Affiche de Roland Garros 2021 par Jean Claracq
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autoportrait
Aujourd’hui l’artiste britannique "Rex" Whistler est bien oublié. Il n’est plus guère connu que pour être une originale silhouette photographiée par Cecil Beaton ou celui qui a donné le nom au restaurant de la Tate Britain. Sans doute parce qu’il est mort jeune et que son travail était essentiellement de décoration, plutôt qu’ une œuvre de chevalet destinée aux galeries; mais surtout parce que son art, bien qu’ancré dans son époque, ait été à l'encontre des tendances modernistes qui prévalaient alors et son toujours l’aune à laquelle ont mesure le talent d’un artiste.
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Il est tellement occulté dans l'histoire de l'art britannique que pendant longtemps j'ai pensé qu'il devait être le fils du plus célèbre James Whistler, un homme assez vieux pour être son père et qui, bien qu’ américain, a passé une grande partie sa vie à Londres. La confusion est d’autant plus excusable que lorsque l’on tape le nom du pauvres Rex sur le site de, la généralement la fiables, Artcyclopedia s’ affiche une liste des tableaux de James!
Pourtant s'il fut surtout un prodigieux muraliste, il a aussi exécuté plusieurs tableaux de chevalet de grande qualité auxquels ils manquent peut être une unité de style pour que leur auteur soit reconnu.
toile inspiré par Dali?
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En fait il est le fils d'Henry et Helen Frances Mary Whistler et est né le 24 juin 1905 à Eltham dans le Kent. Dès le collège en 1919 à Haileybury le garçon se fait remarquer par ses dons artistiques. Après Haileybury le jeune Whistler est accepté à l'Académie royale, mais il n’en supporte pas la discipline et il en est renvoyé pour “incompétence”. Il poursuit ses études à la Slade School of Art où il y rencontre l'honorable Stephen Tennant, qui bientôt va devenir l'un de ses meilleurs amis et un modèle pour certains personnages figurant dans ses œuvres. Grâce à Tennant, plus tard, il a rencontré le poète Siegfried Sassoon et son épouse, Hester, avec lesquels il se liera intimement.
Portrait romandique de son ami Stephen Tennant
Sa peinture est typiquement anglais danse sa variété plutôt kitsch, voire carrément camp et délibérément nostalgique.
Rex Whistler s'est fait un nom entre les deux guerres mondiales, quand il y a eu une certaine vogue pour ce genre de style, alors même que les tenant du modernisme balayaient en Angleterre les derniers vestiges de la “décadence” artistique victorienne. L’éphémère succès de Rex Whistler s’est construit en parti contre ces modernes iconoclastes.
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Son amitié avec Sitwells, Mitfords, Stephen Tennant, Cecil Beaton, et autres lui a donné accès à un cercle aristocratique ravi que ses peintures murales décorent leurs demeures. Celles-ci sont principalement d’astucieux pastiches du styles de régence, si bien qu’il faut souvent de regarder deux fois pour s’apercevoir qu'elles ne sont pas d’époque.
Cecil Beaton
Rex Whistler photographié par Cecil Beaton
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Il a également exécuté des portraits mondains et des fresques murales en trompe l’oeil. IL décore aussi la maison de son ami Cecil Beaton.
Cecil Beaton dans le décor réalisé par Whistler vu par un autre grand dessinateur Pierre Le Tan.
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Il a également été connu comme illustrateur de livres et de magazines. Il est notamment l’auteur de ce que l’on appelle des dessins piège qui montrent une chose lorsqu’on les regarde à l’endroit et une autre lorsqu’on les examine à l’envers.
Ses peintures sont de facture déroutante, certaine se rattache au surréalisme alors que d'autres font penser à des charges à la Daumier quand d'autres encore relève d'un anachronique romantisme.
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Il est extrêmement difficile de voir aujourd’hui les réalisations de Rex Whistler. Elles ont été soit détruites soit elles sont dans des collections privées et le web n’est guère riche non plus. On peut toutefois admirer ses décorations du restaurant de la Tate Britain qui porte d’ailleurs son nom et qu’il réalisa alors qu’il n’avait que 22 ans.
une vue des fresques du restaurant de la Tate Britain
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Mais le meilleur exemple de son travail peut se voir dans le manoir de Plas Newydd, sur l'île d'Anglesey, pour lequel il réalisa une grande fresque murale de 18 mètres de long dans la salle à manger. Cette peinture lui fut commandé par le 6 ème marquis d’Anglesey .
Vues des fresques du manoir de Plas Newydd, sur l'île d'Anglesey
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Whistler s’est aussi occupé de design. Il a par exemple réalisé des motifs pour la décoration de porcelaine Wedgwood.
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Il fut aussi metteur en scène de ballets d’opéras et de pièces de théâtre.
Décor pour un ballet réalisé en 1943 par Rex Whisler.
Rex Whistler était-il homosexuel? Rien l’indique formellement. Mais disons que sur les images que nous avons de lui, il ne montre pas une virilité extravagante; il ne s’est pas marié et a beaucoup fréquenté des homosexuels notoires comme Cecil Beaton, dont il a été l’un des modèles, ou Osbert Sitwell. Quant à son art, il est décidément camp. En revanche on connait de lui une série de lettres d'amour écrites à Lady Caroline Paget, fille aînée du 6e Marquis d'Anglesey pour qui il réalisa sa fresque la plus célèbre. Whistler a peint Lady Caroline nue... A vous de tirer vos propres conclusions...
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Au cours de la Seconde Guerre mondiale Rex Whistler est devenu conducteur de char. Il a été tué en Normandie aux abords de Caen. Il repose toujours dans le cimetière militaire de Banneville-la-Campagne à quelques kilomètre de l'endroit où il a été tué.
Un jour, j’ai lu, je ne sais plus où que s’il avait vécu Rex Whistler aurait concurrencé Julian Freud et David Hockney... Qui sait?
Lieutenant Jock Lewes, Co-Founder of the SAS - 1940
Je suis le premier à m'énerver devant les files d'attente lors des grandes rétrospectives de peintre, alors qu' il n'y a personne devant les tableaux de ces mêmes peintres dans les collections permanentes des musées. Et pourtant je fait de même ne vous parlant guère que des expositions temporaires. J'ai décidé de rompre cette mauvaise habitude en vous proposant quelques images que j'ai prises lors de ma visite à la fondation Miro de Barcelone qui est un des plus beaux musées que je connaisse dédié à un seul artiste. Bien entendu les photos y sont interdites et celles-ci furent prises à l'insu des cerbères femelles qui surveillaient les lieux. Le jour de ma visite, il tombait une pluie diluvienne qui m'empécha de photographier les statues dans le beau jardin escarpé qui entoure le musée.
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Il y a quelques temps, sur un blog, je répondais à la question, quel est le cinéaste le plus surestimé? Je ne me souviens plus de la réponse, les prétendant étant nombreux à la lecture de certains articles dithyrambiques qui devrait accabler les malheureux réalisateurs enfouis sous les éloges de leurs thuriféraires. Gus Van Sant me parait être le cinéaste type élevé sur un piédestal vertigineux par une critique de plus en plus conformiste et que la postérité pourrait bien faire choir de ces altitudes.
Paranoid Park nous raconte les attermoiments d'Alex face à sa culpabilité. Ce jeune skateur a tué, accidentellement, un agent de sécurité tout près du skatepark le plus malfamé de Portland, le Paranoïd Park. Il décide de ne rien dire... Le film nous est présenté comme un chef d'oeuvre par une certaine presse en particulier par les Inrockuptibles qui se veulent l'arbitre des élégances culturelles de la bobocratie. A la place de la merveille annoncée je découvre un moyen métrage gonflé en un long métrage sans doute pour les besoins de l'exploitation en salle. Chaque scène est étirée jusqu'à malheureusement perdre de sa pertinence et de sa beauté esthétique qu'elle recèle. Le meilleur exemple est celle de la douche, énième clin d'oeil à celle de Psychose dont Gus van Sant avait eu la curieuse idée de tourner le remake avec le même chef opérateur que pour Paranoid park, le grand Christopher Doyle, complice habituel de Wong Kar Wai. Alex glisse le long de la paroi de la douche, comme Janet Leigh dans le film d'Hitchcock, progressivement le bruit de l'eau se transforme pour s' amplifier en un martèlement de tambour. Le son de naturaliste devient subjectif et signifiant; traduisant l'angoisse d'Alex; l'eau ne lavant pas l'âme. Damned! j'ai utilisé exactement le même procédé, pour la même raison, dans mon film. Gus Van Sant aurait-il vu Comme un frère?
L'utilisation du son est remarquable et inventive et n'est pas sans rappeler celle qu'en fait Godard ou plus près de la thématique du cinéaste, Lifschitz. Le réalisateur n'hésite pas par exemple à rendre le dialogue d'une scènes inaudible, comme celle de la rupture d'Alex avec sa petite amie. Ce procédé la rend très efficace. On voit s'inscrire sur les visages des deux protagonistes toutes les mimiques traduisant les différents sentiments qui les traversent. Tout est dit... sans un mot.
Doyle comme à son habitude nous offre de superbes images dans les scènes les plus banales de la vie courante qu'il nimbe de ses éclairages savants. Il ya quelque chose de Vermeer lorsque Alex écrit dans sa chambre sa confession, anamnèse libératrice... Si le drame est aussi bien inscrit dans le décor c'est que le cinéaste a la bonne idée de filmer, une nouvelle fois à Portland, la ville où il réside et qu'il connait parfaitement. Le film profite de cette osmose. La très belle image d'ouverture du pont emblématique de Portland situe d' emblé l'action. Cette intime familiarité avec le lieu nous vaut des vues originale du "parc" qui est officiellement désigné par la ville comme le O'Bryant Square. Le Paranoid Park se situe au coeur d'une zone de transit de la ville de Portland, faisant le lien entre le sud-est et le nord-ouest de la ville. Dans les années 80, le parc servait de repère au milieu Punk de la ville. Le Paranoid Park est réputé pour être un lieu fréquenté par la délinquance et les sans-abri, abritant de nombreux trafics, d'ou ? sans doute ? le nom de Paranoid Park.
Gus Van Sant a choisi de tourner certaines séquences de Paranoïd Park en 8mm alors que la majorité du film est tournée traditionnellement en 35mm. Les deux formats se mélangent dificilement. Le cinéaste s'en explique ainsi <<le support du film de skate est le super 8, et aussi la vidéo, et comme nous en utilisions un peu dans notre film, nous avons tourné quelques séquences supplémentaires de skate en super 8. Il est beaucoup plus difficile de tenir une caméra plus grande en se tenant sur une planche, c'est une des raisons. De plus, le 35mm est trop cher pour que les filmeurs de skate l'utilisent. Ensuite, le reste du film est tourné en 35mm, le meilleur support selon moi.>>.
Comme toujours chez ce réalisateur le casting est parfait et la direction d'acteur au cordeau.
Pour trouver ses acteurs le cinéaste a posté une annonce sur la célèbre platforme communautaire Myspace. << Je pense que c'est ce que devraient faire toutes les agences de casting pour trouver des lycéens, surtout maintenant que Myspace est à ce point répandu. Nous avons fait comme les autres, en essayant simplement de trouver les moyens de convaincre des amateurs de jouer dans le film.>> Cette méthode de casting s'apparente à celle que John Cameron Mitchell avait utilisé pour Shortbus . Le cinéaste avaient alors publié une annonce sur internet invitant les personnes intéressées par son projet à lui faire parvenir des vidéos.
Il est indéniable que Gus Van Sant est le cinéaste qui entre le plus en empathie avec l'adolescence, retranscrivant ce flou existentiel et la naïve cruauté propre à cet âge. Où le bat blesse c'est la pudibonderie hypocrite avec laquelle le metteur en scène filme son acteur, ne nous offrant que parcimonieusement des échappées sur son corps magnifique, comme si, ce pourtant gay revendiqué, avait durant tout le tournage, une mémère des ligues de vertu au combo pour surveiller ses cadrages! Reconnaissons que ce choix est tout de même plus judicieux que celui de Larry Clarke cadrant ostensiblement durant tout Wassup Rockers la braguette turgescente de son acteur principal. Entre pudibonderie et obsession sexuelle il doit tout de même exister une voie médiane pour filmer les adolescents.
Les deux grands défauts du film sont le montage, dont Gus Van Sant a eu la mauvaise idée de se charger lui même, et la déconstruction de la narration, afféterie auteuriste, qui obscurcit le film et l'allonge inutilement par la redondance superfétatoire de certaines séquences, telles les déambulations somnambuliques d'Alex dans les couloirs de son lycée, toutes droit sorties d'Eléphant. On comprend d'autant moins la déconstruction systématique du scénario que celui-ci est l'adaptation du court roman de Blake Nelson, un récit linéaire sans aucun gras. L’écrivain est aussi originaire de Portland. Il a écrit une dizaine de romans. Girl , le premier, a été traduit en six langues et adapté au cinéma en 1998 par Jonathan Kahn. Les livres de Blake Nelson mettent généralement en scène des adolescents, public à laquelle ses romans s'adressent particulièrement.
Curieusement Gus Van Sant fait preuve d'une faute de gout inhabituelle chez lui, en nous montrant la victime coupée en deux, la moitié supérieure de l'homme se reptant, laissant une trainée de sang comme les escargots une trainée de bave, les yeux déjà vitreux, fixant dans un ultime regard son meurtrier, image insoutenable, pas nécessaire, à moins que le cinéaste veuille postuler pour une nouvelle version de Détour mortel... C'est d'autant plus choquant que le cinéaste use et abuse de l'ellipse pour la narration de son récit, ainsi on comprend mal dans le film, contrairement au livre où c'est un élément important, qu'Alex rédige sa confession chez son oncle, à l'occasion de vacances au bord de la mer, et non chez lui. Ce qui permet au garçon de prendre du recul par rapport aux évènements.
On l'aura compris si Paranoid Park est un film qui mérite le détour et est en net progrès par rapport au soporifique Last days, mais il n'est pas le chef d'oeuvre que couvre une critique plus snob que claire-voyante.
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