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Dans les diagonales du temps
4 novembre 2020

Cocteau, L’enfant terrible de François Rivière et Laureline Mattiussi

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L’album Cocteau de Rivière et Mattiussi est un curieux objet difficile à classer aussi bien dans la bande-dessinée que dans le genre biographique. Son aspect est le premier clin d’oeil qu’adresse le duo d’auteurs à son lecteur puisqu’il rappelle le fameux livre blanc de Cocteau mais ce présent livre blanc est beaucoup moins érotique que son prédécesseur, il ne l’est même pas du tout. Le volet érotique de l’oeuvre de Cocteau est complètement évacué alors qu’il n’est pas négligeable et est peut être celui qui aujourd’hui est le plus mis en avant.

 

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Dés que j’ai lu ou plutôt regarder quelques pages (il y a assez peu de texte), je me suis demandé ce que pouvais bien comprendre à la vie de Cocteau en lisant ce livre quelqu’un qui ne le connaitrait pas du tout, à mon avis pas grand chose, mais peut être me trompe je? Ayant une pratique assez grande de l’oeuvre de Cocteau et connaissant assez bien sa vie en particulier grâce à la biographie qu’a écrite Claude Arnaud. Je donne un exemple page 59 Cocteau devise avec plusieurs personne dont l’une qu’il appelle guillaume à la tête bandée. On peut penser que sans être docteur en littérature le lecteur moyen identifiera Guillaume Apolinaire un autre personnage à la table n’est pas nommé, il est chauve et porte une lavallière. J’ai reconnu Max Jacob mais même si l’on connait l’oeuvre de ce poète on est pas forcé de savoir à quoi il ressemblait. Plus loin, page 151, lors de l’inauguration de l’exposition Arno Breker un personnage lunette lâche la trop célèbre plaisanterie sur l’éventuelle érection des mâles statues du sculpteur préféré d’Hitler mais si on ne la connait pas on de saura pas que celui qui la profère est Sacha Guitry reconnaissable à ses seules lunettes, on pourrait le confondre avec Marcel Achard… Mais je ne me fait aucune illusion je n’ai pas su nommer d’autres personnage de ce volume.

 

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Si parfois dans certaine bande dessinée on regrette l’abondance du récitatif et l’encombrement de la page par l’abondance de phylactères dont les contenus sont parfois redondants par rapport au dessin le moins que l’on puisse dire c’est que ce n’est pas le cas ici. Mais je suis moyennement étonné de cette forme, François Rivière étant un auteur que l’on peut qualifier entre autres d’allusif. En arrivant à la fin du volume nous avons le plaisir et l’avantage de trouver deux pages nomenclaturant les références des bribes de textes citées puis quelques pages contenant chacune le portrait d’un des acteurs de l’album décrit d’une façon cursive et spirituelle par François Rivière, on voit par là combien il connait son Cocteau sur le bout des doigts, chacun est dessiné par Laureline Mattiussi.

 

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C’est en discutant avec la petite-nièce de l’écrivain, la romancière Dominique Marny, actuelle présidente du Comité Jean-Cocteau, que François Rivière a eu l’idée de mettre en image la vie elle-même très imagée du réalisateur de La Belle et la Bête (1946). Casterman s’est alors chargé de trouver celle qui prêterait son coup de patte à l’entreprise.  Le parti pris de François Rivière pour raconter ou plutôt évoquer le parcours sinueux de Cocteau a été alors d’imaginer un procès instruit par des juges qui examineront chronologiquement la vie de l’artiste. A intervalles réguliers, jusqu’à la proclamation du verdict, Cocteau se trouve face à deux accusateurs qui lui reprochent de s’être dispersé, d’avoir suivi ses coups de cœur artistiques et amoureux. On peut imaginer, mais rien est montrer dans ce sens, que Jean Cocteau sur son lit de mort, reverrait le déroulement de sa vie et se ferait un procès à lui même et que tout ce que l’on voit au fil des pages n’est que le songe fragmentaire d’un mourant se penchant sur son passé. Mais de quoi l’accuse-t-on ? De légèreté et même de futilité, d’avoir été un mondain préférant les baises mains aux tract car il n’a jamais été fasciné par les idéologies mortifère du XX ème siècle, d’avoir considéré les guerres comme des exercices pour sportsman, d’avoir participé à toutes les avant-gardes pour les abandonner lorsqu’elles triomphaient, d’avoir affiché son homosexualité en un temp où il était de bon ton de la taire, d’avoir été multiple, enfin d’avoir eu la folle ambition d’être un artiste total.

 

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Le scénario est découpé en 7 chapitres et un épilogue qui suivent les grands évènements personnels et artistiques qui jalonnent la vie de Cocteau. C’est un choix bien sûr est arbitraire et l’on glisse rapidement sur certains passage de la vie du sujet mais rien n’est omis. Le récit entremêle échappées oniriques et repères biographiques, en n’oubliant aucune des dimensions du poète, ni ses bons mots, ni ses erreurs, ni ses errances. J’ai pensé en découvrant cet album qu’il fait un parfait contrepoint à la biographie de Cocteau par Claude Arnaud qui si elle est exhaustive est un peu trop dense. Il faudrait mêler les deux comme le propose par exemple l’édition du « Voyage au bout de la nuit » de Céline illustré par Tardi. C’est justement au Tardi des débuts que fait penser le dessin de Laureline Mattiussi dont le trait est toutefois plus souple, plus rond que celui du créateur d’Adèle blanc-sec. Chez la dessinatrice on sent également l’influence de l’expressionnisme cinématographique allemand. La dessinatrice pratique un noir et blanc absolu pas de gris chez elle seulement des aplats noirs troués de blanc immaculé. Certains morceaux rappelle la manière d’Hugo Pratt.

 

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C’est avec un sens aigu du détail que l’illustratrice  représente les différents univers de Cocteau. On retrouve les objets qui ornent la maison de Milly-la-Forêt, des images de l’appartement du Palis Royal,  le décor du testament d’Orphée ou le collier de Maria Casarès, Mais ce sont les scènes de tournage de la « Belle et la bête » qui sont peut être les plus évocatrices.

Le seul pan de la carrière de Cocteau qui est sacrifié dans cet album de 200 planches c’est sa peinture et surtout ses dessins au trait immédiatement reconnaissable mais on comprend que Laureline Mattiussi, dessinatrice elle-même n’est pas voulu aborder ces périlleux rivages. Elle a évité l’écueil qui aurait été de chercher à imiter le style de son modèle.

 

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L’album est fidèle à l’un des thèmes de prédilection de l’oeuvre de Cocteau: la porosité de la frontière entre réel et l’imaginaire en cela Rivière et Mattiussi ont été parfaitement fidèle à l’esprit de Cocteau.

 

Pour retrouver François Rivière sur le blog:

 

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