Depuis quelques années, en France et en Belgique, le succès bien mérité des bandes dessinées créées par Hergé , Jijé , Jacobs ,Morris et Franquin , stars au firmament de la B.D franco-belge, a contribué à leur mythologie. Il s'est ajouté une sorte "d'adoration sacrée" à l'intérêt de leurs lecteurs historiques, ceux qui sont assez vieux pour se souvenir avec quelle impatience on attendait la parution d'un nouvel album de Tintin. Je me souviens encore de la fébrile attente de la venue de ma tante qui le soir même de la sortie de ce nouvel opus devait m'apporter l'objet tant convoité. Pensons au merchandising lié à leurs héros et aux symboles contenus dans leurs récits qui est devenus de véritables marqueurs visibles partout dans les pays francophones: la fusée à carreaux rouges et blancs de Tintin , la marque jaune de Blake et Mortimer ou le chapeau de Spirou. Et que dire de l’atmosphère "curiale" qui règne dans le Musée Hergé à Louvain-le-Neuve?
Des fleuves de mots ont été écrits sur ces grands artistes du neuvième art. Les rayons des librairies ont été envahis par des biographies (pour Hergé, celle d'Assouline est très bien), des essais, des recherches et des rééditions de leurs œuvres. Dans la liste, il ne manquait plus qu'une chose, que leurs biographies paraissent en B.D, ce qui auparavant était habituellement réservé aux grandes figures historico-religieuses. Ce pan de la production de la bande dessinée est d'ailleurs dans une production exponentielle, mais force de constater que la qualité est rarement au rendez vous. Maintenant, cet objectif a également été atteint. Les maitres de la B.D franco-belge, du moins certains, ont leur vie transcrite en cases et bulles... Il est à noter que parallèlement au Japon de nombreux mangas prennent pour héros principal un mangaka. Phénomène auquel il faut ajouter quelques belles autobiographie de grands dessinateurs. Autrement il n'y a guère que Tézuka à être pris comme sujet par un de ses confrères.
En 1999, les éditions Reporter publiaient un volume de 56 pages*,Les Aventures d'Hergé de José-Louis Bocquet et Jean-Luc Fromental, tous deux déjà scénaristes de B.D. (le premier chez Dupuis , le second chez Denoël Graphic) et fans de l'univers de Tintin. Au dessin c'est Stanislas Barthelémy, dit Stanislas qui s'y est collé. Stanislas est également un fan du reporter en culotte de golf. En 2007, une version augmentée de 64 pages a été publiée, tandis qu'en 2011, une troisième édition de 72 pages est parue chez Dargaud , toutes avec des couvertures différentes.
Il faut voir cet album comme un hommage au créateur de Tintin. C'est plus une évocation d'Hergé qu'une véritable biographie. Elle procède par tableaux successifs qui respectent l'ordre chronologique des principaux événements de la vie controversée d'Hergé. Le récit est fort elliptique avec parfois une dizaines d'années qui séparent deux séquences. Bien que présentant de nombreuses anecdotes, les sujets trop polémiques sont écartés ou adoucis même s'il est fait mention de sa faiblesse pour les jeunes femmes et de sa consommation d'alcool en revanche n'est nullement fait mention de son implication présumée dans la période de l'occupation nazi de la Belgique.
L'histoire montre bien les moments où d'importants protagonistes de la BD belge l'ont aidé dans la création de l'univers de Tintin: Edgar P. Jacobs, Jacques Martin, Bob De Moor, Jacques Van Melkebeke, Raymond Leblanc. Apports qu'Hergé de son vivant n'a cessé de minorer (c'est un euphémisme). Il reste que Jacques Martin est assez méconnaissable et que son rôle, important dans les derniers albums de Tintin est à peine suggéré. L'album donne au seul Bob de Moor l'importance qu'il mérite dans l'oeuvre d'Hergé.
Le dessin de Stanislas est très présent. Il a réussi à rendre un double hommage à Hergé et à la ligne claire tout en ne singeant pas le style du maitre. Le dessin de Stanislas est plus anguleux que celui d'Hergé. Les tintinologues peuvent trouver de nombreuses citations tirées des aventures de Tintin et les amoureux de Bruxelles dont je suis seront heureux de retrouver les lieux qu'ils chérissent.
* C'est cette édition que je possède et à laquelle se rapporte ce billet/