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Dans les diagonales du temps
14 avril 2020

La passion Lippi de Sophie Chauveau

  

  

Voilà un livre qui peut seconder un guide de la Toscane pour le voyageur amoureux de peinture (tout en ne perdant pas son regard critique en raison des approximations historique du roman), mais pourquoi aller à Florence si on ne s'intéresse pas à la peinture? La passion Lippi est entre deux genres, ni tout à fait une biographie ni vraiment un roman, j'aurais aimé que l'auteure est plus d'audace pour remplir les zones d'ombre de la vie de Filipo Lippi (1406-1469) en particulier celles de son enfance dont on ne sait presque rien. Il n'aurait pas été non plus été inutile que Sophie Chauveau nous communique ses sources et cite en particulier Vasari auquel le roman doit beaucoup, et plus encore, mais peut être a-t-elle peur qu'on lui reproche les libertés qu'elle a prises avec la vérité historique. Autre remarque sur l'objet livre si les descriptions des fresques et panneaux sont brillantes, on regrette néanmoins l'absence d'illustrations fournies en annexe. La passion Lippi nous raconte la vie du peintre de l'instant où il rencontre son protecteur, Cosme de Médicis en 1414 jusqu'à sa mort en 1469. C'est la description de la relation très complexe qui lie le peintre à son mécène qui est le pan le plus intéressant et le plus réussi du livre L'auteure en profite pour brosser à grands traits la société florentine de l'époque et en particulier les milieux artistiques et ecclésiastiques. Dans son roman on côtoie Cosme, Pierre et ( le jeune ) Laurent de Médicis, Masacio ( génie précoce mort prématurément ), Masolino, Uccello, Fra Angelico, Fra Diamante, l'assistant dévoué de Lippi. « La passion Lippi est le premier volume d'une trilogie. Il est suivi par « Le rêve Botticelli » (Botticelli apparaît à la fin de « La passion Lippi », il fut l'élève de Lippi. Le fils de Lippi, lui même peintre de talent deviendra l'élève, le compagnon et l’amant de Boticelli) et par « L'obsession Vinci ».

    

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Je suis un lecteur lambin, d'abord parce que plus le temps passe, plus ma concentration s'évapore, mes yeux quittant l'ouvrage que je suis en train de lire s'égarent dans le paysage mais surtout j'aime approfondir le sujet que le roman traite ou prend comme décor et cela surtout s'il s'appuie sur un sous texte historique. C'est bien le cas avec « La passion Lippi » ainsi j'ai voulu confronter les événement de la vie du peintre tels que Sophie Chauveau les met en scène dans « La passion Lippi » avec d'autres sources, avec en premier lieu ce que dit mon grand Larousse en dix tomes. Et là surprise la notule du dictionnaire mentionne que: << Ayant quitté la vie religieuse, il fut pris par un corsaire, emmené en Afrique, il ne revint à Florence qu'en 1438...>>, alors qu'il n'y a rien de cet épisode dans le roman. L'encyclopédie Larousse est plus prudente puisqu'on peut y lireque l'histoire de son enlèvement par les " Mores " et de sa captivité en " Barbarie " soit probablement le fruit de l'imagination de Vasari.L'auteure nous présente même Lippi comme un sédentaire qui répugne à quitter sa ville de Florence et craint d'aller à Rome et à Venise! Ensuite je vais voir du coté de Wikipedia où rien n'est dit sur cette aventure africaine (je n'en ai trouvé mention nulle part ailleurs que dans mon vénérable dictionnaire), en revanche j'y lit que Lippi a rencontré Masaccio avant Fra Angelico qui est présenté par Sophie Chauveau comme le maitre de Lippi dés sa prime enfance! En regardant attentivement l'oeuvre de Lippi, il me semble que la rencontre de Fra Angelico après celle de Masaccio me paraît plus probable.

  

  

  

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La peinture de  Massacio, très présent dans l'ouvrage, Adam et Ève chassés du paradis avant et après suppression des ajouts de censure par restauration.

C'est vraisemblablement en 1674, sous le règne du bigot Cosme III de Médicis, que la nudité d'Adam et Ève a été habillée de feuilles. La restauration de 1980 a permis de revenir à l'état originel et non censuré.

Sous la plume d'un docte spécialiste, (je conseille vivement de lire et d'admirer la page consacrée à Lippi à cette adresse: http://www.aparences.net/le-quattrocento/fra-filippo-lippi/) je lis que << D’aucuns ont voulu rapprocher la vie pleine d’originalité de Lippi de ces œuvres. Mais s’il est vrai que sa vie privée peut (et doit, dans une certaine mesure) avoir influencé son profil artistique, il faut aussi souligner que le monde pictural de Lippi ne peut être entièrement compris si l’on ignore le contexte dans lequel il exécuta les différentes commissions, et la grande diversité de celles-ci.>>. C'est exactement la démarche de Sophie Chauveau faut-il encore que les événements narrés soient exacts.

  

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Si j'aime les romans dans l'Histoire, ce qui n'est pas tout à fait la même chose que les romans historiques, je suis pointilleux sur l'exactitude des faits rapportés lorsqu'ils sont connus, au romancier d'imaginer ce qui s'est déroulé dans les trous, et ils sont souvent nombreux, de la biographie du personnage historique qu'il a pris pour héros. C'est ce que n'a pas complètement fait Sophie Chauveau.

  

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couronnement de la vierge par Fra Angelico (au Louvre)

  

Si le style de Sophie Chauveau est fluide ses propos sont souvent assez mièvres surtout en regard de son sujet, j'ai eu parfois l'impression de lire une « belle histoire de l'oncle Paul, les vieux lecteurs de Spirou me comprendront. Un des points d'achoppement de l'ouvrage est que le personnage de Lippi reste souvent rebutant et antipathique, tant par son caractère propre que par les réactions et pensées que lui attribue Sophie Chauveau qui me paraissent parfois anachroniques.Lippi étant un incontestable débauché qui alla, tout moine qu'il était, jusqu'à engrosser la nonne qu'il avait choisie pour être le modèle de Marie dans uns de ces tableaux d'annonciation, mais l'on reste à la porte des chambres. C'est je crois la première fois, que le fait qu'un livre soit écrit par une femme m'a gêné, car un homme ne se serait pas étendu autant sur l'épisode de l'accouchement de la dite nonne et n'aurait pas ainsi autant déséquilibré cette biographie romancée de Lippi donnant trop d'importance à cet épisode; considérations sur le sexe de l'auteur qui ne peut éfleurer mon esprit à la lecture de Marguerite Yourcenar ou de Zoé Oldenbourg, immenses auteures de romans dans l'Histoire... En outre l'auteur hésite constamment entre le ton du documentaire et celui du roman, avec des envolées lyriques pas toujours bien venues et force points d'exclamation. Les passages qui suivent, donnent un assez bon exemple du ton du livre: <<Flamina ne se demande plus quel sortilège cet enfant a jeté sur ses filles, et sur les filles de joie en général. Elle sait. Ils sont de la même espèce. Issus de la même misère. Elles n'avaient que le choix de vendre leur corps, même les plus jolies. Surtout les plus jolies ! Alors que Lippi, tout ravissant soit-il, et Flamina l'a vu devenir aussi beau que grand, il a de l'or dans les mains et un si grand ciel bleu dans les yeux. C'est pour ce bleu-là, qu'il distribue avec une ferveur généreuse, que les bordels lui sont grands ouverts. Toutes, il les fait rêver comme on n'a pas le droit quand on est pauvre. A toutes, il offre des bouquets de promesses avec les fleurs des champs qu'il ne manque jamais de leur cueillir en venant. Il est leur seul "au-delà". La certitude qu'un ailleurs existe, même si on n'y va pas souvent. 
A force le les traiter en princesses, de leur jurer qu'elles sont filles e Vénus pareilles aux belles qu'il dessine au ciel de tous leurs lits, est née la légende de Lippi, prince des bordels ! >> ou encore << Florence est parcourue d'un grand frisson d'audace. Oser pareille idée ! Y souscrire collectivement ! L'unicité exalte, met en valeur ce qui distingue chacun ! Sortir du lot ! S'extraire du magma confus des communautés et des clans : Allez ! Que la course commence !>>

  

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Il faut remercier Sophie Chauveau d'attirer l'attention sur un peintre un peu méconnu en France, bien qu'une de ses Vierges ait connu des moments de gloire dans les années 1950 comme image de communion!

Le lecteur avide de savoir sur les techniques picturales de l'époque restera sur sa faim, néanmoins on apprend beaucoup de chose sur la Florence du quattrocento, disons principalement sur l'air du temps, ce qui me paraît essentiel et aussi que Filippo Lippi a imposé un rapport nouveau entre l'art et le monde de l'argent. Il est le premier à faire passer les peintres du statut d'artisans estimés à celui d'artistes reconnus. On voit également que la plupart des grands artistes de ce temps préféraient, contrairement à Lippi, les garçons aux dames...

  

  

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Vierge à l’Enfant et deux anges, (Florence, Offices). Il s’agit de la plus célèbre des représentations sacrées de Lippi, dont le musée des Offices possède également le dessin préparatoire. Le groupe, qui influencera profondément Botticelli, semble émerger depuis le fond du tableau avec une délicatesse qui rappelle les reliefs de Donatello et de Luca della Robbia. Mais le paysage à l’arrière-plan, qui constitue comme un tableau dans le tableau, annonce déjà les vastes paysages de Léonard de Vinci..

  

L'Annonciation, Filippo Lippi, Spoleto

L’Annonciation « Scènes de la vie de la Vierge », détail de la Vierge, fresque, 1467-1469, , (Spolète, Cathédrale)

cette vierge est le portrait de Lucrezia, l'épouse du peintre, une ancienne nonne!
 

Retable Barbadori, Filippo Lippi, Paris, musée du Louvre

Vierge à l’Enfant avec des anges et des saints, (Retable Barbadori), Filippo Lippi, (Paris, musée du Louvre). La grande innovation de ce retable, outre le dosage magistral de la lumière – diffuse, atmosphérique – consiste dans la conception même de la scène, laquelle semble se dérouler dans une atmosphère réelle extrêmement raffinée. À l’arrière-plan, à gauche, dans le mur enrichi de panneaux de marbre veiné, l’on entrevoit une fenêtre ouverte, et à travers la fenêtre un vrai ciel, avec de nuages. Filippo montre une sensibilité particulière aux éléments iconographiques les plus actuels.

 

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Couronnement de la Vierge, 1443-1447, Filippo Lippi, Florence, Offices

Couronnement de la Vierge, Filippo Lippi, Florence, Offices

Couronnement de la Vierge, 1443-1447, Filippo Lippi, (Florence, Offices). Ce tableau, terminé en 1447, présente une composition encore une fois révolutionnaire, et pas seulement en raison des éléments iconographiques qu’il contient. Si dans les retables de sujets analogues, l’épisode était représenté baignant dans une atmosphère céleste, ici par contre Lippi, bien que s’attachant à l’idée de l’arrivée de la Vierge au ciel, situe le récit comme dans une grande scène de théâtre, avec des personnages tangibles, toujours réalistes. Beaucoup de personnages semblent croiser leurs regards avec ceux des spectateurs, selon un procédé théorisé par Leon Battista Alberti dans son traité de peinture.

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13 avril 2020

inédit de Montherlant: un crépuscule au Sahara

 

inédit de Montherlant: un crépuscule au Sahara
inédit de Montherlant: un crépuscule au Sahara
inédit de Montherlant: un crépuscule au Sahara
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inédit de Montherlant: un crépuscule au Sahara

 

 

inédit de Montherlant: un crépuscule au Sahara
12 avril 2020

Kafka sur le rivage d'Haruki Murakami

 

 

Il me paraît indispensable de commencer par une esquisse de résumé de "Kafka sur le rivage (paru au Japon en 2003 et en 2006 en France), sans spollier pour autant, tout en sachant que tenter de résumer un livre aussi riche et passionnant est dérisoire. Durant plus de six cents pages nous suivons le parcours de deux héros en parallèle. Tout d'abord un adolescent de quinze ans, Kafka Tamura, jeune fugueur en quête de lui-même, affublé d’un double dénommé Corbeau (Kafka veut dire corbeau en tchèque), le Kafka du titre, qui décide de fuguer du domicile à Tokyo, qu'il partage avec son père, un célèbre sculpteur, qui a proféré à son endroit une prophétie ressemblant à une malédiction oedipienne. Kafka part pour le Shikoku, une île située au sud-ouest d'Osaka ce qui le mènera jusqu'à une ville éloignée et un emploi dans une bibliothèque bien particulière (le rêve pour ce gros lecteur). L'autre protagoniste principal de l'aventure est un vieil homme, Nakata, amnésique depuis l'enfance, suite à un événement traumatisant qui lui a littéralement vidé la mémoire, lui l'empêchant par la suite presque tout apprentissage; il ne sait ni lire ni écrire. Nakata prend aussi la route, suite à un crime qui ne serait pas sans rapport avec le jeune Tamura. Nakatase considère lui-même comme quelqu'un de stupide et de limité. Mais il a l'étrange capacité de parler aux chats (propriété que j'envie beaucoup, je suis sans cesse à me demander ce que pense mon chat), ce qui fait que les habitants de son quartier font souvent appel à lui lorsque leur chat disparaît. Si je recommande chaudement le livre, entre autres aux amoureux des chats, je leur conseille de sauter le chapitre 16 qui risque de leur être fort pénible; leur compréhension du roman n'en souffriront pas. L'auteur n'est pas avare en répétition pour les actions principales, un peu comme dans les roman feuilletons... Nakata et l'adolescent, bien qu'habitant à proximité, (l'arrondissement de Nagano, à Tokyo) ne se connaissent pas mais semble reliés par un fil invisible: << L'existence de chaque humain est vouée à une stricte solitude, mais nous sommes reliés les aux autres par des archétypes immémoriaux (…) La responsabilité commence dans les rêves >>.

Murakami n'omet aucun détail des agissements de ses personnages, si bien que lorsque Kafka se brosse les dents, ce que l'auteur n'oublie jamais de mentionner, on est surpris de ne pas connaître la marque du dentifrice qu'il utilise! Cette accumulation de détails triviaux pourrait rendre la lecture du roman fastidieuse et pourtant il n'en est rien. C'est même sans doute ce qui nous fait entrer si facilement en empathie avec les différents protagonistes qui nous deviennent vite sympathiques. Dans cet extrême naturalisme l'écrivain instille habilement des doses de fantastique au moment où la lassitude pourrait gagner le lecteur, relançant ainsi l'intérêt du lecteur pour l'histoire qu'il raconte.

Le style d'écriture d'Haruki Murakami est fluide. Il est composé de phrases courtes composant de courts chapitres voués alternativement à chacun des deux héros.

L'originalité du livre vient aussi de la cohabitation dans un même chapitre de scènes surréaliste avec des dialogues bien ancrés dans la réalité et l’actualité que nous connaissons avec des références à Schwarzenegger, Johnny Walker nommé Walken par dérision ou au colonel Sanders des Kentucky Fried, le tout avec beaucoup d’humour. Si on ajoute que dans les deux récits parallèles la frontière entre le rêve et la réalité devient de plus en plus floue au fur et à mesure que l'on avance dans le livre, voilà qui pourrait désarçonner bien des lecteur, alors que si on s'abandonne au désir, qui est grand de connaître de la suite du devenir du séduisant Tamura la lecture devient des plus facile. Il faut également accepter de ne pas se frustrer des pistes narratives abandonnés par l'auteur. Une fois l'ouvrage refermé, il restera de nombreux mystères qui ne seront pas élucidés.

Seul obstacle à la fluidité de la lecture est qu'elle est parfois polluée par la répétition très rapprochée de mots peu usuels, comme duralumin, au début du récit. Ne lisant pas le japonais, je ne sais si ces scories sont dues à l'auteur ou à sa traductrice, Corinne Atlan. Autre défaut qui me semble du à un manque de rigueur de l'auteur, on ne travaille jamais assez un manuscrit, certaines descriptions sont à la fois répétitives, superflues et écrite bien platement. On trouve aussi des rappels superflus de ce qui s'est passé précédemment par exemple, lorsque kafka recontacte la jeune Nakura, il expose longuement tout ce qui s'est passé depuis leur dernière entrevue et l'appel telephonique actuel : début du chapitre 29, deux pages (366-367) qui ne sont que des redites pour le lecteur. Je ne sais si c'est une maladresse ou un procédé pour rafraichir la mémoire du lecteur, cette habitude est fréquente dans les romans japonais qui sont encore aujourd'hui très largement pré publiés par tranches dans les revues littéraires qui également font figurer des nouvelles à leur sommaire. Ce qui explique que beaucoup d'écrivains japonais aient commencé leur carrière par un recueil de nouvelles.

Sans préjuger, si c'est le fait que la narration est faite à la première personne du singulier, surtout pour ceux qui racontent les péripéties de Tamura, dans ceux dédiés à Nakata le « je » est partagé entre le vieil homme et un compagnon de voyage, mais nous entrons rapidement en empathie, aussi bien avec le vieux Nakata qu'avec le jeune Tamura.

  

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On voit rapidement que l'auteur n'est pas de culture judéo chrétienne, alors que ses références, sur lesquelles je reviendrais, sont majoritairement occidentales, par exemple par les considérations factuelles sur la beauté des personnes quelles qu'en soient le sexe et l'âge. Propos un peu surprenants, mais comme sa maturité en générale, dans la bouche d'un garçon de quinze ans. En aparté je confesse que j'aurais beaucoup aimé (il me semble qu'il est un peu tard aujourd'hui pour cela) rencontrer dans ma vie un adolescent aussi fin et perspicace que Tamura, non que je n'ai connu que des nigauds de cet age, mais mes connaissances n'eurent malheureusement jamais l'intelligence de ce jeune japonais, si bien que je me demande si une telle clairvoyance est possible, donc crédible, fin de l'incise. Le fait le plus évident, qui montre que notre auteur n'a pas fait ses humanités du coté de Princeton ou de la Sorbonne, est qu'il présente la relation sexuelle entre un adolescent de quinze et une femme de cinquante ans avec beaucoup de naturel et sans fausse pudeur. A ce propos, les critiques japonais qui reprochent son américanisme à Murakami ne doivent pas être très au fait du puritanisme de leurs anciens occupants...

  

J'écrivais préalablement que la majorité des références culturelles de Murakami dans le roman sont occidentales: Sophocle (ce qui n'est pas surprenant Murakami à étudié le théâtre grec à l'université), Shakespeare, Dostoïevski,aux philosophes, Hegel, Bergson, à la psychanalyse..., il cite tout de même le dit du Genji, Tanizaki et Soseki... A ces citations qui sont faites avec beaucoup de légèreté, les personnages parlent volontiers entre eux de littérature, de musique, de philosophie... A cela il faut ajouter les influences et les inspiration, mais je n'en ai décrypté que quelques unes, comme par exemple celle d'Homère, à la fin, on pense à Ulysse qui va retrouver le fantôme de sa mère morte; le personnage du compagnon de route de Nakata m'a évoqué irrésistiblement le Candide de Voltaire, les scènes érotiques m'ont rappelé par leur climat celles des « Mille et une nuit (que lit Tamura dans la bibliothèque refuge). On peut aussi citer le Boulgakov du « Maitre de Marguerite » pour les animaux qui parlent.

A la place d'occidentale, j'aurais du écrire européenne car les allusions à la culture américaine se circonscrivent au domaine musical, jazz et pop (mais on trouvera aussi mention de la musique Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert), ce qui est tout de même curieux lorsque l'on sait que Murakami est le traducteur en japonais de Carvers et de Scott Fitzgerald, entre autres. Sur « l'américanisme » de Murakami, que pour ma part je ne perçoit pas dans « Kafka sur le rivage », il faut lire le passionnant article de Reiichi Miura sur Murakami dans le hors série de la revue « Books » consacré aux best-sellers. Miura y écrit: << Murakami est un auteur japonais qui écrit des romans américain (…) Il trouve aux Etats-Unis, non des pères, mais des frères, alors même qu'il ne trouve ni les uns ni les autres au Japon.>>. En ce qui me concerne, il me semble pourtant que la proximité littéraire d' Haruki Murakami avec son homonyme Ryû Murakami est indéniable en particulier lorsque l'on compare « Kafka sur le rivage » avec « Les bébés de la consigne automatique de Ryu Murakami. On trouve dans les deux romans le dérapage du naturalisme vers un fantastique tantôt noir, tantôt goguenard. La curiosité culturelle des personnages de « Kafka sur le rivage », qui semble aller de paire avec un nomadisme géographique me semble entrer en écho avec le livre d'Asada Akira, »Le discours de la fuite (1984) qui encourage ses lecteurs a adopter une attitude ouverte et transversale vis à vis des différentes cultures.

Je ne crois pas contrairement à ce qu'écrit Miura que Murakami ait trouvé véritablement de frère dans la littérature américaine, tant son originalité est grande, mais il a fait un émule dans les lettres anglaises en la personne de David Mitchell qui a résidé plusieurs années au Japon. Chez l'anglais on retrouve le même talent pour enchâsser dans l'histoire principale de multiples récits annexes, la même cohabitation du réalisme le plus terre à terre avec un fantastique qui surgit du quotidien...

Une des particularités principales de Murakami dans le monde littéraire japonais est que les traductions de ses romans, très nombreuses et dans de nombreux pays (voir à ce sujet le numéro 13 de « Zoom Japon » daté de septembre 2011) sont plus lues que leur version originale, même s'il connait un immense succès dans son pays.

D'autre part, il est loin de faire l'unanimité critique dans son pays. Il faut tout d'abord dire que le monde littéraire japonais est encore plus formel que le notre. La production de livres y est très clivée. Elle se scinde en deux groupes, la jun-bungaku, la littérature pure, qui connait le plus souvent que des tirages modestes mais qui a droit de citer à l'université, et taishu-bungaku, la littérature de divertissement, romans sentimentaux, policiers, de science-fiction chez qui se recrutent les best-sellers. Je pense que la méfiance et l'hostilité à l'égard de Murakami des milieux universitaires japonais vient qu'il transcende largement ce clivage, mêlant dans ses romans considérations philosophiques à une trame policière où s'invite le surnaturel. C'est le mélange d'extrême naturalisme et de fantastique débridé qui en effet peut décontenancer. Il instaure le brouillage des genres comme règle.

De grands spécialistes de la littérature japonaise, comme Massao Miyoshi tiennent Murakami comme un entrepreneur cynique qui n'a jamais écrit une ligne par inspiration ou sous l'emprise de l'émotion. Kenzaburo Oê (Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants) quand à lui voit Murakami comme antinationaliste culturel, ce qui n'est pas forcément un compliment venant de lui (on remarquera qu'avec Oê, au Japon, le nationalisme ne se situe pas qu'à la droite de l'échiquier politique). On rappellera que le thème qui coure dans toute l'oeuvre de Oê est le ressentiment causé par la défaite. Oê reproche l'absence de ce thème dans les romans de Murakami; ce qui pourrait simplement s'expliquer du fait que ce dernier est plus jeune d'une génération que Oê... Une autre grande voix de la critique japonaise, Yôichi Komori accuse Murakami d'avoir, avec « Kafka sur le rivage » << rédigé un récit exécuteur qui apporte un soulagement malsain à ses lecteurs traumatisés par la violence du monde d'après 11 septembre 2001.>>.

En ce qui me concerne, je ne comprend guère ce que Yôichi Komori veut dire par là, même si les derniers chapitres avec leur fumet new-age peuvent être vus comme un baume à notre peur de la mort, l'insatiable curiosité intellectuelle et l'ouverture d'esprit des personnages du roman, ne peuvent qu'inciter les lecteur à prendre des risques, à s'ouvrir aux autres et à ne pas se replier sur eux mêmes. Kafka sur le rivage est surtout un roman optimiste et volontariste montrant que l'on peut faire surgir l'étincelle de vie chez l'autre qui sommeillait...

Plus qu'un auteur en rupture avec la grande littérature de son pays, je verrais au contraire en Murakami un écrivain dont certaines des pages me paraissent en continuité avec le Tanizaki d' « Eloge de l'ombre », paru en 1933, et sa conception de la beauté qui montrait que la spécificité de la civilisation nipponne n'est pas fondée sur la transparence ni sur la clarté des choses mais, au contraire, sur le clair-obscur qui les enveloppe constamment de mystère : un art du flou, un frémissement crépusculaire dont Tanizaki décrypte les codes secrets dans le galbe délavé d'une pierre de jade ou la pénombre tamisée d'un temple. Les songes de Kafka Tamura dans la forêt de son refuge et les mystères de la pierre de Nakata, sans oublier les crayons du bel Oshima, mentor de l'adolescent ne sont pas éloignés des considérations de Tanizaki comme le démontre cet extrait: " Confortablement installé sur le canapé, j’observe les alentours et me rends compte que ce salon est exactement l’endroit que je cherchais depuis longtemps. Un endroit secret, tapi dans un creux du monde, exactement comme celui-ci. Mais jusqu’ici ce lieu n’existait que dans le secret de mon imagination. Je n’arrive pas encore à croire tout à fait qu’il existe réellement. Je ferme les yeux, inspire profondément, et il s’installe doucement en moi, comme un doux nuage. C’est une sensation agréable. ". L'amours impossibles de Tamura pour l'apparition de la jeune Saeki quand à lui m'a fait penser aux rapports qu'ont les vieillard avec « Les belles endormies » de Kawabata. La profonde humanité qu'émane de Nakata est semblable avec celle que l'on ressent en côtoyant les handicapés d'Oê. On peut aussi rapprocher l'absurde de Murakami (qui a du lire beaucoup Beckett) avec celui de Yoko Ogawa... Les points communs avec son homonyme Ryu Murakami sont nombreux. Il est amusant de noter qu' Haruki ne cite jamais le nom de Ryu Murakami pourtant il lui a sinon empreinté tout du moins il partage avec Ryu, son talent pour passer avec fluidité du naturalisme au fantastique, certes celui d'Haruki est moins noir que celui de Ryu.

Sur le vide et le plein de la vie est une interrogation que l'on retrouve dans tout l'ouvrage: << … le jeune homme laissa son esprit errer parmi ses souvenirs d’enfance. Il se rappela l’époque où il allait tous les jours à la rivière, près de chez lui, pêcher des loches. « c’était une époque sans soucis. Je prenais chaque jour comme il venait, j’étais quelqu’un. Ca se faisait tout naturellement. Mais un beau jour tout s’est arrêté. Et la vie m’a réduit à n’être personne. Drôle d’histoire. L’homme naît pour vivre, non ? Pourtant, plus le temps passait, plus je perdis ce qui constituait mon noyau intérieur, jusqu’à avoir l’impression d’être devenu totalement vide. Et peut-être que désormais, plus je vivrai, plus je deviendrai vide, moins j’aurai de valeur. Il y a eu une erreur quelque part. Jamais entendu une histoire si bizarre. Est-ce que je peux faire quelque chose pour changer la direction du courant ?>>

Kafka sur le rivage est un roman initiatique, ou plutôt de formation,où les deux “héros” vont progresser dans la recherche d'un but, d'un sens à leur vie respective, cheminement rythmé par des rencontres fortuites de personnages extravagants à la psychologie pourtant toujours juste, presque chaque nouveau venu porte une grande attention et font preuve d'une grande écoute pour nos deux vagabonds.

Par son roman Haruki Murakami nous met face à nous même, nous invite à trouver notre propre chemin (bien que d'une teneur très positive tous les personnages ne trouvent pas leur voie); il nous transporte dans un monde inquiétant, déstabilisant, où pourtant le lecteur se retrouve seul face à lui-même, à sa vie et à son destin dans un « ailleurs » qui paradoxalement est aussi son univers.

On peut rapprocher la technique romanesque de Murakami dans ce roman avec celle de David Lynch dans son film Mulholland drive. Deux oeuvres ouvertes, fondées sur différentes manières d' interpréter ce que l'on lit ou ce que l'on voit, ce qui fournit au lecteur la sensation d’être intelligent. Ce qui n'est pas désagréable. Le lecteur de Murakami est entretenu ainsi tout au long du livre dans l’espoir de parvenir à découvrir le détail qui confirmera que son interprétation initiale était juste. Et même si cet élément n’existe évidemment pas, il a connu un grand plaisir à pratiquer une lecture active... Si je cite Linch, je rappellerais que le seul cinéaste qui soit cité dans le livre est François Truffaut, mais c'est à un autre grand réalisateur à qui me songer l'univers de Murakami, il s'agit de Raul Ruiz qui écrivait à propos de ses "Mytères de Lisbonne", autre oeuvre qui ne délivre pas tous ses secrets: << L'époque du drame moderne, où chaque personnage sait ce qu'il veut et pourquoi il le veut, n'est plus. Ce genre est devenu obsolète, hors d'usage, irreel. La logique des effets et des causes à tout prix propre au drame moderne a fait place aux turbulences paranoiaque du monde de la mondialisation>>. Il disait également que l'un de ses mythes personnels le conduisait à concevoir la vie humaine comme un voyage vers le passé, le présent étant constitué des turbulences qui accompagnent ce parcours. Comment en lisant ces propos ne pas penser à la posture de Mlle Saeki face au temps. 

A travers des péripéties les plus incongrues, il faut se laisser embarquer dans cette quête, ce qui n'est pas difficile, tant Murakami possède la science du suspense, et ne pas renâcler devant une pluie de sangsues ou une pierre qui parle et accepter avec évidence comme le font les personnages les fantômes ou un esprit qui peut s'incarner dans une icône de la société de consommation Si les situations cocasses ne manquent pas, ni les tristes, parfois cruels, parfois humoristiques, elles sont toujours émouvantes.

  

Comme à mon avis pour tout grand livre, le vrai sujet de Kafka sur le rivage est le temps, je l'ai déjà écrit ici et là ou plus exactement sa perception donc peu ou prou la mémoire, c'est en cela que paradoxalement on peut le qualifier de proustien (les japonais sont grands lecteurs du divin Marcel). Dans le magazine littéraire 517 de mars 2012 Michel de Boissieu en tire une conclusion périlleuse mais séduisante: << Kafka Tamura est incapable de donner un sens à son expérience en se la rappelant... Il ne peut trouver les mots pour critiquer ou se révolter et cette paralysie de la pensée s'étend du narrateur au lecteur. Dans ces conditions « Kafka sur le rivage » devient un récit assassin de la mémoire qui reproduit la machine à exécuter d' « A la colonie pénitentiaire » (cité dans le roman) de Kafka.>>.

Le roman contient cette phrase: << Ce que l'on nomme surnaturel n'est autre que les ténèbres de notre propre esprit. >>, que l'on pourrait mettre en exergue de l'oeuvre de Murakami.

Au fil des page de son roman que l'on peut qualifier de déraisonnable,, Murakami, par petites touches suggère qu'il y a plusieurs mondes parallèles qui parfois communiquent et que tout est en relation, les hommes, la nature, le cosmos l'univers des rêves...

  

Nota:

-1 On lira avec profit la critique d'Argoul à cette adresse: http://argoul.com/2011/12/14/haruki-murakami-kafka-sur-le-rivage/

-2 Robert Sandoz a adapté le roman pour le théâtre (si quelqu'un connait une captation de cette pièce, je serais très intéressé de la voir) a communiqué quelques notes de lecture qui relève d'une interprétation originale auxquelles j'adhère globalement: << Quelle violence et quelle douceur entremêlées. Rendre cette impression d’optimisme et de pessimisme conjugués. », « Il n’y a ni jugement ni thèse psychologique. Il y a lutte pour ou contre son destin. Freud est à bannir de cet OEdipe .», « Il n’y a pas de frontière entre réel et imaginaire, tout est perméable. Il faudra recréer ce monde pour le spectateur, un monde où tout arrive, car les forces, dieux, esprits, ou ce que l’on veut, nous entourent et nous parlent en prenant l’apparence d’un logo, ou d’un arbre ». « Murakami nous fait oublier la frontière entre le bien et le mal. Ce qui arrive arrive. ». Pour en savoir plus sur cette adaptation: http://www.theatre-contemporain.net/spectacles/Kafka-sur-le-rivage/

11 avril 2020

Le poète et le petit garçon, un inédit de Montherlant

 

Le poète et le petit garçon, un inédit de Montherlant
Le poète et le petit garçon, un inédit de Montherlant
Le poète et le petit garçon, un inédit de Montherlant
Le poète et le petit garçon, un inédit de Montherlant
Le poète et le petit garçon, un inédit de Montherlant
Le poète et le petit garçon, un inédit de Montherlant
Le poète et le petit garçon, un inédit de Montherlant
Le poète et le petit garçon, un inédit de Montherlant
Le poète et le petit garçon, un inédit de Montherlant
Le poète et le petit garçon, un inédit de Montherlant
Le poète et le petit garçon, un inédit de Montherlant
Le poète et le petit garçon, un inédit de Montherlant
Le poète et le petit garçon, un inédit de Montherlant
vieillard et éphèbe arabes à la campagne de Delacroix

vieillard et éphèbe arabes à la campagne de Delacroix

En lisant cet article paru dans l'Intran le 28 décembre 1927, j'ai pensé à Augérias...

  

Le poète et le petit garçon, un inédit de Montherlant
11 avril 2020

La course au Mouton sauvage de Murakami

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Il n'est pas inutile, en préambule, de préciser que ce roman est un des premiers de Murakami et qu'il a été publié au Japon en en 1982 au Japon et a été traduit en français en 1990. Il est le premier véritable succès de l’auteur, qui avait déjà écrit deux romans alors.

Le narrateur (dont on n’apprend pas plus le nom dans ce livre que dans Danse danse qui reprend le même narrateur, d'ailleurs dans ce roman aucun personnage n'a de nom mais parfois des surnoms ou est désigné par son activité) est publicitaire à Tokyo. Il a du mal à s’engager et à donner du sens à sa vie banale. Jusqu’au jour où il est approché par un mystérieux homme à cause d'une photographie qui lui a été envoyé par un ami qu'il a perdu de vue depuis plusieurs années, photo qu'il a publiée dans le cadre de son travail. Sur cette photographie figure un paysage montagneux occupé par des moutons. Mais à y regarder de plus près, on y découvre un mouton différent des autres. Il a une étoile sur le dos. Ce mouton aurait jadis investi l'esprit du « Maitre », patron de l'homme mystérieux et lui aurait permis d'atteindre une grande puissance. Le Maître, dirige une puissante organisation occulte d’extrême droite (enfin d'extrême droite, c'est ce qui est écrit, mais je ne vois pas en quoi elle mérite cette appellation. Il faut dire que l'extrême droite au Japon est un épouvantail que l'on agite encore plus qu'en France, on y agite également, mais avec moins de vigueur celui de l'extrême gauche. Ces entités politiques sont la-bas moins fantasmagoriques qu'ici...). Cette organisation a la mainmise sur la politique, l'économie et la presse, par là même sur leur destinée. Le narrateur, décontenancé, se voit forcé de partir à la recherche de ce mouton ! Il n'a guère la possibilité de refuser car le messager de l'organisation le menace de graves sévices s'il refusait cette mission.

La chose la plus extraordinaire c'est que le lecteur va finir par trouver cette histoire extravagante presque normale et ce n'est pas le moindre talent de Murakami mais auparavant il aura eu néanmoins quelques obstacle à franchir. Tout d'abord un début languissant et de prime abord un manque d'intérêt pour le personnage principal. Une des difficulté à rentrer dans le livre est la médiocrité du héros. J'ai l'intuition que la lecture réveille dans le lecteur la mégalomanie qui ne sommeille que d'un oeil chez bien des hommes; car si le lecteur est tout prêt à s'identifier à un empereur romain, à un chef de gang, à un génie quelconque, il a beaucoup plus de mal à rentrer dans la peau d'un trentenaire japonais dont la plus grande qualité est l'indécision... Mais à mesure que son indécision se guérit, le héros devient de plus en plus attachant... Ce qui est heureux pour les vente futures de l'auteur puisque la fin relativement ouverte de « La course au mouton sauvage » lui permet de faire venir notre publicitaire à l’hôtel du Dauphin (lieu crucial du roman) cinq ans plus tard dans Danse Danse Danse, car le narrateur ressent le besoin de revoir les gens qu’il a croisés lors de sa quête de l'animal à poil laineux.

Autre tour de force de l'auteur, et qui aide à la crédibilité de cette pourtant incroyable aventure, celui de l'inscrire dans l'Histoire du Japon. Le romancier aborde par exemple l'épopée de l'occupation d'Hokkaido, qui fut un peu le Far-west japonais; occupation qui ne commença vraiment qu'à partir de la seconde moitié du XIX ème siècle (ce que n'ignorent pas les lecteurs du magnifique livre de Nicolas Bouvier, « Chronique japonaise »).

Le roman commence un peu comme un roman de Modiano, (Dans le café de la jeunesse perdue) mais dans ce chapitre la comparaison stylistique avec Modiano n'est pas à l'avantage du japonais... Le narrateur nous parle à la première personne du singulier, d'une fille facile qui attend tous les jours, dans un café d'étudiants, le garçon qui règlera la note de ses consommations de la journée, contre quoi elle fera l'amour avec lui. Nous sommes en 1970 et celui qui parle à vingt et un ans et à connu cette fille l'année précédente. Ces dix premières pages n'auront aucune incidence sur la suite du récit. Nous avons droit ensuite aux déboires conjugaux du monsieur, cette fois nous sommes en 1978 et nous n'en bougerons plus. Notre jeune homme se console bien vite de l'abandon de sa femme avec une jeune femme qui l'a subjugué par la beauté de ses oreilles et qu'il va entrainé dans son enquête sur le mystérieux quadrupède frisé. Si le lecteur a été pugnace il sera arrivé déjà à la page 56 que l'on peut considérer comme le véritable début du roman qui va encore aller doucement jusqu'à la pages 126 avec la rencontre entre notre terne, jeune homme (il vient juste d'avoir trente ans) et « un homme étrange aux propos étranges ». Le roman décolle enfin et devient délicieusement mystérieux. L’intention de l’auteur est probablement jusque là de nous faire ressentir dans un style naturaliste et terne la vacuité de la vie du narrateur.

Le style de Murakami est à la fois plat et fluide mais heureusement ses phrases souvent anodines contiennent parfois des trouvailles imagées épatante comme: << De temps à autre, quelqu'un toussait en faisant un bruit sec comme si l'on frappait la tête d'une momie avec des pincettes.»ou «J'imaginais les moutons fixant chacun de leurs yeux bleus leur portion de silence.» et plus loin << "Son visage n'avait pas la moindre expression. Il me rappela cette photo d'une ville engloutie sous la mer que j'avais vue un jour>>. Ces trouvailles langagières qu'on hésite à qualifier de poètiques en regard des l'objets sur lesquelles elles reposent m'ont fait penser à la collision improbable d'une page de Bret Easton Ellis avec une de Raymond Queneau... 

L'écriture de Murakami est principalement une écriture de l'action et du dialogue, une écriture où la description n'a que peu de place surtout celles des paysages qui sont assez rares et peu convaincantes ce qui est assez paradoxale, car la nature tient un grand rôle dans le livre et probablement chez Murakami comme chez beaucoup de japonais.

Ce qui est amusant est que le héros, tout comme le lecteur ne se comprend jamais totalement ce qui se passe, il doit fréquemment s'expliquer à lui même la moindre chose. L'avantage du procédé est que l'on ne se perd jamais dans cette histoire extravagante, l'inconvénient sont les fréquentes redites.

« La course au mouton sauvage » est un voyage dans l’absurde et la réalité en forme de métaphore. C'est également un voyage géographique, le roman tout comme « Kafka sur le rivage » est aussi road movie mais alors que le héros de Kafka sur le rivage met le cap au sud de l'archipel nippon celui de l'ouvrage présent va lui au nord dans la froide ile d'Hokkaido. Le problème une métaphore de quoi? Durant toute ma lecture j'ai cherché un sens caché à cette histoire absurde d'ovin. Ce mouton qui vampirise des hommes-hôtes , que symbolise-t-il ? Il est responsable de la naissance d'un parti d'extrême droite. Les rhinocéros de Ionesco et la peste de Camus reflètent la montée des idées fascistes, ce mouton ne lorgnerait-il pas vers une métaphore similaire. N'y a-t-il pas une historique, voir politique ce roman? Ne serait-il pas une justification de la théorie du complot; Murakami dénonce un parti conservateur japonais, au pouvoir, phagocyté par l'extrême droite et l'affairisme... On peut envisager que a quête du mouton étoilé s’apparente aussi à l’attente de Godot, mais un Godot démiurge, peut-être maléfique... Mon âmes réjouissante y a même vu une apologie du suicide.

Autre probable métaphore celle que dissimule le pseudonyme du rat, celui de l'ami du narrateur qui lui envoie la fameuse photo; tout comme le mouton, le rat est une figure du calendrier chinois; l'intrigue Murakamienne tourne autour du rat, qui est quasi absent. Seul le rat semble libre de ses actions alors que les autres personnages semblent tous un peu des automates. Les questions existentielles ne sont pas absentes du livre, je suis sur que vous vous êtes toujours demandé pourquoi les bus n'ont pas de nom contrairement aux bateau? Cette grave interrogation est amené par le fait que le chat du narrateur n'a pas de nom; matou dont les flatulences à bord d'une luxueuse limousine m'ont fait rire, mais c'est je crois la seule note d'humour de l'ouvrage.

Même si je connais le vieil adage que comparaison n'est pas raison, ceux qui ont l'habitude de me lire (il ne doivent pas être très nombreux, d'autant qu'en cette période estivale la fréquentation fléchit. La plupart se contentant de regarder les images du blog, en imaginant des polissonneries...) savent que je ne peut m'empêcher de chercher sources et parentèles de l'auteur que je viens de lire avec d'autres que j'ai lu jadis ou naguère. Dans « La course au mouton sauvage » si l'on remplace le mouton par une baleine on pourrait penser à Melville, pour rester dans les lettres américaines j'évoquerais aussi John Irving où comme chez le nippon le loufoque fait parfois irruption dans la quotidienneté la plus grise, mais fi de plaisanteries, Murakami est un écrivain fantastique à la manière d'un Maupassant ou d'un Buzzati chez lesquels, comme ici, le fantastique naît de l'intrusion dans notre monde de forces extérieures, inhumaines et incompréhensibles pour les infortunés héros et le lecteur que je suis.

Une phrase du roman résume parfaitement ce que le lecteur a envie de dire à l'écrivain lorsqu'il a terminé la lecture de "La course au mouton sauvage": << Toute votre histoire est à dormir debout, tant elle est absurde, mais à l'entendre de votre bouche elle a comme un goût de vrai.>>.

 

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10 avril 2020

Tanger 54 de Mona Thomas

  

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Tout commence lorsque le comédien Gérard Desarthe, chine dans une brocante de Normandie, le portrait d'un jeune maure au regard triste, tracé sur un papier grossier. Outre qu'il trouve le travail splendide, il remarque que celui-ci est signé Burroughs, le célèbre écrivain de la beat génération, et daté Tanger 54. Il montre sa trouvaille à une amie « critique d'art », Mona Thomas qui s'entiche à son tour de l'oeuvre mais met en doute son attribution à Buroughs. Mona Thomas se lance dans une enquête pour découvrir le véritable auteur du portrait, c'est la narration de ses démarches et hypothèses sur le nom du peintre qui est l'objet du livre.

Le portrait est reproduit au début de l'ouvrage, il est ici en fin de l'article. Pour ma part je l'aurais acheté uniquement en raison de la signature ayant assez peu de gout pour les maures... Avant d'entamer la lecture du livre j'y suis allé de ma supposition qu'en à l'identité du créateur du dessin. Tout comme l'auteur de Tanger 54, le nom du lieu et la signature supposée apposés sur la feuille m'ont immédiatement aiguillé vers un artiste anglo-saxon. L'influence de Picasso que j'y ai décelée m'a fait pencher vers Keith Vaughan (1912-1977)... Allons voir si la quête de Mona Thomas corrobore mon intuition.

  

  

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Jack Kerouac, Peter Orlovsky & William Burroughs à Tanger en 1957

  

 

Par une sorte d'illumination Mona Thomas décrète immédiatement que le modèle du portrait ne peut être que Yacoubi un des nombreux amant gigolo arabe de Paul Bowles, ce qui est probable mais pas certain car un autre amant de Bowles, Mohamed Choukri, l'auteur du "Pain nu" pourrait bien être aussi un client sérieus. Il suffit pour s'en convaincre de lire son livre, "Paul Bowles, le prisonnier de Tanger. De son amitié avec Paul Bowles, Mohamed Choukri a tiré ce témoignage à charge contre Paul Bowles où il révèle le coté sombre de l'américain ses relations compliquées avecWilliam Burroughs, Allen Ginsberg Truman Capote ... et le mystère qui entoure le couple étrange qu'il forme avec son épouse Jane. L'auteur en vient à avouer: «Dans mon livre sur Paul Bowles, j'ai tué mon second père." 

  

 

 

Paul Bowles, el recluso de Tánger

 

 

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Shukri Mohamed est né en 1935 à Beni Chiker, un village du Rif marocain (il est mort à Rabat en 2003). Élevé dans une famille pauvre, la violence de son père l'obligea à fuir à seulement onze ans. Il va à  Tanger où il se prostitue. C'est alors que probablement il rencontrera Paul Bowles qui sera son mentor mais plus tard au début des années 60. Shukri a en quelque sorte pris la suite de Yacoubi mais Paul Bowles a probablement connu Shukri avant Yacoubi.

  

 


Paul Bowles with Moroccan storyteller Mohammed Mrabet 

 

Ce livre est une sorte de repère historique dans la production d'essais (je ne sais pas comment désigner ce texte autrement que par ce mot. L'ouvrage mêle récits et considérations sur l'art); en effet visiblement Mona Thomas a fait toutes ses recherches pour trouver l'auteur du dessin en ne levant jamais ses fesses de sa chaise de bureau, tout ce qu'elle a appris semble lui être venu par internet, apparemment elle n'a fait aucune recherche en bibliothèque ni visite sur place (une visite de Tanger n'est pourtant pas désagréable même s'il n'a plus beaucoup de rapport avec le Tanger d'il y a soixante ans et celle à Londres me parait indispensable aux vues de la direction que prend les hypothèses de Mona Thomas). Je la soupçonne même de n'avoir lu que les deux livres qu'elle fait figurer dans la « bibliographie ». Il faut tout de même oser faire une bibliographie de deux titres dont celui de Farson, intéressant récit sur la vie de Bacon, presque aussi mal rédigé que ce « Tanger 54 ». Le reste des informations ont donc été collectées sur la toile sans que jamais ne soit cité les noms des auteurs des sites auxquels Mona Thomas empreinte des passages entiers qu'elle recopie ou dont elle s'inspire, j'ai ainsi eu la surprise de reconnaître des bribes du texte que j'ai écrit sur l'infortuné JOHN MINTON!

  

 

  

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  Elephant Fording A River 1952 Francis Bacon

  

  

Certaines pages sont si mal écrites que leur compréhension en est difficile. Mais il est très intéressant que Mona Thomas pose des questions, pas si souvent soulevées, essentielles sur l'art et son marché, comme qu'est ce qui fait la pérennité d'une oeuvre d'art, qu'est ce qui justifie le prix d'un tableau? qu'est ce qui permet de l'authentifier ? qui détermine son attribution... 

Un livre c'est d'abord une écriture, j'aime me fendre sporadiquement de tels truismes, or donc le quatrième de couverture de l'ouvrage indique que Mona Thomas est écrivain, à la lire, je subodore que ma poissonnière itou. J'ai eu l'impression que « Tanger 54 » était la transcription d'un long coup de téléphone qu'une dame un peu snob, le livre a un coté name dropping, car elle n'omet jamais de citer une célébrité ou même un clampin vaguement connu lorsque celui-ci intervient dans son histoire, passerait à une de ses copines, lui racontant par le menue, comment elle a trouvé l'auteur d'un dessin qu'un de ses amis, Gérard Desarthe, tout de même, a acheté 20 € dans un vide grenier normand.

  

  

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                                    Denis Wirth-Miller with Francis Bacon

 

Malgré, son absence de qualité littéraire, le livre est très intéressant pour quiconque étudie, ou a un penchant, pour les marges interlopes de la production littéraires et artistiques des années 50. En ce temps là, Tanger était le rendez-vous de tous les artistes homosexuels de la planète, en particulier des anglo-saxons, et de quelques autres... La plupart y venait faire de ce que l'on appelait pas encore du tourisme sexuel profitant de la proliférante prostitution des adolescents. Pour ne pas faire d'anachronismes moralisateurs, je rappellerais qu'à l'époque des relations homosexuelles entre adultes consentants étaient passibles des tribunaux en Angleterre. La figure centrale de cette communauté était l'écrivain américain Paul Bowles (très curieusement décrit dans le livre comme « un radieux biquet blond »!) qui lui demeurait à Tanger alors que les autre n'étaient que des résidents de passage. On y rencontrait pour de plus ou moins longs séjours, Francis Bacon et son tumultueux amant d'alors Peter Lacy ainsi que les peintres Robert Rauschenberg, Minton, Denis Wirth-Miller (influence souvent occultée de Francis Bacon) sans oublier Yacoubi, le gigolo préféré de Bowles, peintre à ses heures et peut-être le modèle du portrait, les écrivains Cyril Connolly, Burroughs, Tennessee Williams, voilà pour les premiers rôles. On y croisait aussi plus fugitivement Lucian Freud, Ian Fleming, Allen Ginsberg, Truman Capote, Jack Kérouac...

 

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 Radio Tanger International ©

  

 

Si je me suis précipité sur cet ouvrage dès sa parution, ce n'est pas en souvenir du Tanger que j'ai visité dans les années 70, mais parce que j'ai entendu parler de la ville dans sa grande époque par mon ami et peintre Jean-Claude Farjas qui a travaillé de 1952 à 1955, à radio Tanger international. Il y fréquentait beaucoup alors Paul Bowles. Si Jean-Claude Farjas était encore de ce monde je me précipiterais chez lui pour qu'il me montre les pages de son journal intime relatif à ces années là, journal qui serait à publier ne serait-ce que sur la toile. Les passages de "Tanger 54" sur Paul Bowles corrobore complètement ce que me racontait Jean-Claude Farjas sur cet écrivain... La quête de Mona Thomas pour trouver l'auteur du mystérieux dessin est bientôt éclipsée par le tableau qu'elle fait de la relation sado-masochiste qu'entretient Bacon et son amant, Peter Lacy. On en vient à se demander si l'enquête pour l'attribution du dessin n'est pas en réalité un prétexte pour brosser le paysage à la fois mondain, crapuleux et intellectuel de l'enclave international de Tanger à la fin de la domination française; où, pour 500 pesetas (20€), on préférait s’offrir un garçon plutôt qu’un tableau de Bacon, mais c'est sans doute prêter une intention murement réfléchi à l'auteur qui a plus probablement écrit son livre au fil de la plume oubliant sa première intention. Elle parvient tout de même dans ce texte cahotant à forcer à la fin l'émotion. Il n'en reste pas moins que l'on en vient à s'interroger sur la véracité de l'histoire du dessin trouvé miraculeusement dans une brocante normande...

Tanger 54, s'il ne révèlera rien de nouveau en ce qui concerne la vie de Bacon, celle-ci indissociable de son oeuvre, a le mérite de la mettre en perspective, certains pans de celles-ci. Bien que Mona Thomas n'aille pas au bout de ces supputation, on peut comprendre que Bacon est indirectement responsable du suicide de son ami Minton et que Bacon a reproduit avec Dyer, qui prendra dans le coeur de Bacon, la suite de Lacy, en l'inversant celle qu'il avait avec Peter Lacy ce qui conduira au suicide Dyer

  

 

 

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 tableau peint en 1956 par Francis Bacon

  

Si Mona Thomas ne sait pas écrire, elle sait au moins voir, ce qui n'est paradoxalement pas aussi courant pour une critique d'art. Son regard sur les tableaux de Bacon donne envie de les revoir, ce qui n'est déjà pas si mal.

J'ajouterais que des passages entiers de la relation entre Bacon et Lacy sont très largement « inspirés » par un article de John Richardson, historien d’art et ami de longue date de Francis Bacon, publié dans un numéro du New York Review of Books, où John Richardson, connu pour être un des biographes de Pablo Picasso, relate plusieurs anecdotes personnelles sur Francis Bacon et sa vie amoureuse.

J'ai rêvé de ce qu'aurait pu être un tel ouvrage, qui reste à lire pour ceux qui s'intéresse à l'art moderne, écrit par Didier Blonde, grand et talentueux rêveur sur les traces du passé et illustré par Pierre Le Tan éternel nostalgique du Tanger de cette époque. 

       

  

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10 avril 2020

un inédit de Montherlant: le pigeon et le raton, 20 mars 1928

 

un inédit de Montherlant: le pigeon et le raton, 20 mars 1928
un inédit de Montherlant: le pigeon et le raton, 20 mars 1928
un inédit de Montherlant: le pigeon et le raton, 20 mars 1928
un inédit de Montherlant: le pigeon et le raton, 20 mars 1928
un inédit de Montherlant: le pigeon et le raton, 20 mars 1928
un inédit de Montherlant: le pigeon et le raton, 20 mars 1928
un inédit de Montherlant: le pigeon et le raton, 20 mars 1928
un inédit de Montherlant: le pigeon et le raton, 20 mars 1928
un inédit de Montherlant: le pigeon et le raton, 20 mars 1928
un inédit de Montherlant: le pigeon et le raton, 20 mars 1928
un inédit de Montherlant: le pigeon et le raton, 20 mars 1928
un inédit de Montherlant: le pigeon et le raton, 20 mars 1928
un inédit de Montherlant: le pigeon et le raton, 20 mars 1928
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un inédit de Montherlant: le pigeon et le raton, 20 mars 1928
un inédit de Montherlant: le pigeon et le raton, 20 mars 1928
un inédit de Montherlant: le pigeon et le raton, 20 mars 1928
un inédit de Montherlant: le pigeon et le raton, 20 mars 1928
un inédit de Montherlant: le pigeon et le raton, 20 mars 1928
un inédit de Montherlant: le pigeon et le raton, 20 mars 1928

 

un inédit de Montherlant: le pigeon et le raton, 20 mars 1928
9 avril 2020

Danse, danse, danse d'Haruki Murakami

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Danse, danse, danse est le sixième roman d' Haruki Murakami. Il a été publié au Japon en 1988. Il appartient à la série de roman du rat, qui comprend outre la course au mouton sauvage », « Écoute le Chant du Vent » (1979) et  « Le Flipper de 1973 » (1980), romans que l'on peut considérer comme une suite autobiographique rêvée dans lequel Haruki Murakami met en scène ses désillusions d’adolescent puis d’homme mûr.Avec cette suite de « La course au mouton sauvage » que le narrateur, que l'on retrouve quatre ans après, résume ainsi: « De l’automne précédent à cet hiver là, il s’était vraiment passé beaucoup de choses. J’avais divorcé. Un de mes amis était mort dans d’étranges circonstances. Ma femme était partie sans rien me dire, j’avais rencontré de drôles de gens, avait été impliqué dans des évènements bizarres. Et puis, quand tout cela avait pris fin, je m’étais retrouvé comme aspiré dans un calme et  une solitude dont je n’avais jamais fait l’expérience jusque là ».Il me paraît néanmoins indispensable delire « La course au mouton sauvage » avant d'aborder le présent volume, Haruki Murakami confirme qu'il n'est pas l'auteur des départs rapides. Comme pour le premier livre des aventures du narrateur, dont on ne saura toujours pas le nom, on s'ennuie un peu durant les cinquante premières pages. Mais cette fois c'est moins gênant car le lecteur se sera pris de sympathie pour le narrateur en lisant « La course au mouton sauvage ». Le livre ne débute vraiment que lorsque le narrateur, qui ne travaille plus en tant que publicitaire mais est devenu journaliste indépendant, capable d'écrire à la demande sur "les mérites d'une marque de montre ou le charme des femmes de quarante ans", il ne cesse de s'interroger sur le sens de la vie, les femmes qui le quittent et les gens qui traversent son existence, puis "repartent, encore plus usés de l'intérieur". Il revient à l'hôtel du Dauphin, situé à Sapporo (Hokkaïdo), l'épicentre de « La course au mouton sauvage » où il a été appelé dans ses rêves par son béguin aux belles oreilles disparu mystérieusement à la fin de sa quête ovine. Ceci quatre ans après les péripéties racontées dans « La course au mouton sauvage ». Il a la surprise de découvrir à la place de l'établissement miteux de Sapporo, un palace ultra moderne. Malgré le désappointement de ne pas y retrouver ses vieilles connaissances, il prend une chambre dans le nouvel établissement. Il a aussitôt une relation avec une jeune employée de la réception qui lui révèle que l'aspect luxueux et clinquant de l'hôtel se cache une réalité inquiétante. Dans une réalité parallèle, l'Homme mouton, déjà messager de l'autre-monde dans « La course au mouton sauvage », rencontré dans les ténèbres paranormales du 15e étage de l'Hôtel du Dauphin, lui aura délivré son injonction: «Danse, continue à danser», ce qui donne le titre du livre : " Mais il n’y a rien d’autre à faire que danser, poursuivit l’homme-mouton. Et danser du mieux qu’on peut. Au point que tout le monde t’admire. Danser tant que la musique durera. Ne te demande pas pourquoi. Il ne faut pas penser à la signification des choses. Il n’y en a aucune au départ. Si on commence à y réfléchir, les jambes s’arrêtent. ".

Comme souvent chez Murakami, la musique s'invite au détour d'une page. La musique que nous, lecteurs, “entendons”, c’est le fond de jazz, de funk et de rock des années 60, 70 qui s’échappe du lecteur cassette de la vieille Subaru ou des enceintes des cafés enfumés. Il est amusant de constater que le narrateur s'amuse et s'agace à la fois des noms farfelus des groupes d'alors. Ces digressions permettent à Murakami de nous faire partager ses gouts musicaux et dans « Danse, danse, danse ». Par le biais de Gotanda, un ami acteur, ancien condisciple de collège du héros, le romancier nous fait part de ses critiques acerbes sur le cinéma populaire japonais. Pan du cinéma nippon quasiment inconnu de l'occident très loin du cinéma d'un Ozu hier ou de celui d'un Miike aujourd'hui. Ce personnage qui a un nom, ce qui n'est pas toujours le cas dans les romans de Murakami, permet d'introduire une réflexion sur l'identité. Par ailleurs l'un des leitmotivs du roman est une scène d'un film de série B, « Amour sans espoir », dans lequel tourne Gotanda.

Tout comme dans « La course au mouton sauvage », le fantastique surgit dans la réalité la plus prosaïque qui soit en l'occurrence en sortant d'un ascenseur d'un grand hôtel moderne. Murakami est un maitre de la bifurcation narrative, alors que le lecteur commençait à s'installer dans le bizarre et l'étrange, surgit à la page 240, le roman en compte 574, une nouvelle rupture qui nous entraine vers une intrigue policière si classique avec flic teigneux et prostituée de luxe étranglée avec son bas que l'on frise la parodie. Mais l'auteur, comme à son habitude ne tarde pas à nous emmener ailleurs.

Un des procédés de la construction romanesque de Murakami est, mis à part le narrateur, de traiter tous les autres sur le même plan sans que l'on sache distinguer à la moitié du livre ceux qui ne seront qu'anecdotiques de ceux qui se révèleront importants pour l'intrigue. On a le choix ici entre deux inspecteurs tordus, Yuki (neige en japonais) une Lolita de treize ans faussement naïve et un peu médium qui a des sortes de presciences..., un acteur bellâtre ennuyé de son succès, une prostituée mystérieuse, une réceptionniste de grand hôtel stressée, un poète manchot et quelques autres...

Le cadre spatio-temporel de l’histoire est très accessible parce que presque contemporain, nous sommes précisément en 1984, dans le Japon des années 1980 est en plein boom économique. Epoque dont on peut se souvenir avec nostalgie avec ses objets emblématiques comme les cassettes audios et encore, plus pour longtemps, les disques vinyle... On fume énormément dans ce roman et on y boit beaucoup, plus des pina-colada que du saké...D'autre part les références de l'auteur sont exclusivement occidentales. Il convoque Faulkner, Kafka, David Bowie, Mickael Jackson, Les Beach Boys, et multiplie les références à l’occident.

Je sais grès à Murakami de dater avec soin son roman. Je suis certain que cela lui donne une densité qu'il n'aurait pas sans cela: << Le disneyland de Tokyo avait été inauguré. Bjorn Borg avait arrêté le tennis. Michael Jackson se maintenait à la première place au hit-parade de la radio.>>.

Le romancier parsème son histoire de considérations générales qui peuvent agacer par leur évidence, mais quelques fois il n'est pas inutile de rappeler les évidences comme: << Il y a toujours des guerres. Toujours. Il n'y a eu aucune époque sans guerre. On a beau croire qu'il y en aura jamais, un jour il y en a une. Les humains au fond aiment s'entre tuer. Ils s'entretuent jusqu'à ce qu'ils soient trop fatigués pour continuer. Quand ils sont fatigués pour continuer, ils font la trêve un petit moment. Et ensuite le massacre recommence. C'est réglé d'avance. On ne peut faire confiance à personne, et rien ne change. Il n'y a rien à faire. Si on aime pas ça, il ne reste qu'à s'enfuir dans un autre monde.>>. Souvent en guise de pose dans l'action, nous est délivré des sentence tout aussi désabusé sur le quotidien de l'individu. La teneur de ces remarques va du morose au désespéré et résonne pour moi comme certaines pages de Céline. En voici un exemple: << Ma maison a deux portes, l'entrée et la sortie, et on ne peut pas les intervertir. On ne peut entrer par la sortie ni sortir par l'entrée. Il y a plusieurs façons d'entrer, et plusieurs façons de sortir. Mais tout le monde finit par ressortir. Certains sont sortis pour essayer de nouvelles possibilités, d'autres pour faire des économies de temps. D'autres encore sont morts. Mais pas un n'est resté.>>.

Pour le lecteur connaissant Tokyo et ses environs Danse, danse, danse procurera le petit plaisir supplémentaire qu'éprouve l'initié en présence d'un signe qu'il reconnaît et deviendra ainsi un élément de connivence avec l'auteur. Il s'apercevra, carte à l'appui qu'en matière d'itinéraire, le héros murakamien n'est guère un adepte de la ligne droite à l'instar du romancier qui nous inflige bien des circonvolutions pour parvenir au dénouement. On pourrait se passer agréablement de certaines en particulier des languides et répétitives conversations entre le narrateur et son ami Gotanda, surtout qu'il ne faut pas être d'une perspicacité extraordinaire pour subodorer qui est le personnage clé du mystère.

Une des propensions de Murakami que je n'apprécie que modérément est celle de détailler les moindres faits et gestes de son héros. Lorsqu'il mange, on n'ignore rien de son menu. Pas plus que lorsqu'il fait sa valise pour partir à Hawaï, on connait tout des atours qu'il emporte. Le romancier s'en voudrait sans doute de ne pas mentionner lorsque le narrateur se lave les dents ou pisse (on pisse presque autant dans les livres de Murakami que dans les film de Tsai Ming Liang.)

Encore une fois on ne sait pas pourquoi on est comme envouté par une pareille histoire peut être parce que cette fois, on s'attache, plus que dans son aventure précédente, au narrateurun antihéros qui, malgré sa médiocrité, essaye de faire de son mieux pour renouer les fils de sa vie. Sa médiocrité fait qu'on s'identifie facilement à lui. Et puis, il y a Yuki (les rapports qu'entretient Yuki avec sa mère m'ont fait songer à celui qu'avait Eva Ionesco avec sa mère la photographe, comme la mère de Yuki, Irina Ionesco.) qui est un personnage bien attachant dont aimerait connaître le devenir...

En 2001, Murakami a déclaré qu'écrire « Danse, Danse, Danse » avait été un acte de guérison après le succès inattendu de « La Ballade de l'impossible » et que, à cause de ça, il avait préféré l'écriture de « Danse, Danse, Danse » à celle de tout autre roman.

« Compliquée cette affaire, mon cher Watson, fis-je, m’adressant au cendrier posé sur la table.
Mais le cendrier ne répondit pas. Et pour cause, il était intelligent et savait qu’il valait mieux rester en dehors de toute cette histoire. » Contrairement à ce cendrier auquel s'adresse le narrateur de « Danse, danse, danse », il ne faut pas hésiter à entrer dans cette histoire.

  

Nota: On lira avec profit la critique d'Argoul du livre à cette adresse: http://argoul.com/2012/01/02/haruki-murakami-danse-danse-danse/

9 avril 2020

La ballade de l'impossible d'Haruki Murakami

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Dans un avion qui le fait revenir en Allemagne (on ne saura pas ce qu'il y fait) wanatabe en entendantla chanson des Beatles "Norvegian Wood se souvient de son entrée dans l'âge adulte il y a de cela une vingtaine d'années. Il se remémore des souvenirs qui l'ont profondément marqué. Le point de départ de cette suite d'évènements a été le suicide de Kizuki son seul ami, alors qu'ils avaient tous deux dix sept ans. S'en suit la relation qu'il a avec Naoko la petite amie de Kizuki après la mort de ce dernier. Watanabe nous raconte pendant deux ans son amour avec la fragile et cadenassée Naoko. Dans le même temps il poursuit une relation compliquée avec une autre jeune fille fantasque, Midori, tout le contraire de Naoko.

Wanatabe se présente comme un garçon sans qualité. Il ressemble en cela au narrateur de « La course au mouton sauvage » et de « Danse, danse, danse ». Comme le héros des deux derniers livres cités Wanatabé, bien que sans ambiguité sexuelle possède unesensibilité quasi féminine. Cette régurgitation des souvenirs, pour la plupart sombres, a pour toile de fond, la vie d'un étudiant modeste dans le Tokyo de la fin des années 60. C'est aussi une suite de portraits des personnes, moins ordinaires que lui, suivant son regard et ses critères, qu'il côtoie. Certaines de ces figures sont rattachées assez artificiellement (pour le plaisir du romancier? mais aussi souvent heureusement du lecteur) à la vie du héros qui ne semble attirer à lui que des « filles à problèmes ».

Tout le livre est fondé sur la réminiscence, c'est en cela qu'Haruki Murakami est un écrivain éminemment proustien, sinon par le style du moins par la démarche. N'a-t-il pas écrit: << Le monde est une lutte sans fin entre un souvenir et un autre souvenir qui lui est opposé.>>.

Wanatabe est passionné de lecture. Il reste étranger à l’agitation politique de l’université, alors en pleine agitation contestataire et s’efforce d’être original, en lisant les auteurs qui ne sont pas à la mode. Le Gatsby de Fiztgerald revient plus d’une fois dans le récit ( Murakami a traduit les oeuvres de Fitzgerald en japonais). Le jeune homme lit aussi Conrad, Faulkner, Hermann Hesse, Thomas Mann, John Updike, Raymond Chandler... Comme on peut le remarquer toutes les références sont occidentales. On peut d'autant s'en étonner que les parents d'Haruki Murakami étaient professeurs de littérature japonaise. Certes Oé et Mishima sont cités mais ne sont pas des lectures du héros que l'on peut considérer, au moins dans ce domaine, comme le porte parole de l'auteur. Dans le numéro d'aout 2012 du Magazine littéraire, Clémence Boulouque suggérait que la prédominance des influences étrangères venait du fait que le jeune Murakami avait été élevé à Kôbe la ville portuaire cosmopolite.

Comme on sait que Murakami a étudié le théâtre antique, tout comme Wanatabe et qu'à un an près il a le même age que son personnage, on ne peut que s'interroger sur la part autobiographique du roman.

On retrouve dans « La ballade de l'impossible », comme l'était la maison dans la forêt dans « Kafka sur le rivage » ou le chalet dans la montagne dans « La course au Mouton sauvage », un lieu hors du monde où les héros se ressourcent, ici une maison de repos dans les collines à proximité de Kyoto.

Comme à son habitude, Murakami aborde, par le biais des grands problèmes de société, dont l'un, s'il n'est pas spécifiquement japonais, est un souci récurrent dans l'archipel: le suicide des adolescents, sujet toujours d'actualité aujourd'hui (le livre a été écrit en 1987, c'est un des premiers romans de l'écrivain; il a paru en 2007 en français, traduit par Rose-Marie Makino-Fayolle) comme le prouve le récent et beau film « Color full ». A lire ce roman on a le sentimentque le suicide faisait (fait?) partie intégrante de la vie des jeunes au Japon.

Toujours un peu en contrebande l'auteur fait passer ses idées, comme son peu d'aménité pour les étudiants révolutionnaires en peau de lapin, presque toujours issus de la bourgeoisie, qui après avoir prôné la destruction des institutions, n'ont rien de plus urgent, une fois leurs études terminées, que de se caser dans une grande firme ou dans l'appareil d'état. On voit par là que le phénomène, que des casaniers auraient pu croire typiquement français, déborde largement nos frontières. Mais surtout il veut nous dire que la mort est en nous dès notre naissance et fait partie de la vie. Paradoxalement cette histoire quelque peu morbide, « Quelle que soit notre vérité, la tristesse d’avoir perdu quelqu’un qu’on aime est inconsolable. La vérité, la sincérité, la force, la douceur, rien ne peut calmer la douleur, et, en allant au bout de cette souffrance, on apprend quelque chose qui ne nous est d’aucune utilité pour la prochaine vague de tristesse qui nous surprendra. »veut également donner une leçon de vie: << S'apitoyer sur soi-même, c'est ce que font les imbéciles.>>.

Avec beaucoup d'acuité psychologique Murakami décrit des jeunes gens romantiquesen proie aux doutes, au spleen et aux rêves qui s'interrogent sur leur place dans la société et tentent de trouver une raison de continuer à vivre malgré des blessures profondes, des disparitions d’êtres chers, des amours impossibles. La ballade de l'impossible est le tableau saisissant des doutes de l'adolescence et parfois de sa vacuité. Encore une fois les personnages parlent et se racontent beaucoup; autre constance dans les romans de Murakami l'absence de jugement sur les faits et gestes des personnages que l'on retrouve ici.

Si ce roman est très agréable à lire, son écriture est particulièrement fluide, et émouvant, néanmoins lisant les passages dans lesquels Midori s'exprime, je me suis encore trouvé face à une interrogation qui me taraude de plus en plus, l'âge avançant, à propos des livres mais aussi des films, pourquoi passer autant de temps avec des êtres virtuels tels Midori, qui, s'ils étaient fait de chair et d'os je fuirais à toutes jambes? Car la dénommée Midori est une pouffe-conne-chaudasse de compétition ce qui rend assez incompréhensible la passivité bienveillante de wanatabe devant l'entreprise de vampirisation dont il est l'objet par la jeune donzelle d'autant qu'il se refuse à consommer la gourgandine qui pourtant ne demande que cela. On attend avec impatience le moment où Wanatabe, par une paire de giffle bien sentie se libérera, et libèrera le lecteur par la même occasion d'une telle emmerderesse; mais Wanatabe, sans conteste un des héros murakamiens les plus gentils, est trop bonne pâte pour cela.

Comme toujours chez Murakami la « bande son » du roman est importante. On y trouve Mile Davis, les Beatles, Les Doors, Bill Evans, Sarah Vaughan mais aussi Mozart et Bach...

Très différent d'autres romans du même auteur, c'est son premier gros succès de vente au Japon, ici le fantastique n'intervient presque pas (ce qui le rend plus facile à lire que d'autres opus de l'auteur), « La ballade de l'impossible » est un roman d'apprentissage et aussi une longue méditation nostalgique. C'est la minutieuse description du parcours initiatique qui entraîne Watanabe à la découverte de l'amour, de la mort et de la folie. Il est difficile en lisant ce livre, surtout si l'on est comme moi un presque exact contemporain de Wanatabe de ne pas penser à sa propre jeunesse. Par exemple lorsqu' il est question d'une date de l'année 1969, on essaye de se souvenir de ce que l'on faisait, où on était, avec qui... C'est d'autant plus facile de faire la comparaison avec ce que vit Wanatabe qu'il se présente comme un garçon sans qualité, ce qui nous aide à nous identifier à lui.

« La ballade impossible » délivre un message universel contenu dans cette extrait: << Je voudrais que tu te souviennes de moi. Je voudrais que tu n'oublies jamais que j'ai existé et que je me suis trouvée ainsi à tes côtés.>>. Voilà un beau et émouvant roman sur l'entrée dans l'age adulte, malgré une fin obscure qui ne finit rien.

  

Nota: La ballade de l'impossible (Norwegian Wood) a été adapté au cinéma par Trần Anh Hùng.

 

8 avril 2020

un inédit de Montherlant: Au flanc d'Alger, 30 juin 1928

 

Équipe "jeunes"? de natation, Alger,le 1er septembre 1925.

Équipe "jeunes"? de natation, Alger,le 1er septembre 1925.

un inédit de Montherlant: Au flanc d'Alger, 30 juin 1928
un inédit de Montherlant: Au flanc d'Alger, 30 juin 1928
un inédit de Montherlant: Au flanc d'Alger, 30 juin 1928
un inédit de Montherlant: Au flanc d'Alger, 30 juin 1928
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un inédit de Montherlant: Au flanc d'Alger, 30 juin 1928
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