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Dans les diagonales du temps
24 juin 2020

L'HONNEUR D'UN HOMME D'ALLAN MASSIE

 

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On ne peut pas dire que la collaboration des français avec l’occupant durant la dernière guerre mondiale soit un sujet galvaudé. Dans ma grande inculture je peux compter sur les doigts d’une main les romans que j’ai lu sur ce thème. Il y a bien sûr les deux chefs d’oeuvres de Céline, “D’un château l’autre” et “Nord” mais ils traitent plus de la déconfiture et la fuite des collaborateurs que d’autres choses. Comme le disait l’excellent Galtier Boissière dans son pas triste “journal 1940-1950” (au feu Quai Voltaire) ce n’est plus “Je suis partout” c’est je suis parti! Pierre Boisdeffre a écrit un émouvant petit livre “Les fins dernières”, paru jadis au “Livre de poche” dans lequel il romançait la fin tragique de Robert Brasillach. Il y eu l’alerte “1941” de Lambron chez Grasset qui se passait dans les cercles du pouvoir vichyste, quant à l’oeuvre de Modiano, on y trouve plus un echo de la collaboration que la collaboration elle - même; et c’est à peu près tout ce dont je me ⁄rappelle dans cette touffeur d’été.

C’est donc la rareté du thème et la beauté de la couverture du au désormais presque célèbre André Zucca depuis la polémique autour de l’exposition de ses lumineuses photographies de l’occupation qui m’a décidé à acquérir “L’honneur d’un homme” d’autant que l’auteur, Allan Massie est étranger, ce qui donnait un intérêt supplémentaire à ce roman sur la collaboration, pour faire un raccourci que le livre ne mérite pas, et que d’autre part j’avais apprécié ses “Mémoires de Tibère”, édité chez de Fallois.

L’auteur aborde l’époque de l’occupation par le biais du récit à la première personne, d’un jeune homme, il est jeune lorsque nous faisons sa connaissance, dont le père décédé était français issu d’une vieille famille aristocratique et la mère une anglaise qui a suivi son deuxième mari en Afrique du sud où le garçon a passé son adolescence. Le lecteur le rencontre à Paris où il vient en vacances après avoir passé une année d’étude à Cambridge.  Au vue de cette amorce biographique (trop) romanesque, on pourrait s’attendre à avoir été mis en rapport avec un brillant sujet. On s’apercevra assez rapidement qu’il n’en est rien.

Suite à une rencontre inopinée, le jeune homme contracte une obsession, celle de connaître la vérité sur son père qu’il a vu pour la dernière fois lorsqu’il avait neuf ans et dont on apprend vite qu’il fut une figure marquante de la collaboration intellectuelle.

Dans la première partie du roman nous suivons ce pale jeune homme dans sa rencontre avec ceux qui ont aimé et connu son père, son oncle, député RPF et ancien résistant, ce qui est un peu une tautologie (le personnage m’a fait penser à Jacques Baumel), sa grand mère et des amis interlopes de son géniteur dont un cinéaste homosexuel transi qui a quelque chose de Marcel Carné... Vient se greffer à cette quête une histoire d’amour assez convenue.  Puis à partir de la page 160, le livre se transforme et devient le dossier que le jeune homme, puis l’homme qu’il est devenu a constitué sur son père, Lucien de Balastre, le “je” change d’attribution passant du fils au père. Le roman nous fait voyager dans le temps de 1898 à 1987 avec des stations plus ou moins longues sur certaines années et aussi dans l’espace de la Suisse à l’Afrique du sud en passant par l’Angleterre et le sud de la France. Mais pourtant, le lecteur n’est jamais perdu. Le style est plaisant, avec de belles trouvailles poétiques, bien rendues par la traduction. Néanmoins, En début de lecture, le ton pour un lecteur français déroute. Cette relecture d’une des périodes les plus sombres mais aussi une des plus effervescentes pour l’ intelligentsia française, par un homme presque sans qualité, donne à cette histoire, à la fois un ton et un point de vue totalement inédit. Il me vient à penser que le narrateur est un type d’homme qui a presque complètement disparu aujourd’hui, il m’est arrivé d’en côtoyer quelques uns; les derniers se dissolvent dans le grand âge. Des gens de bonne éducation, d’intelligence moyenne mais qui grâce à leurs humanités possédaient une solide culture classique.

L’honneur d’un homme a quelques parentés avec les roman de Roger Martin du Gard, modèle presque toujours inavoué, le prix Nobel traîne derrière lui, allez savoir pourquoi, comme un fumet de ringardise, des auteur voulant tricoter le romanesque avec l’histoire. On y trouve les même procédés narratif et le même souci d’étayer les personnages de fiction par de vrais acteurs de l’h}istoire. Cependant par rapport au maître français l’anglais achoppe sur plusieurs points. Le principal est la transparence quand ce n’est pas le convenu des personnages secondaires qui on également le défaut d’apparaitre aussi brusquement qu’ils disparaissent. Encore plus gênant est la relative inconsistance de ce Lucien de Ballestre dont le fils tente de cerner la personnalité (pour un historien ectoplasme). L’hétérogènéité du personnage vient sans doute de la multitude de ses modèle dans la réalité. Il y a du Lucien Combelle (tiens le même prénom!), il y a aussi du Drieu la Rochelle, mais sans œuvre, du Bertrand de Jouvenel et pour le maurrassisme du Henri Massis.

Le livre se lit sans ennui et même avec intérêt, mais l’auteur est passé à coté d’un grand livre ( peut être par manque de connaissances historiques) en n’ancrant pas plus son personnage principal dans l’histoire.

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