L'oeil du Minotaure de Valérie Mangin et de Millien
Sercilia Caepionis, maîtresse délaissée de César et mère de Brutus, est victime d’un lent empoisonnement provoqué par la perle de feu : un bijou jadis offert par son illustre amant, alors qu’il revenait de la guerre des Gaules. Se sentant lui-même visé, César envoie Alix, Enak et Brutus sur les traces d’un jeune voleur.
Nous sommes devant un scénario très classique avec un bijou maléfique à l'origine mystérieuse, à ce propos c'est un peu dommage que le titre de l'album vende immédiatement la mèche, ce scénario aurait pu être écrit il y a soixante ans, certes il n'aurait pas été traité totalement de la même manière, mais j'attendais plus d'audace de la part Valérie Mangin, déjà scénariste de l'excellente série « Alix Senator ». On a le sentiment qu'elle a voulu cocher toutes les cases des récits martiniens: l'objet maléfique et moteur de l'histoire (une sorte de faucon maltais), le voyage, si possible initiatique, le souterrain, les rêves, deux éléments récurrents dans les aventures d'Alix. On peut y ajouter deux présences, bien qu'elle ne soit pas citée, elle aussi très martinienne, celle de l'étrange matière du bijou, on pense à l'orichalque (matière radioactive(?), comme dans "Le dieu sauvage" et ensuite celle du grand méchant de la saga alixienne, Arbaces, qui lui est cité mais pas montré.
Bonne historienne il suffit à Valérie Mangin que de quelques cases pour camper le personnage ambigue politiquement de Brutus qui a même une vision prémonitoire de son geste meurtrier envers César. Ainsi la mort de chacun des triumvirs est présente pas ce son songe de Brutus, par l'évocation de celle de Crassus et par une case montrant la triste fin sans gloire de Pompée. Autre tour de force scénaristique l'audacieuse ellipse à la fin de l'album nécessaire en raison de la terrible contrainte des 48 page. En 1969 des lecteurs écrivaient à l'éditeur pour se plaindre que la pagination du nouvel Album d'Alix avait été réduit de 10 pages passant de 64 à 54.
Lorsque l'on s'est un peu promené comme moi dans le bassin méditerranéen s'est un plaisir de voir des lieux que l'on a foulés mais dans l'état où ils étaient 2000 ans auparavant comme le palais de Cnossos en crète Cnossos. Millien suppose que ce lieu était déjà en ruines au temps de la République Romaine (puisque le palais avait été construit 15 siècles auparavant) mais le dessinateur imagine que les colonnes et les murs étaient tout de même encore debout au temps de César. Millien nous propose une reconstitution assez vraisemblable.
L'Oeil du Minotaure nous permet de visiter un lieu célèbre de l'Antiquité Grecque : le labyrinthe construit par l'architecte Dédale. C'est dans cet édifice légendaire que vivait le fameux Minotaure, un monstre à tête de taureau qui a finalement été tué par le roi Thésée. Et dans l'album, les images de ce labyrinthe sont très surprenantes ! Voici en effet comment se présente la case décrivant la poursuite du jeune voleur grec par Alix et Enak ! Je n'y ai pas reconnu le labyrinthe que j'attendais. Valérie Mangin parle elle-même de "ruines labyrinthiques" mais je m'attendais à tout autre chose ! Pour moi, un labyrinthe devait être souterrain et construit d'une manière traditionnelle, selon le schéma que l'on retrouve dans la photo ci-dessous. Ce plan provient d'une mosaïque grecque antique et on y retrouve le Minotaure en son centre.
Surtout Valérie Mangin évoque le premier voyage du jeune Alix sur Théra (aujourd'hui Santorin), une île qu’il retrouvera quelques décennies plus tard, sous la plume de la même scénariste, dans le treizième album d’« Alix Senator » intitulé « L’Antre du Minotaure » et dont la parution est annoncée au début de l’an prochain.
Chrys Millien (né en 1975) est un passionné de BD qui publie ses premiers travaux dans les fanzines, dès 1996. Il est le dessinateur de « Witness 4 », « Poker Face », « L’Aviateur »… So dessin est honorable en particulier dans les décors et les paysages mais en ce qui concerne les personnages son trait est trop sec et leurs attitudes sont trop théâtrales et surtout ses corps manques de sensualité. Pour ma part je regrette les Alix de Christophe Simon qui était le seul à rendre toutes ses créatures désirables. Je dirais que les images dessinées par Millien sont inférieures à celles des meilleures histoires dessinées par Marc Jailloux ou celles par Christophe Simon, mais qu'elles sont par contre nettement en dessus des albums dus à Moralès ou à Ferry. J'imagine que le dessinateur continuera à être chargé du dessin d'autres Alix dans le futur espérons qu'il ait encore une bonne marge de progression...
Comme les cases en plan large sont réussies et fourmillent de détails, voilà une belle fidélité à Jacques Martin car la surprise de découvrir dans un coin de ses cases un élément qui toujours enrichissait la lecture, et surtout la relecture est un des grands plaisirs que procure la lecture des oeuvres du maitre, j'ai fait de même avec certaines cases dessinées par Millien; et quelque fut pas ma surprise en découvrant à la page 45, dans la sequence du songe d'Aix, à droite et en haut d'une larges cases horizontales deux cheminées d'évacuation de vapeur d'eau comme on en trouve dans une centrale nucléaire! Alix aurait alors vu dans le passé le cataclysme qui a ravagé l'île de Théra mais aussi dans le futur! Le dessinateur suggérant le péril nucléaire pouvant menacer un jour l'humanité ? C'est ridicule! Où le politiquement correct et l'obscurantisme ne vont-il pas se nicher!
A propos de créature désirable, il en apparait une dans l'album qui l'est beaucoup moins, sauf dans une assiette, c'est très bon, j'ai vérifié, il s'agit du Macrocheira kaempferi ou crabe-araignée géant du Japon qui attaque nos voyageur à... Santorin. Ce charmant animal peut faire jusqu’à 3,5 m d’envergure !
Chose rare aujourd'hui dans la bande-dessinée actuelle Millien est son propre coloriste et il réussit parfaitement dans cet exercice.
Graham Ibbeson
La sculpture, qui représente le personnage principal, Billy Casper et son oiseau bien-aimé KES, du roman ‘A kestrel for a knave’. Le roman a été adapté au cinéma pat Ken Loach en 1968. Elle a été créée par l'artiste Graham Ibbeson. Le sculpteur vit et travaille à Barnsley où elle est érigée. Il a produit des œuvres qui ont trouvé leur place dans des villes et des villages de Grande-Bretagne, notamment une statue d'Eric Morecambe dans le Lancashire, Cary Grant à Bristol ainsi que Dickie Bird à Barnsley.