Briton Rivière (1840-1920)
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Daniel dans la tanière des lions, 1883 (via : |
La réponse de Daniel au roi, 1890 (via |
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Graveney hall de Linda Newbery
Les anglomanes devraient être ravis par ce roman où l'on voit un adolescent de 17 ans, Greg, passionné de photographie, découvrir, lors d'une de ses promenades à vélo en quête de sujets intéressants pour nourrir sa marotte (je me suis partiellement reconnu dans le héros), un manoir en ruine, Graveney Hall, dans la belle campagne anglaise de la grande banlieue de Londres. Autrefois superbe demeure bourgeoise fourmillant de domestiques, entourée d'un parc luxuriant, elle n'est plus en ce début du XXI ème siècle que l'ombre d'elle-même. Elle a été dévorée par les flammes d'un incendie, il y a presque un siècle.La demeure n'est pas complètement délaissée car une équipe de bénévoles s'y active pour la restaurer, et surtout sauver, ses nombreuses dépendances et son parc, jadis très ornés. Le garçon y rencontre une jeune fille Faith pour laquelle il éprouve une attirance qui le trouble comme celle qu'il a pour Jordan, le champion de natation du lycée...
Sans crier gare, quelques pages plus loin, nous sommes précipités dans ce que l'on comprend vite être la même demeure mais en 1916, un peu avant l'incendie qui l'a détruite, en compagnie de trois personnages, le propriétaire des lieux, le révérend du village voisin et le fils de la maison, Edmund, jeune lieutenant qui s'apprête à retourner au front après avoir soigné une blessure de guerre. Les deux premiers personnages font des projets pour le mariage prochain d'Edmund avec une jeune héritière locale tandis que le garçon ne pense qu'au camarade de combat, Alex dont il est amoureux...
Nous passons donc alternativement de l'époque actuelle à celle de la première guerre mondiale en une symétrie approximative. Au fil des pages la période contemporaine prend nettement le pas sur celle passée. Mais la symétrie va au delà du seul temporel, car on peut voir dans les relations entre Greg et Jordan, le pendant de celles entre Edmund et Alex. Poussons un peu plus loin notre logique rêveuse, sans doute dans le souvenir des écrits de David Mitchell qui a pris lui aussi comme décor des affres de son héros adolescent d'« Au loin les forêts », la campagne anglaise, ne pourrait-on pas imaginer que le second couple est la réincarnation du premier...
Mais rien est aussi simple Greg s'intéresse à Faith, jeune fille issue d'une famille très religieuse qu'il a rencontrée dans la grotte de Graveney hall, l'endroit le plus mystérieux de la propriété.
A partir de cette rencontre se mettent en place les deux grands thèmes qui structurent le récit : l’homosexualité et la religion, parfois, ils se rejoignent.On observe ces jeunes gens en plein émois affectifs mais aussi en recherche spirituelle.
The garden on top of the keep, Farnham Castle, Surrey from ‘Beautiful Britain’, 1894. On peut imaginer que le jardin de Graveney hall, ressemblait à cela. Pour ceux que les demeures anglaises et surtout leurs jardins passionnent il faut aller sur ce site tenu par David Marsh, un grand spécialiste de la question: http://parksandgardensuk.wordpress.com/
Linda Newbery traite en parallèle l’histoire de Greg et celle d’Edmund, leur point commun étant leur homosexualité. Edmund l’a découverte sur le front en rencontrant Alex. Son amour le rend étranger et même hostile à sa classe sociale. Il le libère du carcan de son éducation. Greg au contraire hésite à s’assumer, à s'affranchir de son milieu qu'il sait pourtant médiocre. En cela il est moins courageux qu'Edmund mais aussi plus sage. L'auteur montre que se déclarer homosexuel en 1917 ou de nos jours reste difficile.
Linda Newbery (auteur préalablement « De pierre et de cendre » que je n'ai pas lu à ce jour) c'est un peu piégée par son projet de construction romanesque. Il est probable qu'au début de l'écriture de son roman, elle s'imaginait pouvoir maintenir un équilibre entre les deux époques de son récit. Mais Greg, son jeune héros d'aujourd'hui, faisant une enquête sur Edmund, à trop faire apparaître ce dernier, l'aurait privé de son mystère et aurait ruiné l'intérêt du lecteur pour le volet contemporain de son récit. Elle l'a très vite compris réservant que la partie congrue du livre au temps de la Grande Guerre. Réussissant ainsi à maintenir le suspense sur l'étrange disparition d'Edmund... Mais ce choix a également un inconvénient, en ne consacrant pas assez de pages à Edmund, personnage pourtant plus intéressant que Greg, le lecteur peine à s'attacher à lui.
Ce roman met en évidence une particularité britanniques inconnue de ce coté ci du Channel: les poèmes de guerre; car si les combattants français et allemands ont rédigé des romans, « Le feu » de Barbusse, « Les croix de bois de Roland Dorgeles », « A l'ouest rien de nouveau » de Remarque... Les littérateurs anglais qui ont combattu en 14-18 sont surtout connus pour avoir écrit des poèmes. Leurs noms sont encore célèbres aujourd'hui. Citons Owens, Brooke, Sorley, Sassoon (tous cités dans Graveney hall, car étudiés par Greg)... Ces poèmes presque toujours écrits sur le front sont souvent héroïques ou tout du moins sont considérés comme tels, ils sont l'oeuvre de jeunes officiers dont la particularité étaient qu'ils étaient souvent homosexuels. Certains de ces sonnets contiennent un sous texte gay. Voilà une autre exception anglaise car à ma connaissance aucune relation homosexuelle entre combattants est mentionnée dans les textes des soldats français ou allemands, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y en ai pas eu (j'espère qu'un érudit lecteur pourra me citer un texte allemand, français ou autre qu'anglais où il en est question.)...
Linda Newbery réussit remarquablement bien à transcrire, souvent à travers des dialogues, néanmoins un peu trop nombreux et verbeux tout de même, les doutes et les interrogations de l'adolescence. Ses personnages illustrent avec justesse ce que connaissent les adolescents, l'angoisse mêlée d'impatience devant le sexe, les grands questionnements sur le sens de la vie, sur leur avenir, sur l'existence d'un dieu... Les personnages du livre me semblent tout de même particulièrement travaillés par les questions métaphysiques. Elles sont formulées souvent d'une façon naïve. Question certes que l'on se pose à cette période de la vie où pour certains il semble urgent de régler ses comptes avec dieu avant l'envol vers l'âge adulte mais je trouve néanmoins que dans le contexte de l'Angleterre du début du XXI ème siècle ces interrogations spirituelles prennent dans le roman une trop grande place.
La force du livre réside principalement dans l'extraordinaire capacité de l'auteur à entrer dans la psychologie de ses différents héros adolescents. Par exemple, la scène où Jordan déclare son homosexualité a Greg est le récit de coming-out le plus juste que j'ai eu à lire jusqu'à aujourd'hui. Linda Newbery donne un portrait de l'adolescence anglaise, moins outré que celui que l'on a découvert dans la série « Skin ». Comme dans cette série on voit une certaine démission de certaines la famille, comme celle de Greg; ce dernier tente d'expliquer à Jordan dans quel climat familial il vit: << Tu sais, il y a une grande différence entre ta famille et la mienne, dit Greg brusquement. Vous, vous parlez de plein de trucs. Pas chez moi. Nous, on est juste des gens qui vivent sous le même toit, et qui ne s'entendent pas forcément très bien.>>.
Par l'intermédiaire des familles respectives de Greg, Faith et Jordan, Linda Newbery dépeint des cellules familiales qui vivant dans le même petit bourg n'ont que bien peu de choses en commun. On ne peut qu'y voir le portrait en mineur de la désintégration de la civilisation européenne dont la ruine du manoir de Graveney hall est à l'image de ce qu'elle sera bientôt.
Lorsque l'on a lu, "L'enfant de l'étranger" d'Alan Hollinghurst, il est troublant de lire certains passages de « Graveney hall », notamment celui dans lequel Edmund envisage d'écrire un sonnet sur la propriété qui l'a vu naitre... Je rappelle que « Graveney hall » est paru presque dix ans avant «L'enfant de l'étranger ». Il serait surprenant que Hollinghurst, dont le roman a quelques points communs avec celui-ci, tout en étant d'une toute autre ampleur, n'ait pas eu connaissance de l'existence du livre de Linda Newbery... En effet on trouve dans les deux romans un poète combattant de la guerre de 14 qui aime un de ses camarades qui sera tué au front, des lettres d'amour compromettantes entre deux hommes récupérées par un parent qui découvre ainsi cette relation clandestine, une grande demeure patricienne dans la grande banlieue de Londres... La date de parution du livre n'est pas intéressante à considérer que sous l'angle littéraire, paru en 2002 en Angleterre, « Graveney hall » se révèle très en avance et très lucide sur le constat que l'on peut faire de la société anglaise et plus largement occidentale. En décor aux atermoiements existentiels de Greg et de Jordan qui forment la colonne vertébrale du livre on y voit la déliquescence de la civilisation européenne avec son fossé qui ne cesse de s'élargir entre les classes sociales pour devenir toujours plus difficile à franchir, peut être encore plus qu'en 1917, comme le suggère l'auteur. L'acculturation de toute une jeunesse, celle déracinée de l'immigration et celle d'un lumpen prolétariat plus ou moins dégénéré, engendré par des générations d'alcooliques est illustré par la scène du vandalisme sur une statue par des gamins imperméables à toutes beautés, et même haineux envers elles qu'ils savent étrangères à leur univers et inatteignables pour eux.
Par le biais de l'éducation stricte et ultra religieuse de Faith nous est présentée également un mouvement dont peu pressentait l'émergence en Europe au début du XXI ème siècle, celui d'un nouvel intégrisme religieux chrétien, minorité repliée sur elle même, hostile à un monde où ils sentent leurs dogmes de plus en plus contesté.
Linda Newbery tient en haleine son lecteur par la double question qu'elle lui fait se poser: qu'est devenu Edmund? et est-ce que pour Greg, son indéniable désir pour Jordan sera-t-il plus fort que sa volonté de « normalité » ?
Cette instillation habile du suspense fait qu'on ne peut quitter le livre avant la dernière page. Le style de l'écriture est fluide, bien qu'un peu plat. La fin relativement ouverte fait que l'on pense à certains des protagonistes de cette histoire longtemps après avoir refermé le livre.
pour se souvenir d'Un pédigrée de Modiano à l'Atelier
Mais dans le cas présent, la curiosité d'entendre le beau texte de Modiano fut plus forte que mes réserves. Si j'ai lu à peu près tout de cet écrivain, je n'avais jamais entendu de lecture d'une ou d'un morceau de ses livres. Malgré mon grand âge je n'ai pas encore atteint celui où l'on me fera la lecture. Entendre un texte est tout autre chose que de le lire. L'écoute est à mon sens un verdict plus exigeant pour un texte que la lecture. Elle pénalise aussi bien les longueurs et langueurs d'une écriture que le simple utilitarisme de celle-ci. A l'inverse certains auteurs, presque toujours les plus grands, prennent toute leur saveur par la voix du lecteur. Julien Gracq par exemple est de ceux-ci.
Le soldeur de Michel Field
Michel Field est mon ex-Trotskyste préféré. Je goute particulièrement chez lui ses talents de meneur de débats. Même quand il est loin de l'opinion de ceux dont il doit encadrer les joutes, il le fait toujours avec un respect qui n'empêche pas une certaine goguenardise de celui à qui on ne l'a fait plus. Les plateaux où il doit modérer les vitupérants souriants que sont Olivier Duhamel et Alexis Bréset sont de beaux moments de télévision. En revanche j'ignorais qu'il put s'adonner à l'écriture romanesque et qu'il aimait autant les livres même si je me souvenais qu'il avait animé une émission littéraire, ce qui ne veut pas dire qu'on aime les livres ni même qu'on en lit, ainsi cet ouvrage qui pourtant ne balance pas trop, nous apprend que non seulement PPDA n'écrivait pas les livres qu'il signe mais qu'également il ne lit pas les ouvrages qu'habrite son imposante bibliothèque d'apparat.
« Le soldeur », un assez mauvais titre, est avant tout un hymne à l'amour des livres, ces compagnons silencieux et pourtant encombrants. Ceux qui, comme le narrateur, qui est à coup sûr, une transposition de l'auteur (ridiculement misérabiliste quand on sait que Field est un des journalistes les mieux payés de Paris, mais certes, il y a les pensions alimentaires...), partagent difficilement leur espace vital avec leurs livres se reconnaitront dans la voix du narrateur de ce roman, qui n'en est pas un, mais aujourd'hui à peu près tous les livres qui paraissent sont baptisés ainsi...
Si le prétexte romanesque est mince il est néanmoins habile. Le narrateur qui n'a ni nom, ni prénom, la soixantaine d'après ses souvenirs d'enfance, alors qu'il vend chez un soldeur des livres qu'il trouve superfétatoires et même indignes de sa bibliothèque, repère, parmi la file d'attente dans laquelle il a pris place, une jeune femme, la trentaine, qui ne le laisse pas indifférent. Il parvient à lui donner son numéro de téléphone en lui glissant qu'il aimerait la revoir. Elle appelle mais pose ses conditions pour leur revoyure. Ce ne sera que chez le soldeur; auparavant elle lui aura téléphoné en lui donnant un mot qui induira les livres qu'il devra apporter pour les vendre et dont elle en prélèvera un de son choix. Le mot en question, Enfant, Paris, promenade, cuisine permet à chaque fois à Michel Field de digresser parfois en incises envahissantes mais toujours plaisantes qui peuvent même s'éloigner de l'objet livre. Il y en a de savoureuses comme celle sur le rugby et quelques unes un peu vachardes dont je me suis régalées, sur la sociologie notamment.
<< Il y a toujours eu un petit coté prolétaire rayonnant devant le soleil couchant chez Bourdieu (…) En même temps il fallait bien reconnaître: le pitoyable destin des « bourdieuserie après lui, les jappement de ses chiens de garde, les éructation de ses héritiers autoproclamés avait instantanément fait regretter la disparition du maître qui lui, au moins, aurait sifflé ses caniches nains pour qu'ils rentrent à la niche, si toutefois il les avait laissés sortir!>>
Le soldeur n'est pas que plaisantes digressions sur l'amour des livres et ses contingences. Il contient aussi de touchantes anecdotes comme celle de ce vieil homme désargenté contraint de vendre à un soldeur ses livres tant aimé. Il est si abasourdi par la somme ridicule qu'on lui donne en échange qu'il préfère remettre dans son cabas ses vieux amis quitte à se priver de l'essentiel...
Ce roman est aussi le prétexte pour Field d'évoquer sa jeunesse à travers brochures et journaux. Il se souvient de brulots libertaires tel que les revues « Gulliver » ou « Tout », le journal fondé par Roland Castro dont le slogan était : Nous voulons tout tout de suite...
Mais qui dit livres dit bibliothèque et l'on a droit à une sociologie savoureuse autour de ce meuble. Field fait un panégyrique inattendu de la bibliothèque Billy de la firme Ikéa pour laquelle je ne partage pas son fanatisme tout en reconnaissant qu'elle est parfaite pour les bandes-dessinées. Bandes-dessinées qui sont les grandes absente de la bibliothèque de l'auteur.
Michel Field n'oublie pas qu'il est philosophe et cet homme qui se penche sur son passé se penche aussi sur l'avenir du livre et de la place qu'il occupe dans la vie de chacun.
<< Les livres sont faits pour circuler, pour être donnés, prêtés. Volés, même. Il faut qu'ils passent de main en main, de corps en corps. Ils ne vivent qu'à l'acte de leur lecture. Un livre qu'on aime, c'est le visage de qui vous l'a conseillé, la voix de celui qui vous l'a offert. Le square où on s'est assis pour le commencer, le temps qu'il faisait ce matin là, peut-être même comment vous étiez habillé. C'est le souvenir vivace, dès les premières lignes, de la rencontre. Et, sitôt la lecture achevée, le désir de l'offrir à qui vous aimez. >>
Ce roman permet un jeu amusant et totalement inutile, celui de recenser les ouvrages que l'on a en commun avec l'auteur qui se livre dans son roman à name dropping littéraire effréné. Même si ma bibliothèque (prenez ce mot dans le sens des livres qui meublent ma maison et parfois y migrent) n'a pas l'étendue borgessienne de celle de Field (je fais un amalgame que ne crois pas abusif entre le narrateur et l'auteur), je suis surpris du nombre assez restreint de livres que nous avons en commun. Cela s'explique d'une part pour mon peu de goût et d'entendement pour la philosophie, je n'ai presque aucun volume de l'impressionnante nomenclature des ouvrages de philosophie que Field égrène dans son roman. Je n'ai guère dans sa liste qu'un imposant Sénèque et un mince Théocrite, si mince que je ne parviens pas à remettre la main dessus (comme je l'ai mentionné quelques fois, je suis persuadé que de temps en temps les bibliothèques dévorent quelques uns des volumes qu'elles recèlent.). Mais surtout parce qu'il est en définitive assez peu question de littérature dans ce roman. Tout du moins de littérature romanesque, de fiction, mis à part les romans policiers, les quelques autres qui sont cités comme les roman de Graham Greene proviennent de la bibliothèque de l'oncle du narrateur, l'évocation reconnaissante et émue de ce dernier est un des plus beaux passages du « Soldeur ».
A propos de sa litanie des romans policiers j'ai été ravi d'y voir mentionnée Joseph Hansen qui plus est pour plusieurs de ses roman dont mon préféré « Petit papa pourri ». Hansen n'est pas le seul auteur gay sur lequel Field s'attarde, il s'interroge également sur la destinée des oeuvres d'Yves Navarre que je suppute être beaucoup plus problématique que celle de l'inventeur de Dave Brandstetter, un des seuls héros gays du polar.
Si la plupart des livres qui peuplent la bibliothèque du narrateur ne sont pas des romans et que « la grande » littérature française ou étrangère est presque absente où sont les Céline, Proust, Pérec, Morand, Aragon, Conrad, Melville, Mishima, Mann... Ils ne sont pas négligeable pour autant mais ce sont ce que j'appellerais des ouvrages techniques. C'est à dire qu'ils sont construits autour d'un thème. La curiosité insatiable du héros fait que ceux-ci sont divers. Ainsi le narrateur énumère ses livres sur Paris, nous en avons plusieurs en commun tel « Le dictionnaire des rue de Paris d'Hilairet, curieusement paru aux éditions de Minuit, en lisant « Le soldeur » vous saurez pourquoi, ou « Le Belleville Ménilmontant de Willy Ronis, je ne saurais trop lui conseiller sur la capitale d'acquérir le « Paris XIX ème siècle, l'immeuble et la rue » de François Loyer plus classiquement édité par Hazan, sur la cuisine (on subodore vu la richesse des anecdotes à propos de ceux-ci que Michel Field est un gourmet), sur le sport et bien d'autre encore.
L'écriture si elle est sans trouvaille spectaculaire est agréable et sans aspérité. Une certaine hétérogénéité dans le style, ce qui n'est pas désagréable et rompt la monotonie de l'exploration de cette bibliothèque peut faire penser que le livre a été rédigé par étape et qu'un certain temps a séparé chaque moment de sa rédaction. Le début est si soigné, avec ses images bien venues qu'il fait un peu trop penser à la page d'écriture de nos dictées d'enfance auxquelles d'ailleurs l'auteur fait allusion.
Le livre souffre d'être tiraillé entre plusieurs désirs de son auteur. D'abord celle de nous faire partager les livres de sa vie; un peu comme l'avait fait Frédéric Beigbeder avec « Premier bilan après l'apocalypse ». Mais si le livre de Field prend plus de hauteur avec son objet, il s'intéresse non seulement au contenu des volumes, mais à leur aspect, à leur typographie... il sera cependant moins prescripteur de lecture que celui de Beigbeder. Mais outre d'être donc une sorte de travelling sur une bibliothèque et par là sur la vie de son possesseur, « Le soldeur » se veut être aussi un roman, sur ce point ce n'est pas vraiment une réussite; même si par un habile subterfuge Field réussit à désamorcer, dans les toutes dernières pages, la plupart des critiques qu'on aurait pu lui faire, sur par exemple l'invraisemblance de son prétexte, sur son personnage féminin qui semble concentré tous les clichés de l'époque sur la banlieue et les étudiants issus de milieux défavorisés, comme on dit... Le livre se veut aussi une réflexion sur le temps et la place que peut occuper le livre dans la vie d'un homme. Avec cette interrogation qui taraude le narrateur: Le livre est il le moyen de s'ouvrir aux autres et au monde ou au contraire fait il écran à la vie concrète...
<< Se libère-t-on de soi quand on se libère des livres qui vous ont fait soi? Leur présence aide-t-elle à vivre, ou empêche-t-elle de vivre? Une bibliothèque est-elle une ouverture au monde ou une forteresse assiégée? Le livre un baptême ou une épitaphe?>>
<<En était-il des livres comme des êtres? Finissait -on par ne plus les voir dans le quotidien d'une trop grande proximité jusqu'à l'ultime fulgurance de la séparation.>>
Il reste à espérer pour l'auteur que cet amoureux des livres n'ait pas fait comme son personnage et n'ait pas accepter de démembrer sa bibliothèque en échange d'une hypothétique aventure féminine (et je conseille à mes lecteurs ne ne pas tomber dans un tel abîme, vous pouvez remplacer le dernier mot de mon texte par celui qui correspond le mieux à vos fantasmes).