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Dans les diagonales du temps
16 janvier 2021

L’usine à rêves de François Rivière

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François Rivière est un des très rares écrivains dont je guette avec impatience et fébrilité l’arrivée d’un nouveau livre en librairie. Il est même le seul écrivain français, avec Modiano, dont je ne voudrais pour ne rien au monde manquer le dernier opus. Mais pour Modiano, les trompettes de la renommée claironnent l’apparition de son nouveau roman bien avant qu’il y en ait des piles dans les librairies. Je m’en voudrais également de n’être pas un des premiers à serrer contre mon coeur un nouveau volume de l’oeuvre de Rinaldi dont je suis toujours aussi étonné dont on ne fasse pas plus de cas; sans doute le petit monde littéraire parisien, lui fait il payer sa férocité comme critique en méconnaissant ainsi son talent de romancier. Il y a& quelques années, j’étais également vigilant des nouvelles oeuvres d’Yves Navarre et de Didier Martin; mais le premier a mis fin à ses jours tandis que le second est parti sans laissez d’adresse. Si vous en avez des nouvelles, prévenez moi. Les romans de François Rivière , j’ai jusque là dédaigné ses biographies, s’alignent sagement sur un rayon d’une de mes bibliothèques. Je les ai mesurés et il faut 25 cm pour ranger la prose de notre écrivain. Je chéris particulièrement ses romans édités au Seuil dans la collection “fiction et compagnie”; mais pourtant mon préféré est le petit opuscule autobiographique “Un personnage de roman” qu’il a fait paraître en 1987 chez Pierre Horay. Et justement le titre de ce livre me fait penser que dans “L’usine à rêves” François Rivière nous raconte la vie qu’il Ys’est rêvée, l’existence qu’il aurait aimée avoir, celle de Charles Dulac en dépit, ou à cause (?) de ses vicissitudes, une fausse autobiographie en somme où à travers le personnage de Charles Dulac il en dit plus sur lui même qu’il l’avait fait dans ses autres romans. Le titre même, “L’usine à rêves”, le suggère. S’il désigne en premier chef Hollywood, il suggère aussi que la pratique de l’écriture pour l’auteur est d’abord une fabrique de songes pour l’extraire d’un quotidien trop banal. Et lorsque je lis, page 101: << Combien y en at-il eu de ces garçons agréables et malléables, qui font irruption dans ma vie solitaire pour soulager un peu mon angoisse, jouent un petit rôle et puis s’en vont?>>, je m’autorise à penser que François Rivière parle autant de lui même que de son héros, Charles Dulac. Ce dernier, un matin, dans sa grande villa au bord de la mer, mais on ne saura pas laquelle, où il vit reclus, reçoit une lettre de Bruxelles lui demandant de venir au plus vite, son correspondant étant mourant. Cette missive ressuscite un passé douloureux que Charles s’efforçait d’oublier. Et qu’il va confesser au lecteur par le moyen d’habiles artifices. Dans une autre vie, Charles Dulac a été un enfant acteur à Hollywood. Il a connu une éphémère gloire dans le rôle titre d’une série télévisée, “Little Charlie détective. C’est par une suite de flash back, finement agencées, que l’on va découvrir la vie de Charles Dulac et côtoyer avec lui une faune haute en couleur, mais présentée mezzo voce. On croisera ainsi,en particulier, Christopher Isherwood. Par fragments on ira de l’ascension d’un enfant ingénu jusqu’au scandale qui a brisé sa carrière et comme figé “little Charlie” dans le paradis perdu de son passé. Avec un grand pouvoir d’évocation, l’auteur nous entraîne dans la Californie des années 50 et dans le Bruxelles d’hier et d’aujourd’hui avec des détours par Londres et Paris... Les habitués du romancier seront un peu surpris de découvrir un style beaucoup plus lisse, plus confortable que celui de ses précédents romans parus chez fiction ou même que ceux de sa trilogie fantastique, “Blasphème”, “La bibliothèque souterraine” et “En enfer avec James Whale”. L’écriture de “L’usine à rêves” est plus proche de celle des ouvrages dans lesquels François Rivière nous délecte des aventures des agents littéraires Purley & Odot, tous publiés au Masque. Mais le styleñ du roman me fait aussi penser à celui des romans du Signe de piste que l’auteur a beaucoup fréquentés, comme il le confie dans “Un personnage de roman”. On y pense d’autant que l’âge du héros correspond à celui des vaillantes créatures dessinées par Joubert et Gourlier dont les illustrations n’auraient en rien déparées ce dernier opus de François Rivière. Même si les péripéties de la vie de Little Charlie sont beaucoup plus “salées” que celles vécues par les graciles adolescents imaginés par Dalens et Foncine. On peut évoquer également les romans de Paul Berna. On retrouve les thèmes et les personnages qui parcourent toute l’oeuvre de François Rivière, l’homosexualité diffuse, ici plus centrale que dans ses autres livres, et confuse, le héros timoré, plus spectateur et souvent victime qu’acteur de l’action, le comparse amoureux des livres et surtout le parfum des années 50, à la fois chic et provincial,∞ comme échappé d’un vieux numéro de “Plaisir de France”, sans oublier le méchant paré d’une aura diabolique. Si l’on suit avec passion la trajectoire de Charles Dulac, qui nous est distillée parcimonieusement, on a la curieuse impression, peut être par le glissement des personnages entre eux, comme les cartes d’un jeu, que cette histoire nous est racontée comme celle d’un film projeté sur un écran sur lequel on verrait défiler des images aux couleurs vives et acidulée du cinémascope contemporain aux aventures de Little Charlie. La suprême astuce de François Rivière est dans les toutes dernières pages, de “L’usine à rêves” comme dans Le Meurtre de Roger Ackroyd de sa chère Agatha Christie, de montrer au lecteur que ce qu’il vient de lire n’était pas la vérité mais seulement celle de Charles Dulac. Par cette fin aussi émouvante qu’habile il donne à son dernier roman une profondeur que n’avait pas eu jusqu’ici ses précédents romans.

 

Pour retrouver François Rivière sur le blog

 

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