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Dans les diagonales du temps
19 août 2020

LES BIEN-AIMÉS, UN FILM DE CHRISTOPHE HONORÉ

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J'ai bien aimé « Les bien aimés », même si je crains que ce soit un film pour les vieux birbes qui ont usé leurs souliers dans les rues de Paris, de New-York, de Londres, de Montréal et de Reims autant de trottoirs qui ont vu mes pas et où nous emmène Christophe Honoré et aussi pour ceux qui ont espéré pour le printemps de Prague et plus de trente ans plus tard, rescapés du SIDA qui se sont retrouvés médusés devant leur télévision un certain 11 septembre. « Les bien aimés » m'ont fait comprendre avec son travelling sur quarante ans d'histoire, tant publique que privée pourquoi j'ai tant mal au dos ces derniers temps, ce doit être le fardeaux du poids de tous ces évènements qui nous ont plus griffé que caressé. Le film est aussi peut être pour tous ceux qui ont beaucoup baisé durant ces quarante dernières années. On baise beaucoup dans le dernier opus d'Honoré. Vous me direz que pour une histoire qui galope sur quarante ans cet effet est du au compactage cinématographique qui les ramène à deux heures quinze, ce qui est déjà copieux mais durant lesquelles on ne s'ennuie jamais. Si l'on se focalise sur la baise (je ne parle pas d'amour, il y en a aussi dans le film mais il n'y est pas toujours synchrone avec la gymnastique sexuelle) cela en fait des coups, si l'on fait le compte de ceux que l'on se rappelle, ceux que l'on a oublié, ceux que l'on a sublimé et ceux dont on a tellement rêvé qu'à force on s'est imaginé qu'ils eurent lieu. Ca fait tout de même beaucoup.

 

 

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Je suis partagé en ce qui concerne le cinéma de Christophe Honoré, mais plus le temps passe, plus le plateau de la balance penche du bon coté. Si j'ai détesté « Dans Paris », démarquage prétentieux et laborieux de la Nouvelle Vague, il en reste malheureusement quelque chose dans l'ouverture des « Biens Aimés » avec les références lourdingues à quelques films de Truffaut, la saga des Doinel, L'homme qui aimait les femmes, Vivement dimanche... Si je me suis copieusement ennuyé en regardant « 17 fois Cécile Cassard ». J'en avais été navré ayant beaucoup cru dans le coup d'essai du cinéaste qu'a été Tout contre Léo. Dont j'aurais bien aimé connaître la suite, ce qui avait été un temps envisagé par Christophe Honoré.

 

 

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Et puis il y a eu l'enchantement « Des chansons d'amour » suivi par « La belle personne » qui me paraît être le meilleur teen movie français depuis très longtemps. J'ai été agréablement surpris par le virage réussi que j'ai vu dans son cinéma avec « Non ma fille tu n'iras pas danser » (je préfère oublier l'incartade aussi bête que courageuse qu'est « L'homme au bain ») que confirme « Les Bien-Aimés », vers un cinéma plus romanesque, du coté de celui de Depleschin qui ose comme Honoré aujourd'hui, le romanesque. Il y a bien un peu trop de mélo dans « Les Bien-Aimés » qui aurait pu s'appeler l'histoire d'une femme. Nous suivons la vie de Madeleine de 1964 à 2005, d'abord vendeuse de chaussures qui pour améliorer sa garde robe est une putain occasionnelle ( Ludivine Sagnier qui dans la seconde partie du film, laissera son rôle à Catherine Deneuve) qui tombe amoureux par un de ses clients de passage, Jaromil un médecin tchèque qui va lui faire une fille Véra. Après quelques hésitations Madeleine suit son médecin à Prague. Le praticien n'est pas d'une fidélité exemplaire (il est d'abord joué par Rasha Bukvic puis à la fin par Milos Forman). En 68 les russes investissent Prague, Madeleine lassé des infidélités de son mari et n'étant guère russophile elle rentre en France en emmenant Véra. Elle fait « une fin » confortable en se mariant avec François Gouriot, un brave pandore raide amoureux pour elle et prêt à toutes les concessions pour garder celle qu'il aime.

 

 

 

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Dans ce film, et c'est assez nouveau dans le cinéma de Christophe Honoré et bien rare dans le cinéma français les protagonistes travaillent. Ils ont un métier. On sait d'où vient leur argent. Ils sont situés socialement. Jaromil est médecin. Madeleine est vendeuse dans un magasin de chaussures et putain... pour ne plus voler des chaussures mais les acheter... Véra comme Clément ( Garrel reprend un rôle semblable à celui qu'il tient dans « La belle personne ») sont professeur dans un lycée parisien. François Gouriot est garde républicain, bon Christophe Honoré en bon bobo n'a tout de même pas une idée bien exacte à mon avis des revenus d'un garde républicain dont la maison et le train de vie une fois qu'il est à la retraite me paraît bien élevé pour un retraité de la garde républicaine.

Les chansons qui ponctuent la narration sont de Alex Beaupain comme celles des « Chansons d'amour ». Si comme toujours chez cet auteur compositeur elles sont belles et touchantes, elles sont plus faibles que celles des « Chansons d'amour » et surtout moins bien intégrées dans le film dont elles ne font pas progresser l'intrigue. On a l'impression que les acteurs quand ils chantent leurs chansons disent au spectateur attend, je fais une pose, j'en pousse une petite... A propos il est amusant de constater que seul Michel Delpech qui est chanteur ne chante pas dans « Les Bien-Aimés ».

 

 

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L'un des grands avantages des « Bien-Aimés » qui a une distance parfaite juste par rapport à l'Histoire, de l'incidence que cette grande Histoire peut avoir sur les petites histoires de chacun, est de nous rappeler des faits que l'on a trop oubliés. Comme les atrocités de l'armée soviétiques lors de leur intervention de « normalisation » qui mit fin au printemps de Prague, crimes toujours impunis et apparemment tombé dans la poubelle de l'histoire. Plus léger, Honoré nous rappelle grâce à la formidable idée d'avoir fait jouer Jaromil dans son dernier âge par Milos Forman, un temps où beaucoup de lieux culturels parisiens étaient fréquentés par des exilés d'Europe de l'est qui martyrisaient la langue française avec beaucoup de grâce et de gourmandise. Il y avait aussi dans cette même époque et dans ces mêmes endroits les réfugiés chilien qui zézayaient affectueusement notre langue.

 

 

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Ce qui me gène toujours dans le cinéma d'Honoré, comme dans celui de Depleschin, c'est l'égoïsme ou plutôt l'égocentrisme de ses personnages (sauf ici celui joué par Delpech) qui empêche l'empathie avec les créatures honoriennes. Une des grandes qualité du cinéaste est sont talent d'une part de directon d'acteurs et d'autres part son grand sens du casting. Il uni à la fois une fidélité à ce que l'on peut assimiler à une troupe avec Ludivine Sagnier, Chiara Mastroianni, Louis Garrel et la rare audace de montrer dans le cinéma français extrêmement peu novateurs dans son éternel même panel d'acteur à un moment donné, de nouvelles tête (relativement pour certaine , enfin nouvelles pour moi) comme le cinéaste Milos Forman dont la présence nous rappelle son oeuvre cinématographique de sa période tchèque ou Paul Schneider que l'on avait vu aux antipodes mais pas dans les parages du cinéma français ou encore Michel Delpech si convaincant dans son rôle bien ingrat, que l'on espère le revoir vite sur les écrans. Pour ma part je ne connaissais pas Rasha Bukvic qui joue et qui est formidable. Et il ne faudrait pas oublier dans des rôles plus modestes Guillaume Denaiffe   François Gouriot jeune ni Omar Ben Sellem déjà aperçu dans le calamiteux du même Honoré, fidélité vous dis-je, « Homme au bain » et surtout Clara Couste qui est Véra adolescente et dont c'est le premier rôle à l'écran comme il c'était mentionné dans les génériques jadis. Je voudrais revenir sur la performance de Paul Schneider qui réussit à donner beaucoup d'épaisseur à son personnage de gay amoureux d'une femme.

 

 

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Même si le cinéma d'Honoré est toujours par bien des points agaçant et surtout trop référentiel, on a compris monsieur Honoré vous connaissez bien le cinéma, celui de la nouvelle vague, celle d'ici et d'ailleurs, celui de Demy et de Michel Deville, cela fait plaisir de voir un cinéma inventif et intelligent qui réussit in fine à nous émouvoir.

 

 

Nota

 

1/ Je vous livre tout de go cet extrait de la critique du film, signée Jean-Philippe Tessé, parue dans « Les Cahiers du cinéma de cet été auquel j'adhère totalement et n'aurait réussi à exprimer si bien: << (…) Chaque personnage du film est hanté par quelqu'un, qui ne part pas, qui revient sans cesse ou vers lequel il revient sans cesse. Les personnages sont reliés entre eux par cette sorte de chaine invisible: les bien-aimés sont des revenants.>>. Ne sommes nous pas tous hanté par un de ces fantômes?
 
2/ Sur le très intéressant blog "Les lectures de cachou" , il y a une critique éclairante mais avec laquelle je ne partage pas du tout sa défiance envers Ludivne Sagnier, c'est ici. (http://leslecturesdecachou.over-blog.com/article-les-bien-aimes-82752166.html)
3/ Pour écouter des extraits et tout savoir sur  la bande originale c'est ici
Pour retrouver Christophe Honoré sur le blog
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