Ambroise Kaya est un bel harpiste de 29 ans. Il est nouvellement engagé à titre d’essais dans un prestigieux orchestre philharmonique où joue déjà sa soeur avec laquelle il vit. Il espère que cet essais sera concluant et veut tout faire pour cela car il pressent que c’est sa dernière chance. Ce beau garçon asocial, limite autiste, est soudainement abordé par de belles femmes qui veulent entrer en relation avec lui et plus si affinité. Il se refuse à toutes les femmes qui tentent de l’approcher, sans se douter qu’il s’agit d’une seule et même personne… Car on apprend vite que ces appétissante personnes ne sont en réalité que les apparence d’une métamorphe, une créature qui peut changer d’apparence selon sa volonté aussi bien en femme qu’en homme et peut-être en autre chose… Ambroise va finir par céder aux charmes pas forcément évidents de Francesca Forabosco, une cantatrice célèbre et semble-il à la richesse illimité, sorte de Castafiore gironde… Elle lui propose un marché. S’il veut obtenir la harpe de ses rêves, Ambroise devra relever 47 défis. Un seul échec, et l’instrument lui échappe... En outre dans l’orchestre qu’a intégré notre harpiste un corbeau envoie des lettres injurieuse pour essayer de faire partir la soeur d’Ambroise. Je vous en dirais pas plus de l’intrigue car il serait dommage qu’à cause de mes indiscrétions vous ne vous procuriez pas cet album qui est l’un des plus singulier de toute l’Histoire de la bande dessinée.
En effet 47 cordes (c’est le nombre de cordes que possède une harpe) ne ressemble à aucune bande-dessinée ni dans le dessin ni surtout dans le scénario. Tout dans cette histoire est improbable et pourtant on ne peut l’abandonner avant la dernière page, la 378 ème qui sera loin de répondre à toutes les questions que se pose le lecteur durant cette très étrange histoire. Ce qui est normal puisque un deuxième tome, qui devrait être aussi copieux est annoncé.
Faut-il voir dans cet album une dimension métaphorique propre aux récits mythologiques, des Métamorphoses d'Ovide à l'Iliade et l'Odyssée d'Homère. De par leur capacité surnaturelle, les métamorphes s'élèveraient au niveau des dieux. Tel un Zeus transformé en pluie d'or pour séduire Danaé. Comme dans les récits antiques Francesca Forabosco et ses nombreux avatars utiliseraient les humains pour asseoir leur pouvoir (mais alors dans quel but) et tromper leur ennui. Le nom du héros, Ambroise évoque l'ambroisie cette substance savoureuse servant de nourriture aux dieux de l'Olympe procurant l'immortalité à ceux qui en mangent... La métamorphe va-t-elle se nourrir du bel Ambroise?
L’auteur parvient à donner vie à une la vingtaine de personnages dont certains sont assez éloignés des habituels canons de beauté.
Il faut accepter de se plonger dans cet univers sans essayer de se raccrocher à un possible quelconque. Il faut laisser s’y couler. La difficulté est que Timothé Le Boucher a créé un monde totalement étranger à notre réalité si l’on est vaguement à l’époque contemporaine en revanche il est impossible de situer l’intrigue géographiquement nous sommes dans une sorte de rivière idéale où la cote ressemblerait un peu à celle de la Bretagne, marée comprise… S’il se passe beaucoup de choses dans ces près de 400 page la narration est néanmoins proche de celle de certains mangas contemplatifs.
La question la plus prenante est pourquoi l’anamorphe a choisi entre tous les humains, Ambroise qui s’il n’est pas mal de sa personne et s’il est doué, tout du moins c’est lui qui l’affirme, non seulement en musique mais aussi en littérature et dessin, est loin d’avoir toutes les qualité et n’apparait, surtout au début, pas très sympathique et fort peu sujet à générer de l’empathie. La personnalité d’Ambroise reste flou on comprend que lui et sa soeur ont eu des problèmes avec leur père avec lequel ils ont coupé les ponts, leur mère est décédée lorsqu’ils étaient très jeune. Si Ambroise incontestablement aime les femmes, il n’est peut être pas complètement aux charmes masculin puisque lui qui jusque là n’aurait pas eu d’amis entre dans une amitié fusionnelle avec Thomas un beau noir de son âge probablement homosexuel.
J’en vient à la sexualité qui m’apparait comme le centre de toute cette histoire une sexualité polymorphe et délicieusement perverses, même si les moments les plus hards ne sont que suggérées. Ce qui est intrigant est que les pratiques sexuelles montrées sont essentiellement hétérosexuelle alors que le dessin est surtout homo- érotique.
On retrouve les obsessions de l’auteur comme les facettes ambivalentes de la psychologie humaine la mouvance de son identité, le genre, la sexualité, le rapport au corps, la maladie, la cruauté des rapports humains… Je ne cacherais pas que le récit dans lequel le fantastique le plus étrange et pervers cote le réalisme le plus prosaïque peut mettre mal à l’aise le lecteur mais cela ne suffira certainement pas à lui faire abandonner cette histoire tant sa curiosité est continuellement stimulée par le découpage de l’intrigue. Le Boucher dans une bande dessinée si novatrice à utiliser le vieux truc du suspense au bas de la page de droite ce qui incite à la tourner pour découvrir la suite.
Le dessin a été très probablement fait entièrement sur écran ce qui lui donne une élégance lisse. Les corps y sont e magnifiés par la grâce du raffinement du dessin. La planche, souvent presque muette est souvent divisée en trois bandes, elles même scindées en deux ou trois cases. Le dessinateur s’autorise quelques pleines pages plus onirique que narratives. Les couleurs, très belles aux couleurs subtiles dans lesquelles domine les teintes sourdes sont réalisées par Timothé Le Boucher qui est donc entièrement l’auteur de cet album.
A lire 47 cordes je me suis aperçu que je faisait toujours dans mes lectures, inconsciemment de la critique comparé mais en l’occurence 47 cordes ne correspondant à rien de connu (du moins par moi) c’est particulièrement troublant et déstabilisant. J’ai bien repéré une image issue du film Orange mécanique de Stanley Kubrick et une autre venant probablement du manga « Jin » . Une séquence m’a évoqué le film espagnol "Le bal des 41" mais l’atmosphère érotique de l’ensemble m’a fait penser à celles qui baignait les romans fantastico-érotique de Mandiargues des années 60. On peut aussi à la rigueur penser au fantastique de Cocteau (le beau et la bête) et à certains passages fantastique de certains romans de Murakami. Pour le dessin la seule référence qui émerge ce sont ceux des autres albums de Timothé Le Boucher et par la délicatesse sensuelle du trait à celui de Suehiro Maruo. Mais c’est à peu près tout. 47 cordes est d’une nouveauté absolue.
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