Christopher at home with German painter Eduard Bargheer, Berlin, 1933, a photo by Herbert List
Max Scheler au Palazzo dei Conservatori (Rome) en 1949
Pour retrouver Albert Wainwright sur le blog:
Christopher at home with German painter Eduard Bargheer, Berlin, 1933, a photo by Herbert List
Max Scheler au Palazzo dei Conservatori (Rome) en 1949
Je vous ai déjà dit tout le bien qu'il fallait penser du premier tome de "Dent d'ours" quelques chose comme un mélange de Buck Danny (dont Yann était un lecteur assidu) et de Pierre Joubert. Le deuxième tome n'est pas inférieur au premier. Il y en aura un troisième. Chaque album est centré plus sur un des trois héros de l'histoire. Dans celui-ci nous voyons surtout Hanna même si Max est encore très présent. En revanche Werner en est presque absent.
Le premier album, sous-titré Max, racontait essentiellement l'amitié entre trois enfants au début des années 30 en Basse-Silésie. Ce deuxième volet est principalement axé sur la guerre, même si nous y découvrons l'épisode fondateur de toute cette histoire, datant de 1934, qui en donne son titre. La trame de ce deuxième volet est particulièrement dramatique. Max, Pilote d'exception engagé dans l'US Air Force pour combattre les nazis, Max dit « le Polak » a pour mission d'abattre Hanna Reitsch, pilote d'élite de la Luftwaffe. Une mission à hauts risques, qui implique pour Max d'infiltrer l'armée ennemie et d'affronter son propre passé. Car avant de devenir une cible, Hanna était son amie d'enfance...
L'album met en lumière deux chapitres assez peu connus de la seconde guerre mondiale, tout du moins en France. D'une part, l'existence d'une très active résistance polonaise, "L'Armia Krajowa" bien plus efficiente que la Résistance française. Par exemple un de ses grands faits d'arme fut de récupérer un V2 qui était tombé sans exploser peu loin de sa rampe de lancement, de le cacher dans les marais avant de la faire voyager jusqu'à Londres. Ainsi les alliés purent l'étudier.
Et surtout d'autre part "Dent d'ours, Hanna" nous fait visualiser deux de ces armes secrètes, le V4 et le Triebflügel, concoctées par les nazis pour renverser la situation militaire en 1944 et 45 qui alimentèrent la propagande de Goebbels et laissèrent croire à l'opinion étrangère et allemande, que l'Allemagne pouvait encore retourner le sort de la guerre.
une image de Mario Merino qui a sans doute beaucoup inspiré Henriet
Ce qui est bluffant dans cette série c'est la qualité (et la rareté) de la documentation des auteurs. Même s'ils ont pris, volontairement ou non des libertés avec la réalité historique. La principale est de mettre en scène l'avion Triebflügel.
Sur un projet du professeur Otto von Holst, l’ingénieur Otto von Pabst et le constructeur aéronautique von Halem conçurent un chasseur ADAV appelé Triebflügel. L’utilisation, en l’extrémité de pale, de statoréacteurs de type Lorin (c’est-à-dire dépourvus de pièces mobiles) de 840 kp de poussée chacun, aurait permis d’annuler le couple induit et donc de s’affranchir du deuxième rotor. L’aile-rotor tripale (Triebflügel) devait tourner sur des roulements autour d’un tube placé au niveau du centre de gravité du fuselage de l’appareil. Les moteurs Lorin ne fournissant une poussée qu’à partir d'une vitesse minimum de 300 km/h, des moteurs-fusées de type Walter montés en supplément devaient donner au rotor la vitesse de rotation initiale nécessaire. Le régime devait atteindre 220 tr/min et la vitesse maximale 1000 km/h. Yann les a dessinés prenant part à un dantesque combat aérien, alors que cet avion n'a existé qu'à l'état de maquette. Ce qui donne un léger parfum d'uchronie à l'album.
Deux photos de V4
En revanche le V4 a bel et bien existé À partir du printemps 1944, une version pilotée du V1 appelé V-4 est projetée et des exemplaires modifiés conçus et testés, notamment par Hanna Reitsch qui est un des trois personnages principals de la série. Répondant au nom de code Reichenberg, aucun de ces prototypes ne fut utilisé pour le combat. Dans cette version, le pilote doit amener le V1 sur l'objectif et sauter en parachute à environ 1000 m de l'impact. En raison du peu de temps pour effectuer l'éjection, qui est entièrement manuelle à l'époque, ce type de mission s'apparente à un suicide. C'est à partir des V4 que les Allemands ont fournis aux Japonais des données leur permettant commencer à développer un projet d'avion suicide, le Kawanishi Baika. Une version biplace du V4 a même été prévue pour l'entraînement des pilotes. L'atterrissage était prévu avec un ski placé sous le fuselage. C'est ce que nous voyons à la fin de l'album. Anna parvient à poser non sans mal un de ces prototypes.
un Kawanishi Baika photographié par mes soins au très intéressant et émouvant musée du sanctuaire Yasukuni
L'un des personnage pricipaux de "Dent d'ours", Hanna Reitsch a existé et a été une célébrité en son temps. Mais la Hanna des albums n'est pas complètement la Hanna de l'Histoire, comme le Dartagnan de Dumas s'éloigne du véritable personnage historique. Il est a noter qu'il n'est pas banal de prendre pour héroine d'une série de bande dessinée une icône du nazisme!
Adolf Galland et Hanna
Mais comme le déclare Yann, il ne raconte pas la véritable vie d'Hanna Reitsch: << Inutile d'ouvrir une encyclopédie pour connaitre la fin de l'histoire! Ce qui m'intéressait le plus c'est la jeunesse d'Anna. Une jeunesse dont on sait très peu de chose. Et où je peux donc lui faire vivre avec Max et Werner toutes les aventures qui me plaisent.>>.
Outre Hanna Reitsch, apparait dans "Dent d'ours Hanna" Adolf Galland, le plus célèbre pilote de chasse allemand. Le général galland fut limogé de tous ses commandements en janvier 1945 par Goring. Je vous conseille son livre "Jusqu'au bout sur nos Messerschmitt (tout un programme). C'est un peu le pendant allemand au "Grand cirque" de Clostermann. Le livre est paru aux éditions "J'ai lu", dans la célèbre série "Leur aventure", ( n° A3) avec leur belle couverture sur fond bleu roi. Dans ce livre on apprend que les nazis avait envisagé de confier une version réduite du Messerschmitt 262 à << des gamins de dix sept ans, qui sans aucune instruction digne de ce nom, allaient se lancer à l'assaut des phalanges ennemies. Grâce à dieu, on nous épargna ce massacre.>> (page 374). C'est à peu près ce qui est dessiné par Henriet. henriet réussit à faire passer les sentiments de Galland qui n'était pas contrairement à la véritable Hanna Reitsch un jusqu'auboutiste. Yann dessine un Galland très ressemblant aux photographies d'époque qu'on connait de lui. Galland comme il est fortement suggéré dans l'album aurait eu des vues fort peu militaire sur Hanna Reitsch qui n'aurait pas cédé!
Il ne reste plus qu'a attendre le troisième tome (et probablement le dernier) de cette série qui est une des plus belles réussites de la bande dessinée franco-belge de ce début de XXi ème siècle.
USA, 2003
Réalisation: Gus van Sant, scénario: Casey Affleck et de Matt Damon, musique: Arvo Pärt
avec: Casey Affleck et Matt Damon
J'ai vécu ma première vision de Gerry comme un expérience : tout au long de la projection, j'ai eu le sentiment d'assister à un film inimitable. Enfin pas tout à fait inimitable ni exactement unique. Il m'a rappelé, de loin, deux oeuvres sorties peu de temps avant lui. La première est Beau travail de Claire Denis, qui se déroule dans le désert également. La deuxième est un road-movie assez confidentiel mettant en scène deux jeunes hommes : The Dream Catcher, du cinéaste indépendant Edward A. Radtke. Je me dois d'ajouter que chacun de ces films entretient les signes d'une homosexualité sous-jacente et à laquelle Gus Van Sant ne renonce pas davantage. Le réalisateur de Mala noche et de My Own Private Idaho n'a pas encore entrepris Elephant lorsqu'il tourne Gerry. Mais, Gerry n'ayant été distribué qu'après Elephant, la comparaison entre les deux oeuvres semble inévitable. Ce qui les relie, c'est le caractère hypothétique de l'homosexualité : si rien n'atteste en effet d'une relation amoureuse entre les deux Gerry, le baiser entre les deux tueurs d'Elephant ne permet pas pour autant de définir ainsi leur relation (il s'agit d'une expérience, celle de la première pelle. Quant à la séquence du débat sur la visibilité gay, lorsqu'un participant intervient, le spectateur cherche à savoir l'orientation sexuelle du sujet, mais le réalisateur l'égard dans un mouvement circulaire qui substitue un visage à un autre). Mais c'est la fin de Gerry qui apporte un éclairage sur le rapport des deux garçons : la mort de l'un révèle à l'autre l'indéfectibilité de leur passion. Auparavant, Gus Van Sant a laissé un indice au spectateur : c'est un long plan, l'un des plus beaux jamais vus au cinéma, sur le profil des deux Gerry. En travelling latéral, la caméra suit la marche mécanique des égarés et enregistre la superposition de leurs visages en sueur. Quand ils sortent alors du cadre, le champ - au sens cinématographique du terme - demeure flou, sa profondeur minime. La précision technique de ce plan met en valeur la spécificité de l'esthétique Van Sant : un cadre serré, qui permet ici la fusion des Gerry (le souffle, la sueur, l'épuisement, l'implication physique des garçons ne font que nourrir l'érotisme de la scène), et un mouvement incroyablement fluide, qui atténue ici le pas militaire des personnages. Cela, nous le retrouvons tout au long d'Elephant, où la caméra accompagne en plans rapprochés les adolescents dans leur marche vers la mort. Là aussi, la profondeur de champ est souvent réduite. Gus Van Sant embrasse ses protagonistes (donc ses acteurs, donc ses joueurs, donc ses pions) dans un décor flou, espace de l'égarement (ce terme résume justement à lui seul le synopsis de Gerry : deux garçons sont perdus dans le désert, point.) Où Gerry se démarque d'Elephant, avec une longueur d'avance conséquente, c'est dans ses exigences. Si impressionant soit-il, Gus Van Sant est infiniment plus exigent avec lui-même qu'avec son public dans Elephant. Il est, de ce fait, aisé d'expliquer l'accueil reçu par sa dernière oeuvre : ceux qui se voudraient Gus Van Sant à la place de Gus Van Sant (je parle des professionnels, des critiques, des intellectuels et des cinéphiles) se sont emparés d'un film à l'esthétique irréprochable (montage puzzle, immense fracture entre le temps diégétique et le temps filmique, travellings réalistes, cadrages signifiants, etc.), tandis que les véritables destinataires du film, spectateurs passifs (sans connotation péjorative), se sont montrés insensibles aux éléments les plus évidents - qui sont, hélas, les pires aussi - d'une structure éléphantesque (La Lettre à Élise, La Sonate au clair de lune, des archétypes, un massacre final). Dans Gerry, les intentions sont données sans ambiguïté : Gus Van Sant soumet son projet à une audience extrêmement restreinte et invitée à prêter la plus grande attention au travail du cinéaste. J'ai été captivé par le dépouillement total du résultat : un vide omniprésent, dans le scénario de Casey Affleck et de Matt Damon (la seule tentative de remplissage consiste en une conversation absurde devant un feu peut être une réminiscence de My private Idaho), dans le paysage où les personnages évoluent, dans la musique si calme d'Arvo Pärt, dans les plans interminables qui composent l'oeuvre. Le néant, chez Gus Van Sant, fascine car il convoque le spectateur à une expérience double : l'expérience artistique, vécue chez nul autre auteur (les similitudes avec Claire Denis et Edward A. Radtke imposent très vite leurs limites), et l'expérience dramatique, qui émane d'un processus d'identification particulièrement efficace. A partir du rien justement, le réalisateur peut susciter un rapprochement psychologique entre les protagonistes et le public, ceci dès le plan d'ouverture, placide trajet en voiture où tout le monde partage le fait d'être installé dans un siège et la sensation d'être transporté (le mouvement de la voiture, celui de la caméra). De même, quand Casey "Gerry" Affleck se trouve paralysé au sommet d'un énorme rocher, le spectateur éprouve lui-même une appréhension entretenue par le suspens que Gus Van Sant parvient à instaurer dans un plan fixes d'une dizaine de minutes ! (Un gros plan sur Matt "Gerry" Damon exige cependant que je mentionne la présence effective d'un découpage.) Le mirage final apparaît enfin comme une nouvelle tentative de troubler le protagoniste et l'assistance. Dès lors, le film prend un tout autre sens. Gerry devient une confrontation au mystère, à l'inexplicable : le mirage, c'est l'apparition d'une image qui n'existe pas. A tour de rôle, les deux Gerry ainsi rejoignent le monde de l'illusion : à la prise de conscience du mirage, c'est l'image de Matt "Gerry" Damon qui meurt ; à l'agonie de Casey "Gerry Affleck", c'est l'image de ce dernier qui meurt. Le spectateur se remémore alors tous les signes de l'étrangeté manifestés depuis le début du film : la conversation nocturne où tout devient incompréhensible, l'image sautillante et accélérée des souvenirs indécis, le dédoublement de Matt "Gerry" Damon, la pénible avancée des ombres vers la lumière et la disposition des corps dans le désert. Et Gerry hante. Depuis Gus van Sant n'a jamais fait mieux.
Pour retrouver Gus Van Sant sur le blog:
C'est un évènement exceptionnel à la galerie Barbier & Mathon, jusqu'au 28 février sont présentées pour la première fois en France une cinquantaine d’œuvres de l’artiste que l’on surnomme au Japon Le Dieu du Manga. Ces originaux, qui ne sont pas proposés à la vente, sont issues des livres qui ont fait sa renommée internationale comme Astro Boy, Buddha, Black Jack…
Cette exposition est organisée en collaboration avec TOEI Company ltd et Tezuka Productions
Malheureusement mes photos sont assez médiocre en raison des reflets sur les verres des cadres. Mais je crois que le billet donne une assez bonne idée de cette exposition dans la galerie dans laquelle on a un excellent accueil.
Paris février 2014
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