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Dans les diagonales du temps

24 mars 2020

Le soldeur de Michel Field

 

Le soldeur de Michel Field

 

Michel Field est mon ex-Trotskyste préféré. Je goute particulièrement chez lui ses talents de meneur de débats. Même quand il est loin de l'opinion de ceux dont il doit encadrer les joutes, il le fait toujours avec un respect qui n'empêche pas une certaine goguenardise de celui à qui on ne l'a fait plus. Les plateaux où il doit modérer les vitupérants souriants que sont Olivier Duhamel et Alexis Bréset sont de beaux moments de télévision. En revanche j'ignorais qu'il put s'adonner à l'écriture romanesque et qu'il aimait autant les livres même si je me souvenais qu'il avait animé une émission littéraire, ce qui ne veut pas dire qu'on aime les livres ni même qu'on en lit, ainsi cet ouvrage qui pourtant ne balance pas trop, nous apprend que non seulement PPDA n'écrivait pas les livres qu'il signe mais qu'également il ne lit pas les ouvrages qu'habrite son imposante bibliothèque d'apparat.

 

Le soldeur de Michel Field

« Le soldeur », un assez mauvais titre, est avant tout un hymne à l'amour des livres, ces compagnons silencieux et pourtant encombrants. Ceux qui, comme le narrateur, qui est à coup sûr, une transposition de l'auteur (ridiculement misérabiliste quand on sait que Field est un des journalistes les mieux payés de Paris, mais certes, il y a les pensions alimentaires...), partagent difficilement leur espace vital avec leurs livres se reconnaitront dans la voix du narrateur de ce roman, qui n'en est pas un, mais aujourd'hui à peu près tous les livres qui paraissent sont baptisés ainsi...

Si le prétexte romanesque est mince il est néanmoins habile. Le narrateur qui n'a ni nom, ni prénom, la soixantaine d'après ses souvenirs d'enfance, alors qu'il vend chez un soldeur des livres qu'il trouve superfétatoires et même indignes de sa bibliothèque, repère, parmi la file d'attente dans laquelle il a pris place, une jeune femme, la trentaine, qui ne le laisse pas indifférent. Il parvient à lui donner son numéro de téléphone en lui glissant qu'il aimerait la revoir. Elle appelle mais pose ses conditions pour leur revoyure. Ce ne sera que chez le soldeur; auparavant elle lui aura téléphoné en lui donnant un mot qui induira les livres qu'il devra apporter pour les vendre et dont elle en prélèvera un de son choix. Le mot en question, Enfant, Paris, promenade, cuisine permet à chaque fois à Michel Field de digresser parfois en incises envahissantes mais toujours plaisantes qui peuvent même s'éloigner de l'objet livre. Il y en a de savoureuses comme celle sur le rugby et quelques unes un peu vachardes dont je me suis régalées, sur la sociologie notamment.

<< Il y a toujours eu un petit coté prolétaire rayonnant devant le soleil couchant chez Bourdieu (…) En même temps il fallait bien reconnaître: le pitoyable destin des « bourdieuserie après lui, les jappement de ses chiens de garde, les éructation de ses héritiers autoproclamés avait instantanément fait regretter la disparition du maître qui lui, au moins, aurait sifflé ses caniches nains pour qu'ils rentrent à la niche, si toutefois il les avait laissés sortir!>>

Le soldeur n'est pas que plaisantes digressions sur l'amour des livres et ses contingences. Il contient aussi de touchantes anecdotes comme celle de ce vieil homme désargenté contraint de vendre à un soldeur ses livres tant aimé. Il est si abasourdi par la somme ridicule qu'on lui donne en échange qu'il préfère remettre dans son cabas ses vieux amis quitte à se priver de l'essentiel...

Ce roman est aussi le prétexte pour Field d'évoquer sa jeunesse à travers brochures et journaux. Il se souvient de brulots libertaires tel que les revues « Gulliver » ou « Tout », le journal fondé par Roland Castro dont le slogan était : Nous voulons tout tout de suite...

 

Le soldeur de Michel Field

Mais qui dit livres dit bibliothèque et l'on a droit à une sociologie savoureuse autour de ce meuble. Field fait un panégyrique inattendu de la bibliothèque Billy de la firme Ikéa pour laquelle je ne partage pas son fanatisme tout en reconnaissant qu'elle est parfaite pour les bandes-dessinées. Bandes-dessinées qui sont les grandes absente de la bibliothèque de l'auteur.

Michel Field n'oublie pas qu'il est philosophe et cet homme qui se penche sur son passé se penche aussi sur l'avenir du livre et de la place qu'il occupe dans la vie de chacun.

<< Les livres sont faits pour circuler, pour être donnés, prêtés. Volés, même. Il faut qu'ils passent de main en main, de corps en corps. Ils ne vivent qu'à l'acte de leur lecture. Un livre qu'on aime, c'est le visage de qui vous l'a conseillé, la voix de celui qui vous l'a offert. Le square où on s'est assis pour le commencer, le temps qu'il faisait ce matin là, peut-être même comment vous étiez habillé. C'est le souvenir vivace, dès les premières lignes, de la rencontre. Et, sitôt la lecture achevée, le désir de l'offrir à qui vous aimez. >>

Ce roman permet un jeu amusant et totalement inutile, celui de recenser les ouvrages que l'on a en commun avec l'auteur qui se livre dans son roman à name dropping littéraire effréné. Même si ma bibliothèque (prenez ce mot dans le sens des livres qui meublent ma maison et parfois y migrent) n'a pas l'étendue borgessienne de celle de Field (je fais un amalgame que ne crois pas abusif entre le narrateur et l'auteur), je suis surpris du nombre assez restreint de livres que nous avons en commun. Cela s'explique d'une part pour mon peu de goût et d'entendement pour la philosophie, je n'ai presque aucun volume de l'impressionnante nomenclature des ouvrages de philosophie que Field égrène dans son roman. Je n'ai guère dans sa liste qu'un imposant Sénèque et un mince Théocrite, si mince que je ne parviens pas à remettre la main dessus (comme je l'ai mentionné quelques fois, je suis persuadé que de temps en temps les bibliothèques dévorent quelques uns des volumes qu'elles recèlent.). Mais surtout parce qu'il est en définitive assez peu question de littérature dans ce roman. Tout du moins de littérature romanesque, de fiction, mis à part les romans policiers, les quelques autres qui sont cités comme les roman de Graham Greene proviennent de la bibliothèque de l'oncle du narrateur, l'évocation reconnaissante et émue de ce dernier est un des plus beaux passages du « Soldeur ».

A propos de sa litanie des romans policiers j'ai été ravi d'y voir mentionnée Joseph Hansen qui plus est pour plusieurs de ses roman dont mon préféré « Petit papa pourri ». Hansen n'est pas le seul auteur gay sur lequel Field s'attarde, il s'interroge également sur la destinée des oeuvres d'Yves Navarre que je suppute être beaucoup plus problématique que celle de l'inventeur de Dave Brandstetter, un des seuls héros gays du polar.

 

Le soldeur de Michel Field

Si la plupart des livres qui peuplent la bibliothèque du narrateur ne sont pas des romans et que « la grande » littérature française ou étrangère est presque absente où sont les Céline, Proust, Pérec, Morand, Aragon, Conrad, Melville, Mishima, Mann... Ils ne sont pas négligeable pour autant mais ce sont ce que j'appellerais des ouvrages techniques. C'est à dire qu'ils sont construits autour d'un thème. La curiosité insatiable du héros fait que ceux-ci sont divers. Ainsi le narrateur énumère ses livres sur Paris, nous en avons plusieurs en commun tel « Le dictionnaire des rue de Paris d'Hilairet, curieusement paru aux éditions de Minuit, en lisant « Le soldeur » vous saurez pourquoi, ou « Le Belleville Ménilmontant de Willy Ronis, je ne saurais trop lui conseiller sur la capitale d'acquérir le « Paris XIX ème siècle, l'immeuble et la rue » de François Loyer plus classiquement édité par Hazan, sur la cuisine (on subodore vu la richesse des anecdotes à propos de ceux-ci que Michel Field est un gourmet), sur le sport et bien d'autre encore.

L'écriture si elle est sans trouvaille spectaculaire est agréable et sans aspérité. Une certaine hétérogénéité dans le style, ce qui n'est pas désagréable et rompt la monotonie de l'exploration de cette bibliothèque peut faire penser que le livre a été rédigé par étape et qu'un certain temps a séparé chaque moment de sa rédaction. Le début est si soigné, avec ses images bien venues qu'il fait un peu trop penser à la page d'écriture de nos dictées d'enfance auxquelles d'ailleurs l'auteur fait allusion.

 

Le soldeur de Michel Field

Le livre souffre d'être tiraillé entre plusieurs désirs de son auteur. D'abord celle de nous faire partager les livres de sa vie; un peu comme l'avait fait Frédéric Beigbeder avec « Premier bilan après l'apocalypse ». Mais si le livre de Field prend plus de hauteur avec son objet, il s'intéresse non seulement au contenu des volumes, mais à leur aspect, à leur typographie... il sera cependant moins prescripteur de lecture que celui de Beigbeder. Mais outre d'être donc une sorte de travelling sur une bibliothèque et par là sur la vie de son possesseur, « Le soldeur » se veut être aussi un roman, sur ce point ce n'est pas vraiment une réussite; même si par un habile subterfuge Field réussit à désamorcer, dans les toutes dernières pages, la plupart des critiques qu'on aurait pu lui faire, sur par exemple l'invraisemblance de son prétexte, sur son personnage féminin qui semble concentré tous les clichés de l'époque sur la banlieue et les étudiants issus de milieux défavorisés, comme on dit... Le livre se veut aussi une réflexion sur le temps et la place que peut occuper le livre dans la vie d'un homme. Avec cette interrogation qui taraude le narrateur: Le livre est il le moyen de s'ouvrir aux autres et au monde ou au contraire fait il écran à la vie concrète...

<< Se libère-t-on de soi quand on se libère des livres qui vous ont fait soi? Leur présence aide-t-elle à vivre, ou empêche-t-elle de vivre? Une bibliothèque est-elle une ouverture au monde ou une forteresse assiégée? Le livre un baptême ou une épitaphe?>>
<<En était-il des livres comme des êtres? Finissait -on par ne plus les voir dans le quotidien d'une trop grande proximité jusqu'à l'ultime fulgurance de la séparation.>>

Il reste à espérer pour l'auteur que cet amoureux des livres n'ait pas fait comme son personnage et n'ait pas accepter de démembrer sa bibliothèque en échange d'une hypothétique aventure féminine (et je conseille à mes lecteurs ne ne pas tomber dans un tel abîme, vous pouvez remplacer le dernier mot de mon texte par celui qui correspond le mieux à vos fantasmes).  

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23 mars 2020

"Nudo di fanciullo", 1930, par (Guido Galletti (1893-1977)

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23 mars 2020

Jean-Louis Foncine photographe (2)

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- Lot 11 photographies prises par Jean-Louis FONCINE dans le "Pays perdu" à l'occasion principalement de grands jeux. L'une d'entre elle a été prise à l'occasion du sketch "Les spartiates" réalisé par une troupe "rangers" SdF de Paris pour leur fête de Groupe (Voir "La Fusée" 75/76).

- Lot 10 photographies prises par Jean-Louis FONCINE dans le "Pays perdu" à l'occasion de grands jeux, de visites de scouts ou de mises en scène. 3 datent du début des années 60, les autres du début des années 80.
- Lot 5 photographies prises par Jean-Louis FONCINE dans le "Pays perdu". Il s'agit essentiellement de mises en scène "Ayacks" de dates non définies (vraisemblablement années 60 ou antérieures)

 

Je remercie chaudement Louis de m'avoir envoyé ces photos.

23 mars 2020

Scott G. Brooks

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23 mars 2020

Cornelis Cornelisz van Haarlem

 

 
Val aller Titanen 1588 

 
 
1588
 
 
 
Cornelis Van Haarlem Corneliszoon, Ixion, avant 1588
 
 
Tityus 1588
 
 
Deux nus masculins, 1590
 
 
 
Massacre des Innocents, 1590 

 
 
De kindermoord à Bethléem, (panneau central), 1591
 
 
La chute, 1592
 
 
1597
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23 mars 2020

Le Troca 86-90 vu par D.L. (2)

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Le Troca 86-90 vu par D.L. (2)
Le Troca 86-90 vu par D.L. (2)
Le Troca 86-90 vu par D.L. (2)
Le Troca 86-90 vu par D.L. (2)
Le Troca 86-90 vu par D.L. (2)
Le Troca 86-90 vu par D.L. (2)
Le Troca 86-90 vu par D.L. (2)
Le Troca 86-90 vu par D.L. (2)
Le Troca 86-90 vu par D.L. (2)
Le Troca 86-90 vu par D.L. (2)
Le Troca 86-90 vu par D.L. (2)
Le Troca 86-90 vu par D.L. (2)
Le Troca 86-90 vu par D.L. (2)
Le Troca 86-90 vu par D.L. (2)
Le Troca 86-90 vu par D.L. (2)
Le Troca 86-90 vu par D.L. (2)
Le Troca 86-90 vu par D.L. (2)
Le Troca 86-90 vu par D.L. (2)
23 mars 2020

L'éducation de l'oubli d'Angelo Rinaldi

Unknown

 

« L'éducation de l'oubli » est chronologiquement le troisième roman d'Angelo Rinaldi. Il paraît en 1974 aux éditions Denoel.

José, le narrateur, vient d'avoir trente ans. Il est le fils d'un père officier qui fut fusillé à la Libération pour collaboration et d'une mère qui, à la même époque, fut tondue. Après avoir passé son enfance en Corse, au bon soin d'une nourrice, il est ensuite élevé à Paris par sa grand mère, nostalgique du Maréchal, puis à la mort de cette dernière par sa grand tante, fraichement débarquée d'Egypte après le coup de Suez, qui ne tarde pas à se débarrasser de l'adolescent. Vivotantt de petits boulots sur lesquels il ne s'attarde pas, le garçon fréquente le cours Simon. Il va bientôt grossir la cohorte des acteurs de troisième zone qui cachetonnent pour subsister misérablement. Page 59, une phrase lapidaire résume bien l'état d'esprit de José et en général des héros de Rinaldi: << Mon malaise venait peut être du fait que j'étais un raté qui pensait au dessus de son intelligence.>>.

Le lecteur apprend tout cela graduellement, des réminiscences du dit José, qui est, quand commence le livre, le souffre douleur d'Edwarda et de sa cour. Tout cet aréopage réside dans une luxueuse villa à Saint-Paul de Vence. Edwarda (un bien mauvais nom pour un personnage, on pense à un homme maladroitement féminisé, ce qui n'est pas le cas) est une femme riche et de grande influence dans les milieux artistiques. Elle goberge un petit monde de serviles laudateurs. José accepte toutes les avanies de sa part car il espère qu'elle fera pression sur un de ses amis éditeurs pour qu'il édite le manuscrit de son premier roman. Le jeune homme, lassé de ses petits rôles sans gloire, espère que la littérature sera son salut.

Ayant tout son soul de vexations José prend la fuite et sur un coup de tête décide de tenter de retrouver dans l'ile de son enfance, sa mère qu'il n'a pas revu depuis vingt ans. Dans sa deuxième partie le roman, progressivement, se transforme en une quête oedipienne. Lors de sa parution, Dominique Fernandez a signé dans l'Express où peu de temps après Angelo Rinaldi deviendra une des plumes vedettes, une critique dans laquelle « L'éducation de l'oubli » est entièrement lu, à la lumière du mythe Oedipien.

A propos du narrateur chez Rinaldi, laissons la parole à Jacques Brenner qui, s'il est un malencontreux diariste, est en revanche un des meilleurs connaisseurs de la littérature française de la deuxième moitié du XX ème siècle (pour ceux que le sujet intéresse son « Histoire de la littérature française de 1940 à nos jours, c'est à dire 1978, date de parution du volume, est indispensable. La citation qui suit en est extrait.): <<Rinaldi a besoin d'un narrateur comme premier personnage de ses romans. Ce narrateur est différent dans chaque livre et son âge même varie: la cinquantaine dans « La Maison des Atlantes », la trentaine dans « L'éducation de l'oubli », mais ils éprouvent tous le même besoin de regarder en arrière – besoin qui fut fatal à la femme de Loth et qui caractérise les natures d'artiste. Leurs plongées dans les souvenirs ne respectent pas la chronologie: elles se présentent comme les vagabondages d'une mémoire jamais en repos.>>.

  

Le personnages d'Edwarda ainsi que les fantômes qu'évoquent ses affidés empruntent beaucoup à la faune de la « café society » ( sur cette micro société de nantis, il faut lire et admirer l'album « Café society » de Thierry Coudert, édité par Flammarion) qui se mourrait et sera remplacée par la jet set, tout aussi futile mais plus vulgaire... En cette année 1971 cette société informelle jetait ses derniers feux. Le présent du roman est exactement daté puisque José précise que ce séjour à Saint Paul se déroule l'été de la démolition de l'hôtel Rhul. On peut penser qu'Edwarda doit beaucoup à Marie-Laure de Noailles et sans doute aussi un peu à Florence Gould et peut être à travers les ans, elle est morte en 1928, à Madeleine Lemaire (l'un des modèles de madame Verdurin), ce qui serait un clin d'oeil proustien supplémentaire...

A ce propos si on ne peut s'empêcher de chercher des clés dans les romans d'Angelo Rinaldi c'est que son hyper réalisme, qui n'est pas du naturalisme, pousse à ce jeu un peu vain...

Ce qui est amusant c'est que si certaines clés à la parution du livre étaient assez facilement identifiables presque quarante ans plus tard la plupart des personnalités ayant servi de modèle au romancier sont aujourd'hui tombées dans l'oubli et redeviennent pour le lecteur lambda des personnages de fiction à part entière.

On a un peu plus de peine que souvent dans les romans d'Angelo Rinaldi a croire d'emblée en ce narrateur, l'adhésion viendra petit à petit et il s'avérera au final un des personnages les plus denses de l'oeuvre du romancier, parce que sans doute sa personnalité est plus éloignée de celle de l'auteur que celle des narrateur qui habituellement lui servent de truchement. On se dit que le narrateur type de la geste rinaldienne est semblable à ce qu'aurait pu être Rinaldi s'il avait eu moins de qualités donc moins d'opportunités et de réussites. En effet on imagine mal en José, quasi gigolo, le fier Rinaldi que l'on pressent incapable d'avaler autant de couleuvres qui plus est avec une morbide délectation que son personnage.

Si les souvenirs de la dernière guerre rodent souvent dans les romans d'Angelo Rinaldi, ils n'y ont pas habituellement comme ici, une place centrale. Ce roman est paru alors que ce développait en France la mode dite rétro, popularisée notamment par le film de Louis Malle « Lacombe Lucien ». Mode et film pouvaient alors tendre à faire croire que tous les engagements se valaient qu'ils soient du coté des Tommys ou du coté des teutons comme le chante Brassens dans les « Deux oncles ». Ne voulant pas qu'on enrôle son roman sous cette douteuse bannière Rinaldi sur ce sujet, réagissait violemment aux questions que lui posait Daniel Demarquest en 1974: << Quand j'ai commencé le livre à la fin 1970 cette mode n'avait pas encore éclaté. Je juge la collaboration comme une perversion. Je suis d'un milieu où l'on avait pour ces gens là beaucoup de répulsion (...) Cette mode rétro est assez malsaine (…) On essaie d'accréditer cette thèse qui me semble particulièrement perverse: à savoir que tous les engagements se valent dès lors qu'ils sont sincères... C'est absolument scandaleux. Il n'y a aucune mesure entre un Jean Moulin, ou le plus obscur des cheminots qui a fait de la résistance, et le jeune gandin ou voyou qui s'est engagé dans la L.V.F. C'est odieux de mettre les choses sur le même plan. Surtout qu'on ne s'y intéresse pas historiquement, mais esthétiquement...>>. Cette déclaration très tranchée ne reflète pas l'atmosphère du livre où la grand mère pétainiste du narrateur est plutôt présentée comme un personnage, certes un peu ridicule mais plutôt positif pour lequel on sent que l'auteur a au moins de l'indulgence. Est-ce pour ce dédouaner d'une éventuelle accusation de bienveillance envers la collaboration que Rinaldi a dédié son roman à Janine Quiquandon, éditrice de livres d'art, ancienne résistante, mais aussi militante communiste. S'il est difficile de penser que Rinaldi ait pu avoir des tendances communistes, on trouve néanmoins souvent des personnages communistes positifs dans ses romans, comme le journaliste Le Duigo dans Où finira le fleuve.

Angelo Rinaldi n'a jamais oublié d'où il venait, ni socialement, ni géographiquement (ce qui ne veut pas dire qu'il soit tendre avec ses origines) que l'on se souvienne de ce cri du coeur que l'on trouve dans son article à propos de la biographie de Françoise Giroud par Christine Ockrent qu'il accusait de nécrophilie journalistique: <<… la source du mal et de l’échec. Elle jaillit, à gros bouillons, de l’incapacité, chez une bourgeoise, de comprendre que, dans une ascension sociale, ce n’est pas la même chose de partir du dernier échelon que de s’élever quand il n’en reste qu’un seul à franchir… La réussite du pauvre qui a, par exception, échappé au maillage de l’ordre éternel déconcertera toujours les nantis, et toujours ils préfèrent se l’expliquer par le recours aux trucs, aux artifices.>>.

Encore plus qu'à l'habitude, par la période évoquée, je discerne une parenté entre les romans de Modiano et ceux de Rinaldi (je ne suis pas sûr que ce rapprochement emplisse d'aise ce dernier qui écrivait dans l'Express, à propos de « Rue des boutiques obscures », le 25 septembre 1978: << Patrick Modiano représente un cas exemplaire. Celui de l'auteur qui est au dessous de sa réputation qu'il s'est attirée, et qui, glissant sur la mauvaise pente, grignote à chaque nouveau livre, les raisons que l'on avait de le louer. Raison qui, sans justifier les dithyrambes existaient à ses débuts, quand il savait être ce qu'il est:un écrivain capable de jouer en mineur des chansons joliment mélancoliques, de créer une atmosphère à partir de notations furtives, et de conférer un semblant de réalité à des silhouettes détachées du rêve, et des magazines jaunis de ce temps de l'occupation, où, négativement la France n'a jamais été aussi française.>>). Pourtant José à tous les attributs des héros de Modiano. Il est sans domicile fixe, sans famille, il exerce un métier incertain et tout son bien tient dans une valise...

Dans sa thèse Yannick Pelletier fait un rapprochement à la fois plus savant et plus oiseux entre Rinaldi et Louis Guilloux par le biais du personnage de Cripure de son roman « Le sang noir »: <<Et quand on voit marcher Cripure, embarrassé par ses pieds démesurés et gonflés, on se prend à songer que le nom même d'Œdipe a se sens même de " pied enflé " ; et comment ne pas établir un lien entre Cripure et José, le protagoniste de " l'Education de l'oubli " d'Angelo Rinaldi, également embarrassé quant aux pieds. José repart vers sa mère, restée en Corse, et l'on sait quel ardent désir possède Cripure de fuir dans une île. Retour à la mère et aspiration au calme d'une île sont une quête des origines. Mais le tragique de notre condition fait que tout retour aux origines s'apparente à la Mort, c'est-à-dire à " un état qui a été troublé par l'apparition de la vie " (Freud).>>. On peut également penser à un autre mythe à la lecture du roman, celui du retour de l'enfant prodigue, mais qui serait ici comme retourné, comme la recherche de la mère prodigue...

L'écriture d'Angelo Rinaldi dans ses premiers romans est plus sèche que par la suite. Mais José parlant du style du roman qu'il a écrit et qui est la raison de ses flagorneries envers Edwarda préfigure ce que sera la manière de son créateur dans la suite de son oeuvre: << C'était plus fort que moi: comme si j'écrivais, j'accumulais les détails, et j'avais beau toucher au phénomène responsable de la prolifération cancéreuse des personnages secondaires dans mon roman, cela m'aidait pas le moins du monde à me corriger.>>.

« L'éducation de l'oubli » possède déjà tout ce qui fera la spécificité des romans futurs de Rinaldi. Il y a cet aller et retour entre le passé du narrateur, passé qui est diffracté entre le passé de multiples personnages secondaires, et le présent. Cette construction deviendra la marque de fabrique de l'écrivain. Il y a aussi la division géographique du récit entre la Corse, qu'on retrouve dans tous les romans de l'auteur, Corse qui n'est en générale pas citée, mais ce n'est pas le cas ici, et un autre lieu, le plus souvent Paris, mais dans cet ouvrage c'est une villa à Saint Paul de Vence qui n'est en fait qu'un dépaysement d'un parisianisme... Autre constance dans l'oeuvre de Rinaldi la figure de la mère qui n'est pas toujours (mais souvent) comme dans « L'éducation de l'oubli » celle du narrateur.

Si Rinaldi n'est pas le prince des incipits, il est le roi des derniers chapitres. La fin de « L'éducation de l'oubli » se hausse jusqu'au meilleurs de Tennessee Williams avec un je ne sais quoi de Julien Green, si j'évoque ce dernier c'est peut-être que l'étendu du domaine que José embrasse du regard de la terrasse funeste de la maison familiale me fait penser aux propriétés sudistes que l'on rencontre dans les oeuvres de l'américain. A lire les scènes finales qui évoquent autant le théâtre que le roman, le seul regret que l'on a refermant le livre, est qu'inexplicablement Rinaldi n'est jamais écrit pour le théâtre.

  

P.S Il faut bien garder en mémoire en lisant ce billet que j'ai lu ce roman, le troisième de son auteur, après avoir lu la presque totalité de l'oeuvre de Rinaldi, d'où sa teneur très différente des critiques sorties lors de sa parution, il y a presque quarante ans.

23 mars 2020

Francisco Hurtz

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Francisco Hrtz est né à São Paulo en 1985. Il vit et travaille à São Paulo. Dans ses oeuvre sur papier mais aussi sur des corps masculins sous forme de tatouages il utilise la ligne des aplats, jouant sur les vides. Il décontextualises les images et les transpose dans ses recherches. Il multiplie les images homoerotiques. On a pu voir le travail de Francisco Hurtz en France. Il a participé aux expositions de Carreau du Temple à Paris et à celle de l'École Supérieure des Beaux-Arts d'Aix-en-Provence en 2005.

 

Francisco Hurtz
Francisco Hurtz
Francisco Hurtz
Francisco Hurtz
Francisco Hurtz
Francisco Hurtz
Francisco Hurtz
23 mars 2020

Cody Ferguson

Cody Ferguson

 

23 mars 2020

promenade dans Tokyo

pachinko

pachinko

la galerie commerçante de Nakano

la galerie commerçante de Nakano

dans Nakano

dans Nakano

condomania

condomania

promenade dans Tokyo
La nuit tombe sur Harajuku

La nuit tombe sur Harajuku

Le chat mascotte du quartier de Ginza

Le chat mascotte du quartier de Ginza

Dîner dans un restaurant spécialisé dans le shabu-shabu!

Dîner dans un restaurant spécialisé dans le shabu-shabu!

Dans le parc Ueno des vendeurs de beignets de poulpe, Tokyo avril 2010

Dans le parc Ueno des vendeurs de beignets de poulpe, Tokyo avril 2010

Un QG de campagne politique: le candidat representé avec une hache pour tailler dans les dépenses!

Un QG de campagne politique: le candidat representé avec une hache pour tailler dans les dépenses! 

 

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