Christopher Isherwood & Don BACHARDY (1976) par David Hockney
le métro, Castro et la littérature
Pour aller Porte d'Auteuil, comme ailleurs, je prends le métro dont les couloirs et les quais me mettent parfois face à une image obscène, comme cette publicité en faveur du tourisme à Cuba sur laquelle on voit une image idyllique de La Havane où une voiture américaine pimpante des années 50 transporte des cubains hilares, sur fond d'architecture coloniale comme neuve. Voilà l'illustration parfaite de notre ploutocratie mercantile, de la complicité criminelle de notre gauche alliée à la lâcheté non moins criminelle de notre droite, traduite par une espérance de profits immoraux, envers le sinistre barbu qui n'en finit pas de crever. La bonne conscience occidentale lui sait gré d'avoir nettoyé le bordel de l'Amérique qu'était devenu Cuba sous Battista. Pour ma part, je préférerai toujours un bordel à une prison... Mon esprit d'escalier, mais c'est un escalier à la Escher qui me ramène toujours au même étage après de pénibles circonvolutions, me fait me souvenir d'une expédition ludique vers Cuba d'un groupe d?écrivains français en 2002 dont le but était de se faire goberger par Fidel sous le fallacieux prétexte d'assister à la 11e Foire internationale du livre de La Havane. À leur retour, les repus n'encoururent pas les foudres de leurs pairs. Je ne peux m'empêcher de faire le parallèle avec l'escapade que firent quelques intellectuels français en Allemagne en octobre 1941, promenade connue sous le nom du Voyage d'automne pour s'y acoquiner avec le régime nazi et furent, en 1945, voués aux gémonies. Entre parenthèses, ce groupe comportait deux homosexuels notoires, Jouhandau qui s'illustrait alors par des propos antisémites ignobles et André Fraigneau dont je crois ce fut presque la seule compromission. Et que croyez-vous qu'il advint ? Le premier n'eut guère à souffrir de ces vacances vert-de-gris, quant à la carrière du second elle fut définitivement brisée. Qui a dit que les temps changeaient... Il est possible de réparer d'une façon minime mais délectable cette injustice, en découvrant de Fraigneau Le Songe de l'empereur : Julien l'Apostat (éditions du Rocher), encore un vaincu dont je ne me console pas de la défaite...
Il faut se souvenir que le régime castriste est aussi répressif envers les homosexuels que le fut celui d'Hitler. Il n'y a qu'à lire pour s'en convaincre les livres d'Arenas et de voir Avant la nuit(DVD chez Films sans frontières), la belle biopic que consacra à Arenas Julian Schnabel, sans parler de l'éclairant documentaire de Nestor Almendros, Mauvaise conduite, mais comment revoir ce chef-d'oeuvre introuvable ?
Il n'est pas mauvais de se souvenir de cela et ne pas oublier non plus comment le PCF traitait l'homosexualité juste après mai 68, comme l'illustre très bien l'excellente mini série Les Camarades qui vient de sortir en DVD chez France 2 éditions.
Malgré tout j'aime beaucoup le métro. C'est pour moi un endroit propice à la lecture et... au matage, activités qui souvent entrent en conflit lorsque une agréable créature entre dans mon champ de vision, elle retarde ma connaissance de la suite de mon roman qui souvent aussi m'empêche de me repaître d'un beau visage comme je le voudrais... Parfois au cours de la lecture d'un livre, une bouffée d'émotions me submerge. Alors je lève les yeux de mon livre pour me refroidir le coeur dans la contemplation de ces voyageurs absents qui semblent se laisser transporter comme des ballots et qui me paraissent bien moins vivants que les personnages que je viens de quitter. C'est ce qui m'est arrivé à la fin du très beau Mon frère et son frère (édition 10-18) qui me provoqua une sorte de collapse entre Ranelagh et Jasmin.