Hernan Bas, Creature Comforts, à la Galerie Perrotin en 2020
Un sentiment de tension poétique imprègne les travaux de Bas, réalisés à différentes échelles, de formats plus grands que nature à des dimensions intimistes, reflétant la vaste palette d’émotions éprouvées par leurs protagonistes. Figures récurrentes de l’univers fastueux assumé de l’artiste, de jeunes hommes adultes peuplent des mises en scène presque surréalistes, empreintes des vestiges d’une angoisse adolescente et d’une fragilité face à la masculinité imminente. Ces dandys blasés à la rémanence et la délicatesse invariables exécutent avec prudence des actes extravagants : ils flirtent avec le danger, valsent avec la mort et se drapent dans la douleur.
Peints par Hernan Bas depuis presque vingt ans, ces Ganymède, Tadzio et Elio des temps modernes incarnent aujourd’hui la transition vers la maturité, symbolisée par leurs gestes d’une abnégation et d’une générosité fatales. Ces jeunes hommes s’exposent aux risques au détriment de leur beauté, qui était jusqu’alors à la fois leur armure et leur parure. Auparavant esthètes indulgents et romantiques mélancoliques, ils sacrifient désormais leurs fluides vitaux ou leurs demeures, en tentant d’assurer le confort de créatures qu’ils chérissent courageusement.
Dans Adult Security Blanket, l’un d’entre eux orne sa tenue entièrement noire d’une pièce de tissu bleu roi portant l’inscription : « Adult security blanket. If lost return to D. Bell » (Doudou pour adulte. En cas de perte, merci de le retourner à D. Bell). Cet élément est inspiré d’une trouvaille en friperie appartenant à la collection de l’artiste depuis plus de dix ans. La boîte du doudou original, qui n’est pas représentée dans le tableau, indique : « When all seems to fail, try this ‘true companion’ for comforting consolation… » (Quand rien ne va, faites appel à ce ‘vrai compagnon’ pour vous réconforter…).
Dans Hot Seat, un long serpent sus-pendu au plafond vient se lover autour du cou d’un jeune homme, dans une atmosphère sous haute tension. Baignée de tonalités rouges, la pièce contient en arrière-plan un terrarium empli de reptiles. Une lampe incandescente et la chemise assortie du jeune homme complètent cette fournaise, que Bas illumine en s’inspirant de l’Autoportrait en enfer de Munch (1903).
Élégance et morbidité se répondent dans Dinner hour at the Little Shop of Horrors, où l’on voit un jeune homme équipé de gants verts hisser la carcasse d’un animal à l’aide d’une chaîne en métal, dans une serre peuplée de plantes carnivores. L’appétit délicatement barbare des plantes est ainsi apaisé, non pas grâce à l’énorme bloc de viande, mais aux mouches attirées par l’odeur de la chair crue, qui est représentée à la manière de Chaim Soutine.
How Best to Suffer Swamp Life at Dusk montre un autre gentleman s’abritant derrière un voile transparent qui, retombant d’un parapluie, masque ses yeux bleus et le protège de moustiques voraces. Résistant malgré sa légèreté, le voile est déjà constellé d’insectes assoiffés du sang du jeune homme. Comme les autres sujets de l’exposition, ce personnage adopte une attitude entre inconfort et posture, assumant délibérément sa position précaire dans un duel avec des créatures naturelles.
L'atelier de l'artiste
J'ai récupéré les images et les textes sur le site de la galerie. Je m'apprètais à voir cette exposition et puis il y a eu le confinement...
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