Quand Paul Morand se souvenait de Marcel Proust
Proust raconte que quelqu’un dit au marquis de G… :
« Il paraît que la Marquise a un très beau Cézanne ?
— Il paraît.
— Vous ne le connaissez pas ?
— Il est dans la chambre à coucher de la Marquise, je n’ai jamais eu l’occasion de le voir. »
Proust raconte que Mme Baignières, qui était très avare, faisait retoucher une vieille fourrure chaque année, en disant : « Comment trouvez-vous mon Doucet ? » L’année d’après, elle remplaçait Doucet par Laferrière, etc. « Je la trouve solide », répondit Proust.
Proust me dit : « Je ne connaissais pas Francis Jammes. Je le jugeais évangélique et pauvre. Dans ses livres, il parle toujours de son voisin le savetier. Quand je le rencontrai chez les Daudet, il m’entretint de M. de Monvel qui est président du St-Hubert Club et a une grosse situation dans le Sud-Ouest… Il me parla surtout Royal Dutch et vénerie. »
Hier soir, Céleste me téléphone : « M. Marcel Proust dînera volontiers avec M. Morand ce soir ; que M. Morand invite qui il veut, si ça l’ennuie de dîner avec M. Marcel Proust, mais comme M. Marcel Proust n’est pas rasé, M. Marcel Proust prie M. Morand de ne pas lui faire de “surprises de dames ”. »
Paul Morand, Journal d’un attaché d’ambassade 1916-1917.
Gallimard, 1996.
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