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Dans les diagonales du temps
2 février 2024

Le Grand carnet d’adresses de la littérature à Paris de Gilles Schlesser

 

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Gilles Schlesser a eu l’idée de compiler toutes les adresses de tous les plumitifs qui ont résidé un jour à Paris (il en a oublié quelques uns, à l’impossible nul n’est tenu. Mais ses oublis sont peut être signifiant) Pour ce faire il a pris tous les arrondissements en commençant par le 1 er et terminant par le 20 ème. Dans chacun listé par ordre alphabétique de A à Z comme il se doit, les rue dans lesquels des écrivains ont habité, en commençant par le numéro le plus petit pour finir par le plus grand. Après le nom de chaque rue, il a apposé une phrase d’un auteur dans lequel le nom de cette rue figure. A chaque numéro qui a eu la chance d’héberger un scribe, on trouve une petite anecdote ou un court extrait d’une oeuvre du monsieur ou une critique d’un de ses confrères sur l’oeuvre de cet auteur, critique d’ailleurs rarement bienveillante. Parfois également Schlesser se fend d’un commentaire sur le résident, réflexion pas toujours amène. C’est étourdissant d’érudition, sans bouger de son fauteuil on révise à la fois la géographie et l’histoire de Paris et surtout on s’imbibe de l’Histoire de la littérature française et même mondiale car ils sont nombreux les « estrangers » à avoir scribouillé au bord de la Seine. Bon Schlesser à ses marottes comme j’en ai déduit à le lire qu’il est juif, ce qui n’est pas une injure, il note la moindre sortie antisémite des écrivassiers, il faut reconnaitre que l’antisémitisme étant l’une des lubies les mieux partager chez les gens de plume ce n’est pas trop difficile. Etre antisémite ce n’est pas bien, c’est surtout imbécile, mais je ne suivrais pas Schlesser jusqu’à à en faire l’aune à laquelle on mesure la valeur d’une oeuvre. Cette obsession le conduit à chasser le collaborateur, si bien que l’on a parfois l’impression de lire le resistantialiste « Les lettres françaises » dans les années 50 de feu Aragon. C’est un peu lassant mais on s’y fait. Autre marotte de notre compilateur: le surréalisme pas un déménagement de Breton et de sa bande (à géométrie variable au fur et à mesure des bannissements) ne nous est épargné et ils bougent beaucoup les bougres  certes moins que Beaudelaire ou Balzac les rois du déménagement à la cloche de bois. Schlesser porte une attention particulière aux poètes, et il y en des « pouet pouet » qui ont lutiné la muse, et aux théâtreux dont la plupart sont des fabricants de fours le bide en avant.

On trouve dans ses notules quelques jugements incongrus qui sonnent comme des poèmes; à propos de Roger Vercel par exemple: << Il publia dix huit romans, la plupart maritimes, mais ne s’aventura jamais au-delà du bassin Vauban de Saint-Malo. René Coty, dit-on, appréciait sa prose.>>.

On tombe également sur des informations quelque peu surréalistes, ce qui n’est en fait pas très surprenant car le lecteur se doute que l’auteur est un fin connaisseur de cette école et de son pape atrabilaire Breton. Par exemple j’ai appris que l’auteur de la coquine chanson Le Fiacre qui aurait été inspirée par un épisode croustillant de Madame Bovary, un certain Xamrof, de son vrai nom Léon Fourneau aurait eu le premier l’idée de fixer des roulettes sur les valises. Il aura désormais droit à mon éternel reconnaissance…

Pour les petites phrases contenant des nom de rue, il y a ceux qui s’impose avec aisance, Fargue, évidemment, le piéton de Paris et un peu moins attendu Balzac, Malet, Féval, Eugène Sue et bien sur Modiano, le chouchou de Schlesser auquel il a déjà consacré un bel album: Le Paris de Modiano.

Cette réunion d’auteurs démontre que la postérité est bien mauvaise fille.

Je vous propose un jeu. Pour vous le prouver je vais vous donner la liste des auteurs et vous compterez combien vous en connaissez. Je vais commencer par ceux qui ont fait figurer le nom d’une rue du premier arrondissement dans une de leur soeuvres, puis ce sera la liste des forçats de la plume qui ont créché dans ce même arrondissement. Pourquoi le premier et bien parce que c’est le premier dans le livre et que ce n’est pas l’arrondissement de prédilection des plumitifs de tout poil donc les listes seront courtes, mais il en va de même pour les 19 autres arrondissements. Or donc voilà la première liste: Jean Dutour, Edmond et Jules Goncourt, Denise Tual, Emile Zola, Roland Dorgeles, Maurice Sach, Jacques Roubaud, Anatole France, Marcel Aymé, Michel Zévaco, Didier Decoin, René-Jean Clot, Jacques Perret, Alexandre Dumas, Roger Martin du Gard, Louis Aragon, Le notre, Lionel Salaun, Simenon, Victor Hugo, Gérard de Nerval, Serge Bramly, Guy de Maupassant, Balzac, Anne Charton, Maurice Leblanc, Apolllinaire, Philippe Vilain, Eugène Sue, Yann Queffélec, Modiano, Jacques Audiberti, Céline, Erckmann-Chatrian, Marc Alyn, Roger Vailland, Gabriel Matzneff, Fanny Bourgeois, San Antonio, Christine de Rivoyre, Louis Huart, Ponson du Terrail       

Et maintenant la deuxième: Kafka, Corneille, Colette, Stefan Zweig, Cocteau, Jean Giraudoux, Nerval, Aloysius Bertrand, Auguste Romieu, Eugène Sue, Jean-François Marmontel, Fargue, Balzac, Guy Goffette, Choderlos de Laclos, François de Malherbe, Jean-Pierre Claris de Florian, Yves Simon, Vidocq, André Breton, Henri Rochefort, Mark Twain, Tristan Derême, André Vers, Alexandre Dumas, Daniel Halevy, La Fontaine, Rousseau, Louise Dupin, Scribe, Louis-Sébastien Mercier, Charpentier, Paul Auster, Arrabal, César Vallejo, Léautaud, Jean-François Ducis, Musset, Chamfort, Walter Scott, Jean-Louis Vaudoyer, Paul Morand, Jean Cocteau, Emmanuel Berl, Malraux, Paul Vimaitre, le baron d’Holbach, Scott Fitzgerald, Auguste Comte, Voltaire, Vercors, Raymond Queneau, Nerval, d’Alembert, Diderot, Molière, Emile Augier, Lockroy, Beaudelaire, Marivaux, George Sand, Chénier, Maxime Formont, Ollendorff, Stendhal, Flers, Marceline Delbordes-Valmore, Chateaubriand, Henri Troyat, Yourcenar, Sinclair Lewis, Graham Greene, Tolstoi, Bjornson, Tourgueniev, Paul Ginisty, Walter Scott, Dickens, Félix Gallipaux, Chardonne, Perec, Fontenelle, Louis de Fontanes, Mélanie Waldor, Edouard Ourliac, Ernest Legouvé, Helvétius, Bossuet, Edmond Jaloux, Voltaire, Marcel Schwob, Théophile Gautier, Emile Augier     

Les éditions Séguier n’ont pas oublié qu’un livre est aussi un objet ce que malheureusement beaucoup d’éditeurs oublient. Le pavé de Schlesser est bien beau, presque cubique comme il se doit pour un pavé, avec un joli dessin sur la couverture figurant quelques auteurs parsemant la carte de la capitale. Au début de chaque chapitre concernant un arrondissement parisien on trouve la carte du dit arrondissement. Si l’ouvrage est esthétique il est aussi pratique puisqu’à la fin de l’ouvrage on trouve deux lexiques alphabétiques, l’un pour les rues, l’autre pour les auteurs cités.

Pour que Schlesser ne s’imagine pas que son merveilleux livres soit parfait et que surtout il puisse améliorer sou ours lors d’une réédition, il serait beau qu’il relise soigneusement les 1196 page de son opus cela éviterait pour le futur quelques fautes d’impressions certains 1800 se transforme en 1900, ce qui offre parfois de belles longévité à certains impétrants et aussi quelque bourdes par exemple James Hadley Chase n’a jamais été américain, même si la plupart de ses romans, Chase fut une des grandes lectures de mon adolescence, se déroulent outre Atlantique mais leur auteur est né à Londres. Une prochaine édition permettra de réparer quelques fâcheux oubli par exemple ceux de Claude Michel Cluny, de René Huguenin, Pierre Gripari, Matzneff (pourtant bénéficiant d’un court extrait d’un de ses livres, René Sherer, François Furet, Roger Peyrefitte, Maspero, Roger Vrigny, Christian Giudicelli et sans doute de quelques autre. Allez au boulot Schlesser, vite la prochaine édition. 

Mais ces petites piques ne sont que peccadilles ce gros ouvrage est une merveille.  

 

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