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Dans les diagonales du temps
4 août 2020

LE VOILÀ,PERRET

 

Il y a tout de même encore des esprits libres, même si parfois ceux-ci sont quelques fois horripilants comme peut l'être Assouline dans son blog, ses livres ou ses chroniques, mais ils sont tellement rares dans nos contrées, que néanmoins il ne faut pas manquer de les saluer. Alors chapeau bas monsieur Assouline pour ce bel hommage à Jacques Perret.

Qui lit encore Jacques Perret ? Une poignée de nostalgiques, et quand bien même, cela suffirait à maintenir vivant cet écrivain si français disparu en 1992. Mais ne vous méprenez pas : ces lecteurs-là ne regrettent pas tant une époque qu’une certaine manière de s’en sortir avec les mots, de nouer la langue commune à la langue classique pour la faire sourire. Cela a donné des récits (Le Caporal épinglé), des romans (Le Vent dans les voiles, Les Biffins de Gonesse, Mutinerie à bord), des chroniques (Objets perdus), des souvenirs (Raisons de famille) et un Bande à part qui fut couronné du prix  Interallié  1951, cérémonie à laquelle l’auteur arriva en retard, ce qui lui valut d’être accueilli par son complice Antoine Blondin sur un tonitruant : « Le voilà, Perret ! ».

Dernier en date, Dans la musette du caporal (126 pages, 15 euros, Le Dilettante), une sorte d’inédit rassemblant sept textes jusqu’alors dispersés dans différentes revues qui les publièrent entre 1945 et 1964. L’armée, la guerre, le camp. Et au-delà de cette ligne d’horizon, ce qui dépasse l’homme et le pousse plus loin que lui-même : la fraternité des clandestins, le champ d’honneur, l’amour de la patrie et, comme il dirait, autres valeurs qui ne plus parlent qu’aux dinosaures tricolores. Car Jacques Perret était de ces rares écrivains qui s’était fait une idée de son pays et s’y était tenu contre tous les vents et nombre de marées ; ses nombreux articles des années 50 et 60 dans Aspects de la France, Arts, Combat et Itinéraires en témoignent. Il ne cessait pas d’aimer sa patrie quand elle cessait d’être aimable. Perret était pour le trône et l’autel, tranquillement, sans agressivité, mais fermement, ainsi qu’il le rappela devant l’assistance médusée dans les tous premiers temps d’Apostrophes. Catholique et monarchiste de toujours et pour toujours. Ce qui ne l’empêcha pas, juste après sa quatrième tentative d’évasion réussie du stalag, de prendre le maquis et de rejoindre aussitôt l’ORA (Organisation de Résistance de l’Armée) tenue par des officiers de carrière pas très communistes. La moindre des choses pour celui qui se présente comme « Français, c’est à dire contribuable et mobilisable ». Il choisit la mitraillette car il ne croit qu’à la guerre à portée d’injures, et que les porte-parole sont rarement les porte-fusils. Maquisard non par idéologie mais par pure et instinctive réaction d’honneur : comme il est des circonstances où il serait déshonorant de ne pas s’engager, il n’a même pas réfléchi tant cela lui paraissait naturel. Porté par un même élan, en pleine guerre d’Algérie, il prit fait et cause pour son fils, un parachutiste OAS de 24 ans qui risquait gros pour avoir voulu supprimer un ennemi de l’intérieur. Cela lui valut quatre condamnations pour offense au chef de l’Etat (le général, par lui surnommé « célèbre diplodocque aléatoire ») et le retrait de sa médaille militaire.

La mosaïque de ces articles aux allures de nouvelles reflète bien son image de réfractaire, franc-tieur et marginal. En prime, on trouve quelques curiosités, comme les pages de « Scarlett derrière les barbelés », où l’ancien prisonnier de guerre rend hommage à Margaret Mitchell pour son Autant en emporte le vent : grâce à ce roman, tout le camp fut pris de scarlettine :

 « L’ombre de cette fille émouvante nous suivait partout, elle nous parlait, nous encourageait, nous versait l’espoir et nous rendait la fierté. Les sentinelles devenaient les carpetbaggers, la faim, la misère et l’amour de Scarlett étaient les nôtres, la France était le Sud, et nous faisions le coup de feu avec le général Lee pour sauver l’honneur d’une société qui fut la nôtre, son idéal, ses fanfreluches et sa foi. Bénie soit Scarlett qui nous a susurré sous l’œil des barbares la merveilleuse histoire d’une civilisation dont nous voici les fragiles et derniers champions (…) Scarlett, agent secret de la civilisation dans les barbelés, nous a dit : « Soyez sudistes ! »

Rarement un roman populaire aura eu droit à une telle reconnaissance, en prise directe non avec ses qualités littéraires ou artistiques mais avec son cœur battant et son âme. Deux autres textes rapportent avec finesse et émotion le pèlerinage de Perret sur ses lieux de captivité en Allemagne, huit ans après la guerre. « Pour Ramos », éloge du maquisard inconnu et petit traité de fraternité, est tout aussi vibrant, dans sa manière, toute de pudeur et de discrétion. Mais le plus personnel de ces récits, et le plus inoubliable, celui qui ouvre le recueil, n’est pas consacré à la seconde guerre mondiale mais à la précédente : « La mort de mon grand frère » nous transporte dans la France d’avant où l’on comprenait « quelle institution miraculeuse était la famille où sans être d’accord sur rien on peut s’embrasser à propos de tout (…) Sur Dreyfus, déchirons-nous, mais sur Fachoda,

 

holà ! ». Si une nostalgie perce dans ces pages bouleversantes, c’est bien celle d’une harmonie perdue. De son propre aveu, dans la sienne, on cultivait depuis 1870 l’amour de la patrie comme « un sentiment dramatique, obligatoire et satisfaisant ». Avec le culte primitif de l’honneur, il convient (lorsqu’il publie ce texte dans la Revue des deux mondes, en 1964) que ce sont là des traits de mœurs tombés en suspicion et désuétude. Qu’en dirait-on aujourd’hui…En août 1914, Jacques Perret a 13 ans. Il voit son père et son frère partir à la guerre. Le premier est fait prisonnier ; quant au second, tireur, il savait que tout boutefeu doit s’attendre à des retours de flamme. Les casquapointes le lui ont rappelé cruellement. Leur mère se replia dignement « dans les larmes et sous les armes » ; écrasée de chagrin, elle n’en continua pas moins jusqu’au bout à « surveiller la France en veillant son enfant », s’abîmant dans la désolation jusqu’à ce qu’elle fut recrue de jours. Les lignes rapportant le voyage du père et du frère avec des déterreurs de cadavres, sur le champ de bataille, dans une Picardie transformée en « plaine figée dans son apocalypse », forment une page d’anthologie. Dans ce In memoriam comme dans ses récits de mer, il écrit si bien le français qu’on se demande parfois dans quelle langue il écrit.

Jacques Perret était un homme contre, un homme du refus. Rien de ce qui était français ne lui était étranger. Folliculaire de la réaction, écrivain du transcourant « plume Sergent-Major », styliste hors-pair qui buvait avec soin afin d’éviter tout faux-pli dans le jugement, il eut la faiblesse de ne jamais dire non à l’aventure et au voyage. Il tenait la littérature pour un art d’agrément qui aurait pris tournure de gagne-pain. Il aimait Aymé et aussi Bloy, Blondin, Conrad, Dos Passos; il en tenait pour le duc d’Anjou et la dimension sacrificielle de la messe selon saint Pie V. J’avais été à sa rencontre à la fin de ses jours, dans son appartement près du Jardin des Plantes où il cachait son bonheur d’être Français. Il avait quelque chose du Jacques Dufilho de Milady et du Crabe-tambour, les traits comme les idées, mais en moins âpre, plus doux. Dans sa chambre, il y avait deux cadres : dans l’un, le grand Turenne ; dans l’autre, son grand frère.

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3 août 2020

UN SOIR D'AQUARIUM DE PATRICE DELBOURG

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Alors que j'ai souvent entendu Patrice Delbourg dans la savoureuse émission de France-Culture, Les papous dans la tête, je n'avais jamais encore ouvert un de ses livres et j'en étais un peu honteux Delbourg m'ayant bien fait rire et parfois aux pires moments de ma vie. Voyant une pile de son dernier ouvrage sur une des grandes tables de la librairie du cinéma MK2 bibliothèque, le cinéma que je fréquente le plus, je ne l'ai d'ailleurs vu mis en place dans aucune autre librairie, j'ai décidé de faire l'acquisition du volume pour en quelque sorte réparer mon manque de reconnaissance passé. D'autant qu'Un soir d'aquarium traite d'un monde, celui des cabarets de chansonniers, que j'ai un peu connu, juste un peu plus tard que celui que le livre décrit, juste un peu trop tard, mais n'a t-on pas toujours le sentiment d'être un peu trop tard, quand ce n'est pas un peu trop tôt... Enfin de n'être jamais dans le bon tempo. Enfin cela m'a tout de même permis de biberonner, après l'avoir écouté chanter, avec Pierre Dudan, avec lequel je partageais bien des opinions politiques, et ce n'était pas du café au lait que nous éclusions et j'eu bien du mal à regagner, clopin clopant, mon lit au petit matin (les connaisseurs de la chanson française comprendrons mes « fines allusions »). Cet amour des textes et de la chanson m'entraina à une autre libation périlleuse et nocturne, cette fois avec le merveilleux poète qu'était Bernard Dimey (Dimey et Dudan deux protagonistes qui passent dans « Un soir d'aquarium »). Je n'oublierais jamais ses « Enfants de Louxor » qu'il disait avec passion. Je m'étais promis de les réciter, si un jour, je voguais sur ce fleuve, hélas le jour venu, ayant trop attendu, je ne fus pas fichu de me rappeler le poème.

 

 

 

Or donc je m'aperçois que de digressions en souvenirs, je n'ai pas encore dit de quoi ni de qui cause le livre. Patrice Delbourg nous propulse au début de la cinquième République, à l'aube des années 60 dont en quelques lignes, il brosse un tableau saisissant: << Cette France des débuts de la cinquième République, si contrefaite, si frileuse on aurait envie chaqu matin de lui mettre la main au paquet. Petite satrapie pâle et couarde, persillée d'envolée monarchiques, encore fumante de ses ruines peu ragoûtante qui tremble au seuil de sa renaissance, comme un papillon nu sur le liège.>>. L'auteur nous met dans les pas de Gabin Delany vieil enfant trentenaire déjà lâché par sa carcasse trop imbibée d'alcool qui essaye de faire rire à coups de plaisanteries morbides des bourgeois repus. On observe ce paillasse cachetonnant de caveaux en planches improvisées sur lesquels il croise des confrères plus aimés qui s'appellent Jacques Grello (immédiatement ci-dessous "Il fait beau" par l'auteur que les frères Jacques ont chanté), Robert Rocca, Maurice Horgues, Jean Rigaux, René-Louis Lafforgue, Bobby Lapointe..., 

 

 

 

 

Pour savoir ce que sont devenu certains de ces bougres auxquels je dois bien l'avouer pour certains je n'avais pas pensé depuis fort longtemps, j'ai consulté cette nouvelle bible (aussi menteuse que l'ancienne) qu'est wikipédia et à la notice sur Jacques Grello (1911-1978) je lis: << Il maniait avec précision un timbre mi-ironique mi-sarcastique qui lui valut d'être choisi pour interpréter le rôle du renard dans un audiogramme du Petit Prince (le fameux avec Gérard Philippe).

Il fut incinéré en 1978. Ses cendres reposèrent dans la case 19281 au colombarium du Père-Lachaise d'où elles furent retirées au terme de la concession trentenaire, celle-ci n'ayant pas été renouvelée.>>. Ce qui est parfaitement dans le ton d'"Un soir d'aquarium".

Pour écouter et voir Jacques Grello dans "La nativité" une de ses plus savoureuses chansons il suffit d'aller à cette adresse http://www.ina.fr/divertissement/chansons/video/I07092095/jacques-grello-la-nativite.fr.html

Robert Rocca (1912-1992) était le beau-frère du précédant. Peu de gens se souviennent qu'il fut peut être le premier à faire une chanson qui traitait ouvertement de l'homosexualité (malheureusement ci-dessous ce n'est pas chanté par Robert Rocca).

 

 

 

Si c'est mon grand-père qui eut la bonne idée de me faire connaitre le Caveau de la république, lors d'une sortie entre hommes, je ne devais pas avoir encore 14 ans, c'est à l'âge de la bouillie que j'entendis mes premiers chansonniers dans une émission hebdomadaire que mes parents n'auraient manquée pour rien au monde sur l'antenne de Radio Luxembourg, le club des chansonniers. Que de souvenirs me sont revenus à la lectures de la noire et comique prose de Delbourg...

 

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Je me souviens d'y avoir entendu Maurice Horgues (1923-2002) dont la citation qui suit résume bien l'esprit: << Un homme doit souvent sa carrière à sa première femme, et sa deuxième femme à sa carrière. >>.

Le club des chansonniers passait le mercredi soir je crois et était sponsorisé par Cadum. Il y avait aussi Edmond Meunier, Christian Vebel, Anne-Marie Carrière, René Paul...

Christian Vebel avait bien de l'esprit comme le prouve la si juste fable, immédiatement ci-dessous...

 

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Comme vous le voyez un soir d'aquarium parle d'une époque où les humoristes ne se sentaient pas obligé d'être de gôche, c'est à dire d'hurler avec les loup.

Dans le même esprit que la babouche et le Pied Noir, je me souviens d'un texte de Pierre-Jean Vaillard, que j'entendais aussi enfant sur Radio-Luxembourg, vers treize heure, juste avant de partir à l'école, était-ce avant ou après "Ca va bouillir" avec Zappy Max (j'ai vu, pas plus tard que la semaine dernière, que l'adaptation de cette émission en bande dessinée a été rééditée en album, je vous en reparlerai probablement bientôt)? Le voici, j'aurais aimé l'écrire tant il recoupe ce que je pense de nos terres perdues...

 

FELLAGHA
(par Pierre-Jean VAILLARD)

Quand ma pensée s’en va vers l’Afrique du Nord,
Je me sens tout à coup, bourrelé de remords.
Que l’Algérie soit une province française,
C’est évident, bien sûr, bien qu’à tout ça ne plaise
Que des hommes aient fait d’un bled qui n’était rien,
Ce beau pays algérien
Nul ne peut dire le contraire.
Et savez-vous de qui ce furent lesgrands-pères ?
Oui, VAILLARD est sétois, René Paul est breton,
Mais moi, pur parisien, je suis de Kabylie.
Je suis natif d’El ksour, à deux pas de Bougie.
Et notre Roméo, oui Roméo CARLéS,
Il est natif d’Oran ou de Sidi Bel Abbès.
Tenez : Colette MARS. Encore une algéroise.
Et le Maréchal JUIN (de l’Académie française)
Est aussi de là-bas, comme Pierre BLANCHARD
Et le clown ZAVATTA et l’auteur Pierre ACHARD.
Des acteurs honorent la Comédie Française :
André CLARIOND, BARTHEU sont de souche oranaise.
L’écrivain Paul VIALAR, Yves VINCENT aussi,
Marie-José, Françoise ARNOULD et ROSSITI …
Vous ne vous doutiez pas d’une telle série
D’artistes parisiens fournis par l’Algérie.
Oui … Vous le connaissez si mal, en général,
Mais Alger, c’est Bordeaux, ou Marseille ou Laval,
Oran, mais c’est Strasbourg, à moins que ce soit
Lille,Tours et Chateaudun, disons Philippeville ….

… Seulement, ces temps-ci, il faut compter là-bas,
avec un mécontent, un certain Fellagha.
Et, petit Fellagha, c’est à toi que je pense
En voyant ta rancune à l’égard de la France.
J’ai beaucoup réfléchi et ma méditation
Me décide à venir te demander pardon….
Oui, pardon, Fellagha, pardon pour mon grand père
Qui vint tracer des routes et labourer la terre.
Il est tombé chez toi, il a tout chamboulé.
Où poussaient des cailloux, il a foutu du blé.
Et mettant après cela, le comble de l’ignoble, 
Où poussaient des cailloux, il a fait un vignoble.
Pardon, cher petit Fellagha,
Oh, pardon de tous ces dégâts.
Et mon affreux grand-père (il faut qu’on leconfesse)
N’était pas seul de son espèce.
Ces autres scélérats ont bâti des cités,
Ils ont installé l’eau et l’électricité.
Et tu n’en voulais pas, c’est la claire évidence
Puisque avant qu’arrive la France
Tu n’avais en dehors de la Casbah d’Alger
Que la tente ou bien le gourbi pour te loger.
Et tu t’éclairais à l’huile.
Nos maisons, bien sûr, c’était la tuile.
De l’électricité, là encore soyons francs, 
Tu ne demandais pas qu’on te mette au courant …
Tu t’es habitué à ces choses infâmes,
Mais à regret et la mort dans l’âme …
Stoïquement d’ailleurs, supportant ces malheurs,
Avec courage et belle humeur.
Mais tu engraissais, mais de mauvaise graisse.
Car tu prenais le car (une invention traîtresse)
Ce même car que, pris d’un délire divin, 
Tu devais, un beau jour, pousser dans le ravin.
Je comprends ta rancœur, je comprends ta colère,
Tu n’es pas au niveau des arabes du Caire.
Tu gâches et tu vis mieux qu’un fellagha égyptien.
A quoi Nasser … Nasser à rien.
Nous avons massacré tes lions et les panthères.
Nous avons asséché tes marais millénaires.
Les moustiques sont morts … Les poux … De Profundis.
Nous avons tout tué, jusqu’à la syphillis.
Ah pardon Fellagha pour tous ces carnages.
Nous avons fait tout cela, c’est bougrement dommage.
Car, si d’autres idiots l’avaient fait, inspirés,
C’est nous qui, maintenant, viendrions vous libérer.
Et bouffer les marrons cuits pour ces imbéciles,
C’aurait été moins long et beaucoup plus facile …
Bien pardon Fellagha, de t’avoir mieux nourri,
De t’avoir vacciné pour béri-béri
Et d’avoir à tes pieds nus mis (oh maladresse)
Des souliers ….

Dont tu voudrais nous botter les fesses.

 

Le héros imaginaire de Delbourg emprunte les saillies, moins politique mais plus acides, à un diseur qui cachait bien sa noirceur sous sa rondeur et son oeil pétillant, je veux parler de Pierre Doris (1919-2009). Pour ceux que ce nom ne dirait rien, ce qui serait bien dommage, les quelques citations qui vont suivrent extraient de ses monologues devraient leur donner une idée du personnage: << Entre le premier cri et le dernier râle, il n'y a qu'une suite de mots sans importance!>> ou encore << C'est très beau un arbre dans un cimetière. On dirait un cercueil qui pousse.>> et enfin << Mon frère était très en avance pour son âge : il est mort-né>>.

Je m'aperçois que jusqu'à maintenant je n'ai parlé que du décor dans lequel évolue  Gabin Delany, car si ce décor magistralement campé à fait remonter en moi bien des souvenirs, tant il est une merveilleuse machine à "Je me souviens", il ne faudrait pas croire que le personnage principal du roman est un fantoche, bien au contraire et il est fort à parier que ceux qui le croiseront ne l'oublieront pas de si tôt. D'abord parce que malgré ses outrances, on en a tous croisé de ces personnages de ratés magnifiques auxquels parfois on se demande ce qu'ils leur ont manqué pour devenir ce qu'ils croyaient être, peut être tout simplement d'être trop unique... Gabin Delany est un cousin de l'Ignatius de "La conjuration des imbéciles" de Kennedy O'Toole et du Jérôme de Jean-Pierre Martinet... Autre référence, cinématographique cette fois, à la fin du livre, celle de "La grande bouffe" de Marco Ferreri.

A travers gabin Delany, c'est un bel hommage qu'on lit aux sans grade du spectacle, à ceux que l'on reconnait sans jamais savoir leur nom: << Les comédiens bouche-trous sont comme les volcans, en dedans ça bouillonne, on les croit éteints, mais ils n'ont jamais dit leur dernier mot, ils finissent toujours par surprendre leur voisinage par quelques jets de lave et autre fumerolles séditieuses.>>.

Je ne voudrais pas non plus que les personnages qu'évoque Delbourg appartiennent tous au petit monde des chansonniers des "Deux anes" ou du "Caveau de la République", il y a aussi Gloria Lasso, Tristan Bernard, Hubert Deschamps, Agnes Capri, Jean-Marc Tennberg... Debourg n'hésite pas à donner de beaux coups de chapeau aux grands du music-hall: << Une chanson quand elle atteint au genre majeur, c'est l'humanité entière qu'elle englobe. Avec trenet, le farfadet malicieux, ces petites pépites de trois minutes recelaient toute la magie du monde.>>.

L'auteur par ses fines observations prosaiques, comme cette description de la serpillère enroulée dans le caniveau, montre quel amoureux des trottoirs parisiens il est. Il émaille également son texte de sentences drolatiques et douces amères comme celle-ci: << Très souvent il avait voulu vendre son âme au diable mais lucifer n'avait pas de monnaie.>>.

Si beaucoup de bons mots sont empruntés à Pierre Doris d'autres font des clins d'oeil à Boris Vian et à Alphonse Boudard. Le riche vocabulaire de Delbourg feront que les jeunots que des termes comme Rosengart, embrocation (pas aperçu dans un livre depuis "Les Olympiques de Montherlant), blanc-limé, youpallah..., se précipiteront vers le dictionnaire où ills ne les trouveront pas. Ailleurs ce sont des sortes de haikus descriptifs grâce auquel le romancier fait surgir tout un monde. Sa peinture des grands boulevards c'est "Choses vues" de Victor Hugo rewritté par Audiard ou "Je me souviens" de Pérec revisité par Queneau. 

Le seul reproche que l'on peut faire à ce "Soir d'aquarium" est d'être composé que de morceaux de bravoure, c'est trop bon, c'est trop fort, au bout de quelques pages ne possédant pas l'estomac de Gabin Delany on est au bord de l'indigestion. C'est donc un ouvrage plus à déguster par petites lampées qu'à consommer d'une traite.

3 août 2020

FONTENOY NE REVIENDRA PLUS DE GÉRARD GUÉGAN

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J'aime les salauds magnifiques. C'est sans doute ce qui m'a attiré chez Fontenoy, qui a, dans certains milieux la réputation d'en être un. Maurice Martin du Gard le qualifiait de drogué et de gangster intellectuel.Si j'aime ces salauds magnifiques, c'est probablement que j'eusse souhaité en être un. Mais si quelques uns me rangent dans la catégorie des salauds, je crois que jamais personne a songé en ce qui me concerne au qualitatif de magnifique...

Lorsque l'on a terminé le livre de Gérard Guégan, on s'aperçoit que Cocteau, en quelques lignes, avait bien réussi à cerner la personnalité et à entrevoir la destiné de Jean Fontenoy : << Les crapules pures réussissent. Fontenoy crapule impure. Il a la pureté. Sa femme a de la pureté. Cela suffit pour les perdre. Leur appartement a l'air d'un appartement de gens en fuite. J'aime bien Fontenoy. Il est sincère et illégal. Deux choses que la politique ne pardonne pas.>>. Avec moins de tendresse, son biographe en une phrase réussit à résumer sa trajectoire: << Un utopiste déçu, en somme, obligé d’aller toujours plus loin dans sa quête et qui, frustré, se roule dans la boue de l’abjection.>>.

Il n'y avait pas que l'appartement chez Fontenoy qui était en désordre, sa tête devait être un caravansérail d'idées qui ne parvenaient pas à cohabiter. Il déclarait adorer la culture américaine et détester la culture germanique alors qu’il s’est rangé de leur côté lors de la seconde guerre mondiale, vilipendant l’armée allemande tout en s’engageant dans la LVF! J'avais déjà repéré ce piaf là dans un fort intéressant roman, « Trois coupes de champagne » dans lequel son auteur, Yves Pourcher en avait fait un personnage secondaire que pourtant on n'oubliait pas. Figure éminemment romanesque, on peut aussi le reconnaitre, sous le nom de Marignan, dans "Livret de famille" de Modiano. Modiano imagine que Fontenoy n'est pas mort à Berlin en 1945 (après tout, on n'a jamais retrouvé son corps... << Comment avait-il fait pour subsister et ne pas être reconnu? Il m'expliqua qu'on change de tête à quarante ans, et qu'il avait gagné un peu d'argent en écrivant des contes pour enfants, sous le pseudonyme d'Uncle Ronnie. Il les écrivait en anglais... Et puis il était un peu courtier en objets d'art...>> (Patrick Modiano, Livret de famille, page 32, éditions Gallimard-Folio). 

Guégan se la joue journaliste gonzo, se transformant en un personnage très présent de son livre. C'est très efficace dans le levé de rideau de l'ouvrage mais beaucoup moins dans le corps du récit où le procédé met le lecteur à distance du héros, mais néanmoins de moins en moins au fil des pages et plus du tout à la fin où le rythme de l'écriture s'accélère. Fontenoy est toujours vu à travers le filtre de la perception de l'auteur qui ne fait rien pour qu'on l'oublie. A croire que l'égocentrisme de son modèle à déteint sur lui. Pourtant le prologue est très engageant. C'est un peu le making of du livre, narré d'une voix chaleureuse qui n'est pas sans rappeler celles de Lucien Bodard (il ne faudrait pas oublier cet extraordinaire conteur) ou de Josèphe Kessel, deux auteurs qui apparaissent dans cet avant propos. Ensuite c'est comme ci la prose de Guégan se refroidissait au fur et à mesure que l'auteur entre dans la vie de Fontenoy. Je pense que l'erreur de Guégan a été d'écrire une biographie et non un roman historique ce qui lui aurait permis de s'éloigner de ses sources (en grande partie celles de Brice Parrain) et de donner plus de liberté à sa prose sans pour cela trahir son sujet. On voit d'ailleurs que lorsqu'il a moins d'informations, sa prose se libère. Il est curieux de noter que les éditions Stock ont publié le livre avec la couverture destinée habituellement aux romans. Mais par bien des cotés « Fontenoy ne reviendra plus » est un roman d'aventure, mais un roman d'aventure, qui contrairement aux archétype du genre, finit mal.

Plus que de distance pour caractériser la posture de Guégan envers Fontenoy, il faudrait mieux parler de surplomb historique et ironique. Position utile pour le lecteur en ce qui concerne les informations qu'elle lui procure. Non que j'ignore dans qu'elle potage nageait le toujours surprenant Fontenoy, et je suppose qu'il en sera de même pour tous ceux que tentera ce livre, qui possède à la fin un précieux index des personnages, mais le rappel de qui est qui et quels ont été leurs devenirs n'est pas inutile tant les parcours, et pas seulement celui de Fontenoy, ont été sinueux. On s'aperçoit que souvent les fusilleurs d'un jour furent les fusillés du lendemain.

Et quel roman que la vie de Fontenoy, ce fils de peu, touché par une boulimie intellectuelle. L'école de la République avait su distinguer cet indocile doué. Dés le collège il entretient une amitié, certes chaste mais que l'on peut considérer comme amoureuse, avec Brice Parain de trois ans son ainé. Ce dernier deviendra un ponte des éditions Gallimard et de la philosophie française. Parain considérera jusqu'à la fin Fontenoy comme son petit frère. Fontenoy, après son service militaire, il rate de peu la Grande guerre, ce demi-solde de l'intellectualisme, hésite entre dada, il se lie d'amitié avec Tzara et surtout Crevel, et le bolchévisme, c'est grand admirateur de trotski. Polyglotte, il parle l'allemand, l'anglais, le russe et maitrise le grec ancien, devient un grand voyageur. Il trainera ses rêves de Riga à Gand, de Londres à Shanghai, de Moscou à la Tchétchénie, déjà en révolte contre le Kremlin... A près avoir été secrétaire d'un boulevardier, tout en continuant ses études, il apprend le russe aux Langues O. Il part bientôt à Moscou comme correspondant de l'Agence Havas. Ces débuts évoquent ceux de Joseph Kessel qui sera le premier à mentionner le nom Fontenoy à Gérard Guégan, cinquante ans plus tard. Fontenoy est une grande gueule, ce qui le fait bientôt devenir persona non grata à Moscou. Après une courte halte à Paris qu'il met à profit pour se marier avec une danseuse juive roumaine, avec lequel il aura un fils, Havas l'envoie à Shanghai dans une Chine en pleine guerre civile. Après y avoir créé un journal destinée à la communauté francophone de la concession internationale, il est bientôt nommé conseiller aux communications de Tchang Kai-chek. Une fois de plus ses incartades le force à revenir en France. Suivent des voyages incessants de New-York à San Francisco, de Tokyo à Moscou, toujours pour Havas. Entre deux voyages il trouve le temps d'écrire des livres, de rosser sa femme dont il divorce pour épouser bientôt une alors célèbre aviatrice belle et phtisique, Madeleine Charnaux qu'il initie bientôt à l'opium. La drogue prendra de plus en plus de place dans la vie de Fontenoy et sera sans doute partiellement la cause de ses incohérences. En 1937 Il adhère au P.P.F. de Doriot que pourtant il n'estime guère. De 38 à la guerre, il continue de parcourir le monde. On le voit beaucoup en Allemagne mais aussi à New-York, en Roumanie et en Pologne. En 40 cet antimilitariste qui a été réformé du cadre des officiers de réserve pour désordre mentaux s'engage au coté des finlandais pour se battre contre les soviets. Il combat trois mois en première ligne par des températures polaires. De retour à Paris, il se vautre dans la collaboration. Ses agissements et ses propos extravagants embarrassent aussi bien Vichy que les allemands. Laval avec lequel il est proche, lui trouve une sinécure à Lisbonne. Mais après quatorze mois au Portugal, le couple doit revenir en France; Madeleine rongé par le cancer se meurt. Elle décède le 10 octobre 1943. A partir de cette date la vie de Fontenoy inconsolable ne sera qu'une course vers la mort.

Guégan a lu tous les livres de Fontenoy, Shanghai secret, L'Ecole du renégat ou Frontière rouge, frontière d'enfer... ( on ne peut pas nier que le bougre avait le sens des titres)ce qui n'est pas mon cas, je n'en ai lu aucun; il ne doivent être facile à dénicher à cette heure, mais les courts extraits de ceux-ci, glissés au fil des page ne donne guère envie de se les procurer, à l'exception d'une extraordinaire critique du « Guignol's band » de Céline apprécie: << L'article, mieux l'étude émotive de Fontenoy est un magnifique travail, mieux: un écho magistral, un mouvement d'orchestre. Tout ceci dépasse et de beaucoup mes faibles exploits que votre amitié renchérit et sublime.>> (lettre de Céline à Combelle du 13 mai 1944, Céline, lettres, La Pléiade). Pourtant en leurs temps les livres de Fontenoy ont séduit aussi bien Kessel que Colette, Blanchot que Céline, Gide que Brasillach.

Guégan évoquant les reportages de ce cousin de Tintin chez les soviets, (je ne cite pas Tintin au hasard puisque une page fictive du journal créé par Fontenoy à Shanghai est reproduite page 60 du « Lotus bleu » qui peut se vanter d'avoir été cité à la fois par Hergé et par Céline!), nous en apprend beaucoup sur les débuts de l'URSS.

Je ne dirais pas que ce que l'on apprend dans le livre de Guégan bouleverse toujours nos vues géopolitiques mais cela éclaire souvent sur les moeurs d'un lieu et d'une époque, comme dans ce passage sur des faits se passant à Shanghai: << Un autre jour, se disant indigné par le projet des autorités anglicanes et protestantes de faire interdire, sur le territoire de la concession internationale et dans la ville chinoise, les maisons closes destinées aux homosexuels, Eusèbe (c'est le factotum de Fontenoy) suggère de mener campagne « en faveur de la sodomie » son plan est simple: tout en protégeant ces malheureuses victimes de l'intolérance, le journal (propriété de Fontenoy) récoltera en retour, sous forme de placard publicitaires, les contributions des plus riches d'entre elles...>>. Guégan rappelle quelques faits un peu dérangeant pour la « bien pensance » littéraire comme Maurice Blanchot en chantre du fascisme ou que Gide pouvait banqueter avec Bergery chez le patron de « Vue ». Il nous rappelle aussi le passé de certains dont ensuite ils ne se vantèrent peu, comme celui d'un auteur phare du Fleuve noir ou celui d'un journaliste qui sous un nom d'empreint s'épanouira à l'ombre des palmiers cannois.

On y voit aussi que le point de vue de Fontenoy sur la France de l'avant guerre n'est pas différent de celui de Montherlant (le style en moins).

On peut qu'être admiratif du travail qu'a réalisé Guégan pas seulement parce que sa documentation semble exhaustive mais surtout pour avoir cohabité intellectuellement tant de mois avec un pareil givré dont l'inconstance paraît être ce qui le qualifie le mieux, même si chez lui on peut trouver des constantes comme la haine des riches et peut être de la lâcheté, ce dernier trait expliquant sa fin. On peut tout de même se demander pourquoi Gérard Guégan, fils de résistant, ancré à l’extrême gauche, s’est-il plongé dans la biographie de Jean Fontenoy! Sans doute a-t-il été admiratif de la liberté de parole de l'homme, à notre époque où une telle qualité existe si peu. Il ne faudrait pas oublier que Fontenoy en 1937 en plein front populaire proclame (avec raison) que Souvarine avait été le véritable chef du P.C.F. À ses débuts, ce n'est pas rien! Ou plus fou et plus littéraire qu'en 1944 dans un journal ultra collaborationniste, dont il est le directeur, il traduise les nouvelles noirs de l'écrivain américain Damon Runyon (encore un écrivain qu'il faudrait redécouvrir d'urgence).

A lire Guégan, on regrette qu'il n'est pas la vélocité de plume d'un Dan Frank (sauf à la fin de son ouvrage), autre grand spécialiste de la mise en roman de l'histoire des artistes et des intellectuels du XX ème siècle; en revanche on est heureux qu'il n'ait pas le sectarisme sioniste un peu ridicule de ce dernier... Il faut dire que si le style de Guégan est moins fluide que celui de Dan Frank c'est que la matière qu'il charrie est plus dense, autant Frank a tendance à faire évoluer les grandes figures qu'il a choisies assez arbitrairement d'ailleurs sur un décor épuré et vide, autant Guégan n'oublie personne et c'est un des grands bonheurs de son lecteur que de découvrir, au détour d'une page, des personnages importants de l'histoire intellectuelle, comme Babel ou Maiakovski, même si ici, elles ne jouent que les utilités. On voit passer dans « Fontenoy ne reviendra pas des gens qu'on ne s'attendait pas y trouver comme Pessoa, Hans Bellmer ou Jacques Perret (auquel Guégan rend un juste hommage). Parfois le style de notre conteur est abimé par des assertions péremptoires qui désarçonnent un peu son lecteur. Sans parler de digressions qui ressemblent à des règlements de comptes comme cet étrillage sévère d'Emile Henriot qui semble en effet un bien mauvais écrivain ce qui ne l'empêcha pas d'être, durant vingt ans, le critique littéraire vedette du « Monde ». Guégan n'est pas tendre avec ses collègues. Il relève, à juste titre les approximations d'un Patrick Buisson dans son 1940-1945, Années érotiques, livre beaucoup moins sérieusement documenté que « Fontenoy ne reviendra plus ». Il dénonce surtout la thèse douteuse de Buisson, que Guégan résume en un raccourci percutant, « Les français ont été vaincus en 40 que parce qu'ils rêvaient de se faire sodomiser par les beaux hitlériens>>. C'est un peu comme si l'on disait aujourd'hui que nos intellectuels s'enthousiasment pour les révolutions arabes parce que leur fondement serait en attentes impatientes de gros chibres bistres et circoncis (quoique). Guégan corrige également les anachronismes de Saint-Loup dans « Les volontaires », un écrivain possédant une plume non négligeable, à la vie presque aussi romanesque que Fontenoy. Il se sont croisé sur le front russe lorsque tout deux portaient l'uniforme de la L.V.F.

Il me semble que Fontenoy corrobore tout à fait la théorie de Renaud Camus de l'hérédité de la culture. Ce fils de rien a eu beau se frotter de littérature, il n'était pas d'essence à être un homme de culture. Au fond ce n'était qu'un rustre sur lequel l'école de la république avait apposé son verni.

On regrette aussi que son héros soit aussi peu sympathique en définitive, il ne croyait en rien, surtout pas en lui même, encombré d'une personnalité, souvent tentée par le pire, dans laquelle un indéniable courage physique allait de paire avec une faiblesse de caractère. Guégan écrit au sujet de son refus d'intervenir après l'arrestation de Max Jacob : << Il s'interdit d'intervenir par refus de se voir créditer d'un beau geste>>.Il est passé du trotskisme à l'ultra collaborationnisme. Il a été l'ami de Tzara et de Crevelpuis de Céline et Fernandez! On peut dire qu'il les a tous trahi mis à part son cher Brice Parain (je pense que Fontenoy sexuellement s'est aussi trompé t que politiquement, en réalité il était homosexuel, mais il n'en s'est jamais aperçu!). Après le suicide de son ami, Parain écrivit un livre «la Mort de Jean Madec» où il rend un troublant hommage à celui qui n'avait pas«triché avec la littérature».

Heureusement pour le lecteur que les aventures de ce sale type de Fontenoy soient tellement incroyables qu'on ne peut lâcher le livre avant la dernière page. Grace à Guégant Fontenoy est revenu.

1 août 2020

A propos de Premier bilan après l'apocalypse de Frédéric Beigbeder

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La lecture de "Premier bilan après l'apocalypse" de Frédéric Beigbeder m'a donné l'envie de faire ma propre liste des livres qui ont fait, en grande partie ce que je suis. Il me semble que la fréquentation des êtres de papier que j'y ai rencontrés m'a plus apporté que celle de chair et de sang qui ont encombrés ma vie, même si à certains je dois beaucoup, entre autres de m'avoir fait connaitre quelques un des ouvrages qui se trouvent dans mon énumération.Ma liste est sans doute moins brillante que celle de Beigbeder, plus libre aussi, je ne connais aucun des auteurs des ouvrages que je cite et puis je n'éprouve pas le besoin de prendre la pose, ce que ne peut s'empécher de faire Beigbeder ne pouvant éviter de se camper en rebelle, ce qui est assez facile, lorsque comme lui on est né une cuillère d'argent dans la bouche... Les deux énumérations diffèrent aussi du fait que contrairement à lui je préfère les bites aux fentes et que je suis peut être moins fainéant que l'illustre écrivain, privilégiant plutôt les gros livres par rapport aux minces plaquettes même si je ne me suis absolument pas préoccupé de la longueur des ouvrages dont les titres me sont venus à l'esprit lorsque j'ai décidé de me soumettre à ce petit exercice. Pas plus, contrairement à Beigbeder, c'est du moins ce qu'il prétend, que je me suis soucié du physique des auteurs d'abord je ne vois pas en quoi cela peut interférer avec leurs écrits et qu'ensuite pour la plupart d'entre eux, je n'en ai aucune idée et en suis bien peu curieux. Quand à leur périple sur la terre, il ne m'intéresse pas toujours. A ce sujet Beigbeder parvient pour chacun des auteurs des livres qu'il choisit, en quelques lignes à en tracer une virtuose biographie.

Pour élaborer cette liste, j'ai laissé remonter à la surface de ma mémoire les titres des livres qui m'ont formé, peut être déformé, m'ont ému et qui surtout m'ont donné du plaisir, un plaisir souvent différent de l'un à l'autre. Cette émergence du magma de mes souvenirs a eu lieu alors que j'étais coincé dans un gros bazar, un Airbus 380, quelque part entre Paris et Tokyo.

Comme Beigbeder, je me suis fixé plusieurs règles, que, comme lui il me semble, j'ai enfreint quelques fois, mais dans des limites qui me paraissent raisonables. Celle d'abord de me limiter à cent titres (tant pis pour ceux arrivé "après les délais" comme on dirait pour une arrivée d'étape du tour de France, ainsi n'ont pas été retenu un beau ténébreux de Julien Gracq, Les minutes d'un libertin de François Sentein ou encore Sans parler du chien de Connie Willis après ce dernier attardé j'ai définitivement fermé le robinet de mes souvenirs de lecture), à l'imitation de mon modèle, de ne mentionner un auteur qu'une seule fois, sinon cela aurait pu tourner à la bibliographie de certains romanciers comme Modiano, Rinaldi, Céline, Yourcenar... de ne considérer que les ouvrages de fiction, mais pour moi les journaux intimes et les mémoires relèvent plus du roman que du reportage ou de l'essai, c'est pour cela que vous en trouverez dans ma litanie, ne fait on pas que fictionner sa vie? Et je considère que nombre de poèmes de Cavafy sont de petites nouvelles. J'ai donc écarté les essais, les reportages et les biographies. De même, je n'ai pas retenu les bandes dessinées, qui pourtant ont eu, et ont toujours, une grande importance pour moi, ne voulant que considérer que les rêves et les songes émanant des seuls mots; c'est pour cela également que j'ai écarté le théâtre dont je fus un grand lecteur durant mon adolescence, trop dépendant de son interprétation. J'ai ignoré le découpage par genre, trouvant que ces classifications étaient de la foutaise. Je me suis limité aux auteurs du XX ème siècle en faisant sans doute une ou deux entorses à cette résolution en gardant un ou deux titres de la toute fin du XIX ème et peut être une demi douzaine appartenant à notre début du XXI ème. Il ne faut pas chercher dans l'ordre dans lequel les ouvrages arrivent un quelconque classement. J'ai lu certains de ces livres il y a très longtemps (à l'aune de ma vie, pour ceux là, je m'aperçois parfois que je me souviens plus de la ferveur avec laquelle je les ai lus que du roman lui-même et toujours des lieux ou eurent lieu ces lectures) ou hier. Certains ont été relus d'autres jamais réouverts... Avec Beigbeder j'ai plusieurs auteurs en commun mais très peu de livres...

 

 

La recherche du temps perdu, Marcel Proust

Le mur, Jean-Paul Sartre

contrepoint, Aldous Huxley 

Mort à crédit, Céline

La pierre angulaire, Zoé Oldenbourg

Un jour cette douleur te servira, Peter Cameron

Un homme mariè, Edmund White

La peste, Albert Camus

La conjuration des imbéciles, Kennedy Toole

Le chat qui venait du ciel, Hairaide Takashi

La citadelle, A. J. Cronin

Terre chinoise, Pearl Buck

La vie mode d'emploi, Pérec 

Le prince dénaturé, Didier Martin

Voyage en France, Renaud Camus

Les dames de France, Angelo Rinaldi

Journal, Matthieu Galey

Le maitre des illusions, Donna Tartt

Les Thibault, Roger Martin du Gard

L'usine à rêve, François Rivière

L'homme qui meurt, James Baldwin

Autant en emporte le vent, Margaret Mitchell

La ligne de beauté, Alan Hollinghurst

Le comptable indien, David Leavitt

Un soir d'aquarium, Patrice Delbourg

Le fil du rasoir, somerset Maugham

La gloire du traitre, Bernard Sichère

Journaux de guerre, Ernst Junger

1984, Orwell

Notre avant guerre, Robert Brasillach

Les mémoires d'une jeune fille rangée, Simone de Beauvoir

L'écume des jours, Boris Vian

Le monde vert, Brian Aldiss

Notre amour, Roger Peyrefitte

Ravage, René Barjavel

Les poneys sauvages, Michel Déon

Rue des boutiques obscures, Patrick Modiano

Danseur, Colum McCann

L'été grec, Jacques Lacarrière

L'usage du monde, Nicolas Bouvier

Journal, André Gide

L'oeuvre au noir, Margueritte Yourcenar

L'empire du soleil, Ballard

La taupe, John Le Carré

Pas d'orchidée pour miss Blandish, James Hadley Chase

Le docteur Jivago, Boris Pasternak

Tanguy, Michel Del Castillo

Les célibataires, Henry de Montherlant

Conrad, Pierre Boulle

Les atlantes, Georges Bordonove

Sa majesté des mouches, Golding

Et qui va promener le chien, Stephen McCauley

Le péril vient de la mer, Wyndham

A défaut de génie, Nourissier

Le voleur dans la maison vide, Jean-François Revel

La danse du coucou, Chambers

Mer cruelle, Nichola Montserra

Les nus et les morts, Norman Mailer

De sang froid, Truman Capote

La vie mode d'emploi, Pérec

Malevil, Robert Merle

Sinouhé l'égyptien, Waltari

Moi Claude empereur, Robert Graves

A l'ouest rien de nouveau, Remarque

La carte et le territoire, Houellebecq

Bande à part, Jacques Perret

Les combattant du petit bonheur, Alphonse Boudard

Le baron perché, Calvino

Au nom de la rose, Umberto Ecco

Voulez vous me préter votre mari, Graham Greene

Bizarre bizarre, Roal Dahl

La reine des pommes, Chester Himes

Le pavillon des cancéreux, Soljenitsyne

Les croix de bois, Roland Dorgeles

Le complot contre l'Amérique, Philip Roth

Les antimémoires, Malraux

Une extrême amitié, Henri Troyat

La ferme africaine, Blixen

Quand mourut Jonathan, Tony Duvert

Printemps au parking, Christiane Rochefort

Tableaux d'une exposition, Patrick Gale

Le camp des saints, Jean Raspail

La route, Cormac McCarthy

Narcisse et Goldmund/ Hermann Hesse

Cette camisole de flammes, Matzneff

La peau des zèbres, Jean-Louis Bory

Courir avec des ciseaux, Augusten Burroughs

Le merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède, Selma Lagerlof

La dynastie des Forsyte, John Galsworthy

Un long dimanche de fiançaille, Sébastien Japrisot

Des voix dans la nuit, Frederic Prokosch

Les iles du soleil, Ian R. MacLeod

La gloire de l'empire, Jean d'Ormesson

Le roi des Aulnes, Michel Tournier

Poèmes, Cavafy

Le temps des grandes chasses, J.P Andrevon

Adios, Kleber Haedens

Venise, Paul Morand

Pour tout dire, Merle Miller

En haut des marches, Joseph Hansen

C'était le Pérou, Patrick Cauvin

L'enfant perse, Mary Renault

Garçons de cristal, Bai Xiangyong

L'ile aux trente cercueils, Maurice Leblanc

 

Bien sûr cette liste est hétéroclite, mais elle est sans pose et n'est que le fruit d'un jeu, d'un passe temps qui m'a donné beaucoup de plaisir, comme m'en a donné la lecture de tous ces livres. Je n'ai pas triché et retranscrit fidèlement la liste que j'ai noté sur mon carnet de molesquine noire au bruit des réacteurs Il serait vain d'y chercher une quelconque cohérence, sans doute les plus perspicace pourront y trouver des courants souterrains qui nourricent aussi plusieurs des articles que l'on peut trouver sur ce blog.

En la relisant j'ai été surpris de ne pas trouver certains titres auxquels je pense assez souvent comme le "Sixième jour" d'Andrée Chédid ou "Le cauchemar d'Innsmouth" de Lovecraft.

J'ai d'abord convoqué des titres et non des auteurs. Pour certaines oeuvres que pourtant j'ai lu et admire, curieusement pour moi ne se détache aucun titre, mais l'oeuvre m'arrive en un bloc ce qui explique l'absence par exemple de Simenon, Virginia Woolf, Borges, Marcel Aymé.

 

J'espère qu'elle incitera quelques curieux à s'adonner à cet exercice ludique et surtout que ce billet donnera envie de lire les ouvrages de cette liste, comme le fait l'essai de Beigbeder pour son choix, ce qui n'est pas un mince mérite. 

 

Commentaires lors de la première édition de ce billet

 

merci pour cette belle liste
celui qui cite "Printemps au parking" et "L'Enfant Perse" fait preuve d'un bel éclectisme ;-) 
Commentaire n°1 posté par bruno le 30/10/2011 à 15h03

A propos de l'Enfant perse, au printemps dernier à la devanture d'une librairie qui se trouvait dans une grande avenue de Grenade, j'ai eu la surprise de voir exposer plusieurs ouvrages de Mary Renault dont l'Enfant perse. 

A propos d'éclectisme, j'ai beaucoup de mal à comprendre ceux qui ne le sont pas, en particulier en ce qui concerne la lecture. 

Réponse de lesdiagonalesdutemps le 30/10/2011 à 18h04
Damned, seulement un ouvrage en commun. Heureusement beaucoup d'auteurs partagés.
J'ai l'affreuse impression de n'avoir rien lu tout d'un coup...
Du haut de mes 23 ans, j'aurai - je l'espère- le temps de combler mes lacunes ;-) 
Commentaire n°2 posté par Rek le 30/10/2011 à 21h15

Je vous souhaite en effet d'avoir ce temps, ayant presque quarante ans de plus que vous, il n'est pas surprenant que j'ai lu plus même si ma période de lecture compulsive a été surtout entre quinze et vingt ans même si je n'ai jamais cessé de lire. Faites nous partager votre liste, idem pour les autres visiteurs. 

Réponse de lesdiagonalesdutemps le 31/10/2011 à 06h49
Quoi, ni Le petit prince, ni L'île au trésor, ni Dix petits nègres, ni un seul Jules Verne, ni Oliver Twist, ni Les possédés, ni... On peut certes être marqué par des romans secondaires, vite oubliés des lettrés, mais... 
Commentaire n°3 posté par argoul le 31/10/2011 à 11h26

Je ne suis pas un lettré. Et en remontant dans mes souvenirs je n'ai comme je le répète pas cherché"à faire bien" comme ces gens qui achètent des classiques au mètre pour impressionner leurs visiteurs, je déteste ce coté Verdurin. En outre vous avez mal lu mon préambule dans lequel j'ai précisé entre autres que je me limitais au XX ème siècle. 

Sinon 100 aurait été une jauge bien mince; il y aurait eu en effet Les possédés et les caractères de La Bruyère, Candide de Voltaire, Le comte de MonteCristo de Dumas et aussi un Jules Verne, un Jean de la Hire, Les habits noirs, Martin Eden de London, Trois hommes dans un bateau, le trilogie de Valles, Edgar Poe et en effet l'ile au trésor, une nouvelle de Tchekov, Bouvard et Pécuchet de Flaubert, Locus Solus de Roussel mais il a peut être été écrit au XX éme (je l'ai écarté comme trois hommes en bateau  pensant que ces ouvrages avaient été écrits au XIX ème), Conan Doyle, Kipling, Le roman de Renard et encore les douze César de Suetone et surtout Homère... 

Quand à Agatha Christie si j'ai je crois lu l'oeuvre complète, aucun titre n'est apparu dans la grosse carlingue...

 

 

 

29 juillet 2020

Michel Déon nous parle de Paul Morand

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27 juillet 2020

LES CONSPIRATEURS DE FREDERIC PROKOSCH

 

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Les conspirateurs c'est à la fois un peu « Les possédés » de Dostoievski, Notre agent à La Havane de Graham Green et « L'espion qui venait du froid » de John Le Carré sur les bords du Tage en 1942 dans un milieu interlope de riches réfugiés qui échoués sur ces rivages rêve la guerre qui les cerne. Lisbonne et ses alentours sont les vrais personnages principaux de cette histoire écrite d'une langue à la fois foisonnante et précise. Camus n'a-t-il pas inventé pour lui le concept de « roman géographique ». Dans la capitale du Portugal, une des seules villes d'Europe, comme l'écrit joliment Prokosh, arche à ne pas avoir été submergée par la guerre, se sont rassemblé d'étranges spécimens d'humanité, les conspirateurs, qui se livrent à une guerre sans merci, mais si détachée de la réalité du conflit, qu'elle est perçue comme un dérivatif cruel à l'inutilité des jours de ces combattants de l'ombre.

Il y a une désespérance élégante, toute fitzgéraldienne qui court dans tout le livre que les lignes suivantes illustrent bien : << Qu'est-ce qu'une guerre? Un accident atroce? L'éruption, comme des pustules, du mal enfoui en nous? A vrai dire, ni l'un ni l'autre. Voici ce que je pense. Pour sentir le prix de sa vie, l'homme doit aussi, par quelque paradoxe primitif, aspirer à tuer et à mourir pour elle. Quand une race, ou une culture, perd ce désir, elle a déjà commencé à périr. Les sauvages sont là, qui observent et attendent dans la jungle.>>. Quand on sait de quelle surdité est atteinte l'occident, il est probable que cette pensée d'un personnage de passage des « Conspirateurs » que je mettrais bien dans la bouche de Prokosch lui même et que n'auraient pas récusée ni Drieu, ni Junger (avec qui il partage la passion de l'entomologie), ne soit guère entendue ni comprise.

Ce n'est pas principalement l'intrigue, ramassée en 24 heures, qui retiendra le lecteur, même si l'on ne s'ennuie pas en compagnie de ces beaux jeunes gens dont certains sont vénéneux, et Prokosh est maitre pour maintenir le suspense jusqu'aux ultimes pages, l'apprenti tueur réussira-t-il à supprimer le traitre, mais l'on sera sous le charme puissant de cette suite de poèmes en prose, plus qu'un roman, aux pouvoirs évocateurs et entêtants. ce qu'est surtout « les conspirateurs ».

L'ouvrage, qui paru aux Etat-Unis en 1943 (adapté au cinéma en 1944 par Jean Negulesco ), alors que semble-t-il, il était inédit jusque là en France, fut écrit « sur le motif » puisque Prokosch durant la seconde guerre mondiale fut attaché de la légation américaine au Portugal (puis en Suède).

Si comme moi vous ne manquez jamais, lorsque vous lisez un livre, de consulter la rituelle page « Du même auteur » vous aurez la surprise de n'y pas découvrir la mention de « Des voix dans la nuit », paru aux éditions Phébus et toujours disponible, qui est pourtant un des chefs d'oeuvre de cet écrivain trop méconnu.

9 juillet 2020

LE SOUFRE ET LE MOISI DE FRANÇOIS DUFAY

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Sous ce bien mauvais titre, en forme de clin d’oeil à Philippe Sollers que pourtant on ne croisera pas dans ces pages, ce cache un chef d’oeuvre d’émotion et d’ érudition. Emotion un qualificatif qui vient bien rarement à l’esprit lorsqu’il s’agit de rendre compte d’un essai et qui est une grande valeur ajoutée à celui-ci qui, par ailleurs développe discrètement une thèse très originale sur le milieu littéraire français de l’immédiat après guerre jusqu’à la fin des années soixante, même s’il me parait que la peinture du dit milieu est l’enjeu principal de l’ouvrage. L’idée maîtresse que développe François Dufay est que Paul Morand et Jacques Chardonne furent les deus machina de tout un pan de l’histoire littéraire de la deuxième moitié du XX ème siècle. Ces deux écrivains, jadis prestigieux et fêtés, surtout pour le premier, mis, pour faits de collaboration, sur l’informelle liste noire des écrivains français par leurs pairs ayant fait, ou fait croire à, un meilleur choix, celui des vainqueurs, se retrouvent en marge, exilés jusque dans leur propre pays. Pour reconquérir leur statut ces deux brillant has been que tout opposait noue un pacte de survie. Ils trouvent un soutien qu’il n’attendaient pas, mais qu’ils suscitent pour une bonne part, chez de jeunes écrivains de droite, surnommés hussards par Bernard Frank (lui de gauche mais que l’on peut apparenter sans trop de mal à ceux qu’il a baptisés), étiquette qu’il ne réussiront jamais à décoller. A l’aube des années 50, ces alors jeunes et alertes plumes ont pour nom Roger Nimier, Antoine Blondin, Jacques Laurent, Michel Déon auxquels on peut adjoindre des jeunes gens d’une sensibilité un peu différente comme  François Nourissier ou Jean-Louis Bory. Ces premières vestales seront ensuite relayées par une nouvelle génération, Mathieu Galey, Jacques Brenner...
Kléber Haedens dans son "Une histoire de la littérature française" (Cahiers Rouges) en dresse un portrait évocateur : << Les hussards sont la liberté même. Mais de nombreux dangers les menacent. Ils sont comme ces oiseaux aux longues plumes que l'on a vus sur les plages pris dans la marée noire. La littérature existentialiste qui les entoure semble sortir d'un pétrolier coulé. >>.
Dufay décrypte les subtiles retours d’ ascenseur que se renvoient les protagonistes de ce curieux pacte dont le cynisme inconscient et informulé sera mis à mal par les faiblesses du coeur que l’on pensait inimaginables chez ces deux vieux crocodiles du marigot des lettres qu’étaient Morand et Chardonne. Le désespoir de Morand à la mort de Nimier qu’il considérait comme son fils fait écrire à Dufay des pages poignantes.
Delay décrit à merveille les relations quasi incestueuses dans ce petit monde des littérateurs durant les  années d’après guerre. Au passage on apprend en outre des choses comme l’amitié de Nourissier pour Heller. Ce même Nourrissier qui deviendra une vingtaine d’années plus tard, lui aussi un grand manipulateur des lettres françaises et un grand faiseur de Goncourt
Mais peut être que le plus grand plaisir, rare dans un essai, que nous offre celui-ci est son style, quel art dans le portrait, presque toujours vachard, peu de modèles échappe aux coups de griffes de Dufay, qui dans cet exercice se rapproche de Léon Daudet et de Jules Renard. Au milieu de tant de piques on y trouve néanmoins un bel exercice d’admiration pour Mathieu Galey, autre grand portraitiste  au talent acide.
Ce qui n’ empêche pas l’essayiste d’en brosser un portrait aussi vrais que savoureux: << Le “sérieux Galey” est pourtant à bien des égards plus sulfureux que ses ainés le furent jamais. Quant il ne court pas les avant-premières et les salons des Madame Verdurin de la V ème république naissante, le jeune homme hante les bars interlopes de la rue Sainte Anne et les pissotières de Saint-Germain-des-prés - les tasses, comme il dit en jargon homosexuel. “Je me transforme dès la nuit tombée en salonnard, puis en chasseur, ou les deux ensemble” note-t-il dans son journal où il tient le compte de ses aventures d’un soir. Chardonne qui a bientôt flairé quelque chose, le met en garde  contre les “bas fonds gidien”! En décembre 1963, plus d’ambiguité: Galey arrive à La Frette flanqué d’un blond étudiant allemand, aussitôt surnommé “Siegfried” par le maître des lieux qui entreprend de lui expliquer la germanité...>>...
“Le soufre et le moisi” est également une incessante incitation à lire et à relire tout Morand et Chardonne, bien sûr mais aussi à se replonger dans “Les épées” de Nimier ou encore à revisiter l’oeuvre de Michel Déon, curieusement assez mal traitée par Dufay.
On y trouve l’écho de la pensée de ces vieux maîtres d’une lucidité effrayante comme dans cet extrait d’une lettre de Morand à Nourissier en 1956: <<... Il faut survivre, non pour l’amère joie de voir les criminels qui ont scié la poutre maîtresse de l’Europe essayer en vain d’en soutenir, d’une main tremblante, le toit qui leur tombe sur la tête, non pour le posthume intérêt de constater une marée slave qui, nos positions d’Afrique tournées, n’aura qu’à passer le lacet autour du cou de l’occident, mais pour affirmer quelque part, dans quelque arche de Noé, le triomphe de la vie et rester le dernier témoin du désir et de la passion d’exister.>>. Je fais mien ce viatique...
Le livre ouvre sur un certains nombre de questions dont on aimerait bien trouver au plus vite les réponses...
Comme celle qui me taraude, où sont les Morand et les Chardonne et leurs damoiseaux d’aujourd’hui qui nous délivreraient de ces tristes littérateurs qui ne semblent préoccupés que de savoir si les rejetons des nouveaux occupants ânonnent Beaumarchais...
L’auteur n’hésite pas à avancer des supputations dérangeantes comme l’ hypothèse que Roger Nimier aurait été comme émasculé littérairement par Jacques Chardonne, comme vampirisé par son mentor barbon...
En outre Dufay propose, sans avoir l’air d’y toucher, une idée assez ébouriffante, et qui pourtant semble d’une parfaite évidence, une fois que l’on a refermé le livre, celle de faire de Patrick Modiano l’ultime héritier de Morand, contrairement à Nimier, premier prototype d’un modèle à venir, Modiano en serait l’ accomplissement. Modiano, un hussard qui aurait réussi...
Il y a une malédiction qui semble planer sur les écrivains de droite et à ceux qui s’intéressent à leur histoire et à leur postérité. On sera éternellement éploré que ce magnifique livre soit le dernier de son auteur victime de la même mécanique qui enleva Roger Nimier à notre admiration. 
8 juillet 2020

Le baptême du sang de la beat generation

David Kammerer a été poignardé à mort avec un couteau scout par son ami Lucien Carr la nuit du 13 août 1944. Les relation entre  Kammerer, 33 ans et Carr, 19 ans  avait commencé cinq ans plus tôt à St Louis quand Kammerer dirigeait une troupe de scouts s'était  entiché du jeune Carr, alors âgé de 14 ans. Carr est né à New York, ses parents, Russell Carr et Marian Carr Gratz, étaient les deux rejetons d'importante famille de St. Louis familles. Après séparation de ses parents en 1930, le jeune Lucien et sa mère sont retournés à Saint-Louis où Carr a passé le reste de son enfance.

  

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Jack Kerouac et Carr (à droite) en 1944 

 

Kammerer   était professeur d'anglais et d'éducation physique à l'Université Washington à St. Louis . Kammerer était un ami d'enfance de William S. Burroughs et un autre descendant d'une riche famille de Saint Louis qui connaissait la famille Carr. Au cours des cinq années, qui suivirent leur rencontre, on peut dire que Kammerer a poursuivi Carr de ses assiduités, en enseignant dans les écoles où l'adolescent était inscrit.  Carr dira plus tard << comme le ferait un amis de sa famille >>. On peut penser que Kammerer traquait Carr sexuellement avec une persistance qui serait aujourd'hui considéré comme du harcèlement. D'école en école, de la Phillips  Academy à Andover dans le Massachusetts, à Bowdoin  College à Brunswick dans le Maine puis à l' Université de Chicago, Kammerer suivit Carr à chaque fois. Cette attention de Kammerer pour Carr était-elle effrayante ou flatteuse? Peut-être les deux. Ce point est aujourdhui un sujet de débat entre ceux qui chroniquent l'histoire de la Beat Generation.  Carr a toujours insisté, auprès det Burroughs pour dire, qu'il n'avait jamais eu de relations sexuelles avec Kammerer. Dennis McNally, le biographe de Jack Kerouac  a écrit que Kammerer était un "Doppelgänger" dont les désirs sexuels envers Lucien n'aurait jamais été satisfaits; leur connexion étant une masse entremêlées de frustrations.

  

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A l'Université de Chicago le séjour de Carr se termina rapidement et mal. Le jeune homme mit sa tête dans un four à gaz. Il a expliqué cet "écart"  comme étant une «œuvre d'art»! Sa famille ne fut pas de cet avis qui pensa que cette apparente tentative de suicide avait pour catalyseur par Kammerer. Carr fit un séjour de deux semaines dans le service psychiatrique du Cook County hôpital. Sa mère, Emily Carr, qui alors avait déménagé à New York, y amena son fils et l'inscrit à l'Université de Columbia, qui était proche de son domicile.Si elle cherchait à protéger son fils de David Kammerer, ce fut un échec. Kammerer quitta bientôt son emploi et suivi Carr à New York. Il déménagea dans un appartement sur Morton street dans le West Village. William Burroughs déménagea également à New York et vécu dans un appartement situé à d'un pâté de maisons de celui de Kammerer. Les deux hommes restèrent amis. 

Dès sa première année à Columbia, Carr a été reconnu comme un étudiant exceptionnel doué d' une rapidité, d'esprit nomade extraordinaire. C'est ainsi que le décrit son camarade d'étude Lionel Trilling. Tilling a également témoigné de la dévotion quasi maladive de Kammener pour Carr.

Kammener avait en outre des copains qui allaient devenir célèbres. Il s'appelaient Kerouac, Burroughs, Ginsberg, Edie Parker etc. Il traînait avec eux. Il était un membre de cette bande, bien qu'il ait 10 à 12 ans de plus que la plupart des autres membres de celle-ci. Kammerer fit connaitre la bande à son jeune ami. Immédiatement Ginsberg fut fasciné par Carr, qu'il considérait comme un égoïste auto-destructeur, mais aussi comme un génie.  Carr n'était pas qu'un étudiant brillant. Il avait aussi le goût des comportements provocateurs, des chansons paillardes et des pitreries grossière visant à choquer ceux qui  étaient guindés et partageaient les valeurs de classe moyenne.  Ginsberg a écrit dans son journal à l'époque: «Sachez les mots suivants, et vous parlerez la langue de Carr: fruits, phallus, clitoriscacoethesexcréments, fœtusventreRimbaud. C'est Carr qui fit connaitre le poète français à Ginsberg. Rimbaud serait une influence majeure sur la poésie de Ginsberg.

 

 

Hal Chase, Jack Kerouac, Allen Ginsberg, William Burroughs à  l'Universidad de Columbia (1944-1945)
 

En Juillet 1944, Carr et Kerouac commencérent à parler d'expédition hors de New York sur un bateau de la marine marchande  qui les conduirait en Europe. Kammerer était anxieux au sujet de ce projet dans lequel il voyait la possibilité de perdre Carr.

  

Karr au début des années quarante

 

La nuit de la mort de Kammerer, Julian Carr (1925-2005) avait bu dans un bar du West End avec des amis dont ses amis de l'Université de Columbia, Jack Kerouac (1922-1969), Allen Ginsberg (1926-1997) et… David Kammerer. Lui et Carr sont partis ensemble quelque part entre 2 et 3 du matin. C'est la dernière fois où l'on a vu David Kammerer vivant. Ensuite Carr poignarda par deux fois Kammerer se débarrassant du cadavre en le  poussant dans l'Hudson. Après quoi Carr est allé chez Burroughs qui a conseillé Carr pour obtenir un avocat et pour se livrer à la police. Au lieu de cela Carr est allé voir Jack Kerouac qui dormait avec Edie Parker à son domicile (qu'il partageait avec Joan Vollmer) au nord Ouest de Manhattan. Le lendemain avec l'aide de Jack Kerouac, Carr s'est débarrassé du couteau en le jetant dans un égout et a enterré les lunettes de Kammerer dans le parc de Morningside. Le jour suivant Carr s'est livré à la police, aidant la police à localiser le corps de sa victime pour qu'il soit retiré des eaux sombres de l'Hudson. Le 19 août Carr a été poursuivi en justice pour homicide. Le magistrat Anna Kross a tenu Carr responsable de ses actes. En septembre l'avocat de Carr a soutenu que son client ne voulait pas tuer son ami mais le tenir à distance. La charge contre Carr a été requalifiée en une charge d'homicide involontaire et en octobre Carr a été condamné à une peine légère pour un meurtre. Il est sorti, libéré sur parole, au bout de 2 ans de détention au centre d'éducation surveillée d'Elmira. Il a été  suggéré que la condamnation relativement légère de Carr reçu pour le meurtre ait été due au fait que sa défense est mis en exergue le fait que Carr n'était pas homosexuel, et que Kammerer était un harceleur obsessionnel, menaçant le jeune homme de violences sexuelles.  C'était un thème que les médias ont repris et ont souligné. Transformant le meurtre de Kammerer en crime d'honneur, commis par Carr pour se protéger contre les avances sexuelles non désirées de l'infortuné. Si dans cette affaire, Kerouac fut arrêté, et incarcéré dans une prison du Bronx, puis relâché et placé en liberté conditionnelle. Burroughs aussi fut arrêté, mais son père se porta garant de lui, et lui épargna la prison; n'oublions pas qu'il faisait parti d'une très riche et influente famille. Kerouac  a été libéré un peu plus tard pour se  marier à Edie Parker dont la famille de fournit l'argent pour la caution permettant d'élargir le futur auteur de "Sur la route". Nous ne savons pas, et ne saurons jamais, exactement ce qui s'est passé entre Carr et Kammerer une nuit, à New-York vers la fin de l'été de 1944. Carr plus tard a déclaré ne se rappeler de rien. Certain comme Patricia Goode qui a écrit un livre sur cette histoire, voit dans ce meurtre la naissance du mouvement Beats". D'autres comme Aaron Latham  voyait en David Kammerer l'américain le plus brillant de sa génération et le véritable inspirateur du groupe qui gravitait autour de lui: << La richesse et la complexité de son anglais, reflétant la richesse et la complexité de son esprit, sont inoubliables. Lucien était un catalyseur.  C'était uni " professor"  qui fonctionnait  en tant qu'initiateur. David était un homme beaucoup plus complexe et provocateur. Un homme aliéné et étrange, un mystique et un ralist, sensible et brutal, saint et sensuel, aimant et détestant.>>.

  

Ce que Ginsberg appelait «le Cercle Libertin») a été, pendant un certain temps, brisé par la mort de Kammerer. Ce petit meurtre entre amis a bouleversé chacun du membre du groupe qui connaissait bien les deux homme et avait parfois qu'ils avaient connu parfois séparément. Plusieurs membres du groupe ont écrit sur cet événement. Kerouac dans The Town and the City  qui est une fiction transposant les évènement, dans lequel Carr est représenté par le personnage de Kenneth Wood et David Kammerer par celui de Waldo Meister, vers la fin du roman, le personnage Waldo Meister meurt en tombant de la fenêtre de l'appartement de Kenneth Wood (un écho lointain de l'événement réel). Une présentation plus littérale des fait apparaît plus tard dans l'oeuvre de Kerouac avec La Vanité des Duluoz . Peu de temps après le meurtre, Allen Ginsberg a commencé un roman sur le crime qu'il a appelé La Mélodie du sang, mais son professeur d' anglais à Columbia, en cherchant à éviter la publicité négative pour Carr et pour l'université,  a persuadé Ginsberg à d'abandonner ce projet. Selon Bill Morgan dans son livre, La Beat Generation à New York , "l'incident Carr" a également inspiré Kerouac et Burroughs à collaborer en 1945 sur un roman intitulé And the Hippos Were Boiled in Their Tanks (et les hippopotames étaient bouillis dans leurs réservoirs), qui a été publié pour la première fois dans son intégralité qu'en Novembre 2008! A propos de ce titre. Pendant de nombreuses années, Burroughs a maintenu que le titre du roman est venu en se souvenant d'un communiqué à la radio au sujet d'un incendie au zoo de Saint-Louis, quand le présentateur éclaté de rire lorsqu'il a tenté de lire cette ligne (en ce qui me concerne cela ne m'aurait pas fait rire du tout).

 

 

Après son emprisonnement, Carr a fait une chose qui a complètement violé l'éthique Beat et désorienté  ses amis. Il a obtenu un emploi. Commençant comme un journaliste pour le service de presse de  l'United Press International. Il est néanmoins resté en bons termes avec ses amis Beat, et a servi de témoin quand Kerouac a épousé Jeanne Haverty en Novembre 1950. Il a été parfois crédité comme l'homme qui a fourni à Kerouac le fameux rouleau de télétype, papier "chapardé" dans les bureaux UP, sur lequel Kerouac a écri le premier jet de Sur la route dans un marathon de 20 jours alimentée par le café et la marijuana. Mais cela relève peut être plus de la légende que de l'histoire littéraire. 

 

 

Lucien Carr Allen Ginsberg

Kerouac a emménagé pour quelque temps avec Carr à sa sortie prison après avoir quitté Neal Cassady, en Californie et à son retour à New York en 1951, (De gauche à droite: William S. Burroughs, Lucien Carr, et le poète Allen Ginsberg à New York, 1953)

 

Carr est resté toute sa vie un employé diligent et dévoué de UPI. En 1956, quand Ginsberg fit paraitre " Howl "et  Kerouac Sur la route allait être des sensations littéraires internationale, Carr tranquillement a été promu comme rédacteur des nouvelles de la nuit...

En août 1950, après une visites de Carr à William et Joan Burroughs au Mexique, Jeanne décide de divorcer d'avec Burroughs. Elle et Lucien sont tombés amoureux l'un de l'autre. Cependant, Joan sera tué "accidentellement"par son mari avant qu'ils puissent être ensemble. 

Laissant derrière lui son exhibitionnisme jeune, Carr est venu à chérir sa vie privée. Carr demandé à Ginsberg de rayer son nom de la dédicace au début de «Howl». Le poète a obtempéré.. Carr est même devenue une voix de prudence dans la vie agitée de Ginsberg, lui conseillent de «maintenir les arnaqueurs et les parasites à bout de bras." Pendant de nombreuses années, Ginsberg aura rendu visite à son ami dans les bureaux de UPI. Carr a continué à être pour Kerouac un compagnon de boisson, mais surtout le lecteur et le critique, des premières ébauches des travaux de Kerouac et d'être le confident de ce dernier concernant les frustrations de plus en plus grande qu'il éprouvait venant du monde de l'édition.

Lucien Carr et Allen au mariage de Lucien, déprimé, Allen a écrit que Lucien ressemblait à une poupée un jouet avec sa moustache soignée et plâtrée. Il a noté que Lucien portait un costume gris avec une fleur à son revers et qu'il a parlé avec toutes les vieilles dames, pour les faire rire."

Carr a épousé Françesca van Hartz et le couple a eu trois enfants: Simon, Caleb et Ethan. En 1994, Caleb a publié l'aliéniste, un roman qui est devenu un best-seller et a fait connaitre au fils la gloire littéraire qui semblait jadis être promise au père. 

«Quand je l'ai rencontré Carr au milieu des années 50, écrit le musicien de jazz David Amram , Carr était un homme très sophistiqué et mondain et il était toujours amusant d'être en sa compagnie et en même temps je me suis  toujours senti à l'aise avec lui, tu savais qu'il était toujours une longueur d'avance sur toi et s'était enrichissant de le suivre. 

Julian Carr a passé 47 ans, toute sa carrière professionnelle, avec l'UPI, et il a continué d'être à la tête du bureau de nouvelles générales, jusqu'à sa retraite en 1993. Si il était célèbre dans sa jeunesse pour son style flamboyant et son vocabulaire outrancier, il a perfectionné un style opposé dans sa vie professionnelle, nourrie de compétences et de concision formant des générations de jeunes journalistes dont il devint le mentor. Il était connu pour sa suggestion maintes fois répétée: «Pourquoi ne pas simplement commencer par le deuxième alinéa?" 

Carr est décédé à l'hôpital universitaire George Washington à Washington, DC en Janvier 2005 après une longue bataille contre le cancer des os...

, essentiellement centré sur Burroughs commence par l'évocation du meurtre de par Carr. Norman Reedus interprète Lucien Carr et Kyle Secor est Dave Kammener. Il me semble que l'histoire entre Carr et Kammener avec toutes ces célébrités qui gravitent autour pourrait faire un film formidable.

 

  

 

Sources:

 

Lucien Carr - Wikipedia, the free encyclopedia

www.beatdom.com

theselvedgeyard.wordpress.com

7 juillet 2020

Retour sur Roger Peyrefitte le sulfureux

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Roger Peyrefitte en 1947

 

C'est par la voie de ma boite mail que m'est arrivé ce commentaire dont je remercie son auteur Guy A. à propos de mon billet, Roger Peyrefitte, le sulfureux par Antoine Deléry, sur la biographie de Roger Peyrefitte écrite par Antoine Deléry il m'a semblé qu'il serait intéressant de répondre à ce commentaire sur ce blog pour en faire profiter tous les lecteurs

  

Le commentaire de Guy A.

Je viens de lire votre critique du livre d'Antoine Deléry.Autant j'ai appécié l'ouvrage, autant j'ai goûté votre remise à l'heure du maître, que je trouve plutôt bienveillante.
Quand même, prétendre que Roger Peyrefitte se tenait éloigné des réalités du monde, ne correspond pas à l'image donnée par Deléry quand il évoque les interventions de l'écrivain en faveur d'amis prisonniers tel Crémieux. plus "exemplaire" en la matière que Cocteau, Sacha Guitry ou Arletty réunis, non?
En fait, vous donnez l'impression de reprocher à Peyrefitte son indécrottable optimisme au milieu de cette période sombre.
C'est vrai qu'une telle biographie aurait méritée d'être accompagnée de photos d'époque pour mieux situer les personnalités qui ont gravité autour de l'illustre écrivain ainsi que le destin des plus jeunes et de son exécuteur testamentaire, qui parait plus attachant que le trouble Alain-Philippe.
J'ai 55 ans et pour ceux de ma génération et de mes penchants, Peyrefitte reste un symbole de courage avec du style et du panache.Personne n'oserait, ne pourrait écrire comme lui maintenant,l'étiquette pédéraste étant très mal vu de nos jours, même et surtout dans le milieu homo.Toute sa vie et sa fin plaident en son bonheur de vivre plus qu'un Montherlant ou un Raymond aron, non?
Je remercie aussi Antoine Deléry de m'avoir redonné l'envie de me replonger dans les oeuvres de ce maître en littérature. En attendant une réédition avec des photos...!
Avec mes cordiales salutations.

  

Guy A.

  

Tout d'abord je ne reproche rien à Roger Peyrefitte, chacun fait ce qu'il veut et surtout ce qu'il peut surtout dans des périodes comme celle difficiles que fut l'occupation, mais vous êtes injuste avec Cocteau et Guitry qui agirent souvent via Sert et Heller pour sauver la mise à certains par exemple le mari de Colette ou pour Max Jacob, mais trop tard malheureusement pour ce dernier, mais rien je crois en effet pour le malheureux Crémieux.

Mon billet ne visait par le biais du livre,  je le répète, indispensable, de Delery que de tenter de mettre en perspective l'oeuvre de Peyrefitte par rapport à la littérature française du XX ème siècle, certes c'est un programme qui d'une part dépasse de beaucoup mes compétences et qui d'autre part n'est nourri que de ma subjectivité.

Ce qui m'importe avant tout ce sont les livres et assez peu les anecdotes de la vie de leur auteur. D'ailleurs le plus souvent, enfin en ce qui me concerne, je ne connais rien ou disons peu de choses sur les écrivains que je lis.

Si je déplore lorsque je vais dans une librairie que le lecteur potentiel de Peyrefitte ne puisse trouver aucun de ses livres, pas même "Les amitiés particulières. Je le regrette encore plus pour d'autres écrivains comme par exemple Jean-Louis Curtis ou même Pierre Boulle ou encore Georges Bordonove, j'ajouterais Angus Wilson, mais il est anglais,  pour ne citer que des auteurs dont je devrais vous parler sans que vous ayez trop à attendre et qui me paraissent avoir un intérêt pour le lecteur actuel plus important que Peyrefitte. Il me semble que seul "Notre amour" échappe aux contingences étroites de l'époque où les romans de Peyrefitte furent écrits (je laisse hors champ l'oeuvre historique, bien que pour un Alexandre romancé je préfère "L'enfant perse de Mary Renault", paru jadis aux éditions Julliard plutôt que les trois gros pavés de notre auteur, ou "Du Vésuve à l'Etna" que je place très haut comme badinage géographique au coté du Venise de Paul Morand par exemple ou de l'Eté grec de Jacques Lacarrière, un peu en dessous de "L'usage du monde" de Bouvier tout de même) .

Certes comme vous ma lecture des livres de Peyrefitte  lors de mon adolescence en particulier des "Amitiés particulières" et de "Notre amour" auxquels j'ajouterais "Les amours singulières" fut importante pour ma connaissance, je devrais écrire pour la reconnaissance de ma personnalité. Mais voilà quarante cinq ans de cela, depuis d'autres accoucheurs, d'autres pères nourriciers, d'autres féconds cousins, d'autres frères d'arme ont contribué à faire l'homme que je suis (je ne parle là que des littérateurs qui ne sont bien sûr pas les seuls à féconder nos esprits. Dans cette foule qui m'accompagne et à laquelle presque chaque mois viens s'agréger de nouveaux éveilleurs, si Peyrefitte fait toujours parti de la cohorte, il ne marche plus dans les premiers rangs comme dans mon adolescence où en fait de foule, il n'y avait que quelques figures, le plus souvent rencontrées en marge de l'école. Je suis donc surpris que la place que donne toujours certains aux rencontres (intellectuelles ou autres) faites durant une période, le plus souvent l'adolescence ou même parfois l'enfance, comme si ces personnes avaient été figées en un millésime. Comme vitrifié dans leurs premières admiration alors que par la force des choses, en raison du court chemin qu' à cette époque de leur vie ils ont parcourus, ils n'ont qu'un panel limité d'admirations possibles. J'ai constaté que pour beaucoup de pédérastres leur curiosité semble s'être tarie à l'âge des beautés qu'ils convoitent. 

A cette époque de ma vie, je parle de ma quinzième année (je reste dans le domaine étroit de la littératures) mes grands auteurs étaient, avec Peyrefitte, Pearl Buck, Cronin, Grahame Greene et quelques livres que je mettais au pinacle comme Ravage de Barjavel, Les caractères de La Bruyère, La Peste de Camus, Les célibataires de Montherlant, Le meilleur des mondes et Contrepoint de Huxley, Le fil du rasoir de Maugham, Tanguy de Michel Del Castillo et encore quelques autres... Si je n'ai pas oublié ni ces auteurs, ni ces livres certains ne sont plus au premier rang de mes songes.

S'il est triste que des créateurs tombent dans l'oubli, il me semble que c'est une faute d'intelligence que de sur évaluer ceux que l'on a rencontré en premier dans sa vie et qui nous ont touché parce qu'ils parlaient de problèmes qui étaient cruciaux pour nous à l'âge où nous les avons croisé. Je suis surpris par exemple qu'Antoine Deléry prenne, d'après la lecture de son livre, Roger Peyrefitte comme maitre à penser alors qu'il a bien peu en définitive pensé.

  

Nota:

Cher Guy A je me permet de vous faire remarquer que vous faites une erreur en parlant de Raymond Aron, il s'agit en fait de Jean-Paul Aron (1925-1988) (http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Paul_Aron), neveu de Raymond Aron  qui est mort du sida après avoir annoncé sa maladie dans un article fameux paru dans le Nouvel Observateur. Il est surtout l'auteur d'un livre formidable Le Pénis et la démoralisation de l’Occident (avec Roger Kempf), Grasset, 1978 qui malheureusement a disparu de ma bibliothèque et qu'il faudrait bien que je le procure de nouveau.

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Le 5 septembre 2011 Antoine Deléry réagit à ce "retour"

  

Bonjour Bernard,

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre "retour sur Roger Peyrefitte", sur votre blog toujours si intéressant.
Merci de contribuer à replacer ce nom au centre des débats intellectuels.

Certes, si Peyrefitte a été un phare pour plusieurs générations de lecteurs homosexuels des années d'après guerre, il y a eu depuis, je n'en disconviens pas, beaucoup d'autres auteurs qui ont acquis, par la qualité de leurs œuvres, l'estime et la reconnaissance des homosexuels d'aujourd'hui. 

Pour autant, cela n'enlève rien à la reconnaissance particulière qui s'attache à sa qualité de pionnier courageux. "S'il ne marche plus dans les premiers rangs", il reste celui qui a ouvert la voie: sans lui (et quelques trop rares autres comme Bory, Navarre) ces auteurs se seraient-ils risqué à écrire? auraient-ils été publiés? Vous citez Curtis, certes écrivain de grand talent, mais dont je ne crois pas qu'il ait jamais écrit une ligne pour faire avancer la cause des homosexuels et autres réprouvés...S'il n'y avait eu que des Curtis, les auteurs qui ont suivi auraient-ils pu s'exprimer?

Certes les auteurs que vous citez voient plus loin que Peyrefitte, mais c'est parce qu'ils se sont juchés sur ses épaules. Ils sont allés plus loin que lui, mais c'est grâce à lui qui avez ouvert une voie. 

Vous posez une autre intéressante question: Peyrefitte peut-il être un maître à penser? 
Je crois qu'il est mieux et plus que cela: un maître à vivre. 
C'est en cela qu'il reste aujourd'hui, pour moi et pour d'autres, une référence pour aujourd'hui. 
Parmi ses leçons: le courage d'être soi, de refuser l'hypocrisie et le mensonge; l'amour de la beauté; une grande indulgence pour les êtres, une ouverture aux autres et aux autres cultures (qui manque aujourd'hui un peu dans certains milieux homosexuels, prompts à classer et à rejeter); une hiérarchie des valeurs où la jeunesse, la beauté, la culture sont aux premières places... 
Il a illustré et défendu une vision de l'homme et du monde où les humanités classiques et la Princesse de Clèves avaient leur place, et à laquelle je reste fidèle.

Bien à vous,

A.   

 

5 juillet 2020

QUEL EST MON NOM DE MELVIL POUPAUD

 

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Naguère j'avais mis en amorce du billet que j'ai consacré à « Voix » de Podalydes que je me méfiais des livres signés par des acteurs. Après avoir lu « Quel est mon nom », qui n'est pas sans rapport avec l'ouvrage pré cité, je vais m'en méfier de moins en moins car celui-ci aussi est épatant. Quel est mon nom est un beau livre d'abord parce que Melvil Poupaud s'y révèle une belle personne. Lorsque après la lecture de son bel album partiellement autobiographique, on se dit que du coté des nuage le joli Melvil a, pour l'instant, je lui souhaite que cela dure, a décroché le gros lot de la vie.

Si les habitués des salles obscures et en particulier de la cinématographie de Raul Ruiz savaient déjà que Melvil Poupaud est une des plus belles gueules du cinéma français qui n'en compte guère, il découvrirons avec « Quel est mon nom » qu'il a surtout une belle gueule à l'intérieur, ce qui à l'avantage d'être souvent plus durable. C'est du moins ce qui transparait à travers les émouvantes évocations qu'il fait de son entourage et en particulier de Serge Daney et de Raul Ruiz. Ce garçon qui a fréquenté dès le plus jeune âge, grâce à sa mère un nombre de sommités impressionnantes dans divers domaines Ruiz lui offre l'hospitalité lorsque sa copine l'a largué, Duras, Daney qui l'aide à faire ses dissertations, il est photographié par Hervé Guibert... ne se pousse jamais du col, il ne tombe pas non plus dans l'admiration béate devant ces célébrités qu'il voit au quotidien, démaquillées loin des sunligts. S'il les admire, il est surtout attentif à ce qu'ils disent, même s'il ne comprend pas toujours la totalité de ces discours tombés de ces bouches érudites. Il reste toujours lucide, ce qui est assez extraordinaire de la part d'un garçons de cet âge (je parle de la partie du livre qui traite de son adolescence), peut être parce qu'il voit certaines de ces célébrités tituber dans l'appartement de sa mère sous l'effet de substances aussi diverses que variées.

 

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Le livre est divisé selon quatre époques de la vie de Melvil Poupaud, l'enfance, l'adolescence, l'âge adulte et maintenant, dans cette dernière partie on parfois l'impression de lire du Kessel...

L'ouvrage, qui est aussi un bel objet, le papier est d'un grammage inhabituel, se présente comme une sorte de scrapbook de la vie de l'auteur. On y trouve, en plus du texte, des photos prises par Melvil Poupaud mais surtout par des gens qui ont accompagné sa vie comme sa mère et Chiara Mastroianni ou qu'il a croisé tel Hervé Guibert, qu'il parvient à cerner en une phrase: << On aurait dit un enfant triste, cherchant désespérément un camarade pour jouer avec lui.>>, ou Bruno Nuytten. Il y a aussi des dessins des photogrammes de films dans lesquels Melvil Poupaud a tournés ou qu'il a réalisés. L'écrit lui même revêt des formes variées, autobiographie, essai sur le métier d'acteur, récit de voyage, nouvelle, scénario, quête mystique... Le texte est agrémenté de notes en bas de pages dans lesquelles les protagonistes du récit commente les dire de Melvil Poupaud qui leur a donc soumis avant de le publier. Sa mère apporte des précisions amusées aux dires de son fils, Raul Ruiz (on est ravi d'apprendre ainsi qu'il a pu lire ce beau livre, où il tient une grande place, avant de mourir) se fend d'une notule aussi érudite qu'ironique, bien dans sa manière, on a également droit à une remarque italianisante de Chiara Mastroianni.

 

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Au détour d'une page on tombe sur une anecdote de tournage, elles sont souvent hilarantes, une méditation sur l'identité de l'acteur, d'où le titre, un morceau de scénario ou une belle description de la solitude dans la ville.

Le surréalisme ruizien a incontestablement déteint sur Melvil Poupaud en témoigne cet extrait: << Pour m'occuper durant le long tournage du film de James Hurt, Lucky Luke, western français tourné en Argentine en 2008, j'avais emporté dans mes bagages le scénario d'un autre film, écrit par Hugo Santiago, metteur en scène argentin et ancien collaborateur de Jorge Luis Borges, dont je comptais me servir comme guide touristique...>>.

Ce qui donne encore plus de prix à ce livre c'est la lucidité, on peut dire la modestie de son auteur envers lui même. J'ai rarement constaté dans un récit autobiographique une aussi juste distance entre celui qui écrit et son double, son sujet.

Je ne vois pas pourquoi le Prix Médicis chercherait un autre lauréat que Melvil Poupaud, son livre est d'une nouveauté absolu et subvertit merveilleusement les différents genres qu'il aborde dans ces pages ludiques et profondes.

 

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