Knud Baade
On trouve assurément de grands profits de l’humour sur soi
Les nuances de l’humour sudiste sont nombreuses et elles sont toutes recommandables. On trouve assurément de grands profits de l’humour sur soi : il met à l’abri des airs de tête, des profils avantageux, et il a le privilège de conserver la fraîcheur du teint. On s’en trouvera bien en cas de succès : il arrête, ou, du moins, suspend la décrépitude provoquée par les louanges. Employé plus généralement comme antispasmodique ou fortifiant, l’humour sur toute chose donne de bons résultats. Il a été utilisé avec bonheur en littérature où la seule apparition de Roger Nimier et d’Antoine Blondin, de Marcel Aymé ou de Jean Anouilh, a suffi pour donner des tons verdâtres et une odeur de moisi aux objets idéologiques exposés dans la vitrine de la brocante littéraire. Nous autres, Gibelins, nous sommes en ce temps-ci des « singes en hiver » : l’humour est le rayon de soleil sous lequel nous nous étirons. »
Maurice Bardèche. Sparte et les Sudistes. Les sept couleurs.
Beaucoup d’écrivains furent séduits par le fascisme
« Beaucoup d’écrivains furent séduits par le fascisme comme par un mouvement lyrique où se mêlaient le chant et la volonté. Pour Drieu le Rochelle obsédé comme tout barrésien par l’empire de la décadence, le fascisme était le ressort qu’il avait d’abord attendu de Moscou ; le mystérieux ressort qui tout à coup suspendait le cours du déclin. Pour Brasillach le fascisme n’était pas une opération politique mais un vaste courant de symboles, issue d’une culture secrète plus vraie que celle des livres. Il avait transformé le fascisme en poésie nationale et Mussolini en un chantre qui, ayant éveillé la Rome immortelle, lance de nouvelles galères sur le Mare Nostrum. Autres poètes magiques : Hitler qui célèbre les nuits de Walpurgis, les fêtes de Mai et qui apparaît à Brasillach dans une guirlande de chanson de marche et de myosotis, de dures branches de sapin aussi, avec une escorte de jeunes cueilleuses de myrtilles aux belles nattes, toutes fiancées à des SS descendus du Venusberg. Même Codreanu est un poète grâce à la légion de l’archange Michel. La rose et l’épée s’entrelacent autour des guerriers de Primo de Rivera. Jusqu’à la Belgique qui devient poétique grâce à Degrelle, par qui souffle la fraîche inspiration des Ardennes. Au vent de l’histoire, les feuillages sombres du Venusberg et des Ardennes, la houle d’oliviers espagnols tout prêts à devenir des lauriers frémissent du même mouvement que le chêne de Saint-Louis, les cèdres des croisades et les vagues de l’Atlantique engloutissant Mermoz ».
Jacques Laurent. Histoire égoïste. Table Ronde
Il me semble que Jacques Laurent fait un juste panorama sur l'illusion d'optique qui a dramatiquent berné les personnages dont parle l'écrivain. Pourquoi j'emplois le terme d'illusion d'optique car ces écrivains ne sont pas allé plus loin que les images qui les ont fasciné sans aller plus loin que les dites images sans les analyser et sans vouloir voir ce qu'il y avait derrière.
Des tableaux à Rétromobile 2015
L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage
Au lycée, ils étaient cinq inséparables, deux filles et trois garçons. Tous avaient des couleurs dans leur patronyme, sauf Tsukuru, le narrateur, d'où le titre du roman. Mais les années de lycée qui semblent si cruciales pour les japonais prennent fin un jour. Alors que les quatre « colorés » restent étudier à Nagoya, leur ville natale, Tsukuru part à Tokyo pour apprendre l'art de construire des gares (d'ailleurs Tsukuru signifie: faire construire, bâtir), sa passions de toujours. Pendant sa première année d'université Tsukuru rentre régulièrement à Nagoya où les cinq jeunes gens se retrouvent avec plaisir. Mais au début de sa deuxième année universitaire, alors qu'il est retourné à Nagoya pour revoir ses amis, ceux-ci lui signifient qu'ils ne veulent plus avoir aucun contact avec lui, sans en donner la moindre raison. Tsukuru est mortifié. Seize ans plus tard la blessure de cet abandon n'est pas guérie. Il décide de savoir pourquoi ses anciens amis ont coupé les ponts aussi brusquement. Il va les rencontrer, individuellement, pour qu'ils s'expliquent. Cette quête l'entrainera jusqu'en Finlande.
Bien que tous les romans de Murakami soient dans la même tonalité, il se divisent tout de même en deux veines, une dans laquelle le fantastique tient une grande part, on peut citer la trilogie 1q84, Kafka sur le rivage... et une autre plus naturaliste comme Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil et surtout « La ballade de l'impossible ». « L'incolore... » appartient à cette dernière manière. Il y a tout de même une incursion dans le fantastique par le biais d'une histoire qu'un ami raconte à Tsukuru dans laquelle un homme voit chacun entouré d'un halo de lumière signifiant.
Lors du dernier prix Nobel, une fois de plus Murakami était cité parmi les favoris. Comme on le sait c'est Patrick Modiano qui rafla la mise.
A y regarder d'un peu près les livres des deux romanciers possèdent de nombreux points communs. Tout d'abord dés les premières pages le lecteur sait qu'il se trouve dans un de leurs romans. Chez les deux auteurs leur narrateur sont presque toujours des jeunes hommes à la volonté incertaine qui semblent flotter au grès des événements tout en étant accueillants aux surprises de la vie. Et puis se sont surtout deux écrivains géographes. Leurs personnages (à remplir) trouvent souvent leur vérité lors d'un périple, plus linéaire chez Murakami que chez Modiano où il est souvent circulaire, circonscrit dans quelques arrondissements de Paris. S'il n'est pas indispensable de connaître Tokyo pour apprécier « L'incolore », il apportera néanmoins un plaisir supplémentaire aux familiers de la capitale japonaise.
Le style fluide de Murakami fait que chacun de ses livres sont de redoutables pages-turner malgré la propension de l'auteur à la répétition, moins cette fois heureusement que dans 1q84, qui tout en étant son plus grand succès de librairie, me paraît être son moins bon roman. Murakami émaille toujours sa prose de nombreuses métaphores telles que: << Le coeur de l'homme est un oiseau de nuit » ou encore: << La vie ressemble à une partition compliquée. >>. Ses phrases sont courtes et limpides.
Ce roman sur la nostalgie et la mélancolie est facile à lire. Il pourrait paraître anecdotique et surtout très japonais, on y retrouve l'importance des années de lycée et la difficulté à communiquer entre les êtres qui si elles ne sont pas des spécialités uniquement nippones sont néanmoins récurrentes dans un nombre incalculable de romans japonais et de mangas, est en réalité universel et profond. Il s'interroge sur la différence du regard que l'on a sur soi et celui que portent les autres sur vous. La perception d'une même personne pouvant changer du tout au tout selon le regardeur. Tsukuru se voit comme un garçon vide, une personnalité à remplir par les autres alors que ses amis l'admire, ce dont il n'a pas conscience. Tsukuru est aussi un garçon qui n'est pas sur de sa sexualité. Il est à noter qu'au fil du temps l'homosexualité rode de plus en plus dans les romans de Murakami.
Cette histoire d'exclusion, au delà du cas particulier évoqué ici touchera tous ceux qui à un moment de leur vie auront été rejetés inopinément.