17 octobre 2020
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16 octobre 2020
PIERRE VERGER
Pierre Edouard Leopold Verger est né à Paris le 4 Novembre 1902 dans une famille de petite noblesse. Dans sa eunesse il respecte les valeurs de son milieu. En 1932, grâce à son ami Pierre Boucher, il découvre ses deux passions: la photographie et les voyages. Il ne peut donner libre cours à cette dernière passion qu'après la mort de sa mère, qui était sa seule famille après la mort de son père et de ses deux frères. Il peut désormais vivre la vie qu'il a toujours voulu vivre, une existence libre et non-conformiste.
Entre Décembre 1932 et Août 1946, Pierre Verger voyage autour du monde, vivant uniquement des produits de son travail en tant que photographe. Paris est devenu son port d'attache entre deux voyage, le lieu où il recoit ses amis, dont Jacques Prévert et les chercheurs du Musée Ethnographique en même temps il profite de ses haltes pour prendre des contacts pour ses futurs voyages.
Tout va changer en 1946, quand il atterrit à Bahia. L'Europe est embourbée dans la triste après guerre et San Salvador de Bahia est un véritable havre de tranquillité. Verger est séduit par l'hospitalité et le riche patrimoine architectural de la ville. Il décide de s'y installer. Comme partout dans le monde, il y préfère la compagnie des gens du peuple. Les personnes d'origine africaine, omniprésentes à Bahia, monopolisent son attention. Elles deveniennent non seulement les sujets de ses photographies, mais aussi ses amis. Verger a aussi mené une recherche approfondie sur les rituels et le culte Orisha. Son intérêt pour les religions africaines l'a amené à obtenir une subvention de recherche pour étudier les rituels de l'Afrique, où il voyage en 1948.
Photo originale de Pierre Verger, colorisée par Rafael Navarrete
Ce voyage en Afrique se traduira par un renouveau dans le travaille du photographe. En 1953 il reçoit le nom de Fatumbi, ce qui signifie "celui qui a fait renaître en Ifa." Sa connaissance du culte qu'il a commencé à Bahia, facilite le contact avec les prêtres et les autorités locales. Verger devient un babalawo, devin Ifa, ce qui lui donne un accès au cœur des traditions orales des Yoruba.
Pierre Verger est mort le 11 Février 1996, laissant derrière lui l'héritage de son travail, qui est la courroie de transmission entre le monde yoruba africain et de la culture bahianaise.
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14 octobre 2020
Karlheinz Weinberger
En 2011, le musée Nicéphore Niépce, à Chalon-sur-Saône, organisait une exposition. L’exposition Rebelles. Celle-ci présentait le travail photographique du suisse Karlheinz Weinberger (1921 – 2006). Plus exactement, disons que le musée faisait découvrir au monde de la photographie l’œuvre du photographe zurichois à titre posthume. Cinq ans après sa mort, les photographies amateurs de Karlheinz Weinberger étaient subitement toutes devenues de l’Art.
Weinberger ne fut jamais un professionnel de la photographie de son vivant. Au mieux, il était un amateur éclairé qui avait appris la photographie très tôt. Les quelques bribes de biographie que l’on peut lire ça et là ne disent pas si Karlheinz Weinberger s’est formé à la photographie dès son adolescence parce que la photographie en tant qu’Art le hantait jour et nuit, ou s’il avait plutôt compris très tôt que derrière l’œil d’un appareil photographique, son œil bien humain pouvait reluquer tout ce qu’il voulait et en garder une trace. En tout cas, une fois adulte, comme nombre d’amateurs photographes, Weinberger eut deux vies. Un métier et une passion.
Pour ce qui était du métier, Weinberger commença sa vie professionnelle dans les années cinquante en tant que magasinier chez Siemens. Un secteur un poil éloigné de la photographie et un métier peu enclin à vous submerger dans l’Art. Mais être magasinier rapportait assez de sous pour s’acheter une AGFA box camera à cinq francs (suisse, évidement).
Un appareil photo simple, grand public et surtout grand débutant, mais un appareil suffisant pour la deuxième vie de Weinberger, celle de sa passion : sillonner la ville, parcourir les chantiers de Zurich, chercher de jeunes corps d’ouvriers italiens en mouvement, des ouvriers venus en Suisse pour travailler après la deuxième guerre et que le jeune homme traquait, appareil photo en mains, pour les croquer, les immortaliser. Un passe-temps qui rapproche davantage Weinberger de l’œil très humain qui reluque derrière l’œil de son appareil photo que de l’artiste investi et en transe, arpentant les rues, dévoré par son Art et par un projet photographique aussi profondément réfléchit que précurseur d’un quelconque mouvement.
Dans les années 50, Karlheinz Weinberger, sous le pseudonyme de Jim, commence à publier des photos masculines dans un magazine homosexuel.
Karlheinz Weinberger saisit des torses imberbes, des abdominaux contractés, des tétons qui pointent et des épaules dans l’effort. Les regards sont francs et ténébreux, presque intimidés.
Sicile, 1959
Dans les années soixante, la vie photographique de Karlheinz Weinberger va prendre de la consistance. Il voyage en Sicile ou à Lampedusa pour y photographier, à la source, des corps de jeunes pêcheurs ou de maçons au naturel. Il collabore également à la revue “Der Kreis”, un magazine suisse publié de 1932 à 1967 dont le but était de promouvoir les droits sociaux pour les gays (voir le billet que j'ai consacré au film sur cette revue Le cercle, un film de Stefan Haup) . Certaines de ses photographies y seront publiées. Mais c’est en 1958 que sa passion photographique prend un tournant et de l’essor.
Son homosexualité affirmée le pousse à s’intéresser à tous ceux qui sont hors normes et il rencontre les “Halbstarkes “, appellation helvétique des jeunes rockers, bikers et autres rebelles influencés par la culture américaine. Ces jeunes forment des bandes et sont en quête d’une identité. Weinberger leur ouvre sa porte et ces jeunes viennent chez lui pour écouter les nouvelles musiques de l’époque… et s’y faire photographier. Weinberger s’intéresse à la culture que ces jeunes développent autour d’objets et des signes identitaires ainsi que vestimentaires. Désormais, il photographie avec un Rollei Flex 2,8, car il a plus d’assurance et de moyens.
Un par un ou en groupe, les jeunes posent. Ils affichent fièrement leurs signes extérieurs de révolte : regards bravaches, jeans et vêtements bricolés, boucles de ceinturons et braguettes “customisées”, blousons marqués du nom des gangs…
Ce sont essentiellement des photographies de cette période là qui ont été exposée en 2011 pour l’exposition Rebelles du musée Nicéphore Niépce. Cette fois-ci, on est dans la photographie d’amateur éclairé. Les photographies en extérieure sont davantage maîtrisées : les visages sont plus nets et les arrières plan informe sur l’environnement.
Karlheinz Weinberger s’essaie également chez lui à la photo de studio. Il utilise des fonds blancs pour détacher la silhouette et travaille les éclairages et les ombres.
Les jeunes hommes sont pris en plan américain (cadré au dessus des genoux) et Weinberger les photographie en contre plongé, c’est son angle de vue de prédilection. On l’imagine à genoux, face au modèle. Pourquoi ? Pour mettre en avant les gros ceinturons, les boucles et l’entrejambe. Une idée de cadrage pareille ne s’improvise pas, elle ne s’apprend pas non plus dans une école de photo, elle s’impose à l’œil exercé du photographe, même amateur.
La série Rebels a été exposée à Arles en 2020.
13 octobre 2020
Alvin Baltrop
Né en 1948 dans le Bronx, Baltrop est un afro-américain. Il n’a pas d’éducation artistique autre qu’autodidacte, et il s’est formé au contact d’autres amis, eux aussi, passionnés de photographie. Arrive la guerre du Vietnam et un séjour dans la marine où Baltrop commence à exercer son œil novice sur de jolis marins alanguis qu’il photographie sur le pont du navire.
Il s’apprend à développer ses négatifs à l’infirmerie avec les moyens du bord (sans jeu de mot). Être autodidacte suppose une grande motivation. Il faut quelque chose qui vous pousse. Il faut du temps, une envie, et une force. Cantonné sur un navire remplis de marins, stationné la plupart du temps sur l’Atlantique, Alvin Baltrop s’entraînera à la photographie avec l’ardeur d’un gourmand dans une boutique de bonbons. En 1972, il revient au Bronx. L’œil avide de s’exercer encore plus que jamais.
Pendant une dizaine d’année, Alvin Baltrop, devenu chauffeur de taxi, va arpenter les quais, pontons et hangars des Piers. Il va y rencontrer des prostitués, des exhibitionnistes, des nudistes, des artistes, des obsédés du sexe et des cœurs solitaires. De façon obsessive, de jour comme de nuit, appareil photo à la main, il saisit la vie clandestine, les ébats intimes dans l’absence de confort, la précarité mêlée à l’envie de vivre sa vie. Des photographies en noir et blanc, un aspect documentaire et un état des lieux d’une époque, d’un temps et d’un lieu voué à la disparition et aux jouissances éphémères. Document à la fois architectural et sociologique, chaque photo est également un regard. Celui d’un voyeur.
Dans les années 70,les pear de New-York, ces friches industrielles en ruine sont pour les familles New-Yorkaises réputées malfamées et dangereuses. Hors de question d’y aller pique-niquer, encore moins d’y aller promener bébé en poussette. Les structures sont chancelantes, la drogue y est omniprésente et les nuits sont très sombres. On est loin des flamboyants grands terminaux d’embarquement pour les grands liners transatlantiques qu’ils étaient au début du XXème siècle. Le RMS Titanic, par exemple, était censé y débarquer ses passagers. Situés le long de la presqu’île de Manhattan, côté Hudson river, ces vestiges de l’industrie portuaire transatlantique sont pourtant facilement accessibles, par Greenwich Village et sont un lieu de drague et de consommation sexuelle gay.
Comme le faisait Gedney à la même époque, d'autres photos de Baltrop documentent la vie gay de New-York, en particulier la prostitution masculine.
The Piers seront démolies en 1985. Alvin Baltrop est décédé en 2003. Rares furent ses photos à être montrées au grand public de son vivant.
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