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Dans les diagonales du temps

19 février 2020

Michael Bidner: Oli, Paris (1986)

Michael Bidner: Oli, Paris (1986)

 

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19 février 2020

UNE DOUCE FLAMME DE PHILIP KERR

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Au risque de me répéter, je voudrais insister pour dire combien il est important de lire les aventures de Bernie Gunther dans l'ordre chronologique soit de la plus ancienne, se déroulant en 1936 à la plus proche de nous qui nous emporte en 1950 qui est présentement le sujet de ma chronique: 1/ La trilogie berlinoise, 2/ La mort entre autres et enfin cette « douce flamme>> qui nous conduit cette fois loin des pays germaniques puisqu'elle a pour cadre exclusivement l'Argentine et surtout sa capitale Buenos-Aires. Cet ordre de lecture ne s'impose pas seulement parce que ce dernier volet en dates des péripéties de Bernie Gunther commence exactement là où s'arrêtait la précédente histoire mais surtout cette approche permet d'apprécier l'évolution du personnage et encore plus celle de l'écriture de Philip Kerr. Si j'ai pu écrire précédemment que la relative faiblesse des livres de Kerr, résidait dans son héros, il n'est guère dans le premier tome de la trilogie berlinoise qu'un pastiche réussi du Marlowe de Chandler, On peut dire au contraire que la force d' « une douce flamme » est l'épaisseur de son personnage principal qui est pourtant ce même Bernie. Au delà des péripéties, et il n'en manque pas à ce dernier épisode qui n'en ait pas moins pourvu que les autres, avec toujours comme toile de fond l'Histoire, cette fois celle de l'Argentine de Peron et plus particulièrement ses rapports avec le nazisme, le véritable sujet du livre est Bernie Lui-même, l'homme face à sa culpabilité et plus largement à la culpabilité de son pays. Le grand talent de Kerr est de se mettre dans la tête de ses anciens nazis, ces maitres déchus, face à leur conscience. Les uns sont remord et sans regret alors que d'autres sont rongés par les réminiscences de leurs actes. Le roman n'est pas qu'introspection. Il y a autant de suspense que dans les autres de l'auteur. C'est un véritable thriller. A peine descendu du bateau qui l'a conduit en Amérique du sud qu'un de ces anciens admirateurs, qui est devenu un des chefs de la police du régime de Peron, le sollicite pour qu'il retrouve une adolescente, issue du gratin argentin, qui vient de disparaître alors qu'une autre a été retrouvée assassinée et éviscérée (la jeune fille assassinée est une figure récurrente dans la saga des Bernie Gunther). A la vue du corps Gunther se souvient d'une affaire similaire sur laquelle il avait enquêté dans les derniers jours de la République de Weimar. Cette remémoration nous vaut une construction romanesque plus élaborée que dans les autres ouvrage de Kerr. Nous passerons ainsi, presque jusqu'à la fin du livre, alternativement de l'Allemagne sur le point de se donner à Hitler à l'Argentine de Péron.

L'inconvénient des livres de Kerr c'est qu'ils sont si bien documentés qu'il est difficile de savoir ce qui relève de l'histoire et ce qui n'est qu'invention romanesque ou encore ce qui relève des thèses assez décoiffantes avancées par Kerr. Comme celle qui subodore que l'argent distribué aux pauvres par Eva Peron et qui par ce biais achetait l'adhésion du peuple argentin aux péronisme venait du mythique trésor nazi. Comme dans le précédent opus des aventures de Gunther, celui-ci nous fait nous rappeler combien le manichéisme de l'Histoire doit à la lecture de celle-ci par les vainqueurs. Dans une douce flamme on voit que les expériences médicales sur des cobayes ne furent pas l'apanage des nazis mais que notamment les américains (et bien sûr pas seulement eux) y ont eu recours ce qu'un récent scandale au Guatemala à confirmé.

Une bonne connaissance de l'Histoire de l'Argentine de l'après guerre, ce qui n'est pas mon cas, doit encore augmenter le plaisir et l'intérêt de la lecture. En l'état de mes connaissances, j'ai du faire confiance à la documentation et au savoir de l'auteur, que jusqu'à maintenant je n'ai pas pris en défaut, par exemple sur les turpitudes sexuelles de Peron qui aurait été amateur de très jeunes filles, qui d'un autre coté n'apparait pas qu'antipathique ou maléfique. C'est d'ailleurs une des grandes forces littéraires de Kerr d'humaniser les monstres, ce qui peut aussi provoquer un malaise chez son lecteur. Mais il ne faudrait pas croire que seuls les hommes politiques des dictatures soient amateurs de tendrons; contemporain des frasques de Peron nous eûmes dans notre quatrième république un président de la chambre qui pour être manchot fut un grand agitateur de ballets roses....

Avec de plus en plus de talent, Philip Kerr parvient a nous en apprendre beaucoup sur l'histoire contemporaine tout en nous plongeant dans des récits haletant.

19 février 2020

Martin Munkacsi: Bathers, Germany (1929)

Martin Munkacsi: Bathers, Germany (1929)

 

19 février 2020

Dora Carrington

Dora Carrington:  Husband Ralph Partridge, Drawing  (1921)
19 février 2020

Cecil Beaton: David Hockney and Peter Schlesinger and a model in front of Hockney’s Painting “Don Bachardy and Christopher Isher

Cecil Beaton:  David Hockney and Peter Schlesinger and a model in front of Hockney’s Painting  “Don Bachardy and Christopher Isherwood “ (1969)

 

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19 février 2020

Carmine Pellegrini : pénalty (2013)

Carmine Pellegrini : pénalty (2013)

 

19 février 2020

Herbert List

List Herbert: jeunes de Forio. Ischia (1952)

 jeunes de Forio. Ischia (1952)

Herbert List, Naples, Italie (1960)

Naples, Italie (1960)

19 février 2020

Ignazio Lozano: Fashion Twins, Haydem et Raul Guerra

Ignazio Lozano:  Fashion Twins, Haydem et Raul Guerra

 

19 février 2020

LE SAUT DE L'ANGE DE MICHAEL WISHART

-Le saut de l'ange de Michael Wishart

 

Stephen Tennant

Stephen Tennant

Christian Berard

Christian Berard

 

Si Wishart en tant que peintre n'est certes pas de l'importance d'un Bacon ou d'un Julian Freud d'un Hockney ni même d'un Sutherland (il a bien sûr connu tous ces gens là et bien d'autres et parfois de près); ce qui ne veut pas dire pour autant que sa peinture soit négligeable; c'est je crois le seul peintre pour lequel on puisse dire sans ridicule qu'il est le continuateur de Turner; Wishart comme Turner est un grand libérateur de la couleur. La peinture a été au centre de sa vie dès sa petite enfance. Elle est au centre de son autobiographie: << Comme enfant il n'y avait pas de querelles, pas de terreurs, pas de colères qui ne pouvaient être guéries en courant dans les champs avec ma boite de peinture.>>; mais comme écrivain il est de première grandeur. Une fois refermé « Le saut de l'ange » on est navré que ce soit le seul ouvrage qu'il ait écrit. Bien des auteurs avec ce qu'il nous raconte en auraient fait dix volumes; ce qui, chez d'autres, s'étalerait en 200 pages Wishart en fait un petit paragraphe sec, poli et rond comme un galet. L'évocation, le plus souvent, se termine par une chute d'un humour désespéré. Chez cet homme qui a usé de toutes les jouissances jusqu'à se détruire, il y a du Cioran dans certains des aphorismes qui entrelardent ses souvenirs.

Michael Wishart

Michael Wishart

 

 

En un peu plus de 300 pages Wishart raconte des morceaux de sa vie. Elle commence en 1928 comme celle d'un enfant prodige triste, issu d'une famille à la fois bourgeoise et fantasque, marxiste comme seuls quelques spécimens de l'upper class britannique savaient l'être dans les années 30, je ne vois guère en France qu'Emmanuel d'Astier de la Vigerie (qui passe dans l'ouvrage) pour avoir eu la même pose rouge. Une existence qui se termina en 1996 après un parcours qui ne tint pas toutes les promesses de la jeunesse. Lorsqu'on lit « Le saut de l'ange » il faut se rappeler que ces mémoires ont été publiées en Grande-Bretagne en 1977 alors que bon nombre des personnes qu'évoque Wishart étaient toujours vivantes. Il est incompréhensible que cette merveille nous arrive seulement aujourd'hui, d'autant que Wishart a vécu une partie de sa vie en France, pays qu'il aime et dont il parle bien faisant revivre un pays à jamais disparu.

 

Michael Wishart au travail

Michael Wishart au travail

 

La vie de Wishart fut une vie de rencontres et souvent d'admirations. La plupart des mémoires ne sont qu'une suite d'anecdotes et de plaidoyers pro-domo mis bout à bout. Presque toujours il y manque un ton. Ici non seulement, il y a un ton, mais on y entend une voix. Une voix très singulière d'un dépressif actif qui prend la vie sans étonnement sans pourtant jamais être blasé. Wishart semble tout aussi à l'aise dans son atelier minable du Marais où les commodités sont sur le palier que lorsqu'il prend le thé chez Peggy Guggenheim dans son Palais vénitien où qu'il nage dans la piscine du prince Ali Khan. Quelques jours après cette trempette princière, on nage beaucoup dans ce livre, on retrouve Wishart en pleine guerre d'Algérie peignant dans un misérable gourbi les paysages du Sahara! Tout semble lui être du et advenu le succès comme les bides, la richesse comme la dèche, l'amour comme la trahison...Si Wishart en tant que peintre n'est certes pas de l'importance d'un Bacon ou d'un Julian Freud d'un Hockney ni même d'un Sutherland (il a bien sûr connu tous ces gens là et bien d'autres et parfois de près); ce qui ne veut pas dire pour autant que sa peinture soit négligeable; c'est je crois le seul peintre pour lequel on puisse dire sans ridicule qu'il est le continuateur de Turner; Wishart comme Turner est un grand libérateur de la couleur. La peinture a été au centre de sa vie dès sa petite enfance. Elle est au centre de son autobiographie: << Comme enfant il n'y avait pas de querelles, pas de terreurs, pas de colères qui ne pouvaient être guéries en courant dans les champs avec ma boite de peinture.>>; mais comme écrivain il est de première grandeur. Une fois refermé « Le saut de l'ange » on est navré que ce soit le seul ouvrage qu'il ait écrit. Bien des auteurs avec ce qu'il nous raconte en auraient fait dix volumes; ce qui, chez d'autres, s'étalerait en 200 pages Wishart en fait un petit paragraphe sec, poli et rond comme un galet. L'évocation, le plus souvent, se termine par une chute d'un humour désespéré. Chez cet homme qui a usé de toutes les jouissances jusqu'à se détruire, il y a du Cioran dans certains des aphorismes qui entrelardent ses souvenirs.

Graham Sutherland

Graham Sutherland

  

C'est avec un détachement aristocratique qu'il nous explique comment lui est venu son homosexualité, scène toute droit sortie d'une photo de Diane Arbus et comment il est passé aux travaux pratiques, ce qui n'est pas sans rappeler l'expérience que Claude Michel Cluny décrit dans « Sous le signe de Mars ».

 

Les références, innombrables et diverses qui se trouvent dans cette autobiographie ne seront pas sans éveiller quelques émois, du moins pour les lecteurs les plus âgés telle celle-ci: << Sabu, l'enfant-éléphant, m'obsédait plus que tout autre personnage. Simplement vêtu d'un turban doré, il donnait à voir l'équilibre musculaire parfait du surfeur pubère et dirigeait son tapis volant dans les mille et une nuit de mes rêves avec une maitrise indigène; et les choses que je lui faisait faire auraient bien pu expliquer sa mort prématurée.>>.

Homosexuel pouvant tomber amoureux de femmes, Il a été marié et a eu un fils, les notices biographiques du peintre font deviner qu'il était moins désabusé des choses de l'amour que ce qu'il écrit où le désespoir perce sous l'humour ou le contraire: << J'en suis arrivé à penser, peut être pour me protéger, que mon lit est une nef des fous peuplés de jolis mutins, dont l'inventaire serait aussi ennuyeux que, à l'heure du départ, la lecture des noms des passagers embarquant à bord d'un navire.>>, << En tant que spectateur, j'ai toujours trouvé les rapports sexuels plutôt moins intéressants que d'autres sports, sans doute faute d'avoir pu réunir la meilleurs équipe au même endroit, au même moment.>>. Il a ce même regard un peu désabusé sur la vie amoureuse de ses amis, à propos de Cyril Connolly: << Il aurait été d'accord avec Baudelaire pour reconnaître qu'avoir un enfant empêche l'artiste de se réaliser. Mais mieux vaut peut-être deux enfants qu'une syphilis.>>

Anne Dunn et Michael Wishart alors qu'ils étaient mariés

Anne Dunn et Michael Wishart alors qu'ils étaient mariés

Anne Dunn

Anne Dunn

Sa pratique de la peinture se révèle dans l'acuité de son regard et son art du portrait: <<  les jambes de Nancy Cunard, si mince qu'il semblait que deux fils de sa culotte étaient défait. >>. Ce mot d'esprit ne rend pas complètement compte du talent de portraitiste de Wishart car en général il porte un regard bienveillant sur ses modèles. Sur Eluard par exemple: << Paul Eluard hantait les quais de sa longue silhouette, remorquant un cabas qui avait l'air rempli de chagrin, rêveur tuberculeux tout près de retrouver Nouche. Ses portraits écrits me rappellent ceux tracés par Frédéric Prokosch dans « Voix dans la nuit ».

 

Wishart n'est pas qu'un paysagiste avec ses pinceaux, comme le prouve un regard de sa fenêtre à Amsterdam: << Ma chambre donnait sur des quais aux pavé irréguliers. Entre les têtes des garçons aux cheveux de lin qui tiraient des haquets de bière, un marché aux fleurs, flottait sur des barges.>>

Si l'auteur n'oublie pas de parler de lui, c'est même le but de l'exercice des mémoires, on y devine que l'homme était affligé d'une maladie auto-destructrice tout en ne doutant jamais de son génie mais n'écoutant pas ses amies qui était inquiet de voir qu'il dissipait son talent. Ce texte est aussi les confessions d'un alcoolique...

Plusieurs mondes que l'on croyait définitivement engloutis ré-émerge des vagues du temps avec cet ouvrage comme ce Paris pédérastique de l'immédiate après guerre dont les figures, aujourd'hui pour la plupart oubliées, se nomment Jean-Pierre Lacloche et son protégé le poète Olivier Larronde ou encore l'architecte d'intérieur Georges Geffroy, Alexis de Rédé, Maurice von Moppès.

 

la bibliothèque de Georges Geffroy

la bibliothèque de Georges Geffroy

Olivier Larronde par Cocteau

Olivier Larronde par Cocteau

 

Autre univers qui resurgit par instant, celui de la « Café society »: << Je connaissais Peggy depuis toujours. Bien sûr, quand j'entrai dans la chambre qu'elle partageait avec mon oncle Douglas Garman, avant guerre je n'étais pas en âge de comprendre pourquoi un hareng fumé crucifié était suspendu au-dessus du canapé. A dix ans, je ne parvenais pas à donner sens à tout ce que je savais de mon oncle, qui était un communiste influent. Mais il va sans dire que j'appréciai bien sa piscine marxiste; chauffée qui plus est.>>. Wishart évoque très bien la dégénérescence de la café society en jet set...

 

Il y a de nombreuses lignes sur la peinture. Bien sûr à propos des peintres anglais mais plus inattendu aussi sur Max Ernst, Hélion, Giacometti, Utrillo... Wishart, et c'est rare, est un peintre qui sait voir la peinture des autres; sur Francis Gruber: << Le travail de Gruber avait quelque chose de la poésie morbide et hypersensible d'un Géricault.>>; sur Bacon: << Bacon avait affublé le papeInnocent de Velasquez de lunettes brisées, empruntées à l'infirmière qui crie dans « Le cuirassé Potemkine » d'Eisenstein et, inspiré par son intuition naturelle, il avait forcé sa sainteté à hurler, créant ainsi l'une des très rares images séminales de notre temps.>>

Francis Gruber

Francis Gruber

 

Le livre se découpe en courts chapitres eux même divisés en court paragraphe dont beaucoup sont construits comme de petites nouvelles. Le tout est agrémenté de quelques photos bien choisies.

Wishart fut ce que l'on appelait encore dans mon enfance un viveur, mais ce fut aussi un artiste, le meilleur témoignage en est ce livre, et surtout un brave homme. Il est rare que les trois cohabitent chez le même homme.

Peut être que la principale qualité, parmi beaucoup d'autres, du livre de Wishart tient à ce qu'il est resté, malgré sa grande culture et son fabuleux carnet d'adresse, le petit garçon qui soignait ses malheurs en courant la campagne avec sa boite de couleurs.

19 février 2020

Mikolaj Nowack, Baigneurs

Mikolaj Nowack i (Pologne né en 1972) Baigneurs

 

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