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Dans les diagonales du temps

18 février 2020

Herbert List

Herbert List, Sur le chemin de la piscine publique, Paris, 1937

Herbert List, Sur le chemin de la piscine publique, Paris, 1937

Herbert List, jeunes sur les marches du Palazzo della Civiltà del Lavoro 1951

Herbert List, jeunes sur les marches du Palazzo della Civiltà del Lavoro 1951

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18 février 2020

Hongtao Huang

Hongtao Huang
18 février 2020

Yves Brayer, Les années romaines

Yves Brayer, Les années romaines
Yves Brayer, Les années romaines

 

Premier Grand Prix de Rome de peinture en 1930, Yves Brayer arrive dans la Ville éternelle le 17 janvier 1931. Dans le "splendide isolement"de la Villa Médicis où il s’apprête à passer les trois années réglementaires, le jeune pensionnaire trouve une discipline de travail stimulé par une insatiable curiosité. Le métier en main, l’esprit libre, l’œil en éveil, il parcourt les quartiers de Rome en quête de sujets toujours renouvelés sur la scène de ce théâtre unique où les communautés religieuses et militairesse mêlent au petit peuple romain. La Rome de Brayer est pittoresque et solennelle. Profondément peintre, amoureux de la couleur et du dessin, il recourt à tous les supports : gouache, aquarelle, lavis, encre, brou de noix pour transcrire sans repentir la vie avec une sûreté et une justesse dans la saisie des images flamboyantes et animées des décors et des personnages romains immortalisés par celui qui devient le témoin spirituel d’un temps aujourd’hui révolu. Une étape avec laquelle il inaugure une période féconde et décisive de sa carrière. Face au pittoresque de la Rome papale, des robes des séminaristes et des ordre religieux aux couleurs différentes selon les nationalités, des uniformes des marins, des carabiniers, des habits de soirée lors des réceptions d’ambassade, son éloquence graphique s’affranchit de la copie stérile et laisse la vélocité du geste s’exprimer en s’emparant du motif dans son immédiateté et sa permanence. Ces esquisses virtuoses, abouties et pensées comme des œuvres à part entière, rendent d’une manière synthétique la vérité du sujet, son obsession. Le fond blanc de la feuille réactive la couleur par des contrastes qui renforcent la vibration des valeurs en réponse à l’écriture nerveuse et souple du dessin. Il arrive que la tache de couleur par sa place évidente dans la composition se décale de la ligne descriptive. Pure ou mêlée elle dispense l’intensité lumineuse dans une liberté et une modernité très personnelles. De Rome, Brayer voyage dans d’autres villes italiennes. Venise, Florence, Sienne, Vérone, Arezzo qui renouvellent ses visons d’Italie. Les sujets travaillés sont parfois repris dans des huiles de plus ou moins grands formats. La période italienne présente des cadrages assurés, dictés par les architectures Renaissance qui imposent leurs perspectives. Tandis que sa palette s’éclaircit, des couleurs pures introduisent des sonorités toutes nouvelles avec les rouges, les terres et les ocres. Ce premier séjour italien révèle le peintre à lui-même. Ses envois à Paris aux Salons officiels lui préparent une première place sur la scène parisienne, confirmée par son exposition à la galerie Charpentier en 1934.

Lydia Harambourg

Yves Brayer, Les années romaines
Yves Brayer, Les années romaines
Yves Brayer, Les années romaines
Yves Brayer, Les années romaines
18 février 2020

Jörg Lozek

Jörg Lozek

18 février 2020

LE TESTAMENT DE WILLIAM S., UNE AVENTURE DE BLAKE ET MORTIMER PAR YVES SENTE ET ANDRÉ JUILLARD

Le testament de William S., une aventure de Blake et Mortimer par Yves Sente et André Juillard

 

Le testament de William S. est le 24ème titre des aventures de Blake et Mortimer (11 du vivant de Jacobs et 13 par différents repreneurs, dont 6 par le duo Sente/Juillard) les voit se pencher sur l’énigme identitaire liée à William Shakespeare, disparu il y a tout juste 400 ans. Sans trahir le scénario on peut dire que Shakespeare (et son œuvre) est l’objet de toutes les convoitises, et l’histoire prend des allures de chasse au trésor, au cours de laquelle on retrouve avec plaisir le sens du suspense qu’affectionnait Jacobs. Entre Angleterre et Italie, Mortimer et Elizabeth, la fille de Sarah Summertown (dont on avait fait connaissance dans " Les Sarcophages du 6e Continent "), résolvent des énigmes plus ardues les unes que les autres. Pendant ce temps Blake doit faire face à bande organisée de jeunes voyous terrorise Hyde Park. On se doute bien que tous ces évènements sont liés. C’est une course contre la montre qui s’engage au fil d’énigmes tendues depuis des siècles…

J'avais lu, comme beaucoup, la prépublication de ce 24ème opus dans le "Figaro Magazine" cet été. J'avoue que la lecture de cette histoire m'avait déçue. Il faut dire qu'elle succédait au "Bâton de Plutarque", belle préquel du "secret de l'Espadon", signée des mêmes Juillard et Sente. La lecture de l'album m'a fait réévaluer la chose. Le soin avec lequel l'ensemble est réalisé apparait beaucoup mieux dans ce volume bien imprimé. Il reste néanmoins que l'intrigue des teddys (référence aux affrontements qui ont réellement eu lieu entre gangs à Nothing Hill en 1958)*, du coté anglais est bien légère et vite éventée.

Je crains que ce dernier album, qui devrait être le dernier dessiné par Juillard déçoive un peu les fans de la première heure de nos deux gentlemen car il s'écarte un peu des canons jacobsien. En effet dans un Blake et Mortimer dont Jacobs était le seul créateur, dès les premières planches, le lecteur est dans l’histoire et sait à quel thème il va avoir droit : historique, science-fiction, policier… Blake et Mortimer enquêtent, sauvent le Monde, se heurtent à Olrik avant de prendre le dessus. Le scénario est soutenu, il n’y a pas de superflu. L’histoire monte en intensité au fil des pages… et dans les dernières pages, le dénouement final. Dans, "Le testament de William S", il n’y a rien de tout cela. Blake et Mortimer ne sauvent plus le Monde, ils vont tranquillement au théâtre ! Il n’y a jamais la sensation d’aventure. Dès qu’ils peuvent, ils sont assis autour d’une table ou dans une voiture. Il n'en reste pas moins que Venise est représenté avec beaucoup de soin et d'exactitude, comme on peut le voir ci-dessous.

 

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La gare Santa Lucia est une construction moderne de 1954

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Ils sont accueillis par Salman , ce majordome si particulier , qui va les conduire au Palais du marquis Da Spiri , dans un magnifique Riva .

A propos de Salman, ses lecture sont très "professionnelles mais habituellement les aventures de Jeeves font plus sourire que cela! Cette lecture est très "raccord" puisque Jeeves cite souvent Shakespeare qu'il appelle le poète...

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Avant de quitter la gare et avant le demi tour pour remonter le Grand Canal , admirons les marches de l'église San Siméone Piccolo.

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Le scénariste Yves Sente a pris comme thème « Shakespeare », et il a écrit son histoire autour de cela. Le seul instant, où Blake et Mortimer courent, c’est parce qu’ils sont en retard pour la représentation théâtrale. Yves Sente fait une histoire chronométrée… Mortimer et la fille Sarah Summertown  font une course contre le Temps… de la ville natale de Shakespeare à Vérone, et retour juste dans le délai imparti.

 


 

En revanche le choix de centrer l'intrigue sur le mystère littéraire qu'est la vie de Shakespeare est une bonne idée. Comme le confie Yves Sente c'est un personnage historique qui intrigue toujours: << Shakespeare est encore un personnage emblématique pour les anglais de 2016. C'est la personne qui les représente le mieux, plus encore que la reine Elisabeth II, les Beatles ou James Bond. Comme il y a très peu de sources, qu'il a laissé peu de choses de lui, et même qu'entre 1585 et 1592, il disparaît: c'est le bonheur du scénariste. Mais le plaisir de l'écriture, quand on joue avec l'Histoire, c'est de respecter ce que l'on sait, pas de la transformer... Dans les 150 dernières années, les historiens ont attribué la paternité de Shakespeare à 80 personnalités. Faire la 81 ème n'a pas d'intérêt. Il faut essayer une piste différente...>>.  

 

Le testament de William S., une aventure de Blake et Mortimer par Yves Sente et André Juillard

Petit rappel sur ce que l'on pourrait appeler l'affaire Shakespeare: Shakespeare est né en 1564 et est mort en 1616, Shakespeare aura écrit 37 œuvres dramatiques, dont « Le Songe d’une nuit d’été » (1595), « Le Marchand de Venise » (1597), « Roméo et Juliette » (1598), « Hamlet » (vers 1600) et « Othello » (1604). Si les documents officiels prouvent qu’un certain William Shakespeare a bel et bien vécu à Stratford-upon-Avon et à Londres, une polémique passionnée naît très vite sur l’identité du dramaturge. La question est posée par des personnalités prestigieuses (Walt Whitman, Mark Twain, Henry James ou Sigmund Freud) : tous doutent que le citoyen de Stratford nommé « William Shaksper » ou « Shakspere », homme de peu d’éducation, ait réellement composé les œuvres qui lui étaient attribuées, en particulier des textes aussi denses et référentiels. A l’inverse, à la même période, un poète et écrivain talentueux comme Edward de Vere (17ème comte d’Oxford) aurait pu collaborer avec un prête-nom et écrire une bonne partie de ces textes. Ce sont les tenant de cette théorie qui sont les méchant du "Testament de William S. Ils sont menés par un descendant d'Edward de Vere. Il faut préciser qu’à l’époque élisabéthaine, les collaborations entre dramaturges étaient fréquentes. 

 

Le testament de William S., une aventure de Blake et Mortimer par Yves Sente et André Juillard

 

Mais le parti pris de développer un pan de la vie de William Shakespeare sous forme de flash-back, fait que nos héros passent en arrière plan. Je n'ai pas compté les cases mais il me semble que jamais dans une de leurs aventures,Blake et Mortimer auront été aussi absents d'un album !
Et que dire d'Olrik qui semble de plus en plus encombrer les scénaristes repreneurs des aventures de Blake et Mortimer? Ce que confirme Yve Sente: << L'absence d'Olrik est une contrainte volontaire que je m'impose. Je trouve que c'est un personnage embarrassant. Déjà Edgar P. Jacobs avait tenté de s'en débarrasser dans "Le piège diabolique, mais les lecteurs lui avait reproché, et il avait été prié par l'éditeur de le remettre dans le récit. Si dans une série d'aventure le "méchant" est toujours le même avec le temps, il se ridiculise.>>. Dans "Le testament de William S. Olrik est relégué dans un rôle de chef de Maffia téléguidant des opérations douteuses du fonds de sa cellule! On ne le reconnait pas, tout comme on ne reconnait pas Sharkey, qui semble avoir subi une cure d'amaigrissement.

 

Le testament de William S., une aventure de Blake et Mortimer par Yves Sente et André Juillard
Crayonné et visuel finalisé pour la version spéciale Leclerc

Crayonné et visuel finalisé pour la version spéciale Leclerc

Le testament de William S. est un récit très précisément situé dans le temps. L'aventure se déroule sur trois jours, les 28, 29, 30 aout 1958. Les auteurs se sont donc infligé une sérieuse contrainte avec laquelle, ils ont joué à moins qu'elle les ait piégée. Elle incite en-tout-cas à la vigilance le lecteur pointilleux que je suis. Cette demande à l'attention est une bonne chose pour un album dont la qualité, il me semble réside surtout dans les détails (comme la couverture du Life que lis le marquis...) .

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Ainsi dès la page 10 avec la présentation des invités à Venise, du marquis Stefano Da Spiri, chez qui tout commence, mon attention est alerté par la tenue que porte Peggy Newgold, clone de Peggy Guggenheim avec un zeste de  Gertrude Stein par son côté garçon manqué et le fait que Peggy Newgold soit brune et ronde (il me semble qu'en regard du rôle joué par cette dame dans l'histoire, il aurait été plus simple et plus intéressant de mettre en scène la véritable Peggy Guggenheim). La dame arbore une robe qui fait beaucoup penser à la robe Mondrian, signée Yves Saint Laurent. Or cette robe a été présentée lors de la collection haute couture automne-hiver 1965. La tenue de Peggy Newgold en aout 1958 dénote chez cette dame un incontestable avant-gardisme que ne démente pas les oeuvres oeuvres d'art qui parsème sa demeure que nous découvrons quelques pages plus loin... On peut y reconnaitre des oeuvres de Picasso, Dubuffet, Giacometti...

 

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Autres éléments qui datent une bande-dessinée, les automobiles. Dans "Le testament de William S., il y en a presque autant que dans un album de Michel Vaillant. Cela commence avec la Jaguar SS Airlane Sedan datant de 1935 du peu recommandable grand maitre du Temple de la loge d'Oxford. Ensuite nous avons droit au traditionnel, taxi londonien, presque un personnage à part entière dans la saga Blake et Mortimer mais avec le véhicule suivant, une Ford anglaise Zéphir ou une Ford américaine (?),comme il est dit dans une bulle. Il semblerait que ce soit la même Ford que dans SOS météores, amusant clin d'oeil**. Ceci dit mon détecteur d'anachronismes a été réveillé! Car cette automobile m'a paru un peu trop moderne pour 1958 et aussi un peu fantaisiste même si elle ressemble beaucoup à des modèles existants.

Mais là où mon détecteur d'anachronismes s'est mis à hurler c'est quand au détour d'une case censée représenter Londres en 1858 j'ai reconnu la Bridge Tower alors que celle-ci a été construite 30 ans plus tard! Il a également sérieusement teinté en découvrant, en 1958, je le rappelle la présence d'une photocopieuse dans le palais du marquis!

 

novembre 2016

novembre 2016

la planche où l'on voit la robe à la manière d'Yves Saint Laurent et même le capitaine Hadock!

la planche où l'on voit la robe à la manière d'Yves Saint Laurent et même le capitaine Hadock!

La robe Mondrian d'Yves Saint-Laurent

La robe Mondrian d'Yves Saint-Laurent

Le testament de William S., une aventure de Blake et Mortimer par Yves Sente et André Juillard
la Jaguar SS Airlane de la même couleur que celle du  grand maitre du Temple de la loge d'Oxford

la Jaguar SS Airlane de la même couleur que celle du grand maitre du Temple de la loge d'Oxford

L'audace historique n'est pas la seule dans cet aibum, il faudrait parler de l'audace sexuelle! La relation d’amitié très forte et ambiguë que noue Shakespeare avec un autre homme, qualifiée de «fort peu conventionnelle», fait directement écho à celle de Blake et Mortimer, ces éternels colocataires. Sans oublier, à trois cent cinquante ans d’écart, l’apparition à chaque fois d’une femme pour que le couple devienne "trouple"...

Autre audace la représentation d’une femme en couverture. Ce qui aurait été inimaginable du temps de Jacobs! Paru en mars 2008, « Le Sanctuaire du Gondwana » osait déjà présenter Mortimer aux côtés d’une femme en pleine brousse africaine. Les auteurs réintroduisaient alors le personnage secondaire de Sarah Summertown (découverte dans le 1er tome des « Sarcophages du 6ème continent » en 2003 ; opus16 des aventures de nos deux gentlemen), une romancière et archéologue devenue le grand amour de jeunesse du professeur Mortimer. Le lecteur perspicace (en l'occurrence cette fois plus que le professeur) et un tantinet observateur en apprendra un peu plus dans cet album sur la vie privée de Mortimer. Sente et Juillard ne cachent pas que l’éditeur a apposé son veto à ce que le récit soit plus explicite sur le sujet, contrairement à leurs intentions... 

 

Visuel finalisé pour l'édition spéciale Fnac

Visuel finalisé pour l'édition spéciale Fnac

 

Les découpages sont dynamiques, les décors et les jeux de lumière soignés. Les récitatifs sont toujours aussi nombreux. Pour alléger leur présence dans la planche, les bulles qui sont d'ailleurs rectangulaires ont des fond de couleurs différentes. La coloriste, Madeleine Demille, a fait un beau travail, respectant la palette jacobsienne, pas de tons criards mais des couleurs subtiles et denses. On peut juste s'étonner de son goût pour le vieux rose dont elle teinte certains récitatif et surtout l'Austin d'Elizabeth. Le scénario d’Yves Sente renoue habilement avec la gentry britannique que l'on avait déjà côtoyée dans le serment des cinq lords. Dans le testament de William S. Il n’est question que de lord, conte et marquis, de généalogie, d’ancêtres et d’honneur. Cela fait plaisir d'être dans le meilleur monde... 

 

Couverture et extrait du dossier de presse pour le tome 24

Couverture et extrait du dossier de presse pour le tome 24

La série « Blake et Mortimer » figure parmi les best-sellers de la bande-dessinée et même parmi les best-sellers tout court depuis plus d’une décennie. En 2008, « Le Sanctuaire du Gondwana » (tome 18), tiré à 600 000 exemplaires, s’écoulera en France à 266 600 exemplaires (chiffre à multiplier par 1,4 pour le rajout des ventes Belgique/Suisse). En 2012, "Le serment des 5 lords" (tome 21) est le titre le plus vendu de l’année avec 250 000 ventes. Idem en 2013 avec "L'onde septimus" (235 500 exemplaires) et en 2015 avec "Le bâton de Plutarque" (tome 23, édité à 500 000 exemplaires francophones et 40 000 exemplaires néerlandais), écoulé à 232 000 exemplaires dès le début 2015. Avec un sujet aussi ambitieux et passionnant que le cas Shakespeare, Yves Sente vise certainement juste dès le départ, au profit d’un scénario au parfum so british digne du précédent des « 5 Lords ». Le tirage de l'album " Le testament de William S." est tiré à 500 000 exemplaires. Il est décliné en quatre versions différentes (classique, strips, éditions spéciales Fnac et Leclerc), André Juillard aura concocté autant de visuels de couvertures intrigants. Fidèles à la conception jacobsienne, ces visuels figent un instant clé du récit.

Le testament de William S., une aventure de Blake et Mortimer par Yves Sente et André Juillard

 

 

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18 février 2020

Anton Kolig

Anton Kolig
18 février 2020

Un dimanche après-midi à Asakusa (Tokyo)

la fameuse porte Kaminari-mon (porte du tonnerre) qui permet d'entrer dans le temple Senso-ji

la fameuse porte Kaminari-mon (porte du tonnerre) qui permet d'entrer dans le temple Senso-ji

Un dimanche après-midi à  Asakusa (Tokyo)
Un dimanche après-midi à  Asakusa (Tokyo)
Un dimanche après-midi à  Asakusa (Tokyo)
Un dimanche après-midi à  Asakusa (Tokyo)
Un dimanche après-midi à  Asakusa (Tokyo)
Des oiseaux qui ressemblent à nos étourneaux qui apprécient le pollen des fleurs de cerisier.

Des oiseaux qui ressemblent à nos étourneaux qui apprécient le pollen des fleurs de cerisier.

Un dimanche après-midi à  Asakusa (Tokyo)
Un dimanche après-midi à  Asakusa (Tokyo)
Un dimanche après-midi à  Asakusa (Tokyo)
Devant le temple de l'encens brûle dans un chaudron. La fumée aurait des vertus curatives. Il faut se toucher, comme le fait le monsieur en noir sur la photo les endroits où l'on a mal. J'ai essayé mais le résultat n'a pas été très concluant.

Devant le temple de l'encens brûle dans un chaudron. La fumée aurait des vertus curatives. Il faut se toucher, comme le fait le monsieur en noir sur la photo les endroits où l'on a mal. J'ai essayé mais le résultat n'a pas été très concluant.

Un dimanche après-midi à  Asakusa (Tokyo)
Un dimanche après-midi à  Asakusa (Tokyo)
Tokyo, avril 2017

Tokyo, avril 2017

 

Japon_parcours

18 février 2020

Alexander von Agoston

Alexander von Agoston
18 février 2020

LE SEL DE JEAN-BAPTISTE DEL AMO

 
Le sel de Jean-Baptiste Del Amo ne semble pas faire bruire le petit landerneau des lettres française en cette rentrée littéraire 2010. Sans doute que l'escouade des plumitifs qui traite habituellement le sujet et qui écrit généralement dans un français approximatif est gênée aux entournures pour émettre un avis sur un livre aussi bien écrit. Il l'est même parfois un peu trop, le romancier se laissant aller parfois à la belle page. Certains paragraphes m'ont rappelé les dictées signées Maurice Genevoix sur lesquelles j'ai peiné dans mon jeune âge. Peut être que les critiques littéraires sont ils également jaloux que le jeune homme, je suppose l'auteur jeune, bien que je ne sache rien de lui, ait écrit son roman en étant pensionnaire de la villa Médicis (je les comprend, je le suis aussi).
 
 
 
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Il est vrai aussi qu'au classicisme de sa langue le romancier y ajoute celui de son thème, la description d'une famille, entre famille je vous aime et famille je vous hais.
Le roman qui est le deuxième de son auteur après Une éducation libertine ( prix Goncourt du premier roman en 2009 ), paru également chez Gallimard il y a deux ans, est divisé en trois parties qui portent chacune le nom d'une des Parques, Nona, Decima, Norta, représentées dans l’Antiquité comme celles qui tiennent le fil de la vie. Nona tient le fuseau, Decima marque le sort qui échoit à l’individu, Norta coupe le fil. On naît, on vit, on meurt, et « les vivants défigurent la mémoire des morts », écrit Del Amo...
 
Le livre commence au matin de ce qui est un jour particulier pour cette tribu. Le soir de cette journée doit les voir tous rassemblés dans la petite maison familiale à  Sète que dorénavant la mère habite seule. Cette dernière va préparer toute la journée, qui est le laps de temps dans lequel s'inscrit tout le présent du livre, cette construction rappelle assez Mrs Dalloway de Virginia Woolf dont Del Amo a mis une phrase en  exergue du Sel, le diner qui doit réunir ses trois enfants et leur famille. Il y a Fanny, la seule fille et deux garçons Albin et Jonas. Mais le personnage principal du livre est un mort, le père, Armand, l'homme écorce, disparu il y a peu de temps, dont l'ombre habite tous les membres de cette famille.
 
 
 
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Si Jonas ne fut pas l'enfant le plus aimé du père, en revanche il est patent qu'il est le favori du romancier. Grace à plusieurs flashback on assiste à la découverte puis à l'acceptation de son homosexualité par Jonas. C'est avec une acuité rare que Del Amo décrit cette découverte alors que le garçon n'est pas encore pubère: << Jonas commença à apprendre la dissimulation, à redouter une vérité encore opaque à ses propres yeux.>>.
Le personnage de Jonas prend le pas sur les autres, sans doute au corps défendant du romancier. Il parait si fort un double de l'auteur et l'auto-fiction ayant également, à l'insu cette fois du lecteur, éclipsé récemment les autres formes d'écriture que l'on est tout surpris de lire en quatrième de couverture que Jean-Baptiste Del Amo est né à Toulouse et non à Sète.
Pourtant des phrases telles que celles-ci «  si les volets n'étaient pas rabattus et que le jour la trouvait allongée sur le flanc, le visage vers la fenêtre, l'une des premières images qu'elle percevait, sitôt qu'elle ouvrait les yeux, était le haut vol des oiseaux dans un carré de ciel sur le mur. Une traînée de nuages y hésitait parfois. Si les matins étaient gris, Louise y voyait comme un reflet de la mer, une écume qui pouvait être blanche ou même noire.  » aussi belles que justes me paraissent pouvoir avoir été écrites que par quelqu'un qui a longtemps habité face à la mer mais c'est sans doute le talent qui nourri cette illusion chez un lecteur comme moi en exil de mer...
 
 
 
 
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Jonas génère les passages les plus beaux et les plus sensuels du livre: << Il parvenait à se glisser discrètement à genoux au milieu de l'étendue d'eau et d'une colonie de ces oiseaux flamboyant. Jonas éprouvait la nécessité de se masturber sur cet ilot, un appel impérieux auquel il songeait des jour à l'avance... Souvent l'inquiétude d'être surpris, ou le poids de ce qui lui évoquait vaguement un péché - du moins l'idée d'un acte répréhensible - compressaient sa vessie et le forçaient à s'arrêter pour pisser dans un fossé ou sur la souche brune d'un arbre... S'il s'étendait sur le dos, le ciel lui offrait son bleu lavasse que balafraient le vol des mouettes et le sillage des avions. Jonas remontait son tricot de peau et se déculottait. Le plaisir qu'il éprouvait à la sensation du soleil sur son ventre, à l'empoignade de son sexe dans ce berceau de nature brute, à la fois indifférente et complice de son hédonisme, était indicible. Il n'était pas pubère et ne pouvait éjaculer, mais il restait ce qui lui semblait être des heures - et n'était en réalité que des instants bien plus brefs - à se branler au milieu de la digue et des flamants roses.>>.
 
L'auteur donne la parole à tour de rôle à chacun des membres de la famille. Durant la journée du diner, ils se remémorent, d'une manière assez artificielle, ce que fut leur vie. Il est dommage que Del Amo n'est pas maintenu son procédé narratif jusqu'à la fin. Dans la dernière partie du livre il donne la parole, à Armand, un mort, pour donner des informations sur ce père si pesant dans la tête de ses enfants même après sa mort, ce qui déséquilibre le récit et lui enlève du mystère donc de sa force.
Le stratagème débouche sur un récit un peu à la Rashomon, bien que d'une manière moins systématique que dans le conte japonais. On lit ainsi la narration d'un même évènement mais vu à chaque fois par une personne différente.
"Le sel", tout comme "La carte et le territoire" de Michel Houellebecq, dont je ne devrais pas tarder à vous entretenir, a pour pivot la relation d'une fratrie, chez Houellebecq elle est réduite à l'unité, avec son géniteur. Ce thème me parait de plus en plus récurrent dans le roman français. Il s'accorde avec la frénésie qu'a pris ce peuple pour les recherches généalogiques. Cette soif à la fois de savoir d'où l'on vient, en général on aboutit à un pauvre laboureur et la recherche d'une sorte de divinité tutélaire et protectrice dont toutefois on ne parviendrait pas à se libérer même après la disparition de celle-ci me parait le trait dominant de cette société en déshérence. Cette quête effrénée des origines génère des questions aussi oiseuses que celle des avantages de droit du sol sur le droit du sang, ou inversement... Les romans sont toujours les plus fidèles reflets des sociétés qui les nourrissent. Tout cela me semble aller à l'encontre de l'autonomie de l'individu qui semble vouloir se découvrir de mythiques origines que comme alibi à son incurie du jour.
Cette belle étude psychologique d'une famille, << Leur famille est ce fleuve aux courbes insaisissables dont il n'est possible de cerner la vérité qu'en l'endroit où la mémoire de tous afflue pour se jeter, unifiée dans la mer.>> aurait gagné à ce que le fleuve ait un cours moins paresseux. En outre le récit est entaché de joliesses superfétatoires. Il est peu probable par exemple que les rejetons d'un marin pêcheur sétois d'origine italienne et d'une fille de paysans ardéchois se prénomment Fanny, Jonas et Albin. Et était-ce bien nécessaire de faire autant de littérature, parfois à la limite de l'indécence, sur la mort d'un enfant...
 
 
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Depuis longtemps je suis poursuivi par la lubie tenace de vouloir lire les romans dans le cadre qu'ils décrivent. Curieusement je n'y étais presque jamais arrivé, avant ce livre. Je me souviens surtout de lectures totalement décalée comme la lecture par exemple de La ligne de beauté sous les palmiers envahis de corbeaux de la plage de Mombassa au Kenya, une atmosphère assez éloignée de celle du west end londonien. J'ai pu donc enfin comparer à chaud les description de "sel" avec la réalité sètoise que j'avais devant les yeux, d'où les photo qui illustrent ce billet. S'il incontestable que Del Amo connait bien Sète dans son roman, on a pourtant le sentiment qu'il s'agit plus d'une petite bourgade maritime de l'entre deux guerre  que de l'important port de pêche que j'avais devant les yeux en lisant les dernières pages de "sel". Le romancier en a presque évacué toute modernité.
Cette constatation m'amène à la réflexion que Del Amo est plus un écrivain géographe qu'un romancier historien. Certes on peut considérer cette classification arbitraire mais elle dessine une géographie, justement, littéraire pas moins pertinente qu'une autre. Je rangerais parmi les géographes, bien sûr Houellebecq mais aussi Modiano et bien évidemment Julien Gracq. Del Amo appartient à cette cohorte et certaines de ses meilleures pages ne sont pas loin de la belle prose de Gracq en particulier de certaines morceaux d'Un beau ténébreux. Chez les "historiens", on trouvera naturellement les auteur de romans historique comme Zoé Oldenburg mais aussi ceux qui font grand cas de la chronologie tel Marguerite Yourcenar.
 
 
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Je suis une sorte d'obsédé de la chronologie dans les romans et les béances dans leur échelle du temps me révulsent lorsque je les découvre. J'aime toujours situer ce que je lis dans une perspective temporelle. Je me surprend ainsi à reconstituer, parfois un crayon à la main, les biographies des acteurs d'une fiction. Del Amo m'a incité à ce petit jeu en donnant des indications de date, sans pour autant en faire figurer le millésime. Ainsi il mentionne la disparition du navigateur Alain Colas: << Il n'avait, de sa vie, aucun souvenir avant l'année de ces cinq ans, où il revoyait Armand suivre la première édition de la route du rhum... Comme il devait l'apprendre des années plus tard, la première édition de la route du rhum fut marqué par la disparition d'Alain Colas... Il a disparu dans la nuit du 16 novembre...>> (page 64). Si la date est mentionnée l'année ne l'est pas. A près une courte recherche j'apprend qu'il s'agit de 1978. Jonas est donc né en 1973. Le soir du diner familiale, Fanny a quarante six ans, Albin quarante trois, ses fils jumeaux dix sept ans et Louise soixante neuf (page 60). Lors de "l'écart" de Louise, Jonas à trois ans (page 53). Nous savons ainsi que nous sommes en 1976. Cet "écart" a eu lieu trente deux ans plus tôt (page 86). De là nous pouvons en déduire que le diner a lieu en 2008 et que par conséquent Jonas, dans le présent du livre a Trente cinq ans et qu'Albin est né en 1965, ses enfants en 1991, Fanny en 1962 et a quatorze ans lors de "l'écart" de sa mère ou plus exactement va les avoir comme le confirme la page 128. Quant à Louise elle a vu le jour en 1939. Page 122 on apprend qu'il y a onze ans que Léa est morte soit en 1997 âgée de dix ans. Elle est donc né en 1987.  Alors que Mathieu, le frère de Léa et le fils de Fanny est né l'année de la majorité d'Albin, c'est ce que nous apprend la page 148, soit 1965 + 21 (lamajorité était alors à 21 ans) est donc né en 1986; il a 22 ans le soir de la réunion familiale. Sarah la fille d'Albin nait trois ans après la mort de Léa donc en 2000 et a 8 ans (ou 7 suivant le mois de sa naissance) dans le présent du livre. Selon les évènements historique Armand et son père ont quitté l'Italie entre 1943 et 1945. D'après la page 172, Jonas quitte la maison familiale l'année de la naissance des jumeaux soit en 1991, Jonas a donc juste 18 ans; cette même année il rencontre Fabrice qui a deux ans de plus que lui, 20 ans (page 175). La mention, page 256, de l'attentat du RER B à Saint-Michel qui s'est déroulé le 25 juillet 1995 date la mort probable de Fabrice qui a alors 24 ans tandis que son ami en a 22. Ils se connaissent depuis quatre années.
 
 
 
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C'est en 1981 que Badinter fait supprimer la législation discriminatoire envers les homosexuel. On peut lire page 95: << elle se souvint d'un été durant lequel Jonas n'avait pas plus de neuf ans... ils suivaient sans grand intérêt un journal télévisé où l'on annonçait la suppression des législations anti homosexuelles.>> Si Del Amo n'avait pas eu la prudence de laisser l'âge de Jonas dans un léger flou, on était près d'un hiatus chronologique. En revanche lorsque je lis page 211 << Cinq ans savait Albin c'était remonter à la naissance de Sarah...>>, le compte n'y est pas puisque par ailleurs ont a appris qu'elle est né trois ans après la mort de Léa qui est survenue il y a dix ans... 
 
 
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Je ne conteste pas que le petit exercice de reconstitution biographique peut paraitre vain pour un lecteur mais je pense qu'il montre aussi combien il est important pour la cohérence d'un texte et sa crédibilité que le romancier travaille la biographie de chacun des protagonistes de son récit d'abord séparément   puis ensuite les confronte entre-elles. C'est ce que préconisait Roger Martin du Gard, un maitre en la matière de roman et de cohérence chronologique dans les siens. 
Si Jean-Baptiste Del Amo maitrise parfaitement la carte et le territoire, il me parait avoir quelques difficultés les grands évènements du monde aux péripéties de ses personnages. En revanche mon petit jeu ci-dessus démontre qu'il maitrise (presque) parfaitement la biographie de chacun de ses personnages. J'attendrai avec impatience le prochain opus de cet auteur qui nous délivre une langue si belle et si rare en ces temps de jargonnage et de littérature à l'estomac, en espérant qu'il corrigera les défauts de "sel" notamment l'intrusion de personnages superfétatoires comme cette transsexuelle africaine qui n'est qu'un artifice pour introduire la confession de Jonas et qui arrive dans le roman comme un radis noir dans un pot de caviar et surtout en souhaitant qu'il se libère un peu plus en laissant parler plus son coeur, ce sera alors, n'en doutons pas un grand livre.


Le sel de Jean-Baptiste Del Amo, éditions Gallimard, 2010
 
 
 
imagine-7399.JPG Sète, octobre 2010
18 février 2020

Kris Knight

Kris Knight
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