Le narrateur, il a 18 ans, est interrogé par la police. On a trouvé son nom dans l'agenda de quelqu'un. En sortant du bureau de l'inspecteur, il croise une fille d'a peu près le même âge que lui, la vingtaine. Elle prend sa place devant le policier. Il décide de l'attendre à la sortie de la police. Il la ramène chez lui. Une relation faite de non-dits s'amorce entre eux. Il ne tarde pas à tomber amoureux d’elle et lui demande de partir avec lui vivre à Rome. Elle est d’accord. Pour trouver des fonds pour le voyage, il vont fréquenter de troubles personnages... Tout le roman se déroule sur quelques jours, 6 jours d'un mois de novembre ensoleillé pour la saison, mais les événements d'alors ont profondément marqué le narrateur qui s'en souvient de nombreuses années après. Tout le talent de Modiano est de nous intriguer par la mystérieuse personnalité de la jeune femme qui sera révélée au lecteur progressivement. D'autant que le narrateur bien que désireux d' apprendre sur son amie est bien pusillanime. Ce court extrait l'évoque bien: << Pour la première fois de ma vie, j’étais sûr de moi. Ma timidité, mes doutes, cette habitude de m’excuser pour le moindre de mes gestes, de me dénigrer, de donner souvent raison aux autres contre moi, tout cela avait disparu comme tombe une peau morte. J’étais dans l’un de ces rêves où l’on rencontre les dangers et les tourments du présent mais on les évite chaque fois car on connaît déjà le futur et l’on se sent invulnérable.>>
Je ne me lasse pas, surtout dans les derniers romans de Patrick Modiano, « Un cirque passe » est son quinzième et a paru en 1992 (il succède dans la chronologie des oeuvres modianesque à « Fleur de ruine), de son talent, fait de précision et de concision pour camper une situation et si je peux dire pour déblayer le récit. Il est particulièrement un maitre de l'ellipse pudique en une image, la fille qu'a ramenée le narrateur se réveille, le matin à ses cotés, nu dans son imperméable... voilà qui nous suggère, sans passer par de laborieuses descriptions de galipettes qu'ils ont fait l'amour...
Les noms dans ce roman, comme dans la plupart des autres de l'écrivain, sont aléatoires, hybrides et souvent chargés d'allusions plus ou moins signifiantes. En ce qui concerne les héros principaux, il nous sont révélé tardivement, ainsi c'est page 24 que l'on apprend que le narrateur a pour surnom Obligado, ce qui nous est appris par Grabley, l'homme de confiance du père du narrateur. Ce dernier est parti (a fui?) finir ses jours en Suisse, quant à la mère, elle a inexpliquablement disparu dans le sud de l'Espagne.... Ce n'est que page 43 que l'on saura que l'amie du narrateur a pour prénom Gisèle qui à son tour nous révèlera le prénom du narrateur, Jean, seulement page 147! Le cryptage des nom conduit parfois peut être le lecteur à en voir où il n'y en a pas. Ainsi le patronyme de Martine, la compagne d'Ansart est Gaul, comme le coureur cycliste luxembourgeois vainqueur du tour de France 1958. Ailleurs c'est une description qui fait surgir une figure du passé, comme celle de ce journaliste en survêtement dubitatif sur les dons d'écriture du héros. Elle m'a fait penser au présentateur de journal télévisé Raymond Marcillac (1917-2007)
Comme le narrateur « Du plus loin que l'oubli », Obligado veut écrire un roman , mais contrairement à son double de l'autre roman, celui-ci ne passera pas à l'action. Ce pourrait-il que « Du plus loin que l'oubli » soit une sorte de suite d' « Un cirque passe »?
Pour confirmer ou infirmer cette hypothèse, penchons nous sur la chronologie d' « un cirque passe » pour voir si elle est compatible avec celle « Du plus loin que l'oubli ». Le narrateur du présent roman a 18 ans, celui « Du plus loin que l'oubli » en a 20. Nous serions donc deux années avant dans « un cirque passe » par rapport à « Plus loin que l'oubli ». A la page 58, on lit: << Je craignais qu'au prochain carrefour nous soyons arrêté par l'un de ces barrages de police fréquents à Paris en ce temps là.>>. Ce qui nous indiquerait que nous sommes probablement durant la guerre d'Algérie, donc à la fin des années 50 ou au tout début des années 60 d'autant que nous savons déjà que le narrateur s'est inscrit en fac de lettres non pour poursuivre réellement ses études mais pour repousser son incorporation. Plus loin le narrateur se souvient que vers 1973, il est allé dans un café près du Cirque d'Hiver se renseigner auprès du patron sur des personnes qu'il a connues dix ans auparavant. Ce qui voudrait dire que le présent du récit se déroulerait en 1963. Patrick Modiano comme le narrateur a bien 18 ans en cette année 1963, ce qui renforce le coté autobiographique du roman d'autant qu'il est dédié à ses parents et que la mère du héros tout comme dans la réalité est actrice. Cette dédicace est à la fois paradoxale et ironique puisque les parents du narrateur brillent par leur absence. Mais en 1963, les accords d'Evian ont été signés depuis le mois de mars de l'année précédente. La guerre d'Algérie est terminée. Le service militaire n'est plus l'épée de Damocles qui était auparavant suspendue au dessus de la tête de chaque jeune homme et l'on peut penser qu'il y avait moins de barrages de police cette année là dans Paris que durant les années précédentes... Mais il est vrai qu'à l'époque on arrêtait le général Salan et qu'on exécutait des membres de l'OAS... A l'inverse le narrateur parle bien de la guerre d'Algérie au passé: << ...ces jeunes gens qui partaient pour la guerre d'Algérie quand (il avait) seize ans >>. Toujours le flou et l'approximation des dates chez Modiano... Néanmoins envisager « Du plus loin que l'oubli » comme une sorte de suite d' « un cirque passe » ne me paraît pas absurde.
On peut penser, ou rêver, que les interrogatoire des jeunes gens peuvent avoir un rapport avec cette guère d'autant que Gisèle récupère de mystérieuses valises...: « Place du Châtelet, elle a voulu prendre le métro. C'était l'heure de pointe. Nous nous tenions serrés près des portières. À chaque station, ceux qui descendaient nous poussaient sur le quai. Puis nous remontions dans la voiture avec les nouveaux passagers. Elle appuyait la tête contre mon épaule et elle m'a dit en souriant que « personne ne pourrait nous retrouver dans cette foule ». À la station Gare-du-Nord, nous étions entraînés dans le flot des voyageurs qui s'écoulait vers les trains de banlieue. Nous avons traversé le hall de la gare et, dans la salle des consignes automatiques, elle a ouvert un casier et en a sorti une valise de cuir noir. Je portais la valise qui pesait assez lourd. Je me suis dit qu'elle contenait autre chose que des vêtements. »
Autre supposition, qui vient au fil de la lecture, les deux noms que cite le policier au narrateur, mais qui ne va pas les retenir, lors de l'interrogatoire pourrait être ceux d'Ansart et de Monique, les curieux amis de Gisèle...
Procédé habituel chez l'auteur le récit qui n'est lui même qu'un souvenir est interrompu par des remémorations du narrateur qui évoque des moments d'enfance puis d'adolescence comme un triste réveillon avec son père lorsqu'il a 15 ans. Ce mille feuilles temporel est comme toujours chez Modiano délectable. La fiction dissout le naturalisme, Modiano le rend cotonneux presque inconsistant.
Au flou historique on peut opposer l'exactitude géographique des pérégrinations des héros. Les lieux ont importance capitale. Ils semblent imposer aux protagonistes des errances dans les quartiers cossus mais fanés du Paris des années 60.
Comme presque toujours chez Modiano des écrivains sont présents, subliminalement comme Maurice Sach, l'auteur de « Chasse à coure », livre que le père du narrateur emporte comme lecture pour le train ou comme figurant tel Chester Himes, dans un café.
Le cinéma a aussi toute sa place dans le roman. Les héros, sur un laps de temps très court y vont plusieurs fois et puis ce roman d'initiation, avec ce projet de voyage en Italie, l'époque fait penser à une sorte d' « A bout de souffle » à l'envers...
On est presque surpris qu'à la fin de l'histoire dont on ne connaitra pas le fin mot, mais Modiano tout commeStendhal qui priait son lecteur de rajouter à des phrases trop laconiques « les quelques mots qui leur manquent » demande à ses lecteur de combler, par des hypothèses, les béance de l'enquête du narrateur, si touchant de naiveté. Comme à son habitude Modianoexige ici, de la part du lecteur, une complicité, une attention au moindre détail et, surtout, à ce qui est passé sous silence, une attention au creux en quelque sorte... Malgré les trous de son récit et le quasi escamotage de ses personnage à la fin du récit, encore une fois le magicien du vague qu'est Modiano, a réussi à nous enchanter.
Nota: Un cirque passe a été adapté pour la télévision en 2009 sous le titre Des gens qui passent. Le scénario est signé Jacques Santamaria, et la réalisation Alain Nahum.
Principaux interprètes : Laura Smet (Marie), Théo Frilet (Jean), Hippolyte Girardot (Grabley), Gilles Cohen (Pierre Ansart), Thomas Jouannet (Jacques de Bavière)...
Frank
Sans revenir sur ce que j'ai écrit à propos de Peyrefitte je ne trouve pas que cet homme soit très cultivé, il ne connaissait rien de son temps, pas grand chose du XIX ème siècle et on a le sentiment que pour lui le monde s'arrètait à celui connu par les grecs, car son Amérique n'est faite que de clichés.
Si l'inculture ne fait que progresser, les livres de Peyrefitte sont tout de même lisibles par ceux même jeune qui ont fait des études digne de ce nom; mais comme vous je suis surpris qu'il éveille encore autant d'intérêts.
Vous savez que nous ne sommes plus au XVIII éme siècle et que depuis Voltaire le cinéma, par exemple a été inventé, que l'aéroplane également sans parler de la théorie de la relativité. Et puis un homme qui semble ignorer tout de la musique tant savante que légère, sacrée que profane, peut il être considéré comme cultivé. Ignorer tout de la production culturelle et intellectuelle de son temps n'est pas non plus une marque de curiosité donc d'intelligence. Je ne pense pas être donc de mauvaise foi
Pour RP comme pour tous les écrivains d'ailleurs, le nombre de gens qu'ils peuvent réèllement toucher est infime. Et comme pour beaucoup de ses confrères pour ne pas dire tous, son oeuvre est inégale. Je pense que "Les amitiés" et surtout Notre amour et de Vésuve à l'Etna peuvent se lire à l'époque du téléphone portable comme les caves du Vatican de Gide ou le Bloc note de Mauriac qui est une merveille pour qui s'intéresse aux années 50 et 60. Mais je crois qu'il faut dans une certaine mesure oublier les gouts sexuels et politiques de l'auteur qu'on lit, ainsi on peut passer agréablement de Brasillach à Simone de Beauvoir pour qui par exemple veut connaitre l'odeur de l'immédiate avant guerre.
pourtant l'avoir connu :je l'ai découvert bien sur par tous
ses ouvrages que je posséde dont " les Amours " avec une aimable dédicasse . ma curiosité sur Roger ma conduit devant son avant derniére demeure et la derniére à Alet. Une
relation commune et pas des moindres me permet de rester en contacte avec Roger .....