Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Dans les diagonales du temps
7 juin 2020

STEPHEN TENNANT

 


Cet aristocrate britannique, né en 1906 est connu pour son style de vie frivole et décadent. Il est devenu l'archétype de l'homme devenu célèbre sans oeuvre et pourrait on ajouter sans qualité. Il est représentatif de ces homosexuels anglais fortunés et désoeuvrés qui donnèrent une aura d'élégance au goût des garçons.
 

 
Lorsque son père lui demanda, alors qu'il était adolescent, ce qu'il voulait être dans la vie, le garçon lui répondit: << a great beauty sir. >>. Ce qui est fascinant avec Tennant c'est qu'il est à la croisée de la vie intellectuelle et mondaine de toute l'histoire de l'Angleterre de l'entre deux guerres par ses multiples amitiés et par sa famille même. Il est par exemple le cousin du cinéaste Anthony Asquith (1902-1968), lui même fils d'un ancien ministre, et également homosexuel. Bien que ses films soient presque exclusivement sur des sujets hétérosexuels, certains critiques, notamment Stephen Bourne, font valoir néanmoins qu'ils sont imprégnés d'une sensibilité gay.
 
 
Les extravagances vestimentaires de Tennant firent beaucoup pour sa notoriété. Il pouvait descendre de son coupé sport vêtu d'un maillot de football assorti à ses nouvelles boucles d'oreille ou poser pour un photographe avec pour tout vêtement qu'une délicieuse robe d'été...
 
Stephen Tennant

img-27232107466

 

Tennant photographié par Cecil Beaton

tumblr_1738a28cdf4732d9c4319ca61001c024_b5924625_1280

Siegfried Sassoon et Stephen Tennant, photo de Cecil Beaton

 
 
Ses tenues n'étaient pas dictées que par la seule frivolité mais contenaient une bonne dose de rébellion et de provocation, mais à la manière de Tennant. En effet, lorsqu'il se fait photographier pour son 21e anniversaire par Cecil Beaton (voir immédiatement ci-dessus), Stephen portait un manteau de cuir copié de la tenue que son frère portait à la guerre avec toutefois l'ajout d'un col de fourrure de chinchilla, une référence ironique à la fois à la mémoire de son frère mort au combat et à son amant, "poète de la guerre", Siegfried Sassoon qu'il vient de rencontrer.  Les coteries gays de cette époque sont amplement décrites, en particulier l'histoire d'amour entre Stephen Tennant et Siegfried Sassoon dans Bright Young People: The Lost Generation of London’s Jazz Age de D. J. Taylor aux éditions Farrar, Straus and Giroux.
 
Capture-d-ecran-2011-12-05-a-09.50.43.jpg
 
 
L'écrivain Philip Hoare, auteur d'une biographie de Tennant, qui a été un bestseller,  voit en son modèle un précurseur des punks. Hoare écrit: << Il se considérait comme une œuvre d'art vivante, à la façon de Warhol ou des nouveaux romantiques... C'était un personnage des plus extraordinaire avec à un moment de sa vie, de longs cheveux rouges passés au henné, une grande bague représentant un scarabée à son doigt... J'ai écrit sur Stephen Tennant, parce qu'il était pour moi l'incarnation d'un monde fantastique que j'avais côtoyé tout au long de mon adolescence. Un monde qui, pour moi, s'étendait des Ballets Russes, d'une part à David Bowie et Jean Genet d'autre part. >>. 
 
Tennant est né en Angleterre. Il est le plus jeune fils d'un pair écossaisLord Glenconner , et de Pamela Wyndham, cousine de Lord Alfred Douglas (1870-1945), l'amant d' Oscar Wilde.
 
Capture-d-ecran-2011-12-05-a-18.58.45.jpg
Stephen à 10 ans
 
Elle est décrite par Jacob Epstein comme la plus belle créature qu'il avait jamais vu! Après la mort de son père, sa mère se remaria avec lord Grey. Tennant avait un frère ainé Edward, «Bim» qui fut tué durant la Première Guerre mondiale.  Stephen était inadapté à une éducation scolaire formelle. Il a donc été éduqué à la maison. Sa mère a encouragé ses penchants artistiques. En 1922, il est allé à Slade School of Fine Art, où il a rencontré Rex Whistler et Cecil Beaton.
 
 
 
En 1928 sa mère meurt. Il hérite de Wilsford Manor.
Pendant les années 20 et 30, Tennant était un des membres importants d'une coterie surnommée « Bright Young Things ».Autrement dit, les jeunes gens intelligents  surnom qui a été donné par la presse tabloïd  à un groupe de jeunes aristocrates mondains qui apparurent dans les années 20 à Londres. Ils passaient leur temps à élaborer des soirées déguisées, des chasses au trésor durant lesquelles ils traversaient la nuit Londres à la recherche d'objets improbables...Ils buvaient beaucoup et n'hésitaient pas expérimenter des substances qui n'étaient alors pas toutes illicites. Toutes choses qui étaient couvert avec enthousiasme par la presse à scandales. Ses amis s'appelaient: Rex Whistler, Cecil Beaton, Sitwell, Lady Diana Manners, qui deviendra Lady Duff Cooper, les sœurs Mitford, les sœurs Jungman, Tom Driberg (qui sera plus tard ministre du Travail, et homosexuels évident y compris lorsqu'il était au gouvernement).
 
 
Dans sa jeunesse Tennant était d'un narcissisme flamboyant d'où les nombreuses photographies qui existent de lui du moins lorsqu'il était dans sa fragile beauté, parfois dans des tenues particulièrement extravagantes comme dans cette photo prise par Cecil Beaton où il est costumé en prince charmant; alors que les représentations de lui dans ses dernières années sont très rares. Il avait l'habitude, mais il n'était pas le seul, de se maquiller.  Un jour où il allait prendre le thé avec sa tante, il a été réprimandé par cette dernière qui lui dit: << Stephen chéri, allez vous laver le visage avant de passer à table.". Par différentes source nous savons que la pratique chez les hommes de se maquiller n'était pas réservée à des prostitués, mais touchait diverses classes sociales. Cependant, cela était loin d'être bien accepté, même dans les cercles les plus "branché". Lors d'une soirée organisée par le comte de Pembroke, Cecil Beaton a été jeté dans l'eau de la piscine par certains des jeunes hommes les plus virils. Selon Tennant, qui était présent, l'attaque a été causé par l'abus de maquillage de Beaton.

tumblr_p0t0k6hmEV1wycayxo1_500

 

Stephen Tennant en route vers l'Amérique en 1930

 

Stephen Tennant et d'autres jeunes hommes  organisaient toutes sortes de soirées à thème. D'apparence efféminée Stephen Tennant a provoqué des réactions ambivalentes. Certains ont tout simplement été frappé: "Je ne sais pas si c'est un homme ou une femme, mais il est la créature la plus belle que j'ai jamais vu", déclara l'amiral Sir Lewis Clinton Baker. D'autres étaient moins indulgents. Lorsque Tennant un soir est apparu dans une robes du soir et outrageusement maquillé, les critiques ont atteint leur paroxisme. Rex Whistler, un de ses amis les plus proches, a regretté que Stephen soit allé trop loin et dit  «Les hommes ne doivent pas attirer l'attention sur eux-mêmes. Ce fut la seule accusation que je porterais sur l'attitude de Stephen, mais elle est juste et irréfutable.". Les parents de certains jeunes amis de Tennant se plaignaient que leurs enfants passaient du temps avec Stephen. Edith Olivier Folkestone-Hélène a été noté  à quel point les gens parlaient de Stephen, qu'il était détesté par des gens qui ne le comprennaient pas. 
 

 
Tennant a inspiré de nombreux écrivains qui en ont fait un personnage de leurs romans. Mais c'est sans doute le Cedric Hampton dans "L'amour dans un climat froid de Nancy Mitford qui est le plus proche de ce que fut le dandy. Il n'est pas douteux non plus Evelyn Waugh se soit souvenu de lui pour son Lord Sebastian Flyte dans "Brideshead Revisited" roman extraordinaire et chef d'oeuvre de son auteur dont il faut absolument que je vous parle ainsi que de sa brillante adaptation télévisée. Mais Tennant n'irrigue pas que le roman anglais, il y a du Stephen Tenant dans le personnage du poète dans le grand roman de Michel Déon "Les poneys sauvages".
Immédiatement ci-dessous on peut voir un superbe montage, dont malheureusement je ne connait pas l'auteur, qui en moins de deux minutes évoque la vie de l'esthète.

tumblr_p0t0k6hmEV1wycayxo2_500

Stephen parmi les croquis de Pavel Tchelitchew

tumblr_p0t0k6hmEV1wycayxo4_400

envoyée à Colette.
 
 
 
 
 
Les peintres et les sculpteurs n'ont pas été insensibles à la beauté éthérée du jeune Stephen...
 
 
Stephen Tennant par Hitomi Koro
 
Numeriser-1.jpeg
Numeriser-2.jpeg
Wilsford manor et Stephen Tennant vus par Pierre Le Tan
 
 
A  dix-neuf, Tennant est devenu l'amant du poète Siegfried Sassoon (1886-1967). Sa relation avec Sassoon a été la plus importante et la plus longue de sa vie. Elle a duré environ quatre ans. Ensemble, ils ont voyagé et visité la Sicile et Garmisch en Allemagne. Avant cela, il avait proposé a, Elizabeth Lowndes, de se marier avec elle mais ses avances furent repoussées.
Beaucoup de ceux qui ont connu Stephen Tennant à l'apogée de sa singulière beauté pouvaient à peine croire que l'amour physique soit possible pour lui. Probablement la seule histoire d'amour réelle de sa vie d'adulte a été celle avec Siegfried Sassoon (1886-1967), le viril, poète pacifiste de renom. Sassoon a apporté à leur relation sa renommée, son talent, sa position, tandis que pour Tennant ses son activité quotidienne se limitait à s'habiller et à lire dans les journaux dans la rubrique des potins mondains ce que l'on écrivait sur lui. En regardant les photos des deux amants, Tennant posant langoureusement alors que Sassoon regarde fièrement l'objectif, aujourd'hui même les plus radicaux militant d' Act-Up militante pourrait murmurer en privé "Oh , mon frère! ". David Herbert, lors d'une traversé l'Atlantique sur le Berengaria a rencontré Tennant sur le bateau et a été gêné de le voir marcher dans le couloir "ondulant et maquillé embaumant après une pulvérisation de parfum d'orchidées de Cattleya.
 
 
Capture-d-ecran-2011-12-05-a-10.16.41.jpg
Sassoon et Tennant à Garmish
 

 

Une grande partie de sa vie, Tennant a essayé d'écrire un roman, "Lascar" dont le sous-titre devait être "a story of the maritime boulevard. Les dessins que fit Tennant lui-même en vu d'illustrer son livre, il n'était pas maladroit le bougre quel dommage qu'il fut aussi dilettante, suggèrent son goût pour les jolis marins.
 
 
Capture-d-ecran-2011-12-05-a-09.37.55.jpg
 
Capture-d-ecran-2011-12-05-a-09.42.40.jpg
Capture-d-ecran-2011-12-05-a-10.09.28.jpg

stephen-tennant-lascar,-a-story-of-the-maritime-boulevard

Capture-d-ecran-2011-12-05-a-18.52.52.jpg

15205716554_31b445bc18_b

 

 
 
Capture-d-ecran-2011-12-05-a-10.29.23.jpg
Capture-d-ecran-2011-12-05-a-18.57.53.jpg
Capture-d-ecran-2011-12-05-a-18.54.32.jpg
Capture-d-ecran-2011-12-05-a-18.53.33.jpg
immédiatement ci-dessus pages du journal de Stephen tennant
 
Si vu de l'extérieur on peut considérer la vie de Tennant comme une existence privilégiée, il ne faudrait pas oublier que durant toute la première partie de sa vie il a été poursuivi par la maladie, la tuberculose et que la seconde partie a été assombrie par ce que l'on pourrait appeler pudiquement des désordres mentaux.
Au delà de son cas personnel, Stephen Tennant me parait emblématique de tous ces jeunes gens plein de promesses qui en définitive ne tiennent pas grand chose. En effet à  21 ans Tennant avait publié une plaquette de poésie qui avait été remarquée, exposé ses dessins  à Londres, vu Caruso chanter à New York, vu jouer  Sarah Bernhardt à Paris,approché pour faire un "beau"  mariage rencontré à peu près tous ceux qui feraient l'Angleterre dans les décennies qui allaient suivre, tant dans les arts, les lettres ou la politique et avoir deux brillants amis, Rex Whistler et Cecil Beaton qui allaient faire parler d'eux durablement. Et à partir de là, à peu près rien en ce qui concerne la création, à moins de considérer sa vie comme une oeuvre d'art à part entière. C'est comme si quelque chose s'était cassé en Stephen Tennant. Etait-ce le syndrome de Peter Pan, la peur de vieillir? La fée Clochette est elle partie, le dernier jour de sa 21 ème année, un peu comme  Brian Howard , Tennant n'a jamais réussi à faire fructifier le potentiel de ses débuts. Il a trop facilement succombé aux distractions, malgré l'exortation de son ami Beaton de l'importance de travailler dur pour atteindre le succès.
Il aurait passé les 17 dernières années de sa vie dans son lit dans la maison familiale ancestrale de Wilsford dans le Wiltshire. Mais  il semble en fait que durant cette période , il aurait fait plusieurs voyages aux États-Unis et en Italie, et ainsi se créa de nouvelles amitiés et même des relations amoureuses, malgré l'isolement volontaire qu'il affichait. Isolement relatif puisque Christopher Isherwood, Kenneth Anger, David Hockney, Truman Capote le visitèrent. Truman Capote se plaignit qu'il y avait des violettes confites dans sa soupe...
La fin de sa vie fut en particulier marquée par sa rencontre avec David Hockney.
Déjà célèbre, Hockney est devenu un grand ami de Beaton, et a été invité à Wilsford par le photographe afin de passer l'après-midi avec le célèbre reclus. Cecil Beaton a immortalisé cette rencontre ce sera la dernière fois qu'il photographiera  Tennant pendant que ce dernier régalait le peintre avec ses anecdotes du passé. Sur ces cliché on voit Hockney assis sur le bord du lit Stephen Tennant, transformé en une sorte de Bouddha. Il est entièrement entouré par des reliques choisi de son cher passé, son singe, sa boîte à bijoux, des lettres, des livres et des documents à profusion. Dans une des photos Stephen Tennant balaie l'air immobile de sa chambre de Wilsford avec un grand éventail japonais, dans une autre, il porte un toasts à ses amis avec un verre de champagne...
Tennant mourut en 1987. 
 
 
Wilsford Manor, berceau de la famille Tennant, focalisa toute l' attention de l'Angleterre lorsque son contenu fut mis aux enchères quelques mois à peine après la disparition de son seul occupant, mort à l'âge de quatre-vingts ans. Les journaux se sont remplis à nouveau de ragots sur l'excentricité de Tennant, dépeint comme un vieux prince charmant  à moitié endormi au milieu de ses bibelots, de ses bijoux et des peaux d'ours polaires. La vente a été réalisée sous l'égide de Sotheby's et, en compulsant son catalogue, maintenant extrêmement rare, on est éberlué par la variété des lots, dont certains sont des bibelots sans valeur mais plein d'étrangeté comme cette main articulée en bois tenant un coquillage.
 
Ci-dessous photographies de Wilsford Manor prises à la fin de la vie de tennant...









Alors que d'autres sont d'une valeur inestimable, premières éditions, boîtes de photographies de Cecil Beaton, une tonne de correspondance personnelle de noms souvent cellébrissime qui en dit beaucoup sur l'époque 1920-1930 et le climat dans lequel Tennant s'est fait connaître, meubles anciens, tableaux rares de Pavel Tchelichew à Paul Poiret, sans parler des montagnes de statues de jardin et des mètres de superbe tissus d'ameublement qui en rideaux isolaient  efficacement Tennant du monde extérieur...
Cet homme sans oeuvre a pourtant influencé par sa posture devant la vie un nombre incalculable de personnes d'ailleurs très diverses. On peut citer en vrac, Somerset Maugham, David Bowie, Dirk Bogarde, Boy George... C'est jusqu'au monde de la mode qui n'a pas oublié Stephen Tennant, comme le prouve cette photo immédiatement ci-dessous dans laquelle Callum Turner, s'essaye à être Stephen Tennant.
 
 
Image Hosted by ImageShack.us 

De gauche à droite: Cecil Beaton, Stephen Tennant (oh Stephen), Zita Jungman, Edith Olivier et Rex Whistler
 







Stephen Tennant et Siegfried Sassoon.
 
Publicité
Publicité
7 juin 2020

Heliogabale par Léo Maximus

tumblr_576dc8831c4dc795c569f4aec3bfa1fe_215ee98c_1280

7 juin 2020

MUSEO ATELIER CANOVA TADOLINI, ROME

DSC03906.jpg

 

DSC03905.jpg

 

DSC03904.jpg

 

DSC03903.jpg

 

DSC03902.jpg

 

DSC03901.jpg

 

DSC03900.jpg

Rome, avril 2012

 

Dans la Via del Babuino se trouve au n° 150 un endroit particulièrement insolite. C'est un café restaurant qui est installé dans l'ancien atelier du célèbre sculpteur Antonio Canova. On peut prendre un café cerné par ses platres.

 

7 juin 2020

RAMONN VIEITEZ


7 juin 2020

Pierre & Gilles: French Sailor

tumblr_d1347d979f6f7de9ce4bb3ba90998315_ca75a538_1280

Publicité
Publicité
7 juin 2020

La Lutte de Jacob de Léon Bonnat, 1876.

tumblr_3d38dd11555162e20d49acbcbe6fb933_786d0bc2_1280

6 juin 2020

Boy with Apple, 1882, Axel Jungstedt

tumblr_8be58ec39fd49d7847246900a2a9dcbe_0ec327b7_1280

6 juin 2020

Sarah Malcolm Freeborn, 1844-1906

sarah_malcolm_freeborn_-_on_the_heights01

6 juin 2020

MATHIEU PICOLLET

Capture-d-ecran-2012-05-12-a-19.29.26.jpg

 

Capture-d-ecran-2012-05-12-a-19.29.59.jpg

 

Capture-d-ecran-2012-05-12-a-19.31.38.jpg

 

Capture-d-ecran-2012-05-12-a-19.31.56.jpg

 

Capture-d-ecran-2012-05-12-a-19.32.14.jpg

 

Capture-d-ecran-2012-05-12-a-19.32.38.jpg

 

Capture d’écran 2020-06-05 à 07

 

 

img233_bd

6 juin 2020

Monsieur Vertigo de Paul Auster

 

A1hccO-GP+L

 

A Saint Louis, en 1923, Yehudi, la petite cinquantaine, « le maitre » rencontre Walt, 9 ans, un galapiat des rues qu’il achète à son oncle, un tenardier du Missouri. Yehudi pressent que le gamin à le don. Il lui promet qu’avant qu’il atteigne sa treizième année il lui aura appris à voler. S’il n’a pas réussi le gamin pourra le décapiter! Je me permet une première incise dans ma recension. Ne pourrait-on pas suggérer à notre Education Nationale de tels engagements de la part du personnel enseignant. Il me semble que  cela les motiverait grandement et que par conséquent le niveau (toujours le niveau qui selon nos gazettes ne cesse de descendre) de leurs élèves s’élèverait; ce n’est qu’une suggestion, je retourne à l’opus d’Auster.

Walt bon grès mal grès suit Yehudi jusque dans sa petite ferme perdue au fond du Kansas et comme le fait remarquer le narrateur, Walt en personne, les années folles dans le Kansas ne sont pas folles du tout. Le Klu-Klux-Klan y règne en maitre. Ce n’est pas là que Joséphine pourrait gambiller habillé d’un seul régime de bananes; on la pendrait plutôt haut et court au premier arbre venu.

Dans sa modeste exploitation agricole Yehudi, entre deux lectures de Spinoza, va donc faire l’éducation de Walt en vue de lévitations juteuses car le maitre à pour projet de transformer Walt en prodige de music-hall ce qui devrait lui rapporter le pactole. La dites éducation est assez particulière. Elle consiste tout d’abord à effectuer les travaux de la ferme comme de s’occuper des cochons, les nourrir et nettoyer leur porcherie, à l’ensemencement de la terre aride des quelques arpents de la ferme puis le moment venu de récolter, sous un soleil de plomb, les fruits des semences. Cela c’est l’ordinaire, mais plus intéressant c’est l’extraordinaire, à intervalle irrégulier le maitre fait subir des épreuves à son élève, dont on ne voit pas au premier abord, ni même au énième comment elles pourraient aider Walt à s’élever dans le ciel. Par exemple le maitre enterre Walt dans une fosse en lui laissant qu’un tube pour respirer une fois que le garçon est recouvert de terre. Il le laisse ainsi une journée. Autre réjouissance il l’attache en plein cagnard sur le toit de la ferme l’ayant préalablement enduit de miel ce qui ne manque pas d’attirer divers bestioles. Une autre fois il oblige Walt à se tenir debout des heures sur une seule jambe… Le résultat est là. On voit Walt passer de gavroche gouailleur et rétif à élève obéissant et enthousiasme. Deuxième incise, notre mammouth nationale ne pourrait-il pas s’inspirer de cette pédagogie volontariste? Le narrateur, Walt lui même, soixante cinq ans après ces expériences concède toutefois qu’aujourd’hui cela serait sans doute difficile, d’appliquer ce genre d’éducation, les jeunes pousses étant trop choyées dans le monde d’aujourd’hui…

J’ai l’audace de commettre une troisième incise, non pédagogique cette fois mais musicale et si le nom du maitre était un clin d’oeil à Yehudi Menuhin enfant prodige dont la vie ne manquera pas de tragédies… Revenons au roman, dans sa première partie, la meilleure, non que la suite ne soit pas remarquable, « Monsieur Vertigo » est un roman d’initiation mi Mark Twain, mi Dickens avec même un soupçon de « Sans famille ». Mais c’est beaucoup plus que cela, le livre utilisant le mode narratif de l'autobiographie c’est au final une vie avec ses drames, ses désillusions, ses joies. Une vie qui est une leçon de courage, qui montre que jamais rien n’est perdu, mais aussi bien sûr que jamais rien n’est gagné définitivement, une leçon d’humilité et de ténacité.

L’écriture de « Monsieur Vertigo surprendra les habitués des romans de Paul Auster son écriture est beaucoup plus leste qu’à l’habitude et je dois avouer que lors d’une lecture à l’aveugle je n’aurait pas reconnu le style d’Auster et j’aurais probablement pencher pour celui d’Irving. Quelque chose m’aurait tout de même fait hésiter et penser à Auster c’est le tunnel d’une dizaine de page sur le base-ball…  

Pour ne pas déflorer la lecture de ce trépident roman, je ne vous en dirais guère plus, sinon qu’avec délicatesse en furtif passent de grandes questions et maints faits historiques: le racisme dans la belle Amérique,  la prohibition, le racket par la maffia,  la crise de 29, la guerre et de ses séquelles, l’emprise du jeu sur un homme, la vie quotidienne dans l’Amérique profonde durant cinquante ans…. Paul Auster y brosse des vies dans lesquelles tout parait possible avec des hauts et des bas aussi vertigineux les uns que les autres. Des vies qui peuvent basculer en un instant. 

Monsieur Vertigo est une brillante et émouvante variation sur le thème favori de l’auteur: le hasard.

 

Publicité
Publicité
<< < 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 > >>
Dans les diagonales du temps
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Publicité