Libres comme l'art ou l'art chez les cocos (1)
S'il y a quarante ans quelqu'un m'avait dit que j'irais au siège du PCF, j'aurais immédiatement appelé les hommes en blanc pour qu'il emporte fissa mon interlocuteur, bien camisoliné, vers une cellule capitonée et pourtant samedi dernier je me baguenaudais dans une exposition d'oeuvre d'art place du colonel Fabien... Laissant trainer quelques oreilles je me suis aperçu qu'une grande partie des visiteurs étaient d'anciens permanents à la retraite du parti bolchévique... Je me disais pourtant qu'il ne devait pas être nombreux à avoir, comme cela m'est arrivé, déjeuné à la table de Georges Marchais, alors premier secrétaire du Parti et quelque temps plus tard à celle de Santiago Carillo qui vivait alors ses derniers moments de chef du PCE en exil. Les deux hommes habitaient non loin l'un de l'autre à Champigny. Je n'ai du ce plaisir, car ce fut un moment fort agréable même pour un jeune réac comme moi, car ils se sont révélé très gentil, au fait que le neveu de Georges Marchais était un camarade de classe et que le fils de Santiago Carillo fut un court moment un collègue. La vie est absurde... Revenons à notre exposition, le PCF moribond a sorti de ses caves les oeuvres d'art offert par des artistes compagnons de route, auquel s'ajoute quelques prêt. L'ensemble est de bonne tenue et permet de voir des oeuvres d'artistes que l'on ne voit pas si souvent comme celles de Matta, Fougeron, Cueco... L'exposition est accrochée dans ce que l'on peut considérer comme le vaste espace des pas perdus de l'immense salle des congrès du Parti. Le béton brut de l'architecture de Niemeyer fait un beau fond aux tableaux, malheureusement l'éclairage de ceux-ci n'est pas toujours de qualité. Même s'il y a bien quelques croutes lourdement propagandistes et d'autres assez croquignolesque comme le portrait de Thorez par Picasso. L'entrée est gratuite; j'ai tout de même dans un tronc, mis là à cet effet, laissé quelques sous comme à la messe...
Lurçat
Herbin
Dewasne
Vasarely
Aragon par Matisse
Di Rosa
Kijno
Doucet
Max Papart
Matta
Paris, décembre 2021
GILBERT & GEORGE, Jack freak pictures chez Thaddaeus Ropac, Paris
Gilbert et George ne nous avaient plus donner de nouvelles depuis leur magistrale rétrospective à la Tate Modern de Londres en 2007. C'est avec plaisir que je les ai retrouvé hier à la belle galerie parisienne Thaddaeus Ropac où ils exposent leur production de 2008 jusqu'au 1 aout, l'exposition vient de Berlin.
C'est toute (?) la production de 2008 de nos fameux duétistes qui nous est présenté... dans le catalogue. En effet ce n'est environ qu'un cinquième des oeuvres de la série qui sont mises en majesté sur les belles cimaises de la galerie parisienne. Ce qui est néanmoins suffisant à notre bonheur.
Cette fois c'est la banière de l'Union Jack qui est le fil rouge de cette dernière série. Les habitués de nos deux compères ne seront pas dépaysés par cette exposition. On y retrouve comme toujours le échos des préoccupations qui hantent les deux artistes depuis leurs débuts, le désir de liberté sous toutes ses formes, à commencer par sexuelle, une dénonciation de toutes les oppressions et des obscurantismes religieux. Les allusions directes à l'actualité, comme la guerre en Irak, sont nombreuses dans les images qui nous sont proposées. Les imaginatifs trublions brocardent toujours autant les pouvoirs en place en se mettant en scène dans des poses et des formes toujours plus incongrues créant une sorte de panthéon d'icones de leur propre image toujours recommencée.
Quant à la forme Gilbert et Georges sont toujours fidèle à leur formule, de grands formats presque toujours horizontaux découpés en carrés égaux. Dans Jack freak pictures les trois couleurs du drapeau du Royaume uni dominent. Ce que j'aime chez Gilbert & George c'est que leur technique ultra sophistiquée qui mélange photo, peinture, collage et depuis peu art numérique est au service d'oeuvres immédiatement lisibles pour le plus grand nombre dans le monde entier tout en étant typiquement anglais.
Lors de votre visite n'oubliez pas d'acheter le magnifique catalogue qui reproduit toute la série de Jack freak sur 150 pages en couleur grand format à l'italienne pour le prix ridicule de 10€! C'est la manière qu'on Gilbert & George de rendre accessible à tous leur travail, un grand bravo aussi pour ce geste bien peu courant dans le monde de l'art contemporain...
Paris, juillet 2009
Pour retrouver Gilbert & George sur le blog:
Souvenir de Wimbledon 2009
Voilà, j'y suis, presque cinquante ans que je rêvais de venir à Wimbledon. Si je suis là c'est grâce au net. Auparavant, il était très difficile à un non londonien d'obtenir une place pour la mecque du tennis. Il n'y avait guère que la solution de faire une nuit de queue devant les guichets de la porte d'entrée pour obtenir une des places qui sont vendues pour le jour même, c'est d'ailleurs toujours possible. Aujourd'hui, "il suffit" d'écrire au stade pour faire acte de candidature pour obtenir une place. Sur toutes les demandes certaines sont tirées au sort. Si vous êtes un des heureux élus (rarement), vous recevez une lettre qui vous propose une place pour un jour donné (un jour seulement!) et des courts précis. Si cela vous convient, il ne reste plus qu'à payer ( c'est un peu plus cher qu'à Roland Garros ) et attendre quelques semaines pour fouler ce lieu mythique du tennis. Si la place proposée ne correspond pas à votre attente, vous passez votre tor et vous retenterez votre chance l'année prochaine.
La première impression dés l'entrée du stade, après avoir cheminé une quinzaine de minutes dans une banlieue riante depuis la station de métro, est l'espace, et le reposant de tout ce vert. De nombreux panneaux directionnels aident les visiteurs à se diriger dans le vaste complexe qu'est le stade, plusieurs tableaux nous informent sur quel court ont lieux les matchs ainsi que les résultats de ceux qui sont terminés.
Très vite je suis conquis par la l'habile géographie vallonnée du stade qui le rend beaucoup plus beau que le très plat Flushing et même que l'arboré Roland Garros. Mais l'avantage principal de Wimbledon sur ses deux rivaux (je ne connais pas encore le stade de Melbourne où se déroule l'open d'Australie) c'est que l'on peut facilement assister à des rencontres se déroulant sur des courts annexes, grâce à des esplanades ou des allées qui surplombent certains courts. C'est ainsi que j'ai pu voir le dernier match de double de Santoro, associé au suisse Alegro. Ils ont perdu contre la paire Ullyet -Suarez.
C'est assez confortablement que j'ai pu assister à une partie de cette partie, accoudé à une rembarde du muret bordant la large allée au dessus de ce court 19. Bientôt j'ai eu la surprise de voir arriver juste à mes cotés Llodra venu voir jouer son ancien partenaire de double avec lequel il a remporté de nombreuses victoires. Il fut ensuite remplacé par Lars Graf, le fameux arbitre qui sera celui de la finale. Il me semble que les allées de Wimbledon offrent des proximités que celles de Roland Garros interdisent. Je décide de quitter le match de Santoro alors qu'il me semblait qu'il allait gagner pour prendre ma place sur le court 1 et par la même le découvrir.
Ce court 1 est le deuxième court pour la contenance après le central de Wimbledon, l'équivalent du Suzanne Lenglen à Roland Garros. La comparaison pour l'esthétique n'est pas à l'avantage du terrain anglais. Si on y voit bien je suis un peu géné par la couverture dont bénéficient les spectateur, sans doute bien utile pour patienter lorsqu'il pleut mais je préfère rien avoir au dessus de ma tête lorsque je viens voir une partie de tennis en extérieur.
A mon arrivée c'est Greul, spécialiste allemand du gazon, sorti des qualifications qui s'oppose à Djokovic l'un des favoris du tournois. L'allemand ne fera illusion que durant un set.
Greul
Djokovic
Ne doutant pas que Serena William qui est à la suite du programme sur le court 1, sorte victorieuse de son match je décide de continuer ma visite de Wimbledon.
Ci-dessus le central avec son écran géant vu de la fameuse Henman Hill que l'on voit pas encore trop fréquentée sur les deux autres photos. Cette colline artificielle, qui recouvre un vaste restaurant, doit son nom au fait que lors de sa création cocomitamment avec la pose de l'écran sur la paroi du central , elle était le lieu où se réunissaient les supporters de Tim Henman qui n'avaient pas obtenu de place sur le central pour sotenir leur favori. Les tentes pointues que l'on aperçoit sont les petits bars qui vendent le fameux pimm's la boisson emblématique de Wimbledon. Après avoir goûté cet agréable breuvage je décide de regagner ma place pour assister au deuxième simple homme du jour qui va opposé Michael Llodra à Haas. Je reviens juste à temps pour voir la balle de match de Serena William.
Michael Llodra.
Haas
Alors que la rencontre était équilibrée, Michael Llodra demande l'intervention du médecin. Apparemment c'est une blessure aux abdominaux. Le français reprend le match, mais ne pouvant plus servir, il abandonne!
Assez dépité, je quitte le court 1 à la recherche d'un autre simple homme. Il y en a sur les courts annexes auxquels mon billet me permet d'accéder. Repassant par la Henman Hill, je m'aperçoit qu'il n'y a pas que des vieilles anglaises qui s'intéresse au tennis...
Chemin faisant j'ai le sentiment que la crise n'atteint pas toute la population anglaise. Les restaurants en grand nombre sont pleins à craquer comme l'est le vaste bar à champagne, tenu par la maison Lanson, où nombre de spectateurs s'abreuve de notre pétillante boisson nationale. Nous arrivons sur une esplanade qui domine un court où vient de commencer la rencontre Spadea-Andreev. Cela sera parfait pour finir la journée.
Spadea
Comme prévu, Andreev n'a pas eu trop de mal pour venir à bout du vétéran américain. Il est tant de regagner nos provisoires pénates, une maison typiquement anglaise, au nord de la capitale, que nous ont prété nos amis londoniens. Mais il est prévu de faire avant un détour par mon restaurant indien préféré qui se trouve, le hasard faisant bien les choses aux abords du quartier gay. Sur le quai de la station Southfield qui est la plus près du stade (ce n'est pas la station Wimbledon qui est la suivante) décorée pour l'occasion ont été disposé des sièges portant les noms des vainqueurs de l'épreuve, en simple mais aussi en double. Ainsi je photographie ceux aux noms de mes duettistes des courts préférés.
Londres, juin 2009
Demarchelier au Petit Palais
Si Jeff Koontz à Versailles fait grand bruit, il semble que les photos de Patrick Demarchelier au Petit Palais fassent beaucoup moins de vacarme. Pourtant c'est le même procédé, un peu simpliste, confronter une production contemporaine à de l'art classique. Ce choc serait sensé produire du sens. Dans le cas de Demarchelier c'est plaisant, souvent amusant, mais cela ne va pas plus loin. La plupart des photos sont écrasées par les grandes machines fin de siècle qui s'étalent dans l'architecture rococo du Petit Palais. Peut être aussi parce que les belles photos de Demarchelier ne dépassent que rarement ni l'anecdote ni le portrait mondain. A parcourir, ce que j'ai tout de même un peu de mal à considérer comme une exposition, j'ai eu le sentiment que le photographe français c'était un peu rêvé comme un nouveau Cecil Beaton mais ses photographies n'ont pas l'arrière monde que l'on décelait immédiatement chez celles de l'anglais qui était du, pour une fois faisons un peu de communautarisme, à son homosexualité...
.
Un plan répertoriant toutes les oeuvres de Demarchelier qui sont disséminée dans tout le bâtiment est donné au visiteur gracieusement, comme l'est également l'entrée du Petit Palais. Ce qui permet de faire une visite ludique et instructive pour pas un euro! Car si je persiste à dire que Demarchelier, bon photographe, n'est pas comparable à un Avedon, à un Helmut Newton ou à un Lindberg, pour ne citer que des photographes disparus, nombre de ses images exposées sont dignes d' intérêt. L'accrochage invite aux jeux, celui de reconnaitre les personnalités portraiturées de feu le prince de Monaco aux smashing pumpkins ... ou celui de faire à son tour des images de cet accrochage malin et cocasse comme l'idée de mettre ces photos de nantis du jour en regard d'un tableau représentant un bourgeois de la belle époque.
.
Entre quelques tableaux kitchs, le Petit Palais, qui a été récemment magnifiquement restauré, possède aussi quelques chef d'oeuvre comme de beaux Sisley et un superbe Boudin, d'une grande taille pour ce peintre. Autant de belles pièces qui seront peut découverte par des visiteurs qui ne se serait peut être pas aventurés dans ce lieu sans l'exposition "à l'estomac" de Demarchelier.
Paris, novembre 2008
Sergio Ceccotti chez Alain Blondel
C'est un peu par hasard, qu'en cheminant vers Gilbert & George, je sois tombé sur la galerie Blondel, haut lieu parisien de la défense de la peinture figurative pure et dure qui expose une vieille connaissance, Sergio Ceccotti.
La peinture de Ceccoti appartient à un genre bien peu à la mode que j'appellerais pour faire simple la peinture narrative. Presque tous les tableaux nous raconte une histoire. Cela va de l'à peine anecdote, un homme lit le journal en marchant rue de la Gaité, à des scènes de la vie quotidienne, un homme rentre chez lui alors que sa femme regarde sur le balcon, en passant par des instantanés de faits divers qui auraient fait, il y a cinquante ans, d'idéales couvertures pour feu "Radar" tel cet homme retenu d'une vertigineuse chute par le bout de ses doigts crispés sur la petite corniche friable d'un immeuble. Certaines de ses toiles exacerbent une situation pour déboucher sur un fantastique apocaliptique, je me souviens d'une d'entre elles où l'on voyait au premier plan une partie de tennis, alors que dans la mer au fond, coulait un navire pendant qu'un avion en flammes s'y abîmait... Mais les oeuvres les plus réussies du peintre sont celles dans lesquelles il parvient à créer l'étrangeté par un détail ou par la seule lumière de sa toile, un peu ce que parvient à obtenir Crewdon dans ses photographies. Il est dommage qu'il ait un peu abandonné cette veine, ma préférence vont à ses intérieurs vides nimbés d' étranges lumières, pour des image plus spectaculaire comme ses scènes de crime et de suicide.
La grande faiblesse de la peinture narrative vient que son attrait s'épuise vite, dés que le regardeur à fait le tour de l'anecdote qu'elle illustre. C'est souvent une peinture qui attire d'emblée mais dont on se détourne assez vite dés que l'on a défleuré le mystère. Une peinture à consommer sur place en quelque sorte, et c'est malheureusement le cas pour la plupart des toiles présentées cet été par Ceccotti à la galerie Blondel. Il reste que ceux qui ne connaissent pas se peintre feront le détour avec bénéfice.
L'artiste situe les histoires qu'il nous raconte entre Paris et Rimini (comme Cremonini mais avec moins de mystère et de profondeur que ce dernier ) avec des détours par Rome.
La manière de l'artiste a aussi un peu changé par rapport avec ma dernière rencontre avec les tableaux de ce peintre si les couleurs posées sur la toile en aplats de pâte épaisses presque toujours lisse, génèrent toujours d'aussi extraordinaires couleurs, la touche est maintenant plus visible et les formes moins dessinées.
Mais il est un peu vain de définir la manière d Ceccotti quand le peintre en parle si bien: << Le glacis est un procédé abandonné depuis l'impressionnisme, mais il a été une composante essentielle, pendant des siècles, de la technique des peintres ; en superposant des couches de couleurs transparentes sur une peinture déjà sèche, on peut obtenir une brillance très fine, irréalisable autrement, un rendu sensible, si l'on peut dire, de la peau des choses, donner vie à des zones mortes, souligner la profondeur et le rapport dans l'espace et surtout imprimer au tableau le caractère d'un objet fini, abouti, réalisé (comme disait Cézanne) c'est-à-dire le contraire de l'œuvre d'art moderne conventionnelle. Mon choix technique n'est pas neutre mais sous-entend une poétique : marquer la distance entre l'image proprement picturale et la vague des images qui nous entoure (images d'origine photographique, quels qu'en soient les médias et les véhicules), et surtout la tentative, la volonté d'aller au-delà du langage du XXè siècle pour peindre sans tabous culturels la réalité autour de nous.>>
Sergio Ceccoti est né à Rome en 1935. Il partage son activité entre Paris et Rome. Il a été l'élève d'Oskar Kokoshka à la Internationale sommerakdemie fur Bildende kunst de Salzbourg en 1956 et 1957. Il fut aussi un élève des cours de dessin de l'Académie de France à Rome de 1956 à 1961. A partir de 1960 on a pu voir de nombreuses expositions de Ceccotti dans le monde entier.
Même si cette exposition titrée "soupçon" m'a un peu déçu par rapport à ce que je connaissais de Ceccotti, néanmoins je continue à aimer beaucoup cette peinture qui contient beaucoup de la littérature qui me nourrit, Modiano, Pérec, Tabucchi, Paul Auster sans oublier Philippe Soupault qui fut le thuriféraire du peintre dans lequel il y a plus de Chirico dans les peintures de Ceccotti ( tout comme dans celles de Marco Verrelli ) que sans doute il imagine, et puis dans les toiles de Ceccotti il y a souvent des joueurs de tennis, des chats et des appartements confortables...
Paris, juin 2009