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Dans les diagonales du temps
23 septembre 2022

Ils vont tuer vos fils de Guillaume Perilhou

Capture d’écran 2022-09-22 à 11

 

 

Je crois que c’est la première fois qu’en lisant un auteur, en l’occurrence Guillaume Perilhou pour « Ils vont tuer vos fils » je vois en cet auteur un possible émule de Tony Duvert. Certes la langue est moins classique et l’âge des protagonistes est différent, 14-16 ans ici et non 9-12 comme chez Duvert; mais on y sent la même sensualité et la même haine du carcan familiale et de ses amours obligés. Le titre du roman est tiré de la chanson Kill your sons de Lou Reed qui fait écho aux expériences homosexuelles du chanteur. Le talent de Guillaume Perilhou est de nous faire pénétrer dans la tête d’un garçon de 14 à ses 17 ans, Guillaume (le même prénom que l’auteur) est le narrateur. Le roman est écrit à la première personne du singulier. Cet adolescent ne va pas bien ou plutôt que l’on fait ne pas aller bien. A l’âge de 14 ans Guillaume est retiré à sa mère qui l’élève seule, mais pas convenablement pour les autorités. Il est placé dans un foyer pour jeunes en difficulté. Puis, suite à quelques extravagances, homosexuel, il aime parfois s’habiller en femme et s’invente une autre identité qu’il appelle Raphaella, transféré dans un hôpital psychiatrique. Nous allons partager les pensées, les désirs et les déboires de cet adolescent et découvrir petit à petit l’engrenage qui l’a conduit dans cette prison qu’est l’H.P. Si Guillaume Perilhou s’en était tenu à l’inspection de l’âme de Guillaume son livre aurait été réussi, à condition qu’il remette sérieusement l’ouvrage sur le métier. Car on a l’impression de lire le premier jet d’un roman avant relecture. Pourtant l’auteur parvient à nous émouvoir et pourtant Guillaume n’est pas toujours aimable. Malheureusement plusieurs incohérences font vaciller l’émotion chez le lecteur. Beaucoup auraient pu être éviter grâce à une datation précise du parcours de l’adolescent; d’une part on aurait ainsi pu mieux mesurer les dégâts causés par l’institution médicale sur le psychisme de Guillaume et surtout cela aurait éviter quelques anachronismes dont l’auteur ainsi aurait pu s’apercevoir facilement et corriger.

Si la datation est floue la situation géographique de l’histoire est précise. Nous sommes à Quimper et ses environs.

A propos d’époque, je suis étonné que l’on puisse aujourd’hui, nous sommes aujourd’hui ou au moins dans les cinq dernières années puisque Macron est cité en tant que président, envoyer aussi facilement un adolescent dans un hôpital psychiatrique alors qu’il ne présente pas vraiment de troubles sinon son hésitation sur son  identité sexuelle et qu’il n’est ni un danger pour autrui ni pour lui-même. Autre étonnement est que l’on fasse subir au malheureux des électrochocs. Je pensais que cette pratique n’était plus d’actualité, mais je suis ignorant  de ce, ici terrifiant de l’H.P.

L’histoire d’amour que Guillaume vit avec Clément un patient de son âge lui aussi reclus dans le même H.P est le plus beau moment du roman: << ceux qui pensent que le coup de foudre n’est pas de l’amour parce qu’on ne connaît pas la personne dont on prétend tomber amoureux eh bien je vous dis Faux ô combien faux il n’y a pas de plus grand amour que l’amour ignorant ». Je pense qu’il aurait fallu mettre cette relation au centre de la narration ce qui aurait structuré l’ensemble.  

Si je salue l’exactitude de la description des tourments de cet adolescent qui m’a fait penser à plusieurs garçons que j’ai pu connaitre, j’ai pu ainsi juger de la pertinence du récit sur ce point, en revanche je déplore que l’auteur ne parvienne pas à rester toujours à hauteur d’adolescence. Perilhou commet la grave bévue  en dotant son héros de références qui sont les siennes mais que le garçon ne peut posséder d’autant que l’auteur lui fait dire  << qu’il s’emmerde en lisant les classiques.>>. Ainsi jamais on voit lire le garçon ce qui ne l’empêche pas par exemple de citer Camus et d’évoquer Matzneff (saluons le courage de Perilhou d’avoir cité ce pestiféré des lettres françaises même si l’on ne voit pas bien ce qu’il vient faire là.). Il me semble qu’il était également inutile d’émailler le livre de réflexions générales qui ne me paraissent pas cadrer avec les préoccupations de Guillaume comme celle-ci: << Quand on fait des gosses on se dit qu'ils seront une version améliorée de nous-mêmes, on ne prévoit pas qu'ils puissent être moins bien et pourtant ça arrive.>>.

Pour résumer je trouve que ce roman au fort potentiel a été mal édité un grand éditeur aurait sans doute demandé à l’auteur de modifier son ouvrage avant de l’éditer et il n’aurait pas probablement doté la couverture d’une photo aussi peu appropriée ni d’un bandeau en contradiction avec la teneur du livre.

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Commentaires
I
C'est amusant j’ai reconnu la photo de couverture ... puisqu’elle est d’Hervé Guibert ! Vérification faite, on la retrouve p114 du catalogue de la MEP : Thierry, la grimace, Santa Caterina, 1982
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