rétrospective Télémaque au Centre Pompidou (1)
Comme vous l'avez sans doute remarqué si vous êtes un ou une fidèle de ce blog, j'ai une préférence pour les artistes gays, gais d'où ma gourmandise envers les oeuvres de Pierre et Gille. Télémaque est seulement gai, du moins sa peinture et c'est très bien comme cela. Je réitère une fois de plus que l'on est pas obligé en peinture comme ailleurs, sous le prétexte que l'on aborde des sujets graves de faire sinistre ou moche. On sortira donc de la rétrospective Télémaque avec le sourire.
L'artiste natif d'Haiti s'est surtout formé à New-York ce qui explique certaines réminiscences de Rauschenberg dans une partie de son oeuvre mais il a assez rapidement quitté la grosse pomme pour s'établir en France où il a rallié la mouvance de la figuration narrative. On peut ainsi déceler dans certains de ses tableaux des ressemblances avec ceux de Fromanger ou d'Erro. Le fond de son oeuvre est autobiographique comme cet autre haïtien qu'était Basquiat.
Il m'arrive souvent de trouver les rétrospectives trop longue et redondantes, ce n'est pas le cas cette fois. Dans cette présentation strictement chronologique, bel accrochage, bien aéré, il y a quelques trous, même si l'essentiel y est. On aurait aimé que le menu soit un tout petit peu plus copieux.
Villeglé au Centre Pompidou
Depuis mon adolescence j'ai été passionné par le travail de décollage de Villeglé dont j'ai connu l'oeuvre alors qu'elle en était presque à ses débuts. J'ai un énorme livre qui compile presque tout ses décollages. J'aime particulièrement ceux où l'on aperçoit des fragments d'affiches politiques. Elles étaient malheureusement assez peu représentées dans la rétrospective au Centre Pompidou. Outre l'aspect esthétique de ces lambeaux ce qui me passionne c'est la lecture sociologique que l'on peut faire de la société française à travers ces multiples fragments superposés. On y lit les grandes et petites passions françaises durant plus de trente ans, plus d'ailleurs les petites puisque Villeglé fait ses récolte essentiellement sur les sites d'affichages sauvages.
Paris, octobre 2008
Marcel Duchamp, la peinture même au Centre Pompidou
Il est fort à parier qu'ils seront nombreux les visiteurs du Centre Pompidou qui découvriront que Duchamp n'était pas que le promoteur de la pissotière et du porte-bouteilles mais aussi un très bon peintre. Puisque comme le dit la commissaire de l'exposition, Cécile Debray, il s'agit de "montrer Marcel Duchamp par un aspect qui est souvent minimisé, celui de la peinture." Mais ils s'apercevront que sa production de peinture fut si maigre, il faut dire qu'il ne s'adonna à cette activité qu'un peu plus d'une dizaine d'années de sa longue vie, que les organisateurs ont été contraint d'ajouter à la brêve production duchampienne quelques toiles ayant grandement influencé celui qui passe, du moins pour les français et les américains, pour avoir définitivement détourné le fleuve de l'Histoire de l'art avec ses ready made.
Voilà un homme qui commença par se mettre dans le sillage de Cézanne et qui fit de plus beaux tableaux à la manière de Cézanne que le maitre, voir le magistral portrait de son père, puis presque concomitament à l'influence du chantre de la montagne noire s'éprit du fauvisme et accoucha de toiles à la façon de Derain, mais plus charpentées que celle du géant de la peinture, comme le montrent ses premiers nus peints aux alentours de 1910... Auparavant dans le sillage de son frère ainé Jacques Villon, il s'était essayé avec succès à la caricature, comme celles que l'on voyait alors dans une presse satirique pléthorique tel l'Assiette au beurre*. Celles-ci évoque aussi les gravures d'Odilon Redon et certaines de Kubin...
Puis le voilà à l'instar d'Odilon Redon, à contre temps en regard de l'époque le voilà qu'il se tourne vers le symbolisme.
En 1910, il rejoint le groupe des cubistes. Comme le monsieur est fasciné par la modernité et tout ce qui bouge, du cinéma (il s'est essayé à cette discipline, entre érotisme et Max Linder avec "Le déshabillage de la mariée) aux différentes machines qui vont vite et remuent de l'air, il peint alors son chef d'oeuvre "Nu descendant l'escalier" qui me semble être la quintessence du futurisme (d'ailleurs on peut voir une très belle toile de Bala dans l'exposition). Dans d'autres toiles de cette veine j'y vois comme les prémice d'un Matta... Puis question peinture à peu près plus rien à part "La broyeuse de chocolat" très clairement dans le sillage de Picabia. Duchamp recyclera cette dernière oeuvre dans "Le grand verre" son autoproclamé son chef d'oeuvre. A cette production on peu ajouter les amusants bricolages élégants de ses "boites" (les deux photos en entrée du billets) sorte de rétrospective portative de l'artiste.
Cette exposition où je le répète on peut voir des toiles admirables à commencer par celles de Duchamp et aussi celles d'artistes dont il s'est inspirés, m'a suggéré une réflexion certes qui paraitra bien iconoclaste à beaucoup: Et si Marcel Duchamp avait déclaré l'obsolescence de la peinture parce que cet artiste très doué avait été incapable de trouver sa manière. Le monde de l'art français a la particularité de sur-valoriser les novateurs et traite presque avec mépris les suiveurs même si ceux-ci produisent des oeuvres supérieures à celles de ceux qui ont ouvert une voie. On peut imaginer que Duchamp a été victime de cette malheureuse particularité.
* Si j'ai réussi à photographier à peu près toute la production de Marcel Duchamp, j'ai en revanche volontairement omis de le faire pour les toiles qui l'ont inspiré ainsi que pour ses caricatures inphotographiables en raison des verres qui les recouvrent. Collections américaines obligent, la plupart des tableaux, ils viennent de Philadelphie, sont également sous vitre d'où quelques reflets parasites sur mes photos.
si le portrait du père doit beaucoup à Cézanne, le baptême, immédiatement ci-dessus, peint en 1911 est dans le sillage d'Odilon Redon
Nu descendant l'escalier n°2", (1912) et les joueurs d'échec, ses deux toiles ont été peintes la meme année
La rétrospective de Martial Raysse au Centre Pompidou
Martial Raysse (né en 1936) a beaucoup cherché dans sa vie d'artiste et a beaucoup trouvé... au début et beaucoup moins ensuite. Il a néanmoins trouvé ces dernières années... de riches collectionneurs français dont l'incontournable Pinault. Pour ceux qui en doutait reconnaissons à l'homme d'affaire pour une fois un goût singulier peu dans l'air du temps.
C'est une rétrospective très complète que présente le Centre Pompidou des premiers travaux sous l'égide des « Nouveaux réalistes », en particulier d'Arman, à la dernière grande toile qui est à peine sèche en passant par ses oeuvres relevant du pop art. Si Martial Raysse est un insatiable chercheur il a aussi beaucoup emprunté. Il a été peut être le premier à détourner des peintures célèbres, en particulier celles d'Ingre. Au fil des années on retrouve dans les travaux de Raysse des accointances avec les oeuvres d'Arman, d'Ingre (déjà cité) de Matisse, du pop art américain, du douanier Rousseau, de Balthus du Gréco et même avec celle de Cadmus... Ce qui n'est pas complètement extravagant puisque Martial Raysse de 1963 à 1968 a fait carrière aux Etats-Unis. Si Raysse a beaucoup regardé les autres, il n'est pas douteux que bien des artistes, en particulier américains, ont puisé dans son oeuvre. Il serait très intéressant de confronter les dates de certaines des créations de Warhol avec celles de Raysse... Pour Bruce Nauman c'est encore plus évident. L'américain aurait pu signer America america mais peut être pas en 1964...
Dans cette rétrospective on voit donc des oeuvres des plus diverses quant au style mais aussi quant à la matière. Ce qui a fait d'ailleurs la célébrité de Martial Raysse, très jeune encore, se sont des pièces mêlant peinture, sculpture et objets de la vie quotidienne, miroir, morceaux de parasol, ballon... Encore plus original sur certaines toiles L'artiste projette de petits films qu'il a tourné lui-même. Dans l'un d'eux on y découvre son confrère et ami Arman.
Si ce sont surtout les peintures qui retiendront principalement l'attention des visiteurs, il ne faudrait pas négliger les sculptures minuscules ou imposantes. Mais c'est peut être dans les films que se découvre le plus Martial Raysse. Dans son seul long métrage, extrêmement représentatif d'un certain esprit baba de mai 68, on y voit une très sensuelle lolita batifolant nue au milieu de vaches... Partout dans son oeuvre la jeune femme est le motif dominant, hélas contrairement à ce que l'on voit chez Balthus par exemple les créatures féminines de Raysse sauf la lolita aux bovin, n'ont aucune sensualité.
Les grandes machines, auxquelles il se consacre actuellement, se voudraient, d'après ses chiches déclarations, une réhabilitation de la peinture savante (si quelqu'un pense à Poussin en voyant « La plage comme ici bas » qu'il m'explique je suis à son écoute.) accessible au plus grand monde. En fait devant les parfois presque 10 mètres de ces toiles on pense plus aux fresquistes français de l'entre deux guerres que l'on mobilisait pour vanter les travaux des champs ou l'excellence des vins français qu'à la peinture classique du XVII ème siècle. En ce plantant devant ces assemblées peintes on est aussi dubitatif que devant celles de Rauch, tout en étant forcé de constater qu'elles sont beaucoup moins bien peintes que celles de l'allemand... Je subodore que la touche et la gamme des couleurs voudraient évoquer Le Gréco, hélas elles font surtout penser à Garouste!
Difficile de trouver une constante dans l'oeuvre de Raysse par exemple si certaines de ses sculptures, en général les plus petites, sont élaborées à partir d'éléments de récupération et ont une vocation disons humoristique, d'autres beaucoup plus grandes sont d'inspiration classicisantes à sujet vaguement mythologique. La seule continuité est un certain panthéisme. Je n'ai jamais vu encore de peintres auquel on pourrait mieux coller l'étiquette new age...
Avec Raysse on est en présence d'un artiste sincère doué et précoce (il a fait sa première exposition personnelle à vingt ans) qui n'a jamais démissionné mais dont l'inspiration s'est évaporée aux alentours de 1970.
Gérard Fromanger au Centre Pompidou (1)
Avec cette belle rétrospective de l'oeuvre de Fromanger, l'artiste démontre qu'il n'est pas nécessaire de faire laid et lugubre pour faire passer des messages forts.
Même si le peintre récuse le qualificatif de pop art pour son oeuvre, c'est bien à cette école qu'il se rattache tant par sa pratique qui n'est pas éloignée de celle de Lichtenstein, jusqu'à son amour du geste artisanal, ni de Gilbert et George par les signes dont il peuple ses tableaux, comme les drapeaux et les titres des journaux par exemple. Il est proche aussi de son ami Monory, dont Fromanger a écrit la préface d'une des dernières exposition, pour son utilisation de la photographie. Mais à la différence de son camarade, Fromanger peint plus l'Histoire que des histoires. L'autobiographie entre assez peu dans son inspiration.
Alors qu'il est un grand voyageur, l'artiste est plus reconnu ailleurs qu'en France, et qu'il passe un tiers de l'année dans son atelier près de Sienne, si l'on excepte quelques tableaux-manifestes, c'est presque uniquement Paris que Fromanger peint et même plus particulièrement le quartier de la Bastille où il a son vaste atelier parisien.
Dans le film qu'a concocté, avec empathie et intelligence, Serge July pour son ami de toujours, on voit un Gérard Fromanger qui ne joue pas à l'inspiré mais un homme qui a beaucoup réfléchi à sa pratique de peintre et en parle bien. Il contredit absolument l'antienne "bête comme un peintre", vous savez élégant comme un architecte, bête comme un peintre, sale comme un sculpteur... Au contraire on découvre un artiste que la fréquentation des grands intellectuels de son temps Foucault, Guattari, Derida et des artistes comme Godard, a aiguisé l'esprit tout en ne lui faisant pas abandonner l'amour du geste humble et exigeant du peintre.
L'accrochage est bien aéré. Le choix des oeuvres est judicieux. Sans être pléthorique, il rend bien compte des différentes phases de la carrière du peintre. Chaque salle bénéficie d'un accrochage très cohérent, en revanche, je ne vois pas ce qui a présidé à l'ordre des dites salles qui forment un curieux labyrinthe. Je précise néanmoins qu'ayant vu cette exposition le soir du vernissage où se pressait la foule des grands jours, on pouvait même par inadvertance, entre autres, marcher sur les pieds de notre président et d'un ancien premier ministre, je n'ai pas pu circuler dans la rétrospective à mon aise. Il était aussi très difficile de faire des photos, soyez donc indulgent pour mon petit reportage. Je ne manquerai pas de retourner voir l'exposition, cette fois au calme.
Paul Klee au Centre Pompidou (1)
Grande rétrospective Paul Klee présenteé chronologiquement sous l'angle de l'humour caustique de cet artiste qui n'en manquait pas, d'ailleurs il a commencé par la caricature.
Attention grande affluence à cette exposition dont l'accrochage est parfait. Les oeuvres étant toutes de petite taille le musée ne fait entrer les visiteurs que par petits groupes pour que la foule devant les tableaux ne soit pas trop dense. Il faut donc être un peu patient.