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Dans les diagonales du temps
10 août 2021

Billy Wilder et moi de Jonathan Coe

 

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D’une manière tout à fait fortuite « Moi » en l’occurence Calista, une jeune anglo grecque de 20 ans se trouve propulsé dans un diner dans un restaurant huppé d’Hollywood, où se trouve Billy Wilder avec sa femme Audrey ainsi que I.A.L. Diamond également avec son épouse, Barbara. Diamond (1920-1988) est le meilleur ami de Wilder et son scénariste attitré. Nous sommes en 1976. Billy Wilder (1906-2002) est certes un réalisateur extrêmement célèbre mais en même temps il perdu son crédit auprès des financiers d’Hollywood. L’homme est un peu amer et désabusé. Il est bousculé dans son art par de jeunes réalisateurs qu’il surnomme les barbus d’Hollywood. En particulier par un certain Spielberg qui vient d’obtenir un immense succès public avec « Les dents de la mer ».

Un an après cette éphémère rencontre, Calista reçoit un mot de Wilder qui l’engage comme interprète sur le tournage de son prochain fil Fédora car li doit se tourner en grande partie en Grèce. Ces quelques mois de tournage seront une expérience initiatique qui déterminera le reste de son existence.

Ce tournage qui fut le chant du cygne de Billy Wilder nous est raconté, environ trente cinq ans plus tard par une Calista de cinquante sept ans qui est devenue compositrice de musique de film. Dans cette activité elle a connu un certain succès mais elle se trouve au creux de sa carrière et à des soucis avec ses jumelles de 20 ans. Elle ressent un grand vide dans sa vie et se souvient du tournage de Fédora qui a orienté toute sa vie. Le coup de génie de Jonathan Coe a été de choisir une narratrice qui lorsqu’elle nous raconte son aventure avec Billy Wilder et Diamond, personnage très important du roman, est dans le même état d’esprit qu’était Wilder lorsqu’elle l’a rencontré. Autre très bonne idée a été de choisir une Calista ingénue mais ni bête ni naïve mais qui ne connais rien au cinéma et qui ne sait même pas qui est Billy Wilder. La beauté et l’émotion que suscite le roman vient de la découverte progressive par la jeune femme, d’un grand artiste au moment où celui-ci prend peu à peu conscience, avec Diamond que leur temp est peu être passé. Il faut se rappeler que ce que l’on considère aujourd’hui, à juste titre, comme des chef d’oeuvre, les derniers films de Wilder tel Avanti, Embrasse moi idiot ou encore La vie privée de Sherlock Holmes ont été des échecs tant publics que critiques. Fedora est le boulevard du crépuscule de Billy Wilder.

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Calista est un des rares personnage fictif dans ce roman mais l’auteur a su lui donner autant de chair que Billy Wilder ou Iz Diamond.

Le livre est divisé en six chapitres qui chacun porte le titre du lieu où l’action se déroule principalement, Londres, Los Angeles, la Grèce, Munich, Paris. L’un d’entre eux rompt avec le récit de Calista. Il évoque le passé européen de Billy Wilder. Il est écrit à la façon d’un scénario avec ses indications de lieu et de lumière. Billy Wilder y parle et l’on entend sa voix. Il relate particulièrement les conditions dans lesquels il a monté un documentaire sur les camps d’extermination. Il a été l’un des premiers à découvrir les images tournées par les alliés dans ces camps où ont été tués sa mère, son beau-père et sa grand-mère. Pendant qu’il réalise ce travail, il scrute les images pour essayer de reconnaitre parmi les cadavres, les siens… Si ce passage est déchirant c’est pourtant le plus souvent l’humour de Billy Wilder par l’intermédiaire de Coe qui est présent dans ce livre. A ce propos Iz Diamond fait une remarque sur l’humour de Billy Wilder dans laquelle on peut imaginer un autoportrait de Coe : « Et je pris conscience que pour un homme comme lui, un homme fondamentalement mélancolique, un homme pour qui la marche du monde ne serait jamais qu’une source de regrets et de déceptions, l’humour n’était pas seulement beau mais nécessaire, que raconter une bonne blague pouvait faire naître un moment, fugace mais délicieux, où la vie prenait un sens particulier et ne semblait plus arbitraire, chaotique ni inexplicable. »

 

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« Billy Wilder et moi » est un véritable roman mais il est très sérieusement documenté, il a eu accès grâce à son fils aux souvenirs inédit de Diamond,  et par les anecdotes et les bon mots dont Billy Wilder était coutumier, il ressuscite l’un des plus grands cinéastes de l’âge d’or d’Hollywood et donne une envie irrépressible  de voir et de revoir les films de Billy Wilder.

 

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Pourtant, ce n’est pas pour la rigueur historique de son enquête qu’on prend plaisir à lire « Billy Wilder et moi mais pour son écriture d’une fluide exceptionnelle qui doit aussi beaucoup à Marguerite Capelle, la traductrice. Si avec Billy Wilder et moi, Jonathan Coe a écrit son meilleur livre c’est que contrairement à son habitude, en s’éloignant des problématiques de son pays, il a réussi à faire taire l’amertume qu’il nourrit envers l’Angleterre et qui rend ses autres romans parfois aigres. « Billy Wilder et moi » est d’abord le tribut sincère que Jonathan Coe paye a une des figures intellectuelles qui l’on le plus influencé. Cette générosité rejaillit sur tout les personnages de son livre. Pour la première fois Jonathan Coe ose aimer sans réserve tout ses personnages et on les aime avec lui.

 

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photo de tournage de Fedora

 

 

Pour retrouver Jonathan Coe sur le blog:

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