MUSEO ATELIER CANOVA TADOLINI, ROME
Rome, avril 2012
Dans la Via del Babuino se trouve au n° 150 un endroit particulièrement insolite. C'est un café restaurant qui est installé dans l'ancien atelier du célèbre sculpteur Antonio Canova. On peut prendre un café cerné par ses platres.
Monsieur Vertigo de Paul Auster
A Saint Louis, en 1923, Yehudi, la petite cinquantaine, « le maitre » rencontre Walt, 9 ans, un galapiat des rues qu’il achète à son oncle, un tenardier du Missouri. Yehudi pressent que le gamin à le don. Il lui promet qu’avant qu’il atteigne sa treizième année il lui aura appris à voler. S’il n’a pas réussi le gamin pourra le décapiter! Je me permet une première incise dans ma recension. Ne pourrait-on pas suggérer à notre Education Nationale de tels engagements de la part du personnel enseignant. Il me semble que cela les motiverait grandement et que par conséquent le niveau (toujours le niveau qui selon nos gazettes ne cesse de descendre) de leurs élèves s’élèverait; ce n’est qu’une suggestion, je retourne à l’opus d’Auster.
Walt bon grès mal grès suit Yehudi jusque dans sa petite ferme perdue au fond du Kansas et comme le fait remarquer le narrateur, Walt en personne, les années folles dans le Kansas ne sont pas folles du tout. Le Klu-Klux-Klan y règne en maitre. Ce n’est pas là que Joséphine pourrait gambiller habillé d’un seul régime de bananes; on la pendrait plutôt haut et court au premier arbre venu.
Dans sa modeste exploitation agricole Yehudi, entre deux lectures de Spinoza, va donc faire l’éducation de Walt en vue de lévitations juteuses car le maitre à pour projet de transformer Walt en prodige de music-hall ce qui devrait lui rapporter le pactole. La dites éducation est assez particulière. Elle consiste tout d’abord à effectuer les travaux de la ferme comme de s’occuper des cochons, les nourrir et nettoyer leur porcherie, à l’ensemencement de la terre aride des quelques arpents de la ferme puis le moment venu de récolter, sous un soleil de plomb, les fruits des semences. Cela c’est l’ordinaire, mais plus intéressant c’est l’extraordinaire, à intervalle irrégulier le maitre fait subir des épreuves à son élève, dont on ne voit pas au premier abord, ni même au énième comment elles pourraient aider Walt à s’élever dans le ciel. Par exemple le maitre enterre Walt dans une fosse en lui laissant qu’un tube pour respirer une fois que le garçon est recouvert de terre. Il le laisse ainsi une journée. Autre réjouissance il l’attache en plein cagnard sur le toit de la ferme l’ayant préalablement enduit de miel ce qui ne manque pas d’attirer divers bestioles. Une autre fois il oblige Walt à se tenir debout des heures sur une seule jambe… Le résultat est là. On voit Walt passer de gavroche gouailleur et rétif à élève obéissant et enthousiasme. Deuxième incise, notre mammouth nationale ne pourrait-il pas s’inspirer de cette pédagogie volontariste? Le narrateur, Walt lui même, soixante cinq ans après ces expériences concède toutefois qu’aujourd’hui cela serait sans doute difficile, d’appliquer ce genre d’éducation, les jeunes pousses étant trop choyées dans le monde d’aujourd’hui…
J’ai l’audace de commettre une troisième incise, non pédagogique cette fois mais musicale et si le nom du maitre était un clin d’oeil à Yehudi Menuhin enfant prodige dont la vie ne manquera pas de tragédies… Revenons au roman, dans sa première partie, la meilleure, non que la suite ne soit pas remarquable, « Monsieur Vertigo » est un roman d’initiation mi Mark Twain, mi Dickens avec même un soupçon de « Sans famille ». Mais c’est beaucoup plus que cela, le livre utilisant le mode narratif de l'autobiographie c’est au final une vie avec ses drames, ses désillusions, ses joies. Une vie qui est une leçon de courage, qui montre que jamais rien n’est perdu, mais aussi bien sûr que jamais rien n’est gagné définitivement, une leçon d’humilité et de ténacité.
L’écriture de « Monsieur Vertigo surprendra les habitués des romans de Paul Auster son écriture est beaucoup plus leste qu’à l’habitude et je dois avouer que lors d’une lecture à l’aveugle je n’aurait pas reconnu le style d’Auster et j’aurais probablement pencher pour celui d’Irving. Quelque chose m’aurait tout de même fait hésiter et penser à Auster c’est le tunnel d’une dizaine de page sur le base-ball…
Pour ne pas déflorer la lecture de ce trépident roman, je ne vous en dirais guère plus, sinon qu’avec délicatesse en furtif passent de grandes questions et maints faits historiques: le racisme dans la belle Amérique, la prohibition, le racket par la maffia, la crise de 29, la guerre et de ses séquelles, l’emprise du jeu sur un homme, la vie quotidienne dans l’Amérique profonde durant cinquante ans…. Paul Auster y brosse des vies dans lesquelles tout parait possible avec des hauts et des bas aussi vertigineux les uns que les autres. Des vies qui peuvent basculer en un instant.
Monsieur Vertigo est une brillante et émouvante variation sur le thème favori de l’auteur: le hasard.