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Dans les diagonales du temps
31 mai 2021

Je suis retourné voir Villeglé

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Une seule visite à la rétrospective Villeglé ne pouvait me satisfaire (vous retrouverez ici  ce que j'en écrivais, il y a déjà un mois). Je l’attendais depuis si longtemps que j’ai voulu m’en repaître. Et puis à ma deuxième visite j’ai eu la chance de tomber sur des gardiens particulièrement somnolents d’où les nouvelles photos que vous voyez...

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Je suis reparti de ma visite du Centre Pompidou avec un énorme livre consacré à l’affichiste, aussi lourd que coûteux, dont je vous reparlerai.
Cette exposition est propice aux songes, aux questionnement sur les petits riens, sur les pas grands choses, qui furent pourtant tout pour certaines personnes à un certain moment. Grâce au relatif calme de cette exposition qui me parait peu fréquentée, qu’attendez-vous? Je songeais que bien des noms que l’on déchiffre comme par inadvertance sur ces lambeaux d’affiche n’existent déjà plus que pour avoir été rapté en contrebande par Villeglé. Nom de deuxième couteau dans des pièces de troisième ordre, suppléant d’un candidat malheureux à des élections oubliées ou encore “vedette américaine” de la première partie d’un chanteur qui ne fait plus recette depuis longtemps.

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Et puis il y a ces noms, estropiés par une lacération, que je peux compléter et qui m’évoque par exemple de féroces batailles politiques oubliées; comme ce HEL DORN que je complétais immédiatement, pour lire mentalement le nom de Michel d’ornado, candidat malheureux contre Jacques Chirac à la première élection du maire de Paris au suffrage universel. Je me demande pour combien de visiteurs ce nom, d’un homme jadis puissant, réveille-t-il un souvenir...
Le mien est bien particulier. C’était au début des années 70, avant Borg, les connaisseurs comprendront, durant la première semaine de Roland Garros, j’étais posté dès le début des matchs, à 11 heure, tout en bas de la tribune D, qui alors était accessible avec des billets ordinaires, jusqu’au premier rang au niveau du court, il y avait là quelques mordus, parmi lesquels le physicien Louis Leprince-Ringuet qui dominait ces passionnés de sa haute taille. Ces habitués se reconnaissaient d’une année sur l’autre, et se saluaient d’un discret hochement de tête, c’était les aficionados de la tribune D comme nous avait surnommé Olivier Merlin, le merveilleux chroniqueur de la chose tennistique dont la verve ne fut remplacée qu’un trop court laps de temps par celle de Serge Daney, différente mais également succulente, dans Libération. Or donc ce matin là, il me semble que nous suivions un Barthes-Parun, néo-zélandais qui ferait paraître Davidenko musculeux, lors de la pose entre deux jeux, descendit dans notre groupe, serré tout près de la terre battue au niveau du filet, le reste de la tribune étant quasiment vide, un homme en costume d’été beige, accompagné de son fils d’une dizaine d’années. Nous nous serrâmes un peu plus pour lui faire une place et il s’assit juste à coté de moi. Le jeu reprit et je ne jeta un coup d’ oeil vers le nouvel arrivant que lors de la pause suivante. Immédiatement je reconnus Michel d’ornano, à l’époque un des barons des giscardiens et homme d’affaire fort riche. Il resta la presque toute la journée avec son gamin. Commentant avec ses voisins, à voix très basse, les meilleurs coups. Pourrait-on imaginer une telle scène aujourd’hui où le moindre encocardé ne se déplace qu’avec un aréopage de garde du corps... C’était un autre temps celui d’avant le bouzin médiatique. Quelques années plus tard Michel d’Ornano traversant une rue se fit écraser par un chauffard. Il y a peu d’expositions d’artistes qui invite autant aux souvenir que celle de Villeglé...
Cette rétrospective permet aussi de découvrir des aspects moins connus du travail de villeglé comme sa première captation qui ne fut pas un pan d’affiche mais un morceau de fil de fer du mur de l’Atlantique, sculpture innocente offerte au promeneur amoureux des embruns marins qu’était Villeglé.

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Encore plus surprenant est le film de cinéma abstrait réalisé vers 1950 avec son complice Raymond Hains en faisant diffracter des couleurs à travers du verre cannelé. J'ai tenté de fixer quelques moments de ces images constamment changeantes

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Les murs de nos villes sont parfois aussi les témoins des aberrations idéologiques comme le révèle ces affiches pour déplorer la mort du tyran Mao.

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Lors d’une des premières grandes  expositions des oeuvres de Villeglé, dans les années 70, Otto Hahn, le critique d’art de l’Express notait que l’affichiste était le dernier peintre d’histoire vivant. C’était remarquablement bien vu. Car en se rendant au centre Pompidou le visiteur de la rétrospective Villeglé a rendez vous avec les soixante dernières années de l’histoire de France par le biais des affiches lacérées..
L'exposition se termine par la grande photo de l'artiste que j'ai placée en tête de cette évocation.

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Paris, novembre 2008 

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