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Dans les diagonales du temps
13 décembre 2020

JIN DE MURAKAMI MOTOKA

 

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En ce qui me concerne le grand Murakami c'est Motoka, l'auteur de cet extraordinaire manga qu'est Jin...

Jin Minakata, 34 ans, est un neurochirurgien à Tokyo, en juin 2000, il vient d'opérer une tumeur crânienne comme il n'en avait jamais vu. Celle-ci a la forme d'un foetus humain. Le lendemain Jin est assailli par des voix. Le soir, il retourne à l'hôpital pour s'apercevoir que son patient n'est plus dans son lit. Jin le retrouve serrant contre son coeur sa tumeur dans un bocal et une mallette de premiers secours. L'homme cherche à fuir. Minakata en le poursuivant tombe dans l'escalier et s'assomme. Le médecin se réveille en pleine nature, à proximité de là, des hommes se battent au sabre. Jin se porte au secours d'un blessé. En ramenant l'homme chez lui, Jin a le sentiment qu'il n'est plus dans la même époque. Jin sauve le blessé dont la famille l'accueille chez elle. Jin intéresse beaucoup la fille de la maison. Le médecin s'aperçoit qu'il a été projeté à la fin de l'ère Edo, exactement en 1862. Après un moment de flottement bien compréhensible, curieusement il ne s'appesantit pas sur le pourquoi et le comment de cet extraordinaire saut dans le temps, il faut dire que Jin est très vite confronté à la violence de l'époque dans laquelle il a été projeté et toute son énergie est utilisée pour y survivre, Jin décide de s'investir dans sa nouvelle époque pour y faire progresser la médecine le plus possible. Un homme seul peut-il modifier l'histoire? Jin se pose cette question et s'amorce l'esquisse d'une possible uchronie ( même si je suis d'accord. En cela Murakami se met dans les traces de Sprague de Camp qui, en 1939, a introduit dans "De peur que les ténèbres" (réédité en France au édition Néo en 1983) une idée essentielle pour la suite du genre uchronique que ce ne seraient pas les batailles ou les personnages illustres qui font l'Histoire mais les innovations technologique. Dans "De peur que les ténèbres", Padway, un contemporain de Mussolini se retrouve projeté dans la Rome du VI ème siècle "grâce" à un simple éclair. Il s'attèle alors méthodiquement a essayer de modifier le cours de l'Histoire. Frederic Pohl a fait un pastiche du roman de Sprague de Camp, "The deadly mission of Phineas Snodgrass" dans lequel un voyageur dans le temps enseigne aux habitants de Rome comment soigner leurs maladie. On peut raisonnablement penser que le mangaka n'ignore pas l'existence de ces deux oeuvres.

 

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Le manga commence très fort dans un mélange de fantastique, de chambara et de série médicale. Après cette brillante mise en place, le mangaka par l'intermédiaire des cas que le médecin va soigner nous fait visiter différents groupes de la société japonaise de cette fin de l'ère Edo et des maux dont elle souffre. Motoka Murakami pallie le systématisme de son scénario par un art consommé du récit et surtout par la qualité exceptionnelle de son dessin. Son trait s'appuie sur une documentation sans faille. Murakami parvient à faire revivre toute une époque avec un luxe extraordinaire de détails. On saura tout de la vie dans le quartier des plaisirs d'Edo, de la lutte entre médecine occidentale et médecine chinoise (qui est aussi l'un des sujets d'un autre excellent manga, « L'arbre au soleil » de Tezuka ») , de l'art de l'estampe, de la vie des acteurs de Kabuki, par le biais du beau Morita Tanosuké, une star de cet art, spécialisé dans les rôles de femme, et surtout des maladies qui accablent la population, épidémie de rougeole, de choléra, cas fréquents de béri-béri, vérole galopante... Cette plongée dans la société japonaise de la fin du shoguna va de paire avec de véritable cours de médecine en image. On découvre (à moins d'être médecin) comment on opère une ablation de l'appendicite, un tendon du doigt ou comment on effectue une trépanation. Ces morceaux didactiques sont parfaitement intégrés dans un récit qui demeure toujours fluide.

 

 

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Tanosuké

 

 

La grande affaire de Jin est d'élaborer de la pénicilline, cinquante ans avant sa découverte par Fleming. A la lecture du manga, il apparaît qu'il y a eu en médecine un avant et un après la découverte de la pénicilline qui aurait été le véritable départ de la médecine moderne.

Au fil des volumes, les personnages secondaires s'étoffent, deviennent attachants, les complots et les drames se nouent, faisant naître une tension qui pousse à ouvrir le tome suivant et à découvrir ce qu'il advient du héros et de ses partisans. Pendant plusieurs épisodes le coeur du héros est partagée entre Saki Tachibana, la jeune fille de la maison qui l'a recueilli et Nokasé une ancienne courtisane de grand luxe.

 

Le récit nous fait croiser des personnages historiques comme Rintarô Katsu quel'on surnommera plus tard "Kaïshu Katsu", le célèbre officier du Bakufu à la fin de l'ère Edo. Ayant entendu parlé de Minakata, il ira directement à sa rencontre et sera un précieux allié pour le médecin. Il y aussi Ryoma Sakamoto, disciple de Rintaro Katsu, ce samuraï issu de la campagne japonaise, à première vu insouciant et vulgaire, est une illustre figure de l'histoire Japonaise (un des leaders de la révolution qui conduisit au renversement du shogunat). D'abord méfiant, Minakata reconnait cependant en lui un homme de confiance. Sans doute voyant que sont scénario risquait d'être trop répétitif, lors du tome 8, nous sommes propulsé dans un des épisodes de la guerre civile qui ensanglantait le Japon à cette époque. Jin est amené à aller à Kyoto que l'on verra partiellement détruite par un gigantesque incendie. Durant cet épisode le lecteur occidentale peu au fait des évènements des remous politique du Japon du XIX ème siècle aura un peu de mal à suivre, malgré les secourables notes du traducteur. Il demeure néanmoins que ce tome 8 est un des plus intéressants de la série, lui donnant une perspective historique qui n'était qu'esquissée dans les tomes précédents. Dans le volume suivant l'action rebondit de plus belle, Jin est accusé d'une tentative d'empoisonnement d'une princesse impériale. Ce qui permet au lecteur de visiter à la fois la cours du Shogun et la prison d'Edo. Dans le dixième volume c'est notamment le monde du sumo qui nous sera dévoilé. C'est dans le seizième tome, et dernier paru à ce jour en France, que Murakami revient à une intrigue historique, la fin du shogunat approche.

Une des bonnes idées du scénario est d'avoir situé une grande partie de l'action à Asakusa, qui est l'un des seuls quartiers de Tokyo où l'on peut discerner encore des traces de la ville du temps où elle s'appelait encore Edo.

Comme Jin voyage dans le Japon, il nous fait faire la connaissance du Japon rurale de cette époque et aussi de Kyoto et de Yokohama sans oublier des sites célèbres comme Kamakura.

 

 

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Le temple Kyomizu à Kyoto (tome 16)

 

 

Au delà des aventures médicales du docteur Minakata ce qui ressort de la lecture de la série c'est la peinture d'une société féodale (à la veille d'une transformation radicale, peut-être unique, par sa réussite dans l'histoire de l'humanité) extrêmement hiérarchisée avec son système rigide de « castes » qui rendait toutes évolutions très difficiles. On est encore plus surpris à chaque page, si l'on garde en mémoire que ce qui est présenté et qui semble immuable, malgré les troubles politiques, va disparaître quelques années plus tard pour faire place à une société moderne qui quarante ans après les faits qui nous sont racontés dans, Jin infligera une défaite à l'une des grandes puissances mondiales, la Russie Tsariste, pour laquelle ce sera le commencement de la fin.

 

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Le dessin de Jin est toujours d'une grande qualité et parfois somptueux dans la représentation des kimonos des femmes ou de ceux des acteurs de kabuki. Mais en ce qui me concerne l'intérêt principal à la lecture de Jin est de se retrouver dans le Tokyo de la deuxième moitié du XIX ème siècle que Murakami grâce à un travail, que l'on suppute, colossal de documentation, et son grand talent de dessinateur, notamment pour les architectures, parvient à ressusciter. La minutie du dessin apporte beaucoup d'enseignement sur la vie de tous les jours dans ce Japon de la fin du XIX ème siècle. Murakami soigne à l'extrême la représentation du moindre ustencile.

 

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Malgré toutes ses qualités qui en font un des chef d'oeuvre du manga, Jin n'est pas exempt de défauts, la première est le pusillanimité de Jin envers la charmante Saki (et envers les femmes en général) qui se consume d'amour pour lui. Mais cette timidité sexuelle me semble assez japonaise... Elle peut néanmoins agacer le lecteur.

Murakami est aussi timoré pour son scénario que Jin l'est avec les femmes. Il faut attendre les 11 et 12 tome pour que l'auteur prenne vraiment à bras le corps les grandes questions que les bases de son histoire ne pouvaient manquer de soulever en particulier celle du paradoxe spatio-temporel, si indirectement ou directement je provoque la mort d'un de mes aïeux vais-je disparaitre dans le monde où je suis, puisque je n'ai jamais existé dans le monde d'où je viens? De même il faut attendre ces deux volumes pour que la dimension uchronique de l'histoire soit vraiment prise en compte. Le héros prend conscience que grâce à sa fameuse pénicilline, il est en train de changer l'Histoire avec encore cette éventuelle conséquence qui le taraude: si je change le passé de mon présent d'hier ce dernier sera différent et je n'aurais pas été amener à vivre ce qui m'a propulsé dans le dit passé! A moins qu'il ait été envoyé dans un monde parallèle...

Autre défaut, cette fois à imputer à l'éditeur français, qui a la mauvaise idée de reprendre les couvertures japonaises assez moches et niaises qui au surplus , avec leur coté « Arlequin », ne traduisent pas du tout la teneur du manga.

 

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Mais ces imperfections ne sont que vétilles tant le récit est passionnant, l'auteur à un sens consommé du suspense, tout en étant une mine de renseignement sur le Japon (et la médecine d'hier et d'aujourd'hui) du XIX ème siècle.

 

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Motoka Murakami (村上 もとか, Murakami Motoka), est né le 3 juin 1951 à Tōkyō. C'est sous l'influence d'Osamu Tezuka que Motoka Murakami décide d'embrasser une carrière de mangaka. L'influence de Tezuka, outre un des Thème de Jin qui n'est pas sans rappeler « L'arbre au soleil » de Tezuka, est surtout décelable dans le dessin de certains de ses personnages de méchant. Il débute en1972avec Moete ashire, un mangarelatant le parcours d'un pilote automobile prépublié dans le Shōnen jump. En 1982, il remporte le prix Kodansha avecClimber Retsuden. En 1984, c'est Musashi no Kenqui est couronné par le prix Shôgakukan, récompense reçue ensuite pour Ronen 1996. En 2005 Motoka Murakami publie  Jin (édité en France chez Tonkam). En 2012 est paru « Juntaro » quise déroule durant l'époque Meiji. Juntarô Nakamura est un acteur (qui a la silhouette d'une femme) de Kabuki. Ainsi il passe ses journées à faire du Kabuki dans la ville de Kyoto. Son père (lui aussi acteur de Kabuki) fût assassiné. Un jour,le destin fait partir Juntarô pour Tokyo. C'est ainsi que la nouvelle vie de Juntarô commence...

Jin a été adapté pour la télévision japonaise.

 

 

 

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