec la petite-nièce de l’écrivain, la romancière Dominique Marny, actuelle présidente du Comité Jean-Cocteau, que François Rivière a eu l’idée de mettre en image la vie elle-même très imagée du réalisateur de La Belle et la Bête (1946). Casterman s’est alors chargé de trouver celle qui prêterait son coup de patte à l’entreprise.  Le parti pris de François Rivière pour raconter ou plutôt évoquer le parcours sinueux de Cocteau a été alors d’imaginer un procès instruit par des juges qui examineront chronologiquement la vie de l’artiste. A intervalles réguliers, jusqu’à la proclamation du verdict, Cocteau se trouve face à deux accusateurs qui lui reprochent de s’être dispersé, d’avoir suivi ses coups de cœur artistiques et amoureux. On peut imaginer, mais rien est montrer dans ce sens, que Jean Cocteau sur son lit de mort, reverrait le déroulement de sa vie et se ferait un procès à lui même et que tout ce que l’on voit au fil des pages n’est que le songe fragmentaire d’un mourant se penchant sur son passé. Mais de quoi l’accuse-t-on ? De légèreté et même de futilité, d’avoir été un mondain préférant les baises mains aux tract car il n’a jamais été fasciné par les idéologies mortifère du XX ème siècle, d’avoir considéré les guerres comme des exercices pour sportsman, d’avoir participé à toutes les avant-gardes pour les abandonner lorsqu’elles triomphaient, d’avoir affiché son homosexualité en un temp où il était de bon ton de la taire, d’avoir été multiple, enfin d’avoir eu la folle ambition d’être un artiste total.

 

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Le scénario est découpé en 7 chapitres et un épilogue qui suivent les grands évènements personnels et artistiques qui jalonnent la vie de Cocteau. C’est un choix bien sûr est arbitraire et l’on glisse rapidement sur certains passage de la vie du sujet mais rien n’est omis. Le récit entremêle échappées oniriques et repères biographiques, en n’oubliant aucune des dimensions du poète, ni ses bons mots, ni ses erreurs, ni ses errances. J’ai pensé en découvrant cet album qu’il fait un parfait contrepoint à la biographie de Cocteau par Claude Arnaud qui si elle est exhaustive est un peu trop dense. Il faudrait mêler les deux comme le propose par exemple l’édition du « Voyage au bout de la nuit » de Céline illustré par Tardi. C’est justement au Tardi des débuts que fait penser le dessin de Laureline Mattiussi dont le trait est toutefois plus souple, plus rond que celui du créateur d’Adèle blanc-sec. Chez la dessinatrice on sent également l’influence de l’expressionnisme cinématographique allemand. La dessinatrice pratique un noir et blanc absolu pas de gris chez elle seulement des aplats noirs troués de blanc immaculé. Certains morceaux rappelle la manière d’Hugo Pratt.

 

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C’est avec un sens aigu du détail que l’illustratrice  représente les différents univers de Cocteau. On retrouve les objets qui ornent la maison de Milly-la-Forêt, des images de l’appartement du Palis Royal,  le décor du testament d’Orphée ou le collier de Maria Casarès, Mais ce sont les scènes de tournage de la « Belle et la bête » qui sont peut être les plus évocatrices.

Le seul pan de la carrière de Cocteau qui est sacrifié dans cet album de 200 planches c’est sa peinture et surtout ses dessins au trait immédiatement reconnaissable mais on comprend que Laureline Mattiussi, dessinatrice elle-même n’est pas voulu aborder ces périlleux rivages. Elle a évité l’écueil qui aurait été de chercher à imiter le style de son modèle.

 

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L’album est fidèle à l’un des thèmes de prédilection de l’oeuvre de Cocteau: la porosité de la frontière entre réel et l’imaginaire en cela Rivière et Mattiussi ont été parfaitement fidèle à l’esprit de Cocteau.

 

Pour retrouver François Rivière sur le blog:

 

2 novembre 2020

Brik de Marcel Navarro

Brik de Marcel Navarro

Les éditions du Bleu et Noir ont finalement compilé, en un seul album disponible au Coffre à BD (http://coffre-a-bd.com), les fac-similés des six premiers numéros de « Brik » : un célèbre corsaire créé par Marcel Navarro alias J.K. Melwyn-Nash et Jean Cézard, en mars 1949.

Comme je l’ai déjà écrit, même si ces histoires, destinées à une jeunesse qui n’a plus rien à voir avec celle d’aujourd’hui, pourront vous sembler un peu vieillottes, il faut saluer comme il se doit la volonté et la passion des responsables de ce genre d’initiatives patrimoniales en les soutenant les yeux fermés. Et puis cet album sera pour beaucoup une délicieuse madeleine...

 

« Brik » par Jean Cézard et Navarro alias J.K. Melwyn-Nash.

 

Brik, après dix-huit numéros mythiques et un unique supplément (que les éditions du Bleu et noir espèrent bien tous rééditer, si elles arrivent à vendre au moins cinq cents exemplaires de leur premier et splendide fac-similé), il est relégué en bande complémentaire dans Brik Yak, avant de disparaître au n°28 de janvier 1951.

Cependant, avec le boum des petits formats à la fin des années 1950, les éditions Aventures et voyages vont rééditer le matériel existant (recouvrant pudiquement le torse et les jambes souvent dénudés du héros, tout en traficotant les cases pour les adapter au format) dans un mensuel également intitulé Brik, en avril 1958 (c'est cette forme que je connaissais). Devant le succès de cette nouvelle publication, le célèbre corsaire, toujours au service du roi, connaîtra de nouvelles aventures racontées par des écrivains populaires comme Paul Bérato (alias Yves Dermèze) et Maurice Limat (en 1959), par Jean Ollivier (à partir de 1960) ou par Bernadette Ratier elle-même. Ces épisodes inédits seront principalement dessinés par l’Espagnol Pedro Alférez (à partir de 1959), relayé quelques fois par Onofrio Bramante (1959), Jacques Arbeau ou Jean-Pierre Boivent (1960), Juan Giralt (1963), le studio Barbato (1965), Vincenzo Chiomenti (1967)… Ceci jusqu’en mars 1969 où, si le pocket continue de paraître (pour ne disparaître définitivement qu’en avril 1987), il ne propose plus que des reprises. Á noter que l’on peut aussi trouver quelques inédits dans les numéros spéciaux Pirates, entre 1960 et 1966.

Marcel Navarro est né le 29 mars 1922. Il débute au quotidien "Lyon Républicain" comme journaliste tout en travaillant pour la SAGE. En 1945, il lance la BD "Les aventures fantastiques" dans l'hebdomadaire SPRINT tout en signant les scénarios. En 1946, il crée Fantax avec Pierre Mouchot dans PARIS-MONDE ILLUSTRE puis en récits complets, mais ce personnage jugé trop violent par la commission de censure, sera interdit après 1949. Il participe aussi pour cet éditeur à "Big Bill le casseur" et "Robin des Bois". En 1948, il entre chez "Aventures & Voyages" pour qui il écrira les scénarios de quasiment toutes les bandes en récits complets : Marco Polo, Brik, Yak et Diavolo pour divers dessinateurs dont Cézard. A la même époque, il dirige le magazine féminin "Rien que pour toi" et dès 1950, fonde avec Auguste Vistel les éditions LUG. Il entame alors un immense travail d'éditeur tout en ne délaissant pas l'écriture de scénarios. On lui doit notamment l'import massif de bandes italiennes comme Tex Willer, Blek, Zagor, Miki le ranger, Ombrax, Martin Mystère etc., mais aussi la création de multiples personnages dont Zembla (avec Pedrazza puis Oneta), Wampus (avec Bernasconi), le Petit Duc (avec De Vita), Kiwi (avec Cézard), Mikros (avec Mitton) ou Photonik (avec Tota). On lui doit aussi la publication (avec réticence) des super-héros de Marvel au travers de revues devenues mythiques comme STRANGE ou FANTASK.
En 1989, il prend sa retraite en Provence et cède Lug à Semic. 
Marcel Navarro est mort en novembre 2004 emportant avec lui une des plus grandes carrières éditoriales françaises et un Grand Homme du petit format.

 

22 octobre 2020

Tanz! De Maurane Mazars

 

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1957 dans une Allemagne, encore meurtri par la guerre, Uli jeune danseur de la Folkwang rêve de comédie musicale et de Broadway ce qui est mal vu de ses camarades et surtout de la prestigieuse école de danse moderne. Lors d’un voyage à Berlin, il fait la connaissance d’Antony, un danseur afro-américain dont il tombe amoureux. Décidé à conquérir Broadway, il traverse l’Atlantique pour tenter sa chance…

 

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Tant! Est une bande dessinée extrêmement originale tant par son fond que par sa forme.

 

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Tout d’abord le fond, curieusement, alors qu’elle a vu l’éclosion ou la confirmation des séries qui sont devenues les classiques du 9 ème art, la décennie des années 50 est assez peu visitée par celui-ci même si cela commence à changer. Encore plus rare, il ne me vient aucun titre à l’esprit qu’une bande dessinée et même un roman prennent pour cadre le monde de la danse, pourtant celui-ci ne manque pas de romanesque et tout à fait exceptionnel que le héros d’un album soit un homosexuel.

 

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Uli est un jeune danseur libre dans son corps et sa tête. Tanz, c’est cette envie irrépressible de faire bouger ses bras et ses jambes sur de la musique. Uli est aussi libre dans sa sexualité. Même si être gay dans les années 1950 n’était pas chose aisée, même si à New York, il peut plus facilement s’en revendiquer, bien que nous sommes encore loin des émeutes de Stonewall de 1969. mais Uli veut vivre sa sexualité comme n’importe quel jeune de son âge. Il profite de son corps et de ses envies.

 

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Mais Uli n’est pas qu’un joli garçon amoureux des corps et d’abord du sien, il est aussi tourmenté par les souvenirs tragiques de la guerre.

 

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Quant à la forme elle est autant originale que le scénario. Maurane Mazars, que je découvre avec cet album, a réalisé toutes les planches à l’aide de pastels aquarellables et donc en couleur directe. Ces superbes planches sont dominées par les couleurs saturée. Maurane Mazars ose des successions de pleines pages muettes. Cette technique fait merveille pour rendre la souplesse des corps dans les chorégraphies mais aussi pour évoquer les décors de l’aventure qui nous emmène de Berlin à New-York en passant par Londres. Le grand talent de Maurane Mazars est de parvenir en quelques coups de pinceaux, sans l’aide le plus souvent d’un texte, à nous faire comprendre ce que ressent son personnage. Pas de gaufrier chez Maurane Mazars. La case disparait pour faire de la page comme une suite de petites illustrations à la suite des unes des autres. Mais parfois c’est une pleine page qui nous émerveille. Peu de dialogue également c’est le dessin, toujours très expressif, presque seul, qui nous raconte l’histoire d’Uli. 

 

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Tanz! Est très documenté sur l’histoire de la danse qui en ces années se trouve à une période charnière. A travers sa bande dessinée Maurane Mazars dit son admiration pour les danseurs et les chorégraphes notamment Mary Wigman, Kurt Jooss, Bob Fosse ou Rudolf Laban. Voir aussi l’allusion au « Café Müller » de Pina Bausch…  Anthony, qui est inspiré du danseur et chorégraphe Alvin Ailey, essaie d’expliquer à Uli que les Blancs ont pioché dans la culture noire, l’ont lissée pour la vendre au plus grand nombre, tout en excluant les Noirs de leurs productions. Le chorégraphe Jack Cole, qu’il cite, avait mis en avant le fait que la danse jazz popularisée à Broadway n’avait plus rien à voir avec la danse jazz noire originelle, elle n’était devenue qu’une danse commerciale.

 

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Mais Tanz! N’est pas qu’un bel album sur la danse et la confrontation entre ses variantes expérimentales et plus commerciales. Certes, l’ouvrage dépeint les coulisses de cette discipline, en expliquant ses codes, le lobby des producteurs, les auditions, les répétitions et tout ce qui agite ce microcosme. Mais la danse est dans la vie et pour Uli, qui n’est pas le garçon lisse qu’il parait au début de l’album, dans le New-York de la fin des années 50 c’est vivre loin de sa famille, dans une ville qu’il aime d’emblée mais dont il faut qu’il apprenne les codes  et dans un pays où la ségrégation raciale n’a pas disparu. Et puis on subodore, même si ce n’est pas explicitement dit que si les parent d’Uli ont dus quitter l’Allemagne pour se réfugier à Londres où ensuite ils ont subi le blitz c’est qu’il doivent être, juif… 

La fin de l’histoire est assez ouverte et un peu triste, On se dit qu’il est dommage qu’Uli n’est pas rencontré Béjar…

 

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Ce très bel album est le projet final de diplôme de Maurane Mazars. Après des études à l’école Estienne, la jeune autrice s’installe à Genève pour étudier l’illustration et la bande dessinée à la Haute école d’art et de design. Elle obtient le prix Töpffer de la jeune bande dessinée pour son premier album, Acouphènes.

C’est donc à la Haute école des arts du Rhin Strasbourg qu’elle parachève son cursus scolaire et qu’elle imagine Tanz ! Son projet est repéré et elle obtient le prestigieux prix Raymond Leblanc, qui lui permet de publier son récit aux éditions Le Lombard.

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22 octobre 2020

Case en exergue: De Gieter

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18 octobre 2020

AYAKO DE TEZUKA

 

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Pour marquer les vingt cinq ans de leur création, les éditions Delcourt ont eu l'excellente idée de rééditer en un seul volume dont on peut discuter l'esthétique façon brique et la maniabilité, Ayako, ce qui est pour moi le sommet de l'oeuvre du maitre du manga qu'est Tezuka.

 

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Dans le Japon de l'immédiate après guerre, les Américains occupe le pays. Ils décident d'enlever la terre aux grands propriétaires pour la distribuer à leurs anciens paysans. La famille Tengé fait partie de ces anciens puissants qui ont été spoliés; la superficie de leurs ferme est réduite à quelques arrhes. Le père Tengé, véritable despote, fait régner un malaise sur toute sa tribu. Il soumet tout le monde à sa volonté parfois perverse. Son fils ainé lui « prête » sa femme afin de s'attirer ses bonnes grâces. Jirô, le second fils, prisonnier de guerre, revient après des années de captivité. Il espère travailler dans l'exploitation familiale. Pour être libéré, il a accepté d'être un agent des Américains. Il redécouvre les siens, perdus de vue durant des années et s'aperçoit que sa famille se délite. Durant son absence, une nouvelle fillette a vu le jour, Ayako, qui porte déjà de nombreux secrets. Son retour sème le trouble dans cette famille qui se consume : le père traite Jiro en paria; il regrette qu'il ne soit pas mort à la guerre, pour honneur de la famille.
Jirô va littéralement faire imploser les Tengé après avoir honoré un contrat l'entrainant à commettre un attentat. Ayako en sait trop et il faut la faire taire. Elle sera alors enfermée dans un sous-sol de la maison, sans espoir de sortie...

 

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Ayako mélange les genres: mélodrame, espionnage, policier c'est aussi une plongée très dure dans la folie humaine.

Par le biais d'une saga familiale particulièrement noire, celle de la famille Tangé, de grands propriétaires terriens, dont tous les membres sont plus ou moins, plus que moins d'ailleurs, chacun à leur façon, des crapules. Ils pratique entre autres au fil de l'histoire, le viol, le meurtre, la séquestration, la captation d'héritage, la trahison, le vole, la dissimulation d'assassinats et quelques autres réjouissances du même acabit. Tezuka dans un récit très dense nous fait revisiter, par ce curieux prisme noir trente ans d'histoire du Japon de la capitulation du pays en 1945 jusqu'au milieu des années 70.

 

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Dans Ayako, on voit combien les américains ont bouleversé la société japonaise. Sous la férule du Général MacArthur, ils ont entrepris d'imposer la démocratie (un de leur passe temps préféré…) dans un Japon de tradition féodale : instauration d'une vaste réforme agraire ruinant les gros propriétaires terriens, privatisation des chemins de fer entraînant le licenciement de plusieurs milliers d'employés, puis lorsque arrive la guerre froide, attaques systématiques contre les partis de gauche. Les historiens du Japon ont appelé cette époque "la période de brouillard".

 

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Tezuka fait preuve d'une virtuosité diabolique pour évoquer multiples sujets dont la dureté de l'occupation américaine dans l'immédiate après guerre, la redistribution des terres par les autorités d'occupation aux petits paysans spoliant ainsi les grands propriétaires féodaux, les dissensions qui régnaient au sein de l'occupant, la traque des forces de gauche par le gouvernement japonais dès les débuts de la guerre froide, la collusion entre certaines officines américaines     et la pègre locale, la guerre entre gangs de yakuzas, la lutte des femmes pour plus d'autonomie dans la société japonaise... autant de thèmes, et j'en oublie, que Tezuka aborde sans jamais perdre le fil de la sinistre mais passionnante histoire familiale des Tangé. Il décrit une nation anéantie et divisée, où les uns sont prêts à tout pour s'enrichir et les autres s'accrochent à des valeurs passées sans voir que le monde a changé.

 

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Si la représentation de la sexualité, torride dans Ayako, est moins frontale que dans les mangas d'aujourd'hui, il ne faut pas oublier que Tézuka a terminé ce manga en 1972 pour vous donner une idée de la différence de traitement du sexe dans la bande dessinée entre la France et le Japon, dans le même temps le Journal de Spirou découvrait un Japon en images d’Epinal avec Yoko Tsunode Roger Leloup, une époque où dans la bande dessiné franco-belge on innovait en créant une héroïne! Les jeunes français s’émoustillent alors avec les premières pages de Gotlib dans L’Echo des Savanes et les premières publications osées des éditions Glénat. Concomitamment avec Ayako, Tezuka inventait une bande dessinée véritablement pour adulte alors qu'en Europe le mot adulte accolé à bande-dessinée signalait des pages où l'on entrevoyait les formes plantureuses d'une héroïne. Paradoxalement, car Ayako est avant tout un mélodrame, est l'histoire la plus réaliste qu'a réalisée Tezuka. Il faut dire qu'il s'y appui sur de nombreux faits historiques. Le scénario d'Ayako est très riche et très maitrisé. Tezuka y développe plusieurs intrigues parallèle tout en retombant toujours parfaitement sur ses pieds.

On peut faire une lecture symboliste d'Ayako, derrière l'évolution de la famille Tengé on peut voir l'occidentalisation du japon en contact avec l'occupant américain tandis que la jeune fille séquestrée peut représenté le peuple japonais qui se sent opprimé par ces même américain.

Dans Ayako le style du dessin de Tezuka est assez différent de ses autres productions. Comme pour l'Histoire des 3 Adolf, l'autre grande série historico-tragique du maitre, il alterne son style habituel avec des séquences de descriptions historiques plus réalistes dans le trait. Comme toujours c’est son sens du découpage qui est époustouflant. 

 

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Pour retrouver Tezuka sur le blog:

 

17 octobre 2020

case en exergue: Spirou vu par Olivier Schwartz.

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16 octobre 2020

Le dieu sans nom de David B. et G. Albertinie David B.

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Malgré les critiques de nombreux dignitaires romains, César — qui souhaite marcher sur les traces d’Alexandre le Grand – projette une campagne contre les Parthes, laquelle s’annonce périlleuse. Alix Gracchus et son ami Enak sont envoyés dans les steppes de l’Oural en émissaires auprès des peuples sarmates, dont César souhaite l’aide afin de pouvoir sécuriser les positions romaines à l’est, Alix va faire la rencontre du roi sarmate Eunonès. César veut s’assurer de la neutralité du roi de cette tribu nomade en y envoyant Alix. Arrivé dans les steppes, celui-ci sera capturé par les Androphages, une armée de chasseurs du nord ayant pour cheffe la géante Personne. Au sein de cette peuplade, notre héros sera emmené par leur cheffe au bord du monde afin d’y trouver un cheval fabuleux qui pourrait devenir la monture de la géante...

Comme malheureusement l'éditeur, ainsi qu'il le fait pour la série des Alix senator du moins pour l'édition de luxe, n'a pas juger bon d'ajouter en fin d'album quelques pages d'informations historiques, je fais tenter avec mes modestes moyens de me substituer à lui.

 

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Voyons tout d'abord qui sont ces sarmates qui sont au centre de cette histoire: C'est un peuple cavaliers cythique de nomades de la steppe pontique, appartenant sur le plan ethno-linguistique au rameau iranien septentrional du grand ensemble indo-européen. Ils sont signalés à l'origine entre les fleuves Tanaïs et Daïkos (actuellement le Don et l'Oural). La Sarmatie se trouvait dans une vaste région naturelle, que les géographes actuels nomment « steppe pontique », et qui avait pour limites : au nord des terres couvertes de forêts inconnues des Anciens, à l'ouest la Vistule qui cependant ne traçait pas une limite certaine entre les populations sarmates et germaniques (dont quelques-unes s'étendaient assez loin à l'est de ce fleuve), au sud le Pont-Euxin (mer Noire, où ils étaient en contact avec les Grecs), et à l'est une limite variable fluctuant entre les fleuves Rá (Ρά), ancien nom de la Volga. A l'époque à laquelle se déroule "le dieu sans nom" À partir du ier siècle av. J.-C., alors qu'ils dominent la steppe européenne, Strabon distingue plusieurs tribus sarmates, les Iazyges (entre le Danube et Dniepr), les Roxolans (à l'est du Dniepr), les Siraques et les Aorses (à l'est du Don).

Si les sarmates après moult frictions avec les romain sont arrivés à un accord avec eux ce n'est que sous Galigula soit environ un siècle après ce qui nous est raconté dans cet album.

Quand aux androphages c'étaient un ancien peuple nomade de l'Europe de l'Est. En grec, leur nom signifie « mangeurs d'hommes ». Selon Hérodote, ils vivaient dans le cours supérieur du Dniepr et du Don, au nord des Scythes à l'est des Neuri. On disait d’eux qu'ils étaient extrêmement attardés dans leur développement, pratiquant le nomadisme et même le cannibalisme: << Il n'est point d'hommes qui aient des mœurs plus sauvages que les Androphages (anthropophages). Ils ne connaissent ni les lois ni la justice ; ils sont nomades. Leurs habits ressemblent à ceux des Scythes ; mais ils ont une langue particulière. De tous les peuples dont je viens de parler, ce sont les seuls qui mangent de la chair humaine. >>. (Histoire d'Hérodote, Livre IVHérodote nous parle également de rois des Androphages auxquels les Scythes s'étaient adressés pour les aider dans leur lutte contre les Perses.

 

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Stylistiquement, le dessin d'Albertini tente de s'inscrivent dans une période intermédiaire entre La tiare d'Oribal et la période du classicisme martinien. Alors que Marc Jailloux, du moins dans son dernier album retrouvait, tout en n'abdiquant pas sa personnalité graphique, le trait de Jacques Martin à l'apogée de son art. Il me semble que la démarche de Jailloux était beaucoup plus judicieuse que celle d'Albertini, mais faut il encore avoir les moyens artistiques de coller au style de Jacques Martin au maximum de sa qualité comme dans "Iorix le grand" par exemple. La grande faiblesse d'Albertini est la représentation des personnages et particulier l'approximation des physionomies qui pour un même personnage se modifie d'une page à l'autre. Le dessinateur peine plus spécialement "à tenir" le visage d'Alix et Enak. Ce défaut est encore aggravée par un ancrage trop lourd figeant et empâtant souvent les mouvements dans les scènes d'action. En outre il est dommage que la couverture soit ratée. Les décors, surtout urbains Sont en revanche très réussis. On voit que Giorgio Alberti : lui-même archéologue chargé de la reconstitution des sites archéologiques prend un grand plaisir à dessiner le monde barbare. Autre régal le travail sur les costume, certaines case sont à regarder à la loupe. Je regrette que l'éditeur ne fasse pas une édition avec un cahier historique comme il le fait pour Alix sénator. J'aurais aimé savoir de quel document provient l'étonnante armure du cheval du chef sarmate (page 12). Pour résumer certaines cases sont très réussies et même admirable alors que d'autres auraient dues être refaites et non publiées en l'état. Le gaufrier est assez sage. Le plus souvent la page est divisée en quatre bandes horizontales elle même comprenant à de rares exceptions de deux à quatre cases. Les couleurs dues à Belardo, Moscon et Albertini lui même sont belles, à la fois chaudes et lumineuses.

 

 

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A travers chaque nouvelle aventure d’Alix, les lecteurs vivent les derniers moments de la république romaine et les grandes conquêtes qui menèrent à l’établissement de la Pax Romana sur une grande partie de la Méditerranée d’abord, et bien plus loin ensuite. Le dieu sans nom fait parti de la série d'albums comme "Les helvètes", "La citée engloutie", "Les barbares" "L'ibère" qui est l’occasion de découvrir un nouveau peuple avec lequel l’empire romain s’est confronté. Grâce à la droiture morale de notre héros, il vont oublier quelque peu la rudesse des conquêtes romaines. C'est aussi, encore une fois, une pérégrination aventureuse. L'odyssée terrestre d'Alix et Enak commence à Panticapée (voir la très belle dernière case de la page immédiatement ci-dessus) où leur navire les dépose. Panticapée est sur la  rive criméenne du Bosphore cimmérien(aujourd'hui, détroit de Kertch), la ville a été construite sur les pentes du mont Mithridate. L'acropole abritait un palais à péristyle, des temples d'ApollonArtémisZeus et Déméter.

Dans les deux pages d'ouverture, David B., le scénariste, très habilement brosse le contexte historique de l'aventure. César est de retour à Rome mais les partisans de Pompée sément le trouble en Espagne. Nous sommes donc fin 46 av J.C.

Beaucoup de critique des albums parus depuis le décès de Jacques Martin notent que l'atmosphère des aventures d'Alix est dorénavant plus sombres. Elles sont sombres, certes, voir ici par exemple la scène d'antropophagie et celle du massacre des villageois, mais c'est oublier que dans "Le dieu sauvage" il était question d'enfants sacrifiés ou que "Roma, roma" s'ouvrait par le massacre de tous les convives d'un banquet... N'oublions pas que la période à laquelle se déroule les aventure d'Alix est à la fois pour Rome un moment de guerre civile et de conquêtes ce qui ne va pas sans violence.

Le changement le plus important dans la série est la modification du caractère d'Alix et d'Enak qui sont moins lisses que dans les premiers albums. Par exemple Enak fait preuve de jalousie envers Alix, lui reprochant de s'intéresser d'un peu trop près à une belle guerrière sarmate. Mais Enak s'était déjà montré jaloux dans "Le prince du Nil", en fait l'Enak des albums les plus récents agit comme l'adolescent qu'il est...

Plus génant à mon avis est la rupture dans le scénario. géante sortie de nulle part fait un croc-en-jambe à un cheval au galop, la narration fait un virage subi vers l’incongru jusque là scénario était parfaitement centré sur la géopolitique de l’époque.Puis scénariste verse dans le baroque et fait bifurquer son histoire vers une piste secondaires pour le moins décalées la quête d’un cheval géant pour servir de monture à la géante.

Ce qui gène dans cette histoire comme dans celle précédemment dessinée par la même équipe c'est l'intrusion du personnage fantastique de la géante dans une trame historique par ailleurs sérieusement documentée. Certes à propos de la géante que Pline l'ancien dans son "Histoire naturelle" décrit des créature infra-humaine beaucoup plus extraordinaire que notre géante. Il demeure que ce personnage s'intègre mal dans la saga des Alix.

Les deux albums de David B. et Albertini me paraissent être à l'antiquité romaine ce qu'était  la série "Les mystères de l'ouest" au western classique. 

 

10 octobre 2020

JONATHAN, ATSUKO - COSEY

 

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Jonathan est un voyageur au long cours qui a posé cette fois-ci ses bagages en Birmanie de manière un peu forcée à cause d'une panne de bus. Un matin, il découvre une ombre furtive sur le balcon de sa chambre. Il s'agit de Atsuko, une jeune japonaise qui revient sur les pas de ses ancêtres. Sa mère serait née dans la chambre que Jonathan occupe. Ils sympathisent rapidement et bientôt Atsuko lui raconte l'histoire de sa famille et plus particulièrement celle de Hisa, la soeur de son grand-père. Disparue de manière inexpliquée en 1949, Hisa effectuait des recherches sur le boudhisme et affirmait que les 8 cheveux de Bouddha sur lesquels a été construite la grande pagode de Rangoon au VIème siècle avt JC auraient été remplacés par des faux sous la menace de l'invasion anglaise, au 19ème. Mais pressée par le départ, Atsuko le quitte bientôt non sans inviter Jonathan à la retrouver au Japon. Peu après, Jonathan quitte à son tour l'hôtel mais un des employés lui confie un carnet à remettre à celle qu'il croit être son amie. Il s'agit du carnet d'Hisa dans lequel il y découvre quelques cheveux.... Intrigué par ce concours de circonstances, Jonathan change ses plans et part à Tokyo retrouver Atsuko pour lui remettre le carnet.

 

Voici la quinzième aventure du célèbre voyageur aventurier Jonathan. Créé en 1975 par Cosey, Jonathan nous fait voyager à ses côtés depuis de nombreuses années. Après avoir particulièrement parcouru les terres tibétaines, c'est au Japon que nous le retrouvons cette fois. Parti à Tokyo, Jonathan se voit obligé de continuer vers le Nord, dans la région du Takayama pour retrouver la jeune femme. La neige recouvre la montagne, le paysage est silencieux et apaisant. Ou presque. Car quelqu'un semble roder autour de la cabane qui les héberge et les menacer.

L'atmosphère est envoutante et très vite, le lecteur est plongé dans un décor mythique sorti tout droit d'une estampe japonaise. Les décor sont purs et enneigés. Le trait se fait doux et aérien. Une certaine forme de poésie se dégage, en cela accompagnée par les citations de quelques haikus dont est friande Atsuko. L'étrangeté se mêle à l'histoire. Seuls au milieu de la forêt, ils doivent faire face à une incursion mystérieuse dans la cabane, à des traces de pas dans la neige. Les Yokais sont-ils de la partie ?

 

Personnage à la fois mystérieux et charismatique, Jonathan donne une dimension différente au récit d'aventure classique en s'approchant de la quête intérieure et spirituelle. Voyageur au long cours, curieux et sans attaches, il sait partir au bout du monde pour les beaux yeux d'une inconnue. Silencieux et solitaire, il recherche avant tout l'harmonie et la simplicité des échanges, des rencontres. C'est un homme sensible, pudique et plutôt sentimental qui nous offre bien souvent de belles amours impossibles.

 

Cosey nous offre ici encore un très bel album qui ne dépareille pas de ses prédécesseurs. Le lecteur suit avec lenteur et empathie le parcours de Jonathan. Le héros s'attache à la belle Atsuko et son histoire de famille plus qu'intriguante. L'auteur réussit avec succès à faire tenir en un seul album une histoire complète sans temps mort mais sans hâte excessive, bien au contraire. Cosey laisse une large place à la contemplation, aux silences qui ont parfois plus de poids que les paroles. Les paysages grandiloquents qu'il nous offre sont d'une beauté toute particulière entre réalisme et poésie picturale. On y découvre des arbres aux branches noueuses, de grand toris de bois et des ponts aux courbes toutes japonaises. L'évasion est garantie mais n'est pas le seul élément de cet album. Le scénario tourne autour d'un mystère familial dont la révélation finale sera plutôt surprenante, et autour de l'amour, éternel vecteur de vie. D'ailleurs Jonathan, fidèle à lui-même, oscillera entre amitié et amour platonique avec Atsuko.

 

Voilà donc un album qui, tout en nous menant sur les pas d'un secret de famille, nous offre une magnifique tranche de rêverie et d'imagination. Le passé et le présent s'entremêlent pour mieux pousser ses personnages dans des voyages intérieurs qui les aideront à mieux se connaître eux-mêmes.

 

« Crois-tu que connaître l’histoire de quelqu’un, c’est le connaître ? »

 

C'est un très beau voyage en terre japonaise, un album aux couleurs du souvenir et de l'amour qui, tel un haiku, ne manquera pas de faire mouche en peu de mots. Une parenthèse de douceur et de sérénité qui donne à voir la part lumineuse des hommes. N'hésitez donc pas à aller à la rencontre de Jonathan !

 

Liens :

Interview de l'auteur

 

 

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