“L’enfant au pyjama”, d’après le roman éponyme de l’ irlandais John Boyne (aux éditions Gallimard jeunesse). ne m’aura pas fait changer d’avis. Sa réalisation est de Mark Herman, bien connu pour ses films “Little voice” et “Brassed Off”. Tout d’abord j’ai eu du mal à entrer dans le film tant la construction du générique est scolaire. La bonne idée de faire commencer le film par un très gros plan sur un drapeau nazi que l’on identifiera que lorsque la caméra reculera après quelques secondes se poursuit par un grand élargissement du champ dans lequel on découvre notre futur héros le jeune Bruno (Asa Butterfield qui a déjà joué dans un autre film “Son of Rambow”). jouant dans la rue avec des camarades de son âge. Dés ses premiers plans nous sommes dans la pire esthétique “Butte chaumont” souvenez vous de ces dramatiques de feu l’ORTF qui commençaient par un plan fixe d’ un coin de rue, en cadre serré, qui était sensé nous évoquer une grande ville, plan immanquablement traversé par un quidam qui le traversait d’un air dégagé. C’est ce que nous voyons ici avec en plus une figuration particulièrement figée. C’est Berlin 1940, façon musée Grévin. Puis ensuite nous avons droit à l’alternance de courtes scènes lourdement significatives, montées en opposition, par exemple une rafle (de juifs?) dans un immeuble, suivi d’une élégante descendant de sa limousine aidée de son chauffeur...
Heureusement tout s’arrange avec la première scène de comédie car on peut faire confiance aux anglais. Si ceux-ci ne sont pas toujours des grands maîtres de la mise en scène, ils sont de remarquable directeurs d’acteurs, ces derniers étant presque toujours excellent, ce qui aide bien le metteur en scène. Disons le tout de suite ils sont parfait dans ce film, en particulier les deux enfants et surtout David Thewlis grand acteur, qui fut entre autres le Paul Verlaine de “Total Eclipse” impeccable dans le rôle du père. Il est devenu célèbre en interprétant le rôle du le professeur Lupin dans Harry Potter. Je m’en voudrais d’oublier David Hayman excellent dans un petit rôle, certes un peu conventionnel, celui de Pavel, un ex-médecin interné du camp qui a réussi à garder son humanité face à la terreur.
Au début le scénario est habilement construit. Par exemple nous ne savons pas immédiatement que le père de famille lorsqu’il apprend à ses enfants que toute la famille va déménager qu’il est un officier SS. La bonne idée du casting est de le faire jouer par David Thewlis qui a plutôt une bonne tête et qui en plus n’est pas un habitué des emplois de méchant. On ne découvrira sa qualité d’officier que dans une scène suivante lors de la fête donné en son honneur pour une promotion. On comprendra petit à petit qu’il est en fait directeur d’un camp de concentration, un bourreau, semblable à celui que nous décrit Robert Merle dans son beau livre “La mort est mon métier”.
Le garçon en pyjama rayé est surtout intéressant du fait qu’il traite, par le biais et autour de l’histoire principale, d’un sujet qui à ma connaissance n’a jamais été explorée par une fiction cinématographique, la population allemande face aux camps de concentration et à l’extermination des juifs. La grande réussite du scénariste est qu’il parvient à nous faire vivre cette période tragique à hauteur d’enfance, même si l’on peut être un peu surpris et irrité de l’innocence de Bruno qui a tout de même huit neuf ans. Il nous montre bien l’impossibilité pour un enfant d’apréhender le tragique de ces situations extraordinaires. Il est souvent occulté dans son esprit par un détail prosaïque qui vient accaparer toute son attention. De là à penser que la population allemande dans son ensemble faisait de même...
Mais le problème principal du film est la possibilité matérielle de cette amitié sur lequel il repose presque entièrement. Pour ma part je reste très dubitatif qu’en à sa crédibilité. Comment penser que la rencontre du fils d’un chef nazi et d’un petit juif détenu dans un camp puisse être possible à cette époque. Mais à quelle époque sommes nous exactement? Une grosse carence du scénario est ne ne pas avoir situer très exactement les événements que nous voyons sur l’écran. Cette facilité opacifie et gauchit le film. En effet par exemple le régime des camps de concentration n’est pas le même en 1940 qu’en 1943, l’attitude des militaires et de la population allemande envers le régime nazi n’est pas identique en 1942 et en 1944 (c’est curieux comme les affres de la conscience et la lucidité politique augmentent lorsque les armées sont défaites et que les placards se vident... et ce n’est pas vrais que pour l’Allemagne de la dernière guerre). Une scène ainsi perd tout son sens, la mort de la grand-mère que l’on sait antinazi. Le père suite à un appel téléphonique annonce, à sa famille à table que sa mère vient d’être tuée par une bombe. L’image suivant est celle d’un convoi mortuaire cheminant dans une rue où aucune trace de guerre est discernable puis près de la tombe la mère veut arracher sur une couronne, la carte de visite d’un haut dignitaire nazi sous prétexte que sa belle mère n’en aurait pas voulu. Son mari l’en empêche. Ces différentes scènes me font douter que la vieille dame, que l’on nous avait présenté antérieurement comme malade, ait été tué par une bombe et si elle s’était suicidée, ne supportant pas la fonction de son fils? Ces interprétations auraient été moins possibles si le scénario avait constamment été borné par une chronologie du quotidien, par des dates.
On peut aussi être agacé par le fait que nous sont présentés des allemands mojoritairement antinazis. Faisons en une petite recension. Le père officier, de la SS, très important cette appartenance, dit qu’il accomplit sa sinistre tâche par devoir et non par idéologie, on entend aucun antisémitisme de sa bouche; sa femme est horrifiée lorsqu’elle découvre le véritable travail de son mari; sa mère est une antinazi affichée, son père est un suiveur, probablement un officier de la grande guerre, ces “demi-soldes” qui embrassèrent par désespoir le nazisme; quant à son aide de camp on peut supposer que son nazisme est plus une manière de se dédouaner de l’opposition au régime de son père que par une farouche adhésion. Il n’y a pas beaucoup de francs nazis dans tout cela. Cette vision que l’on trouve dans le récent film Walkyrie (et puis il y a comme dans ce film dans le garçon en pyjama rayé la gène d'entendre ces nazis allemands s'exprimer en anglais...) de faire une majorité des allemands des années 40 est contraire à toutes vérités historiques, je comprend bien qu’elles dérangent. Il faut peut être rappeler qu’Hitler est arrivé au pouvoir par les urnes.
Si la vérité historique est donc malmenée d’autres épisodes sonnent très juste comme l’effet de la propagande propagée par leur précepteur sur le candide Bruno ainsi que sur sa sœur (Cara Horgan), Gretel; ou encore la prise de conscience de la mère (Vera Farmiga) qui est aussi très vraisemblables. On voit bien qu’elle peine à reconnaître sa culpabilité et celle de ses contemporains. En réalité elle aimerait se sauver avec sa progéniture vers un paradis sécuritaire où elle pourrait retournerà sa quiète ignorance.
Il serait bon que chaque scénariste soit un chartiste (La méthode de Roger Martin du Gard pour ses roman devrait être le bréviaire de tous scénaristes), particulièrement lorsqu’il ambitionne de placer ses péripéties dans l’Histoire. Le spectateur est d’autant plus prêt à accepter une histoire improbable que celle-ci se déroule sur un substrat historique solide. Dans le cas d’”un garçon au pyjama rayé” le scénariste a trop fait confiance au romanesque de sa tragédie, remarquablement bien amené, il est rare de voir une fin aussi inattendue, et a négligé l’indispensable travail de préparation qui aurait peut être fait que sa fable serait devenu une évidence.
Il faut regretter la partition pompière de James Horner (Titanic) qui est en contradiction avec la réalisation sobre de Mark Herman.
Le regard inhabituel porté sur le nazisme, celui d’un enfant d’un bourreau, un scénario très bien construit, des personnages dont les creux interrogent, servis par des acteurs de premier ordre, sont malheureusement abîmés par une réalisation moyenne et par une paresse dans la finalisation du projet, mais cela ne parvient tout de même pas à empêcher l’émotion qui étreint le spectateur.
le réalisateur
Mark HERMAN est né en 1954 a Bridlington, dans le Yorkshire en Angleterre.
A l’âge de 27 ans, il dessine des cartoons à l'école des Beaux-Arts avant de s’impliquer dans le dramatique, quand il commence à étudier le cinéma.
Il s’est ensuite entraîné pour devenir animateur à l’Ecole Nationale du Film à Londres. Puis il a continué à étudier pour poursuivre une carrière de réalisateur. Il a aussi écrit des poèmes sous le nom de M. Henry Herman pour le groupe The Christians.
Le premier projet de long-métrage de Mark, Blame It on the Bellboy, une comédie d’erreur d’identité sort en 1992.
Après cela, il écrit et réalise Les Virtuoses (1996)
Grand Prix du Festival du film de Paris,
Prix spécial du jury du Festival international du film de Tokyo,
Prix des auditeurs du Masque,
César du meilleur film étranger,
Prix Lumière du meilleur film étranger), qui sera acclamé par les critiques. Le film raconte l’histoire d’une fanfare de mineurs, qui peine à survivre après la fermeture des mines, dans les années 1980.
Dans Little Voice (1998), adapté par Mark d'une pièce de Jim Cartwright , Jane Horrocks joue le rôle principal d’une femme harcelée, qui s’échappe dans les mémoires de son père et en imitant les chanteurs qu’elle admire.
Purely Belter (2000) raconte l’histoire de deux adolescents, qui essayent de gagner ensemble assez d’argent, pour acheter des places pour un match de football à un couple.
Suivront Hope Springs (2003) et Le Garçon au pyjama rayé.