Demarchelier au Petit Palais
Si Jeff Koontz à Versailles fait grand bruit, il semble que les photos de Patrick Demarchelier au Petit Palais fassent beaucoup moins de vacarme. Pourtant c'est le même procédé, un peu simpliste, confronter une production contemporaine à de l'art classique. Ce choc serait sensé produire du sens. Dans le cas de Demarchelier c'est plaisant, souvent amusant, mais cela ne va pas plus loin. La plupart des photos sont écrasées par les grandes machines fin de siècle qui s'étalent dans l'architecture rococo du Petit Palais. Peut être aussi parce que les belles photos de Demarchelier ne dépassent que rarement ni l'anecdote ni le portrait mondain. A parcourir, ce que j'ai tout de même un peu de mal à considérer comme une exposition, j'ai eu le sentiment que le photographe français c'était un peu rêvé comme un nouveau Cecil Beaton mais ses photographies n'ont pas l'arrière monde que l'on décelait immédiatement chez celles de l'anglais qui était du, pour une fois faisons un peu de communautarisme, à son homosexualité...
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Un plan répertoriant toutes les oeuvres de Demarchelier qui sont disséminée dans tout le bâtiment est donné au visiteur gracieusement, comme l'est également l'entrée du Petit Palais. Ce qui permet de faire une visite ludique et instructive pour pas un euro! Car si je persiste à dire que Demarchelier, bon photographe, n'est pas comparable à un Avedon, à un Helmut Newton ou à un Lindberg, pour ne citer que des photographes disparus, nombre de ses images exposées sont dignes d' intérêt. L'accrochage invite aux jeux, celui de reconnaitre les personnalités portraiturées de feu le prince de Monaco aux smashing pumpkins ... ou celui de faire à son tour des images de cet accrochage malin et cocasse comme l'idée de mettre ces photos de nantis du jour en regard d'un tableau représentant un bourgeois de la belle époque.
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Entre quelques tableaux kitchs, le Petit Palais, qui a été récemment magnifiquement restauré, possède aussi quelques chef d'oeuvre comme de beaux Sisley et un superbe Boudin, d'une grande taille pour ce peintre. Autant de belles pièces qui seront peut découverte par des visiteurs qui ne se serait peut être pas aventurés dans ce lieu sans l'exposition "à l'estomac" de Demarchelier.
Paris, novembre 2008
Répine au Petit Palais (2 et fin)
Kurosawa au Petit Palais
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A ceux qui verront cette exposition, les chanceux, le nom de Kurosawa (1910-1998) n’évoquera plus ensuite seulement un cinéaste mais un peintre et un peintre de première grandeur.
Si la visite au Petit-Palais me semble incontournable, il faut savoir que l’on en sort frustré d’avoir vu si peu de pièces et malheureusement accrochées le long d’une sorte de long couloir.
Mais qu’importe puisque nous sommes devant une véritable révélation. En ce qui me concerne, si je savais que la première vocation de Kurosawa, était la peinture, je n’avais vu que ses œuvres que celles se rapportant à Ran, lors de la sortie de ce film en salle. Ce qui est curieux c’est que c’est la nécessité de subvenir aux besoins de sa famille qui la détourner de la peinture et la amené au cinéma.
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Les cartouches nous expliquent que souvent ce que l’on voit, est une scène d’un futur film que Kurosawa voulait tourner. Pour inciter les producteurs à mettre de l’argent dans le projet, il leurs montrait le dessin. Les œuvres exposées sont liées aux derniers films ou projet du cinéaste, “Kagemusha”, “Ran”, “Rêves”, “Madadayo”, “Umi wa mateita”. Mais ces images peuvent se regarder même si l’on a pas vu les films auxquels elles se rapportent. Elles sont néanmoins de précieux éléments pour décrypter le processus créatif du cinéaste, ceci dit il serait très réducteur de les considérer comme de simples morceaux de story board. Le fait que je n’ai pas vu “Madadayo” ne m’ empèche pas de considérer les travaux ayant trait à ce film comme les plus beaux et les plus émouvants de toute l’exposition (Madadayo existe-t-il en dvd ou en téléchargement avec des sous-titres français ou anglais?). Ils évoquent la personnalité d’un professeur, d’un intellectuel que j’imagine comme un pacifiste en tant de guerre et qui m’évoque les écrivains dépeints dans le génial manga de Tanigushi “Au temps de Botchan”...
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Comme ses films, les dessins de Kurosawa ne se rapportent pas qu’à un seul genre. Ils ne relèvent pas d’une seule “optique” (il y a aussi bien des gros plans que des panoramiques). On y trouve de la peinture de bataille, des scènes de genre, des portraits, des paysages... Mais peut être que la qualité première de ses œuvres est la science de la lumière, de l’éclairage des scènes qu’elles représentent.
Une créature issu de "Rêve" qui n'est pas sans rappeler certaines figures de Baselitz
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Il se dégage de tous ces dessins un extraordinaire pouvoir d’évocation. C’est d’autant plus remarquable que Kurosawa pour cela utilise que de modestes moyens, crayons de couleur, stylos à bille, gouache, ceux que n’importe quel écolier à sous la main dans son quotidien. Le support de ses merveilles est une simple feuille de papier ordinaire, parfois issu d’un grand cahier de format relativement modeste. Il ne faut pas plus que quelques centimètres carrés à Kurosawa pour faire naître le tumulte des batailles (Kurosawa devait bien connaitre Uccello.), la fureur de la vengeance ou une méditation face à un ciel étoilé.
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Certaines influences sur la peinture de Kurosawa sont évidentes en particulier celle de Van Gogh dont on peut remarquer plusieurs citations, mais on dicernera assez facilement aussi celles de Picasso, de Munch, Chagall... Curieusement le travail de Kurosawa rappelle celui d’un autre grand du cinéma, Trauner. Il faut savoir que Kurosawa est un pur produit de l’ère Meiji (1867-1912), époque où le Japon s’ouvre à l’occident. Ce qui explique que ses maîtres soit surtout ceux de la peinture européenne, même si l’on peut également retrouver dans les dessins de Kurosawa, l’influence des grands artistes de l’estampe japonaise. Cette admiration va se confronter à une tradition familiale car si son père est très ouvert aux idées nouvelles, il est aussi issu d’une lignée de Samouraï. Une des grandes originalités de l’oeuvre de Kurosawa est qu’il applique des techniques et des références occidentales à des thèmes purement nippons.
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Emerveillé à la sortie de ce couloir, on se pose de nombreuses questions quant à la tenue de cette exposition. Pourquoi est elle aussi modeste en regard de la notoriété de l’artiste et par la même aussi partielle (80 dessins tout de même). En outre elle se déroule dans une quasi clandestinité, je n’ai lu aucun article sur cette manifestation et vu que très peu d’affiches sur les murs de Paris. Je n’ai appris son existence que grâce à ma visite à la FIAC qui se déroulait en face, au Grand Palais.
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Si bien peu de choses nous est dit sur la pratique des arts graphiques par Kurosawa dans les textes accompagnant les dessins, et pas plus dans le bel objet qu’est le catalogue, on peut supposer que Kurosawa n’a pas peint que les dix dernières années de sa vie, alors pourquoi une exposition aussi seulement sur une période allant de 1980 à 1998? Kurosawa mérite une grande rétrospective, voilà un chantier pour la cinémathèque par exemple.
Kurosawa est l’exposition à Paris la plus surprenante de cette fin d’année.
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Petit Palais
Paris
jusqu’au 11 janvier 2009
Paris, décembre 2008