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Dans les diagonales du temps
14 juin 2021

La belle personne un film de Christophe Honoré

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France, 1h 34, 2007

Réalisation: Christophe Honoré, scénario: Christophe Honoré, Gilles Taurand d’après “La princesse de Clèves de Madame de La Fayette, image: Laurent Brunet, montage: Chantal Hymans, musique: Alex Beaupain

Avec: Louis Garrel, Grégoire Leprince-Ringuet, Léa Seydoux, Jean-Michel Portal, Chantal Neuwirth, Dominique Gould, Clotilde Hesme, Esteban Carvajol-Alegria, Agathe Bonitzer, Anais Demoustier, Tanel Derard, Jeanne Audiard, Valérie Lang, Alice Butaud, Simon Truxillo, Jacob Lyon, Martin Siméon, Esther Garrel, Julien Honoré

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Résumé

Les atermoiements amoureux d’un groupe de lycéens beaux, intelligents et sensibles d’un lycée parisien du seizième arrondissement (comme il y a aussi une histoire d’amour gay dans ce paysage amoureux je classe “La belle personne” dans ma cinéphagie gay). Les coutumes amoureuse du petit groupe sont bouleversées par l’intrusion d’une nouvelle élève, Junie (Léa Seydoux), seize ans, qui change de lycée en cours d’année suite à la mort de sa mère. Elle intègre la classe dont fait partie son cousin Mathias. Ce dernier devient son ambassadeur auprès de sa bande d’amis. L’un d’entre eux, le sensible Otto (Grégoire Leprince Ringuet) tombe instantanément amoureux de Junie, le drame va naître de l’ irruption d’un professeur, Nemours (Louis Garrel) dans cette nouvelle carte du tendre...

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L’avis du critique

J’ai appréhendé “La belle personne” de Christophe Honoré avec quelques préjugés légèrement défavorable, malgré l’amour que je voue à son précédent film “Les chansons d’amour”. Comme je le fais toujours lorsque je suis face à une adaptation, c’est à dire le passage d’une œuvre d’un médium à autre médium, ici de la littérature au cinéma. Je suis toujours plus excité par un scénario, un film, une pièce, un opéra... qui a d’abord été pensé dans le mode d’expression par lequel je le découvre... Mais je ne m’étendrais pas plus sur cette notion d’oeuvre originale qui demanderait à elle seule un long développement.
D’autre part je suis agacé par ces cinéastes qui adaptent des classiques. Ils me paraissent usurper pour leur boutique une caution intellectuelle qu’il ne saurait acquérir par leur seul talent, donnant à leur échoppe une visibilité imméritée dans ce monde médiatico-culturel, il est vrais fort encombré.

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J’avais également peur qu’après Marivaux en banlieue nous eussions droit à Madame de La Fayette, façon beur mais j’avais tout de même été rassuré par la localisation de l’entreprise, le lycée Molière...
L’homogénéité du lieu, le lycée et ses alentour immédiat (la dernière séquence maritime qui s’en échappe n’apporte rien et pourrait être supprimée avec avantage), du milieu, des enfants de la haute bourgeoisie cultivée, du temps un hiver, renforce le propos et évite le pathos. 

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Dans le cas présent si Christophe Honoré n’avait pas claironné que son film était une adaptation de “La princesse de Clèves”, je me demande combien de spectateurs auraient reconnu l’intrigue du roman de madame de La Fayette? Non qu’ils soient tous aussi ignares que leur président, mais parce qu’elle est bien ténue. Le roman devant sa juste gloire surtout grâce à son style et la nouveauté de sa forme lors de sa parution.

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D’ailleurs trouvant la trame d’origine trop mince: abandonner, de peur de l’être, Christophe Honoré, aidé en cela du scénariste chevronné Gilles Taurand, a eu la bonne idée de densifier le récit  par plusieurs strates d’histoires, comme celle de la relation passionnée entre deux garçons. Les différentes intrigues se croisent et se superposent constamment. L’inconvénient de cette richesse est que le format du film, environ 1h 30, probablement dicté par des impératifs télévisuels, n’est pas suffisant pour développer autant de pistes ce qui frustre un peu le spectateur...

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Le regard que porte Christophe Honoré sur la relation homosexuelle entre Matthias et Martin évite toute victimisation. Ce qui n’aurait pas correspondu au regard que porte en général le microcosme dans lequel se déroule le film, la haute bourgeoisie cultivée, sur des amours adolescentes homosexuelles. Celles-ci étant bien mieux considérées dans ce milieu que dans un milieu populaire. Cette évidence est tabou car elle ne correspond pas à l’image obligée du bourgeois, forcément rétrograde. D’ailleurs ce dont a peur Matthias ce n’est pas que l’on découvre qu’il est pédé mais que l’on sache qu’il est amoureux! Aveux de faiblesse dans ce milieu (soumis à autant d’idées reçues que d’autres tribus, elles sont seulement différentes) où l’esprit de compétition, donc la force est érigée en vertue.

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Cet amour homosexuel est mis habilement en contrepoint de ceux hétérosexuelles de Junie. Et seul le premier se termine bien. De là à dire que Christophe Honoré voit une supériorité à l’amour homosexuel sur l’hétérosexuel, il y a un pas que je ne franchirait pas. 
On en vient à un autre de mes agacements, le fait de transposer dans le monde d’aujourd’hui ce qui a été écrit à, et pour une autre époque, maladie récurrente du théâtre, qui touche heureusement moins le cinéma. Cet exercice, souvent vain, soyons juste a donné quelques bons films comme le “Richard III” de, et avec Ian McKellen ou “Sexe intentions” dont la réussite tient peut être à la modestie de son ambition...

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Dès la première séquence, dans une salle de cours d’un lycée, dont on ignore alors la localisation, je remarque immédiatement le comble de l’audace pour un réalisateur français tous les élèves sont BLANCS! Et encore plus fort, il parle un français presque compréhensible. Je précise que j’habite non loin de deux lycées, l’un “normal” et l’autre professionnel et que souvent je ne parviens pas à détecter en quel sabir ces jeunes êtres éructent! Enfin j’écris presque compréhensible car dans le film, si les protagonistes parlent bien le français, quelque fois trop châtié et même ampoulé, les acteurs boulent leur texte si bien que surtout au début (à moins que l’on s’habitue à cette diction mitrailleuse) on manque un mot sur trois. Je subodore en outre, que la prise de son, qui me parait assez approximative, ne doit pas arranger les choses et que probablement plusieurs dialogues ont été mal post synchronisés; ce qui expliquerait dans certains passage le décalage qui existe entre le son et le mouvement des lèvres.

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Autre réaction instinctive qu’est ce que les lieux où la jeunesse française favorisée reçoit le savoir, petit à petit on s’aperçoit que nous sommes dans le XVI ème arrondissement de Paris, dont nous ne sortirons pas, sont moches; beaucoup plus que les lycées anglais pourtant pas du tout huppés où se déroulent par exemple “Skin”  et “History boys”...

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L'action de “La Belle personne” se situe, pour une grande part, dans l'enceinte du lycée Molière. Christophe Honoré précise : << On tournait dans un lycée en activité, pendant les heures de classe... C'était intéressant de tourner au rythme du lycée, d'arrêter quand ça sonnait, d'aller en récréation avec les élèves et d'y tourner quelques scènes, de se servir des figurants au sein du lycée." Il ajoute d'autre part : "le film se concentre sur le lycée et le trajet entre chez eux et l'établissement. Je ne voulais surtout pas filmer leurs appartements, pénétrer dans leurs chambres d'adolescents. Je m'étais fixé cette règle dès le scénario. Il y a trop de conventions autour de "la chambre d'adolescent", telle qu'elle est représentée au cinéma. C'est le genre de décor maudit pour moi, infilmable...>>.

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Est-ce parce que le film était d’abord conçu pour la télévision que le réalisateur use et abuse des gros plans sur les visages de ses jeunes interprètes? Ce qui convenons en, n’est pas désagréable, même si ce parti pris, sauf à la fin, nous prive de l’habituel talent qu’a Honoré pour filmer Paris.

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Dans le dossier de presse, Christophe Honoré déclare: << Depuis longtemps j’ai envie de filmer les adolescents (mais a t-il vraiment fait autre chose depuis son premier film!), mais en évitant la nostalgie et la sociologie qui sont les deux périls de ce genre de film.>>. Si je suis entièrement d’accord avec lui et qu’il a parfaitement évité ces écueils, en revanche, il est tombé dans un travers fréquent dans les “modernisations” d’oeuvres anciennes, celui de faire parler des personnages contemporains comme ils auraient dialogué à l’époque du roman original, ce qui donne quelques dialogues assez ridicules.

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“La belle personne” est typiquement un film intermittent. A des scènes avec des dialogues sonnant faux peuvent suivre des moments touchant de vérité, comme celui où un camarade ébouriffe furtivement les cheveux d’Otto (Louis Leprince Ringuet) pendant que ce dernier roule une magistrale pelle à Junie où encore celui de la prof de français qui, pendant son cours, matte un beau black (mais si il y en avait au moins un!) qui roule, une non moins magistrale pelle que celle d’Otto, à sa copine pendant un inter cours.
On peut remarquer que c’est dans les scènes muettes que Christophe Honoré fait le mieux passer l’émotion comme dans la belle scène du juke box où l’on a envie de chanter “Chez Lorette”...

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Christophe Honoré a un indéniable talent pour les castings, outre que ces jeunes gens sont bien agréable à regarder, en particulier le dénommé Jacob (Jacob Lyon) (il m’a semblé cette fois déceler dans le choix des garçons, un certain goût pour l’androgynéité de la part du cinéaste). Leur beauté naturelle, ce n’est pas non plus un défilé de mannequins, me fait plus facilement pardonner la médiocrité de leur diction. Ils sont tous parfaitement crédible dans leur rôle à l’exception de Garrel un peu trop juvénile pour son emploi de professeur d’italien et qui ne joue (bien) qu’une scène sur deux comme à son habitude...

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Il est dommage toutefois que le plaisir du cinéaste à filmer ces jeunes gens tourne parfois à la complaisance et a pour résultat des plans trop longs ou superflus. Mais m’étant repu de cette faiblesse je n’ai pas le coeur de la lui reprocher sévèrement.
Jamais cour (dans le sens de l’entourage d’un souverain) n’a eu d’aussi belles personne, la phrase de “La princesse de Clèves qui donne le titre au film peut s’appliquer à ce cours (dans le sens de classe), petit jeu de mot lacanien dont découle peut être toute la transposition.

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Honoré est un homme de fidélité car outre Louis Garrel et Grégoire Leprince-Ringuet, très bien dans un rôle bien différent de celui des “Chansons d’amour”, on reconnaîtra Dominique Gould, qui jouait le père dans “Tout contre Léo”, en prof d’anglais et si l’on est attentif on repérera Clotilde Hesme en documentariste, Chiara Mastroiani en cliente du café où notre bande d’ados a ses habitudes et quelques silhouettes aperçus dans ses autres films. Mais la distribution offre aussi quelques plaisirs inattendus comme celui de retrouver en prof de math, Jean-Michel Portal, toujours impeccable, dont l’aissance du jeu ne fait que mettre en évidence celui guindé de Garrel dans la première scène où il se donne la réplique. C’est également avec plaisir que l’on revoit Chantal Neuwirth aussi parfaite ici en patronne de café (on a envie de chanter “Chez Lorette”) qu’en madame Lebreton dans “Sagan”.

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Ce qui est sympathique chez ce cinéaste c’est qu’il semble incapable d’ abandonner ses films précédents auxquels, en plus de l’esprit de troupe, il fait de nombreux clins d’oeil, comme la chanson que chante Grégoire Leprince-Ringuet à la fin, qui semble tout droit sortie des “Chansons d’amour”. Ce qui n’est guère surprenant puisqu’elle est signée Alex Beaupain.

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La parenté entre les trois derniers films du cinéaste est indéniable. Ils pourrait être regroupés sous le titre rohmérien de conte d’hiver. Si “Dans Paris”, de loin le moins réussi des trois, se plaçait sous l’égide de Truffaud et “Les chansons d’amour” sous celui de Demy, c’est bien sous le parrainage de Rohmer qu’est “La belle personne”.

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On peut considérer que “La belle personne” est un peu la version au noir des “Chansons d’amour”. Si dans ce dernier film le personnage qu’interprétait Grégoire Leprince-Ringuet était tout aussi obstiné que celui qu’il interprète dans “La belle personne” mais dans le premier Erwan était obstiné à être heureux, à vivre son histoire d’amour, ce qui l’amenait à composer avec ses sentiments, alors qu’Otto dans “La belle personne” est dominé par une idée d’absolu, propre à de nombreux adolescent. Le garçon tombe amoureux pour la première fois et ne peut envisager qu’il y en ait une deuxième tout comme Junie, chacun à leur manière trouve la solution dans la fuite.

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On peut rendre grâce à Christophe Honoré de faire ce qu’il dit c’est à dire tourner un film qui n’est pas destiné à démontrer quoi que ce soit sur la jeunesse d’aujourd’hui mais porté parce qu’il y a d’éternel dans la jeunesse.

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Malgré quelques afféteries dont on se demande si le cinéma de Christophe Honoré guérira un jour, le cinéaste a réussit a faire de “La belle personne” un marivaudage qui vire au mélo, un film émouvant et vrais qui échappe parfois avec grâce au naturalisme.

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Pour retrouver Christophe Honoré sur le blog:

 

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