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Dans les diagonales du temps
13 avril 2021

TOXIC DE CHARLES BURNS

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Vous pensez bien que je ne comprend pas tout ce que je vois ou lis. Cela ne me dérange pas plus que ça. Car alors je peux me faire ma petite histoire à moi.
Cela a été le cas pour le dernier album de Charles Burns, non que je n'ai pas compris l'histoire mais je suppute que ma version n'est pas forcément celle des autres lecteurs du livre. Donc voici ci-dessous la mienne qui fait fi des ellipses qui caractérisent les narrations de Charles Burns.
 
 
 

Image 5 Burns Toxic

 

 

Un garçon, sorte de clone post moderne de tintin, se réveille d'un long coma? Il émerge difficilement d'un songe et ne reconnait pas la chambre où il est. D'un coté du crâne ses cheveux ont été rasés. Et sur cette surface dénudée il arbore un pansement en croix. On peut penser qu'il a été trépané il y a quelques temps. Il se lève et suit son chat noir  (alter-ego en négatif de Milou, le chien blanc de Tintin), Inky, pourtant mort depuis des années. Il se laisse entraîner de l’autre côté du miroir... Faut-il voir dans ce début une allusion à Alice au pays des merveilles? Au fur à mesure du récit on peut reconstituer ce qui lui est arrivé. On apprend après 19 planches qu'il se prénomme Doug. Doug est étudiant en art. Il se fait appeler Nit Nit (Tintin à l'envers) lorsqu'il fait des performances poétiques! Il sortait avec une fille, Colleen, et l'a entrainé, un peu malgré elle dans un squat où il y a une soirée. Avant le groupe de musiciens qui sera le clou de la soirée, le garçon, affublé d'un masque tintinesque, doit faire une performance poétique inspirée de Burroughs. Ce n'est pas un franc succès, l'assemblée a hâte de retrouver de la musique. Pour oublier ses déboires artistiques le garçon décide de se saouler. En même temps il s'aperçoit qu'il en a un peu assez de sa copine et qu'il préfèrerait être avec une autre fille, Sarah, membre du club de photo de son lycée. Cette dernière a déjà fait une exposition de ses clichés, des autoportraits la montrant peu vêtue dans des scènes de bondage. Bien qu'il soit timide le garçon n'a pas de mal à se mettre en relation avec la photographe car il est copain avec une autre fille, Nicky qui s'occupe du club de photo du lycée. Les deux filles et Doug quittent la soirée et vont dans l'appartement de Nicky, fan de Patti Smith et qui a comme animal de compagnie un chat noir, où l'ancien petit ami de Sarah vient faire un bruyant scandale au pied de l'immeuble dans lequel le petit groupe finit la soirée. La police embarque le grand énervé qui à sa sortie de prison, apprenant que Doug sort avec Sarah aurait frappé violemment le garçon... Certes cela est hors champ. Mais expliquerait l'état de Doug lorsque l'on fait sa connaissance dans la première case qui est le présent du livre.
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Le garçon alterne les moments de torpeur et de relative lucidité dans lesquelles il fait une surconsommation médicamenteuse qui le fait replonger dans des états semi comateux dans lesquels des cauchemars l'assaillent. Dans un de ceux-ci, il est projeté dans un monde que l'on pourrait situer au moyen orient ou en Afrique du nord ( le Tanger de Burroughs?, celui du Festin Nu ) dans lequel on décèle de fortes réminiscences à la fois de certains albums des aventures de Tintin, comme "le crabe aux pinces d'or" et "l'or noir" et des déserts campés par Moebius. Mais c'est un Tanger où sous une chaleur accablante des lézards font la loi, où des nains en slip se proposent de l'aider et où des larves le fixent en pleurant quand Doug va pour les manger.  Dans un autre cauchemard, il se souvient de son père, que je présume mort dans le présent de l'histoire, Il le revoit une première fois au début de sa maladie (un cancer?) regardant la télévision. Une image vue sur le téléviseur a marqué l'adolescent, un chien dérivant sur un esquif sur un fleuve en crue. L'image se retrouvera dans un des rêves du blessé. Le fleuve est il le styx? Lorsque Doug compulse un album de photos, sur l'une d'elle on voit le père couché dans un lit (son lit de mort?). Il est appareillé d'une aide respiratoire. Il revoit également son chat, un chat noir, mort lui aussi.
 

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Tout au long du livre on retrouve un des fantasmes récurrents de l'oeuvre de Burns, celui de la métamorphose des corps, avec leurs excroissances monstrueuses et leurs nécroses galopantes. Il n'est pas anodin que Doug lors de la fatale soirée cite Lucas Samaras photographe travaillant à partir de Polaroïds (comme Doug) et lui aussi fort préoccupé par la transformation des corps.
Dans ces songes on croise de curieuses créatures, défigurées, hybrides, ou extra-terrestres?
 
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Je situerais le présent de Toxic au tout début des années 80. Quand au lieu, de résidence de Doug, je pense à une banlieue de ces villes industrielles américaines en déshérences comme l'est Detroit aujourd'hui; mais comme nous sommes à la fin des années soixante dix ou au début des années quatre vingt... Peut être sommes nous comme dans "Black hole" dans la banlieue de Seattle.

 Le lecteur est un peu frustré par la minceur de l'album. La narration de cette histoire s'arrête sur une vue très moébussienne, d'une manière qui parait tout à fait arbitraire. Toxic serait le premier volet d'un triptyque. 



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Pour en revenir aux référence si celle de Tintin est la plus évidente, les oeufs qui apparaissent dans l'un des rêves ressemblent aux champignons de "L'étoile mystérieuse". La première séquence rappelle celle où Tintin est prisonnier dans les caves du château de Moulinsart au milieu de l'album "Les 7 boules de cristal". Une autre, est directement inspirée de 'L'ile noire". Du coté du cinéma Toxic comme tous les autres albums de Burns par ses obsessions a une nette parenté avec la filmographie de Cronenberg, autre grand admirateur de Burroughs. Pour quelques créatures que croise Doug, on peut penser que Charles Burns a regardé attentivement "Star wars". Une case m'a aussi fait songer à"Dinatopia"
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Dans quelques interviews et confidences Burns a un petit peu levé le voile sur les mystères de cet intrigant album: "  Dans ToXic, je joue avec ces deux esthétiques opposées: la ligne claire contraste avec le noir et blanc intense et le trait au pinceau. Cela crée un genre intermédiaire. Je suis aussi attiré par la technique de cut up de William Burroughs – auquel j’ai aussi emprunté le concept de l’ »interzone », une ville indéfinie qui pourrait aussi bien être New York que Tanger, ou Mexico. Cela donne une apparence de collage, mais chez moi rien n’est laissé au hasard: je suis un " control freak " (obsédé du contrôle) ! "
 


 
J'ai vu l'exposition de certains originaux de "Toxic" avant d'avoir lu l'album. En l'ouvrant ma surprise a été grande en découvrant qu'il n'était pas dans le noir et blanc très contrasté des planches originales qui sont d'ailleurs impeccables, presque sans repentirs et corrections. Mais en couleurs qui sont presque toutes pastels. Ce qui change la narration et y apporte une inquiétude autre. Les dites couleurs sont des hommages directs à celles des premières éditions en couleur des albums de Tintin, ceux des années cinquante. Le livre en tant qu'objet est superbe, avec son dos toilé rouge qui rappelle les albums du Lombard de la grande époque.

 La galerie Martel à Paris a exposé des originaux des oeuvres de Charles Burns suite à la sortie de  Toxic aux éditions Cornélius
Jusqu'au 12 mars 2012 des originaux de Charles Burns, dont ceux de "Hole" sont exposé au musée de Louvain (M – Museum Leuven Belgique) .
 
 
(c) Charles Burns-Galerie Martel-Cornélius
On peut trouver à la Galerie Martel une version très spéciale de Toxic, éditée par Le Dernier Cri. Charles Burns s'est en effet amusé à créer une version dans l'esprit des pirates asiatiques remaniant ses cadrages, ses formats, ses dialogues. Ce qui donne une toute autre histoire sur laquelle je reviendrai... 
Pour retrouver Charles Burns sur le blog:
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