Dans un premier temps, faisons fi de la médiocre polémique qui entoure cette très belle exposition de 250 photographies couleurs inédites de Paris sous l’occupation. Avant tout autre chose elle permet de découvrir un grand photographe français (je précise la nationalité, car j’ai lu qu’il était qualifié de photographe allemand dans une des innombrables feuilles de choux qui encombrent les kiosques). Elle nous montre son regard sur le Paris occupé. Il faut savoir qu’André Zucca travaillait dans ces années là à la fois pour l’”Illustration”, très pro vichyste, et Signal le magazine illustré de propagande allemande en territoire occupé.
Les photos couleurs que prenaient Zucca n’étaient probablement pas réalisées en vue d’une parution dans les journaux pour lesquels il travaillait qui ne publiaient peu de photographies couleurs (la couleur était réservée dans “Signal” aux photos de guerre), mais pour son plaisir personnel et à titre expérimental. Toutefois elles sont ressemblantes à celles qui paraissaient car parfois, quand il le pouvait, Zucca doublait la prise de vue, une avec son appareil habituel (un rolleiflex 6x6) chargé en noir et blanc et une autre avec un Leica 24x36 équipé en couleur. Il opérait avec un objectif unique, un 50 mm d’excellente qualité qui lui permettait une grande ouverture de diaphragme ce qui compensait en partie la faible sensibilité de sa pellicule d’ou aussi souvent de grandes profondeurs de champs dans les photographies présentées. Cet objectif unique l’obligeait à se rapprocher ou à s’éloigner de son sujet pour obtenir le cadre désiré toujours très soigné. On peut constater que le passage d’un format carré à une géographie de l’image rectangulaire n’a en rien altéré ses dons pour la composition de l’image. Il y a peu de gros plans et beaucoup de plans larges.
Il a su intégrer très vite la couleur dans la composition de ses image, en témoigne cette vue de la rue de Rivoli dans laquelle les drapeaux nazis sont plus des taches de couleur dans la composition que des emblèmes politiques.
Zucca opère frontalement. Il sait néanmoins se faire si discret que sa présence ne modifie pas le quotidien, le banal qu’il aime photographier. Cet infatigable piéton de Paris a sillonné la ville de Ménilmontant à Montparnasse, de Saint Germain des prés à la Nation, du zoo de Vincenne au jardin du Luxembourg, des Halles à La Muette... Il photographie aussi bien les riches qui se pressent au pesage d’une réunion hippique, que les miséreux, tel se clochard au bord de la scène, le travail comme dans ces éboueurs dans un petit matin clair d’été, que les loisirs dans les fêtes foraines ou les jardins publics. En parcourant cette, je le répète exceptionnelle exposition, on repère facilement les centres d’intérèt d’André Zucca, en premier lieu les belles femmes élégantes. Il a, comme François Truffaut, une prédilection particulière pour leurs jambes. Ces images sont aussi une mine de renseignements pour savoir comment étaient habillés les parisiens dans ces années de guerre. Espérons que la pléthore de cinéastes qui ressassent cette période scruteront les photos de Zucca...
Le photographe s’intérresse également beaucoup aux affiches, un art voisin du sien, les politiques mais surtout celles de cinéma. Le commissaire de l’exposition a eu la bonne idée de parsemer les salles d’affiches de cinéma de l’époque. André Zucca a su faire passer sa passion de l’image et du cinéma à son fils, Pierre Zucca, malheureusement disparu trop tôt, qui était un très estimable et original cinéaste.
Toutes les images présentées sont des tirages modernes aux couleurs restaurées. Un panneau explique le processus de sauvetage de ces inestimables témoignages. Le beau catalogue est le reflet exact et précieux de l’exposition.
L’exposition a provoqué l’ire des jocrisses. On a pu même lire sur le site du journal en ligne rue 89 ce titre: << L'exposition d'André Zucca perpétue la propagande nazie>> titre d’une rare imbécillité qui chapeautait un article, d’une non moins rare indigence, signé par Gilles Manceron et Agnès Tricoire. Comme quoi les feuilles de choux ne sont pas qu’imprimées on peut en trouver en ligne; l’ennuyeux celles-ci, c’est que l’on peut même pas se torcher avec ou s’en servir pour envelopper les épluchures! Mais le comble du crétinisme fut atteint par Christophe Girard adjoint au maire de Paris chargé de la Culture, qui demanda l’arrêt de l’exposition, arguant que les légendes fournies avec les photographies n’assènent pas assez l’horreur de la collaboration et l’infamie d’André Zucca, prétextant que tous les détails de ces clichés ne sont pas décrits par le menu au visiteur insouciant et, comme tout le monde le sait, stupide. On voit combien le bien-pensant Christophe Girard a une haute idée de ses électeurs. Heureusement monsieur Delanoé, le célèbre plagiste et par ailleurs maire de Paris a renvoyé son calamiteux collaborateur à ses pâtés de sable. L’exposition se poursuivra.